Depuis 59 ans, 12 C-135F assurent la projection des Forces Aériennes Stratégiques, des avions de combat conventionnels français et alliés lors des opérations de combat importantes ou encore au transport de cargo vers les bases françaises lointaines. Mais avant de baisser le rideau, le dernier C-135FR a participé une dernière fois à la mission pour laquelle il était avant tout conçu, à savoir le quatrième et dernier exercice des FAS : Poker 2023-4.
Dans les années 1960, la France recherche un avion de ravitaillement pour ses tous nouveaux bombardiers stratégiques Mirage IV, dans une période où l'indépendance stratégique nationale est devenu la priorité du président français de l'époque : Charles de Gaulle. Contre toute attente - et même toute logique d'indépendance stratégique - le choix ne se porte pas sur une solution française (malgré des projets existants) mais bel et bien sur l'avion de transport C-135 Stratolifter américain. Boeing développe ainsi une variante spécifique pour répondre aux besoins de la France : le C-135F voit le jour. Il se distingue du C-135A de transport comme étant un "ravitailleur" mais il diffère aussi du ravitailleur KC-135 Stratotanker sur deux points : la partie supérieure de la soute n'est pas utilisée pour stocker du kérosène et est donc repensée. Boeing ajoute alors un plancher métallique renforcé permettant le transport de 9 palettes de 3,6 tonnes, de 102 passagers ou encore de 40 blessés en configuration EVASAN. Deuxième différence, assez pénalisante lors du démarrage de l'appareil : le C-135F ne dispose pas d'APU.
Au total, 12 appareils sont commandés et le 5 février 1964, le premier C-135F (63-8471) atterrit pour la première fois à sur la base aérienne 125 Istres-Le Tubé (Bouches-du-Rhône). Petit à petit, les C-135F vont, en plus d'assurer une permanence stratégique, être utilisés pour le transport logistique longue distance mais aussi ravitailler de nombreux appareils de l'Armée de l'Air et de l'Espace et des appareils alliés.
En 1972, deux appareils sont à Hao (Polynésie, France) afin de soutenir les unités déployées dans le Pacifique pour les essais nucléaires français. Le 30 juin, le C-135F n° 473 décolle pour une mission de reconnaissance météo. Cependant, l'avion vient à peine de décoller que des problèmes de puissance sur ces quatre moteurs apparaissent. L'appareil revient immédiatement sur un circuit retour mais, dans son dernier virage, s'écrase en mer, tuant les 4 membres d'équipages et les deux spécialistes météos présents à bord.
Il ne fallut même pas attendre le début de l'enquête pour apercevoir les causes de l'accident : quelques jours plus tard, le second C-135F démarre ses moteurs... qui sont tous défectueux ! L'avion est immédiatement cloué au sol. L'enquête démontra que l'air salin du Pacifique a causé une corrosion importante sur de nombreux composants des réacteurs, expliquant la perte de puissance du n° 473 et les problèmes moteurs du second C-135F. Ce dernier a du attendre la livraison de quatre nouveaux moteurs avant de pouvoir à nouveau voler. Il est finalement décidé d'assurer un entretien plus précis des C-135F en environnement salin, en ce compris, le lessivage systématique des moteurs.
À propos de moteurs, entre 1985 et 1989, les moteurs J57-P-59W sont remplacés par des F-108/CFM-56, ajoutant un gain de puissance de 60 %. Cette modification aux États-Unis permis aussi un entretien poussé, le renforcement des ailes, l'ajout d'un APU ou encore la modernisation du cockpit. Les désormais 11 C-135F deviennent alors des C-135FR. Les modifications continuent en 1993, par l'ajout d'un pod de ravitaillement souple à l'extrémité de chaque aile et le remplacement des pompes à kérosène par des pompes plus puissantes. Dès lors, chaque C-135FR peut ravitailler un avion via sa perche de ravitaillement ou deux avions en même temps via les pods. Le changement des pompes permet le ravitaillement en vol d'appareils de grande tailles, tels que les avions de guet aérien avancé et de commandement (AEW&C) E-3F Sentry, tout juste entrés en service en 1992 au sein de l'AAE.
Malgré ces divers changements, les C-135FR vieillissent et l'Armée de l'Air et de l'Espace décide d'acheter, en 1994, trois KC-135 Stratotanker auprès de l'US Air Force. Ces trois appareils de seconde-main seront modernisés aux standards KC-135R avant leur livraison en 1997 et 1998. Cependant, cet achat n'est qu'une solution temporaire : il faut attendre l'arrivée en nombre d'un nouvel avion ravitailleur. Le 27 septembre 2018, ce changement se concrétise sous l'arrivée du tout premier A330 MRTT/Phénix. Le 6 octobre 2020, un premier C-135FR est retiré du service, après avoir cumulé pas moins de 36.000 heures de vol.
Les mises à la retraite successives suivront ensuite mais à la seule et unique condition qu'aucun trou capacitaire ne soit créé. Dès lors, pour retirer un C-135FR, il faut un nouvel A330 Phénix en service pour le remplacer. Le 12ème Phénix arrive en France le 20 septembre 2023, permettant la mise à la retraite définitive du C-135FR pour la fin de cette même année. À noter que la fin du C-135FR ne signifie pas la fin des ravitailleurs de Boeing au sein de l'Armée de l'Air et de l'Espace. Les trois KC-135RG Stratotanker devraient voler jusqu'en 2025 en attendant leur remplacement par d'autres A330 Phénix.
Dans la nuit du 13 au 14 décembre, l'Armée de l'Air et de l'Espace a organisé son quatrième et dernier exercice Poker de l'année 2023. Ce dernier a pour but d'entrainer en conditions réelles l'Armée de l'Air et de l'Espace, et tout particulièrement sa composante stratégique, les Forces Aériennes Stratégiques (FAS). L'objectif est de simuler un raid nucléaire au-dessus de l'espace aérien de l'Hexagone en trois phases* :
Bien évidemment, des appareils de l'AAE escortent les Rafale des FAS afin de supprimer la menace ennemie, notamment représentée par d'autres avions de l'AAE.
Cet exercice est visible sur les sites de live tracking car les ravitailleurs et Sentry sont généralement visibles durant leur vol ou du moins plusieurs parties de leur vol. C'était le cas pour le C-135FR n° 707, qui a décollé depuis Mont-de-Marsan pour rejoindre le regroupement sur l'Occitanie. Le ravitailleur s'est ensuite dirigé vers une seconde zone de ravitaillement à l'est de Dijon (Côte-d'Or, France). Peu après 01h52, le C-135FR se posait à Istres-le-Tubé, clôturant la dernière participation du C-135FR à un exercice Poker.
*Comme démontré par l'image et la publication sur X (ex-Twitter), l'exercice Poker 2023-4 apparait comme réduit par rapport aux précédents Poker, avec l'absence des deux premières phases. Il semblerait que le regroupement ait été effectué au-dessus de l'Occitanie et que la seconde phase ait été réduite.
La fin de service a été actée lors d'une cérémonie sur la base aérienne d'Istres. L'Armée de l'Air et de l'Espace se séparait ainsi de son plus vieux modèle d'avion : le C-135F cumule alors 59 ans de service dans les Forces. Pour l'occasion, aviateurs, anciens et autres nostalgiques étaient rassemblés pour un dernier hommage à ce qui fut le tout premier avion ravitailleur des FAS. En plus du rôle important de ravitailler les Mirage IV, Mirage 2000N et Rafale des FAS, ces avions auront participé au soutien à la posture permanente de sûreté-air (PPSA). Cette mission de soutien avait comme objectif d'offrir une solution de ravitaillement en vol en fonction des besoins des avions de combat ayant décollé en alerte. Ils ont également permis le ravitaillement des appareils français et alliés lors de toutes les opérations de combat importantes durant ses 59 années de services sous la cocarde françaises. On peut citer les opérations Bouclier du désert et Tempête du Désert, ravitaillant au passage des Mirage F1 français. Plus récemment, il y a également le raid du 14 avril 2018 sur les installations chimiques syriennes ou encore les opérations de renforcement de la présence de l'OTAN depuis février 2022, en ravitaillant des avions de combat français et alliés patrouillant sur la frontière est de l'OTAN.
Depuis 59 ans, 12 C-135F assurent la projection des Forces Aériennes Stratégiques, des avions de combat conventionnels français et alliés lors des opérations de combat importantes ou encore au transport de cargo vers les bases françaises lointaines. Mais avant de baisser le rideau, le dernier C-135FR a participé une dernière fois à la mission pour laquelle il était avant tout conçu, à savoir le quatrième et dernier exercice des FAS : Poker 2023-4.
Dans les années 1960, la France recherche un avion de ravitaillement pour ses tous nouveaux bombardiers stratégiques Mirage IV, dans une période où l'indépendance stratégique nationale est devenu la priorité du président français de l'époque : Charles de Gaulle. Contre toute attente - et même toute logique d'indépendance stratégique - le choix ne se porte pas sur une solution française (malgré des projets existants) mais bel et bien sur l'avion de transport C-135 Stratolifter américain. Boeing développe ainsi une variante spécifique pour répondre aux besoins de la France : le C-135F voit le jour. Il se distingue du C-135A de transport comme étant un "ravitailleur" mais il diffère aussi du ravitailleur KC-135 Stratotanker sur deux points : la partie supérieure de la soute n'est pas utilisée pour stocker du kérosène et est donc repensée. Boeing ajoute alors un plancher métallique renforcé permettant le transport de 9 palettes de 3,6 tonnes, de 102 passagers ou encore de 40 blessés en configuration EVASAN. Deuxième différence, assez pénalisante lors du démarrage de l'appareil : le C-135F ne dispose pas d'APU.
Au total, 12 appareils sont commandés et le 5 février 1964, le premier C-135F (63-8471) atterrit pour la première fois à sur la base aérienne 125 Istres-Le Tubé (Bouches-du-Rhône). Petit à petit, les C-135F vont, en plus d'assurer une permanence stratégique, être utilisés pour le transport logistique longue distance mais aussi ravitailler de nombreux appareils de l'Armée de l'Air et de l'Espace et des appareils alliés.
En 1972, deux appareils sont à Hao (Polynésie, France) afin de soutenir les unités déployées dans le Pacifique pour les essais nucléaires français. Le 30 juin, le C-135F n° 473 décolle pour une mission de reconnaissance météo. Cependant, l'avion vient à peine de décoller que des problèmes de puissance sur ces quatre moteurs apparaissent. L'appareil revient immédiatement sur un circuit retour mais, dans son dernier virage, s'écrase en mer, tuant les 4 membres d'équipages et les deux spécialistes météos présents à bord.
Il ne fallut même pas attendre le début de l'enquête pour apercevoir les causes de l'accident : quelques jours plus tard, le second C-135F démarre ses moteurs... qui sont tous défectueux ! L'avion est immédiatement cloué au sol. L'enquête démontra que l'air salin du Pacifique a causé une corrosion importante sur de nombreux composants des réacteurs, expliquant la perte de puissance du n° 473 et les problèmes moteurs du second C-135F. Ce dernier a du attendre la livraison de quatre nouveaux moteurs avant de pouvoir à nouveau voler. Il est finalement décidé d'assurer un entretien plus précis des C-135F en environnement salin, en ce compris, le lessivage systématique des moteurs.
À propos de moteurs, entre 1985 et 1989, les moteurs J57-P-59W sont remplacés par des F-108/CFM-56, ajoutant un gain de puissance de 60 %. Cette modification aux États-Unis permis aussi un entretien poussé, le renforcement des ailes, l'ajout d'un APU ou encore la modernisation du cockpit. Les désormais 11 C-135F deviennent alors des C-135FR. Les modifications continuent en 1993, par l'ajout d'un pod de ravitaillement souple à l'extrémité de chaque aile et le remplacement des pompes à kérosène par des pompes plus puissantes. Dès lors, chaque C-135FR peut ravitailler un avion via sa perche de ravitaillement ou deux avions en même temps via les pods. Le changement des pompes permet le ravitaillement en vol d'appareils de grande tailles, tels que les avions de guet aérien avancé et de commandement (AEW&C) E-3F Sentry, tout juste entrés en service en 1992 au sein de l'AAE.
Malgré ces divers changements, les C-135FR vieillissent et l'Armée de l'Air et de l'Espace décide d'acheter, en 1994, trois KC-135 Stratotanker auprès de l'US Air Force. Ces trois appareils de seconde-main seront modernisés aux standards KC-135R avant leur livraison en 1997 et 1998. Cependant, cet achat n'est qu'une solution temporaire : il faut attendre l'arrivée en nombre d'un nouvel avion ravitailleur. Le 27 septembre 2018, ce changement se concrétise sous l'arrivée du tout premier A330 MRTT/Phénix. Le 6 octobre 2020, un premier C-135FR est retiré du service, après avoir cumulé pas moins de 36.000 heures de vol.
Les mises à la retraite successives suivront ensuite mais à la seule et unique condition qu'aucun trou capacitaire ne soit créé. Dès lors, pour retirer un C-135FR, il faut un nouvel A330 Phénix en service pour le remplacer. Le 12ème Phénix arrive en France le 20 septembre 2023, permettant la mise à la retraite définitive du C-135FR pour la fin de cette même année. À noter que la fin du C-135FR ne signifie pas la fin des ravitailleurs de Boeing au sein de l'Armée de l'Air et de l'Espace. Les trois KC-135RG Stratotanker devraient voler jusqu'en 2025 en attendant leur remplacement par d'autres A330 Phénix.
Dans la nuit du 13 au 14 décembre, l'Armée de l'Air et de l'Espace a organisé son quatrième et dernier exercice Poker de l'année 2023. Ce dernier a pour but d'entrainer en conditions réelles l'Armée de l'Air et de l'Espace, et tout particulièrement sa composante stratégique, les Forces Aériennes Stratégiques (FAS). L'objectif est de simuler un raid nucléaire au-dessus de l'espace aérien de l'Hexagone en trois phases* :
Bien évidemment, des appareils de l'AAE escortent les Rafale des FAS afin de supprimer la menace ennemie, notamment représentée par d'autres avions de l'AAE.
Cet exercice est visible sur les sites de live tracking car les ravitailleurs et Sentry sont généralement visibles durant leur vol ou du moins plusieurs parties de leur vol. C'était le cas pour le C-135FR n° 707, qui a décollé depuis Mont-de-Marsan pour rejoindre le regroupement sur l'Occitanie. Le ravitailleur s'est ensuite dirigé vers une seconde zone de ravitaillement à l'est de Dijon (Côte-d'Or, France). Peu après 01h52, le C-135FR se posait à Istres-le-Tubé, clôturant la dernière participation du C-135FR à un exercice Poker.
*Comme démontré par l'image et la publication sur X (ex-Twitter), l'exercice Poker 2023-4 apparait comme réduit par rapport aux précédents Poker, avec l'absence des deux premières phases. Il semblerait que le regroupement ait été effectué au-dessus de l'Occitanie et que la seconde phase ait été réduite.
La fin de service a été actée lors d'une cérémonie sur la base aérienne d'Istres. L'Armée de l'Air et de l'Espace se séparait ainsi de son plus vieux modèle d'avion : le C-135F cumule alors 59 ans de service dans les Forces. Pour l'occasion, aviateurs, anciens et autres nostalgiques étaient rassemblés pour un dernier hommage à ce qui fut le tout premier avion ravitailleur des FAS. En plus du rôle important de ravitailler les Mirage IV, Mirage 2000N et Rafale des FAS, ces avions auront participé au soutien à la posture permanente de sûreté-air (PPSA). Cette mission de soutien avait comme objectif d'offrir une solution de ravitaillement en vol en fonction des besoins des avions de combat ayant décollé en alerte. Ils ont également permis le ravitaillement des appareils français et alliés lors de toutes les opérations de combat importantes durant ses 59 années de services sous la cocarde françaises. On peut citer les opérations Bouclier du désert et Tempête du Désert, ravitaillant au passage des Mirage F1 français. Plus récemment, il y a également le raid du 14 avril 2018 sur les installations chimiques syriennes ou encore les opérations de renforcement de la présence de l'OTAN depuis février 2022, en ravitaillant des avions de combat français et alliés patrouillant sur la frontière est de l'OTAN.
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