Pas de nouveau moteur pour les F-35
Pas de nouveau moteur pour les F-35
© Pratt & Whitney

publié le 15 mars 2023 à 13:15

774 mots

Pas de nouveau moteur pour les F-35

Après plusieurs hésitations, le Pentagone a décidé que les trois versions du F-35 Lightning II n'intégreront pas un nouveau moteur. Le F135 de Pratt & Whitney avait montré plusieurs faiblesses, obligeant les Forces armées américaines à lancer le programme AETP pour détenir un nouveau moteur. L'annulation de l'AETP verra alors les F-35 Block 4 intégrer un F135 amélioré par Pratt & Whitney.


Le F135 sera modernisé

Ce 10 mars au Pentagone, durant le briefing de la proposition de budget de l'US Air Force (USAF), Frank Kendall, Secrétaire de l'USAF, a annoncé l'abandon de l'Adaptative Engine Technology Program (AETP) : "Nous avions besoin de quelque chose d'abordable [financièrement] et qui prendrait en charge toutes les variantes." Ce programme devait remplacer les moteurs F135 des trois variantes de l'avion de combat F-35A/B/C Lightning II. Deux entreprises étaient en course sur ce programme lancé en 2016 :

  • General Electric Aerospace avec son moteur XA100
  • Pratt & Whitney avec son moteur XA101

De manière générale, ces deux moteurs auraient alors permis une économie de 30% de consommation de kérosène, une augmentation de poussée supérieure à 10% par rapport au moteur F135 actuellement installé sur les F-35 mais aussi un meilleur refroidissement du moteur. Si cette solution semblait intéressante techniquement, elle l'était beaucoup moins structurellement : les nouveaux moteurs intègrent trois flux d'air afin d'améliorer au mieux les capacités du moteur. Conséquence de cette innovation, ces moteurs adaptatifs disposent d'un diamètre légèrement plus grand que les moteurs F135. S'ils pouvaient facilement entrer dans la structure d'un F-35A, plus difficilement dans un F-35C, la tâche semblait complexe voire impossible pour les F-35B, où l'espace était très restreint (sans devoir modifié profondément l'avion). General Electric avait annoncé des développements afin d'intégrer plus facilement son XA100 dans le F-35B mais Pratt Whitney avait clairement fait savoir que son XA101 ne pourra finalement pas être intégré dans la version B du Lightning II.

Les sommes investies par les deux industriels ne sont pas totalement perdues puisque ces derniers ont clairement fait savoir qu'ils tournaient désormais leurs moteurs vers le futur avion de combat de sixième génération de l'USAF (Next Generation Air Dominance platform, NGAP). Par ailleurs, la décision n'est pas définitive : le Congrès pourrait obliger l'USAF de revenir sur ça décision.

Un moteur problématique

Cette annonce est positive pour Pratt & Whitney car cela signifie que la totalité des moteurs F135 ne seront pas "remplacés" mais bien améliorés, via le programme Engine Core Upgrade (ECU), écartant ainsi General Electric de la remotorisation du Lightning II. Le F135 modernisé devrait permettre une augmentation de la puissance du moteur ainsi que ses capacités de refroidissement et devrait être installé sur les F-35 Block 4 (caractéristiques encore classées). Il n'empêche, ce moteur est à la base de nombreux problèmes du F-35.

Il y a déjà les nombreux problèmes directs et indirects concernant la maintenance. Par exemple, les installations de maintenance moteurs aux États-Unis n'ont pas la capacité de suivre le flux d'appareil devant être entretenus. Un rapport du GAO (GAO-22-105995, p. 14) a clairement démontré qu'en janvier 2020, 2 F-35 étaient sans moteurs opérationnels pour finalement passer à 36 en février 2022, avec une tendance de 30 à 40 avions entre juillet 2021 et février 2022. La chaine logistique est aussi en cause car elle ne semble pas assez bien adaptée, des pièces de rechange ne sont pas fiables,... et le GAO a également porté son attention sur le fait que le nombre de moteur de rechange opérationnels commençait à fortement diminuer (GAO-22-105995, p. 17-18). Résultat, en septembre 2021, la maintenance moyenne d'un F-35 était de 131 jours, contre 30 prévus au départ (GAO-22-105995, p. 9). D'autre informations du GAO sont disponibles dans cet article résumant les problèmes du F-35 (près de 42.000$/heure de vol) mais aussi les coûts d'autres appareils des Forces armées américaines dans cet article.

Le moteur est aussi malchanceux : le 19 août dernier, une agence de régulation du Département de la Défense avait identifié un alliage d'origine chinoise sur des pièces du moteur F135. En dehors de quelques exceptions, le Defense Federal Acquisition Regulations Supplement interdit l'achat de matériels et composants provenant de plusieurs pays, en ce compris de Chine. La production de F-35 avait donc été mise en pause temporairement (article sur le sujet). Malchanceux également au vu de ses capacités par rapport à des avions qu'il doit remplacer. Le F-35 doit par exemple permettre la mise à la retraite des vénérables A-10 Thunderbolt II mais la sous-motorisation du F-35 fait que ce dernier n'est pas aussi stable en faible vitesse lors de mission de close-air-support à basse altitude, comparé au A-10. Cela n'arrête toutefois pas le Pentagone de proposer à nouveau la fin du Thunderbolt II (plus d'infos ici). Cette décision est d'autant plus surprenante que les Thunderbolt II ont récemment terminé une amélioration générale de leurs capacités offensives (détails dans cet article) et le programme de remplacement des ailes récemment lancé comptait déjà 3 appareils rééquipés en octobre 2022 (article).

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15/03/2023 13:15
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Pas de nouveau moteur pour les F-35

Après plusieurs hésitations, le Pentagone a décidé que les trois versions du F-35 Lightning II n'intégreront pas un nouveau moteur. Le F135 de Pratt & Whitney avait montré plusieurs faiblesses, obligeant les Forces armées américaines à lancer le programme AETP pour détenir un nouveau moteur. L'annulation de l'AETP verra alors les F-35 Block 4 intégrer un F135 amélioré par Pratt & Whitney.

Pas de nouveau moteur pour les F-35
Pas de nouveau moteur pour les F-35

Le F135 sera modernisé

Ce 10 mars au Pentagone, durant le briefing de la proposition de budget de l'US Air Force (USAF), Frank Kendall, Secrétaire de l'USAF, a annoncé l'abandon de l'Adaptative Engine Technology Program (AETP) : "Nous avions besoin de quelque chose d'abordable [financièrement] et qui prendrait en charge toutes les variantes." Ce programme devait remplacer les moteurs F135 des trois variantes de l'avion de combat F-35A/B/C Lightning II. Deux entreprises étaient en course sur ce programme lancé en 2016 :

  • General Electric Aerospace avec son moteur XA100
  • Pratt & Whitney avec son moteur XA101

De manière générale, ces deux moteurs auraient alors permis une économie de 30% de consommation de kérosène, une augmentation de poussée supérieure à 10% par rapport au moteur F135 actuellement installé sur les F-35 mais aussi un meilleur refroidissement du moteur. Si cette solution semblait intéressante techniquement, elle l'était beaucoup moins structurellement : les nouveaux moteurs intègrent trois flux d'air afin d'améliorer au mieux les capacités du moteur. Conséquence de cette innovation, ces moteurs adaptatifs disposent d'un diamètre légèrement plus grand que les moteurs F135. S'ils pouvaient facilement entrer dans la structure d'un F-35A, plus difficilement dans un F-35C, la tâche semblait complexe voire impossible pour les F-35B, où l'espace était très restreint (sans devoir modifié profondément l'avion). General Electric avait annoncé des développements afin d'intégrer plus facilement son XA100 dans le F-35B mais Pratt Whitney avait clairement fait savoir que son XA101 ne pourra finalement pas être intégré dans la version B du Lightning II.

Les sommes investies par les deux industriels ne sont pas totalement perdues puisque ces derniers ont clairement fait savoir qu'ils tournaient désormais leurs moteurs vers le futur avion de combat de sixième génération de l'USAF (Next Generation Air Dominance platform, NGAP). Par ailleurs, la décision n'est pas définitive : le Congrès pourrait obliger l'USAF de revenir sur ça décision.

Un moteur problématique

Cette annonce est positive pour Pratt & Whitney car cela signifie que la totalité des moteurs F135 ne seront pas "remplacés" mais bien améliorés, via le programme Engine Core Upgrade (ECU), écartant ainsi General Electric de la remotorisation du Lightning II. Le F135 modernisé devrait permettre une augmentation de la puissance du moteur ainsi que ses capacités de refroidissement et devrait être installé sur les F-35 Block 4 (caractéristiques encore classées). Il n'empêche, ce moteur est à la base de nombreux problèmes du F-35.

Il y a déjà les nombreux problèmes directs et indirects concernant la maintenance. Par exemple, les installations de maintenance moteurs aux États-Unis n'ont pas la capacité de suivre le flux d'appareil devant être entretenus. Un rapport du GAO (GAO-22-105995, p. 14) a clairement démontré qu'en janvier 2020, 2 F-35 étaient sans moteurs opérationnels pour finalement passer à 36 en février 2022, avec une tendance de 30 à 40 avions entre juillet 2021 et février 2022. La chaine logistique est aussi en cause car elle ne semble pas assez bien adaptée, des pièces de rechange ne sont pas fiables,... et le GAO a également porté son attention sur le fait que le nombre de moteur de rechange opérationnels commençait à fortement diminuer (GAO-22-105995, p. 17-18). Résultat, en septembre 2021, la maintenance moyenne d'un F-35 était de 131 jours, contre 30 prévus au départ (GAO-22-105995, p. 9). D'autre informations du GAO sont disponibles dans cet article résumant les problèmes du F-35 (près de 42.000$/heure de vol) mais aussi les coûts d'autres appareils des Forces armées américaines dans cet article.

Le moteur est aussi malchanceux : le 19 août dernier, une agence de régulation du Département de la Défense avait identifié un alliage d'origine chinoise sur des pièces du moteur F135. En dehors de quelques exceptions, le Defense Federal Acquisition Regulations Supplement interdit l'achat de matériels et composants provenant de plusieurs pays, en ce compris de Chine. La production de F-35 avait donc été mise en pause temporairement (article sur le sujet). Malchanceux également au vu de ses capacités par rapport à des avions qu'il doit remplacer. Le F-35 doit par exemple permettre la mise à la retraite des vénérables A-10 Thunderbolt II mais la sous-motorisation du F-35 fait que ce dernier n'est pas aussi stable en faible vitesse lors de mission de close-air-support à basse altitude, comparé au A-10. Cela n'arrête toutefois pas le Pentagone de proposer à nouveau la fin du Thunderbolt II (plus d'infos ici). Cette décision est d'autant plus surprenante que les Thunderbolt II ont récemment terminé une amélioration générale de leurs capacités offensives (détails dans cet article) et le programme de remplacement des ailes récemment lancé comptait déjà 3 appareils rééquipés en octobre 2022 (article).



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