Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises
Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises
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publié le 03 mars 2025 à 14:38

1631 mots

Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises

La rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky a clairement fait comprendre le retour de la pensée America First au sein de la Maison-Blanche. Beaucoup appellent alors à une européanisation des matériels militaires sur le continent européen pour sortir de cette dépendance. La France est concernée car les Forces armées françaises utilisent des matériels développés et pour la plupart, produits aux États-Unis. Heureusement, certaines solutions se développent, avec par exemple le drone Aarok de Turgis & Gaillard.


Armée de l'Air et de l'Espace

L'Armée de l'Air et de l'Espace aligne plusieurs modèles de systèmes américains. Il y a tout d'abord les deux avions de transport tactique C-130J-30 Super Hercules et les avions de transport tactique et ravitailleurs en vol KC-130J Super Hercules, développés et produits par Lockheed Martin. Les différents appareils ont été livrés en France entre 2017 et 2019. Tout d'abord basés à Orléans, ces avions appartiennent désormais à l'Escadron de transport franco-allemand de la base aérienne 105 d’Évreux (Eure, France). Ces quatre appareils français assurent des missions de transport de personnels, de blessés mais aussi de matériels divers vers des zones difficiles d'accès, notamment grâce à une capacité d'atterrissage sur des terrains non préparés. Les deux KC-130J offrent également une capacité de ravitaillement en vol pour les hélicoptères, notamment au profit des Forces spéciales françaises, mais aussi pour des avions de combat.

À propos de ravitaillement, les Forces Aériennes Stratégiques se sont surtout basées sur un ravitailleur : le Stratotanker de Boeing. Alors bien évidemment, le dernier C-135FR avait pris sa retraite à la fin de l'année 2023, juste après une opération Poker des FAS, mais il reste aussi quelques KC-135RG au sein des FAS. Ces avions sont toutefois anciens et sont en cours de remplacement par des ravitailleurs A330 MRTT/Phénix d'Airbus.

Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024).
Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024). © AAE
Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024).

Un autre appareil de Boeing est aussi présent dans la flotte de l'AAE : l'E-3F Sentry. Plus connu sous le terme AWACS, il est officiellement dénommé Système de Détection et de Commandement Aéroporté (SDCA) au sein de l'Armée de l'Air et de l'Espace. Cet avion est à la fois un avion de détection mais aussi un poste de commandement aéroporté. Au nombre de quatre, ils permettent de guider les différents avions de combat d'un raid nucléaire ou conventionnel, de sécuriser l'espace aérien français ou d'un pays allié mais aussi de pouvoir connaitre, à distance, les mouvements aériens d'une nation hostile, comme ce fut le cas récemment lors d'un vol sur la mer Noire. Son principal atout réside dans le rotodôme noir avec une bande blanche, situé au-dessus de son fuselage : il accueille un radar AN/APY-2, capable de détecter des cibles aériennes mais aussi maritimes. Sa portée de détection varie en fonction de l'altitude de la cible détectée, comme expliqué par l'image ci-dessous. Les 4 SDCA sont regroupés sur la base aérienne 702 d'Avord (Cher, France) au sein de la 36ème escadre de commandement et de conduite aéroportés.

Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta.
Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta. © Air&Cosmos, Google Earth, ADS-B
Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta.

Un dernier appareil made in USA est utilisé par l'AAE. Il se différencie des autres avions car il s'agit à la fois d'un système de soutien aéroporté mais aussi un système aérien armé et sans pilote à bord. Il s'agit bien évidemment des 12 drones de Moyenne Altitude et de Longue Endurance (MALE) de l'Escadron de drones 1/33 Belfort. Comme expliqué, leur boule électro-optique permet d'offrir une capacité de renseignement par l'image de haute qualité mais aussi délivrer de l'armement de précision grâce à plusieurs points d'emport sous ses ailes. Les Reaper français ont notamment prouvé leur efficacité au-dessus des larges étendues africaines, grâce à leur endurance (32 heures de vol). Plus récemment encore, ces drones ont été utilisés en appui aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris durant l'été 2024 afin d'offrir une image du sol en temps réelle d'une zone spécifique aux forces déployées au sol (si nécessaire).

Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12.
Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12. © AAE
Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12.

L'Aéronautique navale

Le groupe aérien embarqué du porte-avions Charles de Gaulle (R91, unique navire de sa classe) est composé d'avions de combat Rafale Marine mais aussi d'avions de guet aérien et de commandement E-2C Hawkeye. Cet avion, développé et produit par Northrop Grumman, représente l’œil de l'escadre, grâce à son radar AN/APS 145. Ce dernier, situé au-dessus du fuselage dans un rotodome, offre une couverture radar aéroportée (aérienne et maritime) d'une portée supérieure à plus de 500 kilomètres. Trois de ces appareils sont en service dans l'Aéronautique navale et plus précisément, au sein de la Flottille 4F, sur la Base d'Aéronautique Navale de Lann-Bihoué (Morbihan, France).

Ils seront remplacés par trois E-2D Advanced Hawkeye (AHE), une version modernisée avec un nouveau radar ou encore une possibilité d'être ravitaillé en vol grâce à l'ajout d'une sonde de ravitaillement. Cette dernière permettra d'allonger l'endurance de l'avion et de fait, d'augmenter la détection en avant de l'escadre du porte-avions Charles de Gaulle.

Une histoire de catapulte

À ce propos, le porte-avions Charles de Gaulle est aussi concerné. S'il s'agit bien évidemment d'un fleuron de la technologie navale française, c'est aussi un navire équipé... de deux catapultes à vapeurs C-13 américaines. Cette information avait même fait grand bruit en 2003, lors du refus de la France de soutenir les États-Unis dans leur invasion de l'Irak au Conseil de sécurité des Nations unies. En conséquence, Washington D.C. décida d'interrompre la livraison de pièces détachées : cette décision à elle seule a mis à mal la capacité d'opérer pour le navire amiral de la Marine nationale. Finalement, après des relations outre-Atlantique apaisées, les livraisons reprennent en 2005. Ce scénario pourrait se reproduire pour le Charles de Gaulle... mais aussi pour son successeur ! En effet, le PANG sera équipé des catapultes électromagnétiques EMALS et du système de brins d'arrêt pour l'appontage de General Atomics.

Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter.
Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter. © Marine nationale
Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter.

Même l'Armée de Terre !

Actuellement, l'artillerie terrestre s'appuie sur plusieurs modèles de mortiers et obusiers mais aussi d'une poignée de lance-roquettes multiples. Ces derniers sont dénommés Lance-Roquettes Unitaire ou LRU, mais en réalité, sont des M270 Multiple Launch Rocket System, développés aux États-Unis mais produits en Europe au profit des différents acquéreurs européens. Ils sont utilisés par la France pour tirer 2x 8 roquettes de 227 mm guidées par GPS, avec une portée de 80 kilomètres. Quatre systèmes ont été livrés aux Forces armées ukrainiennes. Un programme, dénommé Frappe Longue Portée - Terrestre (FLP-T), devrait permettre leur remplacement par un système franco-français.

Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir.
Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir. © Armée de Terre
Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir.

Un manque de choix

Dans bien des cas, les systèmes utilisés sont la simple conséquence d'une réalité : il n'existe pas de solution française ou européenne dans de nombreux domaines. L'aéronavale est un exemple criant au niveau OTAN : seuls les États-Unis et la France disposent de porte-avions avec brins d'arrêt et de catapultes. Ainsi, avec un seul et unique porte-avions, certaines technologies furent bien trop coûteuses à développer et produire alors que l'US Navy aligne désormais 11 porte-avions. Mais encore une fois, cet achat permet d'obtenir un système moins couteux et fiable... mais dépendant du bon vouloir de l'hôte de la Maison-Blanche.

D'ailleurs, pour élargir le débat, l'aéronavale est aussi un problème plus généralisé en Europe : les autres porte-avions européens et navires de soutien aux opérations amphibies capables d’accueillir un groupe aérien embarqué composés d'avions utilisent tous des avions de combat à capacité de décollage et atterrissage vertical. Ainsi, le navire requis est plus petit et moins cher à produire car il ne requiert par exemple pas les onéreux systèmes de catapultages et de brins d'arrêts. Mais revers de la médaille, les appareils de ce type sont très peu nombreux. L'Espagne et l'Italie utilisent des AV-8B Harrier de McDonnell Douglas (aujourd'hui Boeing) mais ces avions sont anciens. Seule solution moderne, le F-35B Lightning II de Lockheed Martin, également achetés par le Royaume-Uni pour ses deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth. L'Espagne devrait, sans grande surprise, suivre ce chemin... ou abandonner son groupe aérien embarqué composé d'avions, chose peu probable au vu des tensions géopolitiques actuelles.

Les avions AEW&C sont aussi un domaine de pointe, que ce soit les Sentry ou Hawkeye et Advanced Hawkeye. Il existe en Europe le GlobalEye de Saab, disposant de systèmes modernes, y compris un puissant radar Erieye ER... mais il ne peut être ravitaillé en vol ! Son endurance de 11 heures de vol est impressionnante mais de fait, limite le moindre raid ou en tout cas, le très avantageux appui d'un tel appareil envers un raid conventionnel... ou stratégique de l'Armée de l'Air de l'Air et de l'Espace. Quel avion pour remplacer les E-3F Sentry ? La question est toujours ouverte. Au niveau de l'OTAN, les E-3A Sentry seront remplacés par les E-7A Wedgetail de Boeing.

EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024).
EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024). © Gaétan Powis
EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024).

Une solution dans les drones MALE ?

Mais si dans certains cas, des solutions européennes n'existent pas, d'autres sont développées. C'est notamment le cas au niveau des drones MALE : l'entreprise française Turgis et Gaillard est en train de développer le drone AAROK. À voir quels seront les caractéristiques précises de ce drone mais Turgis et Gaillard annonce déjà une endurance supérieure à 24 heures et une capacité d'emport de munitions supérieure à 1,5 tonne, le tout, avec une boule électro-optique.

Ce projet est d'ailleurs fortement suivi par Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Il a visité l'entreprise le 28 février dernier, soit 11 jours après les premiers essais de roulage au sol du prototype du drone AAROK. La vidéo ci-dessous montre le prototype en question, rouler en complète autonomie, phase d'essai importante avant le premier vol. Certains auront remarqué la présence d'un pilote à bord de cet avion sans pilote. Elle s'explique par le souhait de Turgis et Gaillard de simplifier au maximum les premières étapes du développement du drone car le processus d'obtention des autorisations de vol pour un drone d'une masse maximale au décollage supérieure à 5 tonnes est assez long.

Si la rencontre entre Donald Trump, président des États-Unis, et Volodymyr Zelensky, président ukrainien, signifie très clairement un retour de la pensée America first au sein de la Maison-Blanche, il reste à voir quels seront les futurs investissements en France mais aussi en Europe : est-ce que de futurs programmes vont voir le jour pour fournir une option d'achat indépendante des États-Unis ou est-ce que les achats sur étagères vont continuer ? Les contrats d'achat de matériels militaires du continent européen dans le courant des prochains mois, et mêmes prochaines années, seront donc intéressants à analyser.

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03/03/2025 14:38
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Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises

La rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky a clairement fait comprendre le retour de la pensée America First au sein de la Maison-Blanche. Beaucoup appellent alors à une européanisation des matériels militaires sur le continent européen pour sortir de cette dépendance. La France est concernée car les Forces armées françaises utilisent des matériels développés et pour la plupart, produits aux États-Unis. Heureusement, certaines solutions se développent, avec par exemple le drone Aarok de Turgis & Gaillard.

Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises
Ces systèmes américains en service dans les Forces armées françaises

Armée de l'Air et de l'Espace

L'Armée de l'Air et de l'Espace aligne plusieurs modèles de systèmes américains. Il y a tout d'abord les deux avions de transport tactique C-130J-30 Super Hercules et les avions de transport tactique et ravitailleurs en vol KC-130J Super Hercules, développés et produits par Lockheed Martin. Les différents appareils ont été livrés en France entre 2017 et 2019. Tout d'abord basés à Orléans, ces avions appartiennent désormais à l'Escadron de transport franco-allemand de la base aérienne 105 d’Évreux (Eure, France). Ces quatre appareils français assurent des missions de transport de personnels, de blessés mais aussi de matériels divers vers des zones difficiles d'accès, notamment grâce à une capacité d'atterrissage sur des terrains non préparés. Les deux KC-130J offrent également une capacité de ravitaillement en vol pour les hélicoptères, notamment au profit des Forces spéciales françaises, mais aussi pour des avions de combat.

À propos de ravitaillement, les Forces Aériennes Stratégiques se sont surtout basées sur un ravitailleur : le Stratotanker de Boeing. Alors bien évidemment, le dernier C-135FR avait pris sa retraite à la fin de l'année 2023, juste après une opération Poker des FAS, mais il reste aussi quelques KC-135RG au sein des FAS. Ces avions sont toutefois anciens et sont en cours de remplacement par des ravitailleurs A330 MRTT/Phénix d'Airbus.

Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024).
Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024). © AAE
Ravitaillement en vol d'un hélicoptère de transport moyen H225M Caracal du 1/67 Pyrénées par un KC-130J Super Hercules français (6 mai 2024).

Un autre appareil de Boeing est aussi présent dans la flotte de l'AAE : l'E-3F Sentry. Plus connu sous le terme AWACS, il est officiellement dénommé Système de Détection et de Commandement Aéroporté (SDCA) au sein de l'Armée de l'Air et de l'Espace. Cet avion est à la fois un avion de détection mais aussi un poste de commandement aéroporté. Au nombre de quatre, ils permettent de guider les différents avions de combat d'un raid nucléaire ou conventionnel, de sécuriser l'espace aérien français ou d'un pays allié mais aussi de pouvoir connaitre, à distance, les mouvements aériens d'une nation hostile, comme ce fut le cas récemment lors d'un vol sur la mer Noire. Son principal atout réside dans le rotodôme noir avec une bande blanche, situé au-dessus de son fuselage : il accueille un radar AN/APY-2, capable de détecter des cibles aériennes mais aussi maritimes. Sa portée de détection varie en fonction de l'altitude de la cible détectée, comme expliqué par l'image ci-dessous. Les 4 SDCA sont regroupés sur la base aérienne 702 d'Avord (Cher, France) au sein de la 36ème escadre de commandement et de conduite aéroportés.

Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta.
Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta. © Air&Cosmos, Google Earth, ADS-B
Portée de détection basse (rouge) et plus haute altitude (vert) d'un E-3 Sentry au-dessus de la ville roumaine de Constanta.

Un dernier appareil made in USA est utilisé par l'AAE. Il se différencie des autres avions car il s'agit à la fois d'un système de soutien aéroporté mais aussi un système aérien armé et sans pilote à bord. Il s'agit bien évidemment des 12 drones de Moyenne Altitude et de Longue Endurance (MALE) de l'Escadron de drones 1/33 Belfort. Comme expliqué, leur boule électro-optique permet d'offrir une capacité de renseignement par l'image de haute qualité mais aussi délivrer de l'armement de précision grâce à plusieurs points d'emport sous ses ailes. Les Reaper français ont notamment prouvé leur efficacité au-dessus des larges étendues africaines, grâce à leur endurance (32 heures de vol). Plus récemment encore, ces drones ont été utilisés en appui aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris durant l'été 2024 afin d'offrir une image du sol en temps réelle d'une zone spécifique aux forces déployées au sol (si nécessaire).

Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12.
Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12. © AAE
Drone MQ-9 Reaper français équipé de bombes GBU-12.

L'Aéronautique navale

Le groupe aérien embarqué du porte-avions Charles de Gaulle (R91, unique navire de sa classe) est composé d'avions de combat Rafale Marine mais aussi d'avions de guet aérien et de commandement E-2C Hawkeye. Cet avion, développé et produit par Northrop Grumman, représente l’œil de l'escadre, grâce à son radar AN/APS 145. Ce dernier, situé au-dessus du fuselage dans un rotodome, offre une couverture radar aéroportée (aérienne et maritime) d'une portée supérieure à plus de 500 kilomètres. Trois de ces appareils sont en service dans l'Aéronautique navale et plus précisément, au sein de la Flottille 4F, sur la Base d'Aéronautique Navale de Lann-Bihoué (Morbihan, France).

Ils seront remplacés par trois E-2D Advanced Hawkeye (AHE), une version modernisée avec un nouveau radar ou encore une possibilité d'être ravitaillé en vol grâce à l'ajout d'une sonde de ravitaillement. Cette dernière permettra d'allonger l'endurance de l'avion et de fait, d'augmenter la détection en avant de l'escadre du porte-avions Charles de Gaulle.

Une histoire de catapulte

À ce propos, le porte-avions Charles de Gaulle est aussi concerné. S'il s'agit bien évidemment d'un fleuron de la technologie navale française, c'est aussi un navire équipé... de deux catapultes à vapeurs C-13 américaines. Cette information avait même fait grand bruit en 2003, lors du refus de la France de soutenir les États-Unis dans leur invasion de l'Irak au Conseil de sécurité des Nations unies. En conséquence, Washington D.C. décida d'interrompre la livraison de pièces détachées : cette décision à elle seule a mis à mal la capacité d'opérer pour le navire amiral de la Marine nationale. Finalement, après des relations outre-Atlantique apaisées, les livraisons reprennent en 2005. Ce scénario pourrait se reproduire pour le Charles de Gaulle... mais aussi pour son successeur ! En effet, le PANG sera équipé des catapultes électromagnétiques EMALS et du système de brins d'arrêt pour l'appontage de General Atomics.

Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter.
Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter. © Marine nationale
Un E-2C Hawkeye français quelques instants avant d'apponter.

Même l'Armée de Terre !

Actuellement, l'artillerie terrestre s'appuie sur plusieurs modèles de mortiers et obusiers mais aussi d'une poignée de lance-roquettes multiples. Ces derniers sont dénommés Lance-Roquettes Unitaire ou LRU, mais en réalité, sont des M270 Multiple Launch Rocket System, développés aux États-Unis mais produits en Europe au profit des différents acquéreurs européens. Ils sont utilisés par la France pour tirer 2x 8 roquettes de 227 mm guidées par GPS, avec une portée de 80 kilomètres. Quatre systèmes ont été livrés aux Forces armées ukrainiennes. Un programme, dénommé Frappe Longue Portée - Terrestre (FLP-T), devrait permettre leur remplacement par un système franco-français.

Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir.
Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir. © Armée de Terre
Lance-roquettes unitaire (LRU) M270 de l'Armée de Terre française en position de tir.

Un manque de choix

Dans bien des cas, les systèmes utilisés sont la simple conséquence d'une réalité : il n'existe pas de solution française ou européenne dans de nombreux domaines. L'aéronavale est un exemple criant au niveau OTAN : seuls les États-Unis et la France disposent de porte-avions avec brins d'arrêt et de catapultes. Ainsi, avec un seul et unique porte-avions, certaines technologies furent bien trop coûteuses à développer et produire alors que l'US Navy aligne désormais 11 porte-avions. Mais encore une fois, cet achat permet d'obtenir un système moins couteux et fiable... mais dépendant du bon vouloir de l'hôte de la Maison-Blanche.

D'ailleurs, pour élargir le débat, l'aéronavale est aussi un problème plus généralisé en Europe : les autres porte-avions européens et navires de soutien aux opérations amphibies capables d’accueillir un groupe aérien embarqué composés d'avions utilisent tous des avions de combat à capacité de décollage et atterrissage vertical. Ainsi, le navire requis est plus petit et moins cher à produire car il ne requiert par exemple pas les onéreux systèmes de catapultages et de brins d'arrêts. Mais revers de la médaille, les appareils de ce type sont très peu nombreux. L'Espagne et l'Italie utilisent des AV-8B Harrier de McDonnell Douglas (aujourd'hui Boeing) mais ces avions sont anciens. Seule solution moderne, le F-35B Lightning II de Lockheed Martin, également achetés par le Royaume-Uni pour ses deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth. L'Espagne devrait, sans grande surprise, suivre ce chemin... ou abandonner son groupe aérien embarqué composé d'avions, chose peu probable au vu des tensions géopolitiques actuelles.

Les avions AEW&C sont aussi un domaine de pointe, que ce soit les Sentry ou Hawkeye et Advanced Hawkeye. Il existe en Europe le GlobalEye de Saab, disposant de systèmes modernes, y compris un puissant radar Erieye ER... mais il ne peut être ravitaillé en vol ! Son endurance de 11 heures de vol est impressionnante mais de fait, limite le moindre raid ou en tout cas, le très avantageux appui d'un tel appareil envers un raid conventionnel... ou stratégique de l'Armée de l'Air de l'Air et de l'Espace. Quel avion pour remplacer les E-3F Sentry ? La question est toujours ouverte. Au niveau de l'OTAN, les E-3A Sentry seront remplacés par les E-7A Wedgetail de Boeing.

EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024).
EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024). © Gaétan Powis
EAV-8B Matador de l'Aéronavale espagnole lors d'une démonstration de vol sur place à 360° à RIAT (20 juillet 2024).

Une solution dans les drones MALE ?

Mais si dans certains cas, des solutions européennes n'existent pas, d'autres sont développées. C'est notamment le cas au niveau des drones MALE : l'entreprise française Turgis et Gaillard est en train de développer le drone AAROK. À voir quels seront les caractéristiques précises de ce drone mais Turgis et Gaillard annonce déjà une endurance supérieure à 24 heures et une capacité d'emport de munitions supérieure à 1,5 tonne, le tout, avec une boule électro-optique.

Ce projet est d'ailleurs fortement suivi par Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Il a visité l'entreprise le 28 février dernier, soit 11 jours après les premiers essais de roulage au sol du prototype du drone AAROK. La vidéo ci-dessous montre le prototype en question, rouler en complète autonomie, phase d'essai importante avant le premier vol. Certains auront remarqué la présence d'un pilote à bord de cet avion sans pilote. Elle s'explique par le souhait de Turgis et Gaillard de simplifier au maximum les premières étapes du développement du drone car le processus d'obtention des autorisations de vol pour un drone d'une masse maximale au décollage supérieure à 5 tonnes est assez long.

Si la rencontre entre Donald Trump, président des États-Unis, et Volodymyr Zelensky, président ukrainien, signifie très clairement un retour de la pensée America first au sein de la Maison-Blanche, il reste à voir quels seront les futurs investissements en France mais aussi en Europe : est-ce que de futurs programmes vont voir le jour pour fournir une option d'achat indépendante des États-Unis ou est-ce que les achats sur étagères vont continuer ? Les contrats d'achat de matériels militaires du continent européen dans le courant des prochains mois, et mêmes prochaines années, seront donc intéressants à analyser.



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