Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?
Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?
© Air&Cosmos, Coaspire, Zone 5

publié le 25 août 2025 à 18:00

2011 mots

Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?

La Force aérienne ukrainienne devrait recevoir prochainement de nombreux missiles de croisière low cost américains ERAM. Ce missile a spécialement été développé pour l’Ukraine, avec un coût de production faible, une très longue portée et est spécifiquement développé pour être emporté par les avions de combat ukrainiens. Deux entreprises sont en lice pour ce programme américain. L’efficacité de l’ERAM en Ukraine est prometteuse mais dépendra de nombreux facteurs, y compris des facteurs décisionnels en provenance du Pentagone.


Munitions longue portée

Un prochain envoi important d'armes américaines totalement inattendu a été annoncé dans un article du Wall Street Journal, publié ce samedi 23 août. Ce nouveau package, dont la somme est estimée à 850 millions de dollars, comprendrait notamment 3 350 missiles air-sol Extended Range Attack Munition (ERAM). Comme expliqué dans la citation (ci-après) de l'article du Wall Street Journal, ces missiles sont attendus dans environs six semaines. À noter qu'il ne s'agit pas d'un don des États-Unis à l'Ukraine mais bel et bien une vente d'armes, financée en partie par des pays européens.

"Cette semaine, l'administration [Trump] a approuvé la vente de 3 350 missiles air-sol Extended Range Attack Munition, ou ERAM, qui sont prévues pour arriver en Ukraine dans environs six semaines, ont déclaré deux responsables américains. Ce package d'armes de 850 millions de dollars, principalement financé par les nations européennes et qui comprend d'autres armes, avait été retardé jusqu'après les sommets de Trump avec Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky."

Ce missile est très récent et a même été développé très rapidement, sa phase de développement ayant seulement débuté le 30 janvier 2024 ! Les informations spécifiques à ce dernier sont donc difficiles à obtenir... mais c'est sans compter sur les capacités demandées par l'US Air Force aux industriels souhaitant participer à ce développement.

Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas).
Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas). © Air&Cosmos, Coaspire, Zone 5
Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas).

Avant de rentrer dans de plus amples détails, il faut rappeler que l’acronyme ERAM est déjà utilisé pour de nombreux systèmes, agences, développements,... mais aussi une munition opérationnelle actuellement ! Il s'agit du missile antiaérien SM-6 ou RIM-174 Standard Extended Range Active Missile... soit le RIM-174 ERAM ! Dans ce cas-ci, l'Ukraine ne va absolument pas recevoir ce missile antiaérien mais bel et bien le missile de croisière air-sol longue portée Extended Range Attack Munition ou ERAM.

Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014).
Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014). © US Navy
Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014).

Historique des capacités connues

Ainsi, à partir du 30 janvier 2024, les différents industriels pouvaient répondre à un projet de développement (lien) d'une munition dite Extended Range Attack Munition dont les capacités minimales attendues par l'US Air Force étaient les suivantes :

  • munition de la classe des 500 livres (226,8 kg),
  • emport d'une charge à effet d'explosion/ de fragmentation / et de pénétration limitée,
  • options de fusées variables,
  • portée supérieure ou égale à 250 milles nautiques (463 kilomètres),
  • vitesse supérieure ou égale à Mach 0,6 (740,88 km/h),
  • système de navigation capable d'opérer dans un environnement GPS dégradé,
  • précision sur la cible avec un CEP 50 dans 10 mètres (soit à minima 50 % des ERAM tirées attendues dans un rayon maximal de 10 mètres autour de la cible) dans des environnements avec ou sans interférence électromagnétique (y compris avec un signal GPS dégradé),
  • obligation de pouvoir produire plus de 1000 unités complètes 24 mois après l'attribution du contrat.

Le 10 juillet 2024, un nouveau document concernant l'ERAM était publié avec de nombreuses informations supplémentaires. Le paragraphe d'introduction annonce par exemple que l'ERAM est spécifiquement développé au profit de l'Ukraine et devra être utilisé par les avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum ukrainiens :

"Cette Requête Pour Proposition (RFP), dénommée ERAM, cherche à procurer les phases initiales d'une nouvelle arme, dénommée ERAM, lancée par un avion. Cette munition est essentielle pour accélérer la capacité de l'Ukraine à répondre aux besoins des combattants de manière efficace et efficiente et fournit une arme de masse abordable pouvant être produite à grande échelle. [...] Cet ERAM devrait aider à résoudre à la fois un manque critique de munitions et une capacité critique à frapper systématiquement des cibles situées hors des portées des actuels GMLRS/SDB/et JDAM-ER. Les avions de base pour l'ERAM seront les Su-27 et les MiG-29."

Ce document rappelle également les capacités minimales attendues et déjà annoncées le 30 janvier mais avec quelques précisions supplémentaires ou encore modifications :

  • La capacité de frappe terminale s'effectuera avec un angle à l'impact compris entre 45 et 85 degrés.
  • La précision à l'impact (CEP 50) est calculée pour des cibles statiques.
  • Le coût à l'unité sera de 225 000 dollars et ce, pour une commande de production de 1 000 ERAM.
  • La vitesse de croisière a été augmentée à une vitesse supérieure ou égale à Mach 0,7 (864,36 km/h).
  • Le missile devra être capable de voler à une altitude de croisière de 25 000 pieds (7 620 mètres d'altitude).
  • Le missile fait toujours partie de la classe des 500 livres (226,8 kg) mais avec une ogive d'un minimum de 100 livres (45,36 kg).
  • Il n'y a plus aucune mention d'une capacité de pénétration au niveau de la charge, uniquement des effets de souffle et de fragmentation.
  • La capacité d'emport sous un appareil sera de 50 heures (sans démontage) avec un vol à une vitesse inférieure ou égale à Mach 0,9 (1 111,32 km/h) tout en étant capable d'être larguée après ce délais.
  • Pour le vol en très basse altitude, le seuil requis est d'une altitude au-dessus du sol inférieure ou égale à 1 000 pieds (304,8 mètres) lors de la trajectoire de vol finale (distance finale jusqu'à la cible de 50 milles nautiques [92,6 kilomètres]). En revanche, l'exigence objective est d'une altitude au-dessus du sol inférieure ou égale à 1 000 pieds (304,8 mètres) lors de la trajectoire de vol finale, pour une distance finale jusqu'à la cible de 100 milles nautiques (185,2 kilomètres).

Par ailleurs, le document du 10 juillet donne des informations sur les avions porteurs : il s'agira des avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum, soit les avions de combat principaux de la Force aérienne ukrainienne. De plus, si deux vols d'essais opérationnels sont attendus, l'un de ceux-ci devra être effectué en Ukraine.

À noter que  le document annonce également que 16 entreprises, sans les citer, ont répondu à l'appel à projet lancé le 30 janvier 2024. Huit mois plus tard, il était possible d'apercevoir que deux contrats pour la construction d'un prototype d'ERAM avaient été publiés : le 11 octobre 2024 avec Coaspire pour un montant de 33,8 millions de dollars (FA86822590001) et le 15 octobre 2024 avec Zone 5 Technologies pour un montant de 43,9 millions de dollars (FA86822590002).

Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM).
Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM). © Air&Cosmos
Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM).

Coaspire vs Zone 5

Les deux industriels sélectionnés se basent sur le concept de deux types d'armes différentes. Il y a tout d'abord Coaspire, proposant son Rapidly Adaptable Affordable Cruise Missile ou RAACM. Coaspire précise que le missile a été développé dans une optique de faible coût, notamment grâce à l'utilisation d'imprimantes 3D. Cette utilisation de l'imprimante 3D permet à l'industriel de réduire très fortement les coûts d'assemblage (réduction des matériels nécessaires à l'assemblage, de même que les personnels nécessaires). Il garde la taille physique d'une bombe de la classe des 500 lb, comme la Mk-82 ou encore une GBU-38. Il comprend une aile qui se déplie une fois largué, est propulsé par un turboréacteur, dispose d'un système de guidage,... Si des essais air-sol ont été effectués cet été 2025, l'entreprise américaine annonce que son RAACM peut aussi être lancé depuis le pont d'un navire ou d'un lance-roquettes multiple (dans les deux cas, via l'ajout d'un booster) ou encore depuis un avion de transport via un système Rapid Dragon (image en toute fin d'article). Au total, ce missile a été développé grâce à des sous-traitants présents dans 26 états américains ainsi que dans 2 pays européens.

Malheureusement, Zone 5 donne moins d'informations que Coaspire. Il est toutefois possible d'annoncer que son missile Rusty Dagger se présente sous la forme d'un missile de croisière JASSM mais bien plus petit et avec un empennage en V. Une vidéo de l'industriel américain annonce une portée supérieure à 500 milles nautiques (soit +926 km), une capacité de suivi du terrain ou encore une capacité d'attaque de la cible sous un angle élevé. Des essais au sol et en vol ont également eu lieu.

Quelle efficacité ?

Au vu des caractéristiques et des deux projets sélectionnés, l'ERAM semble prometteur pour l'Ukraine. Mais pour l'instant, les essais en vol du RAACM, ainsi que le Rusty Dagger, ne concernent que des largages depuis un A-4 Skyhawk. Il faut encore attendre pour confirmer si les deux projets peuvent bel et bien être emportés sous les avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum ukrainiens. S'il n'a pas été cité, il faudra également voir si les F-16AM Fighting Falcon seront capables d'emporter l'ERAM.

En dehors des détails techniques, il faut prendre en compte son utilisation sur le terrain. Concrètement, ce missile est un véritable bond capacitaire pour la Force aérienne ukrainienne. Actuellement, les avions de combat ukrainiens utilisent des bombes planantes JDAM-ER ou encore bombes propulsées AASM dont la portée maximale annoncée est de respectivement +70 km et +60 km. Au niveau des frappes en profondeur, seuls les bombardiers tactiques ukrainiens Su-24 Fencer équipés de deux missiles de croisière pouvaient cibler des objectifs militaires à plus de 250 kilomètres du point de largage. Avec une portée supérieure à 463 kilomètres, le missile de croisière ERAM offrira donc aux avions de combat ukrainiens une capacité de frappe bien plus en profondeur du dispositif russe ou encore une augmentation des possibilités de frappes en standoff (hors de portée des systèmes antiaériens). Cependant, au niveau des SCALP-EG/Storm Shadow, la charge emportée est plus légère, sans oublier l'absence de capacité anti-bunker sur l'ERAM alors qu'il s'agit justement de la mission principale du missile franco-britannique.

Il faudra aussi voir l'efficacité des défenses antimissiles russes : quels seront les systèmes capables d'intercepter ces missiles ? Quels radars pourront les détecter ? Les Ukrainiens pourraient d'ailleurs jouer sur la quantité en forçant les Russes à tirer leurs intercepteurs contre une volée d'ERAM... suivie par après par des missiles peut-être moins performants mais ayant désormais le champ libre. Il s'agit par exemple d'ouvrir la voie à quelques missiles Flamingo, le tout nouveau missile de croisière ukrainien et dont la portée est de 3 000 kilomètres.

Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer.
Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer. © @ZelenskyyUa
Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer.

Avec ou sans autorisation ?

Mais pour terminer, il faudra prendre en compte un point extrêmement important, à savoir les cibles visées par les ERAM ukrainiens. Le ciblage est d'ailleurs le sujet de l'article du Wall Street Journal ayant annoncé cette vente et qui a pour titre : "Le Pentagone a bloqué discrètement les frappes ukrainiennes de missiles à longue portée sur la Russie". Pour rappel, lorsque des armes à longue portée sont livrées en Ukraine, elles s'accompagnent aussi de règles d'engagement. Pendant tout un temps, il était impensable de voir un missile de croisière SCALP-EG/Storm Shadow ukrainien voler en Russie. Mais les règles changent, comme confirmé par la pluie de douze de ces missiles sur un poste de commandement en Russie. Il y a aussi certains objectifs qui ne sont pas en Russie mais pourtant, non visés par les SCALP ou encore missiles balistiques ATACMS. Le cas le plus connu est le pont de Kertch, hautement stratégique car c'est depuis ce dernier que transite la majeure partie de la logistique russe pour le front sud-ouest en Ukraine. Cette "non-attaque" ne s'explique pas par un manque de portée car le 4 novembre 2023, la corvette Askold (classe Karakurt) était détruite par plusieurs SCALP-EG/Storm Shadow alors qu'elle se trouvait plus loin que le pont en question. Il est donc certain que des cibles russes ayant un intérêt stratégique se trouvent sur une "no-go list". Ce sera aussi le cas pour l'utilisation des ERAM, même si les règles d'engagement ne sont pas connues exactement : en Russie mais avec autorisation américaine ? Également pour la Crimée ? Peu importe l'endroit (Ukraine et Russie) ? Une chose est sûre, le Wall Street Journal précisait dans son article :

"Plusieurs responsables américains ont déclaré que l'utilisation des ERAM, avec une portée comprise entre 150-280 miles, nécessiterait que l'Ukraine demande l'approbation du Pentagone."

De fait, l'approbation même du Pentagone aura un grand effet sur l'efficacité même des ERAM ukrainiens : utilisés uniquement contre des cibles de faible importance militaire ou au contraire, sur des cibles stratégiques en Ukraine et en Russie ?

L'ERAM n'ayant pas été sélectionné, l'image de couverture de cet article reprend donc les missiles de croisière RAACM et Rusty Dagger.

Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon.
Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon. © Coaspire
Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon.
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25/08/2025 18:00
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Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?

La Force aérienne ukrainienne devrait recevoir prochainement de nombreux missiles de croisière low cost américains ERAM. Ce missile a spécialement été développé pour l’Ukraine, avec un coût de production faible, une très longue portée et est spécifiquement développé pour être emporté par les avions de combat ukrainiens. Deux entreprises sont en lice pour ce programme américain. L’efficacité de l’ERAM en Ukraine est prometteuse mais dépendra de nombreux facteurs, y compris des facteurs décisionnels en provenance du Pentagone.

Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?
Les États-Unis devraient envoyer 3350 missiles ERAM en Ukraine : quel est ce missile ? Ses capacités ? Quelle efficacité en Ukraine ?

Munitions longue portée

Un prochain envoi important d'armes américaines totalement inattendu a été annoncé dans un article du Wall Street Journal, publié ce samedi 23 août. Ce nouveau package, dont la somme est estimée à 850 millions de dollars, comprendrait notamment 3 350 missiles air-sol Extended Range Attack Munition (ERAM). Comme expliqué dans la citation (ci-après) de l'article du Wall Street Journal, ces missiles sont attendus dans environs six semaines. À noter qu'il ne s'agit pas d'un don des États-Unis à l'Ukraine mais bel et bien une vente d'armes, financée en partie par des pays européens.

"Cette semaine, l'administration [Trump] a approuvé la vente de 3 350 missiles air-sol Extended Range Attack Munition, ou ERAM, qui sont prévues pour arriver en Ukraine dans environs six semaines, ont déclaré deux responsables américains. Ce package d'armes de 850 millions de dollars, principalement financé par les nations européennes et qui comprend d'autres armes, avait été retardé jusqu'après les sommets de Trump avec Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky."

Ce missile est très récent et a même été développé très rapidement, sa phase de développement ayant seulement débuté le 30 janvier 2024 ! Les informations spécifiques à ce dernier sont donc difficiles à obtenir... mais c'est sans compter sur les capacités demandées par l'US Air Force aux industriels souhaitant participer à ce développement.

Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas).
Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas). © Air&Cosmos, Coaspire, Zone 5
Les deux prototypes du programme ERAM : les missiles de croisière longue portée RAACM (en haut) et Rusty Dagger (en bas).

Avant de rentrer dans de plus amples détails, il faut rappeler que l’acronyme ERAM est déjà utilisé pour de nombreux systèmes, agences, développements,... mais aussi une munition opérationnelle actuellement ! Il s'agit du missile antiaérien SM-6 ou RIM-174 Standard Extended Range Active Missile... soit le RIM-174 ERAM ! Dans ce cas-ci, l'Ukraine ne va absolument pas recevoir ce missile antiaérien mais bel et bien le missile de croisière air-sol longue portée Extended Range Attack Munition ou ERAM.

Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014).
Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014). © US Navy
Vue rapprochée d'un missile RIM-174 Standard ERAM SM-6 tiré depuis le destroyer USS John Paul Jones (DDG-53, classe Arleigh Burke I)(19 juin 2014).

Historique des capacités connues

Ainsi, à partir du 30 janvier 2024, les différents industriels pouvaient répondre à un projet de développement (lien) d'une munition dite Extended Range Attack Munition dont les capacités minimales attendues par l'US Air Force étaient les suivantes :

  • munition de la classe des 500 livres (226,8 kg),
  • emport d'une charge à effet d'explosion/ de fragmentation / et de pénétration limitée,
  • options de fusées variables,
  • portée supérieure ou égale à 250 milles nautiques (463 kilomètres),
  • vitesse supérieure ou égale à Mach 0,6 (740,88 km/h),
  • système de navigation capable d'opérer dans un environnement GPS dégradé,
  • précision sur la cible avec un CEP 50 dans 10 mètres (soit à minima 50 % des ERAM tirées attendues dans un rayon maximal de 10 mètres autour de la cible) dans des environnements avec ou sans interférence électromagnétique (y compris avec un signal GPS dégradé),
  • obligation de pouvoir produire plus de 1000 unités complètes 24 mois après l'attribution du contrat.

Le 10 juillet 2024, un nouveau document concernant l'ERAM était publié avec de nombreuses informations supplémentaires. Le paragraphe d'introduction annonce par exemple que l'ERAM est spécifiquement développé au profit de l'Ukraine et devra être utilisé par les avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum ukrainiens :

"Cette Requête Pour Proposition (RFP), dénommée ERAM, cherche à procurer les phases initiales d'une nouvelle arme, dénommée ERAM, lancée par un avion. Cette munition est essentielle pour accélérer la capacité de l'Ukraine à répondre aux besoins des combattants de manière efficace et efficiente et fournit une arme de masse abordable pouvant être produite à grande échelle. [...] Cet ERAM devrait aider à résoudre à la fois un manque critique de munitions et une capacité critique à frapper systématiquement des cibles situées hors des portées des actuels GMLRS/SDB/et JDAM-ER. Les avions de base pour l'ERAM seront les Su-27 et les MiG-29."

Ce document rappelle également les capacités minimales attendues et déjà annoncées le 30 janvier mais avec quelques précisions supplémentaires ou encore modifications :

  • La capacité de frappe terminale s'effectuera avec un angle à l'impact compris entre 45 et 85 degrés.
  • La précision à l'impact (CEP 50) est calculée pour des cibles statiques.
  • Le coût à l'unité sera de 225 000 dollars et ce, pour une commande de production de 1 000 ERAM.
  • La vitesse de croisière a été augmentée à une vitesse supérieure ou égale à Mach 0,7 (864,36 km/h).
  • Le missile devra être capable de voler à une altitude de croisière de 25 000 pieds (7 620 mètres d'altitude).
  • Le missile fait toujours partie de la classe des 500 livres (226,8 kg) mais avec une ogive d'un minimum de 100 livres (45,36 kg).
  • Il n'y a plus aucune mention d'une capacité de pénétration au niveau de la charge, uniquement des effets de souffle et de fragmentation.
  • La capacité d'emport sous un appareil sera de 50 heures (sans démontage) avec un vol à une vitesse inférieure ou égale à Mach 0,9 (1 111,32 km/h) tout en étant capable d'être larguée après ce délais.
  • Pour le vol en très basse altitude, le seuil requis est d'une altitude au-dessus du sol inférieure ou égale à 1 000 pieds (304,8 mètres) lors de la trajectoire de vol finale (distance finale jusqu'à la cible de 50 milles nautiques [92,6 kilomètres]). En revanche, l'exigence objective est d'une altitude au-dessus du sol inférieure ou égale à 1 000 pieds (304,8 mètres) lors de la trajectoire de vol finale, pour une distance finale jusqu'à la cible de 100 milles nautiques (185,2 kilomètres).

Par ailleurs, le document du 10 juillet donne des informations sur les avions porteurs : il s'agira des avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum, soit les avions de combat principaux de la Force aérienne ukrainienne. De plus, si deux vols d'essais opérationnels sont attendus, l'un de ceux-ci devra être effectué en Ukraine.

À noter que  le document annonce également que 16 entreprises, sans les citer, ont répondu à l'appel à projet lancé le 30 janvier 2024. Huit mois plus tard, il était possible d'apercevoir que deux contrats pour la construction d'un prototype d'ERAM avaient été publiés : le 11 octobre 2024 avec Coaspire pour un montant de 33,8 millions de dollars (FA86822590001) et le 15 octobre 2024 avec Zone 5 Technologies pour un montant de 43,9 millions de dollars (FA86822590002).

Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM).
Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM). © Air&Cosmos
Données techniques théoriques de l'Extended Range Attack Munition (ERAM).

Coaspire vs Zone 5

Les deux industriels sélectionnés se basent sur le concept de deux types d'armes différentes. Il y a tout d'abord Coaspire, proposant son Rapidly Adaptable Affordable Cruise Missile ou RAACM. Coaspire précise que le missile a été développé dans une optique de faible coût, notamment grâce à l'utilisation d'imprimantes 3D. Cette utilisation de l'imprimante 3D permet à l'industriel de réduire très fortement les coûts d'assemblage (réduction des matériels nécessaires à l'assemblage, de même que les personnels nécessaires). Il garde la taille physique d'une bombe de la classe des 500 lb, comme la Mk-82 ou encore une GBU-38. Il comprend une aile qui se déplie une fois largué, est propulsé par un turboréacteur, dispose d'un système de guidage,... Si des essais air-sol ont été effectués cet été 2025, l'entreprise américaine annonce que son RAACM peut aussi être lancé depuis le pont d'un navire ou d'un lance-roquettes multiple (dans les deux cas, via l'ajout d'un booster) ou encore depuis un avion de transport via un système Rapid Dragon (image en toute fin d'article). Au total, ce missile a été développé grâce à des sous-traitants présents dans 26 états américains ainsi que dans 2 pays européens.

Malheureusement, Zone 5 donne moins d'informations que Coaspire. Il est toutefois possible d'annoncer que son missile Rusty Dagger se présente sous la forme d'un missile de croisière JASSM mais bien plus petit et avec un empennage en V. Une vidéo de l'industriel américain annonce une portée supérieure à 500 milles nautiques (soit +926 km), une capacité de suivi du terrain ou encore une capacité d'attaque de la cible sous un angle élevé. Des essais au sol et en vol ont également eu lieu.

Quelle efficacité ?

Au vu des caractéristiques et des deux projets sélectionnés, l'ERAM semble prometteur pour l'Ukraine. Mais pour l'instant, les essais en vol du RAACM, ainsi que le Rusty Dagger, ne concernent que des largages depuis un A-4 Skyhawk. Il faut encore attendre pour confirmer si les deux projets peuvent bel et bien être emportés sous les avions de combat Su-27 Flanker et MiG-29 Fulcrum ukrainiens. S'il n'a pas été cité, il faudra également voir si les F-16AM Fighting Falcon seront capables d'emporter l'ERAM.

En dehors des détails techniques, il faut prendre en compte son utilisation sur le terrain. Concrètement, ce missile est un véritable bond capacitaire pour la Force aérienne ukrainienne. Actuellement, les avions de combat ukrainiens utilisent des bombes planantes JDAM-ER ou encore bombes propulsées AASM dont la portée maximale annoncée est de respectivement +70 km et +60 km. Au niveau des frappes en profondeur, seuls les bombardiers tactiques ukrainiens Su-24 Fencer équipés de deux missiles de croisière pouvaient cibler des objectifs militaires à plus de 250 kilomètres du point de largage. Avec une portée supérieure à 463 kilomètres, le missile de croisière ERAM offrira donc aux avions de combat ukrainiens une capacité de frappe bien plus en profondeur du dispositif russe ou encore une augmentation des possibilités de frappes en standoff (hors de portée des systèmes antiaériens). Cependant, au niveau des SCALP-EG/Storm Shadow, la charge emportée est plus légère, sans oublier l'absence de capacité anti-bunker sur l'ERAM alors qu'il s'agit justement de la mission principale du missile franco-britannique.

Il faudra aussi voir l'efficacité des défenses antimissiles russes : quels seront les systèmes capables d'intercepter ces missiles ? Quels radars pourront les détecter ? Les Ukrainiens pourraient d'ailleurs jouer sur la quantité en forçant les Russes à tirer leurs intercepteurs contre une volée d'ERAM... suivie par après par des missiles peut-être moins performants mais ayant désormais le champ libre. Il s'agit par exemple d'ouvrir la voie à quelques missiles Flamingo, le tout nouveau missile de croisière ukrainien et dont la portée est de 3 000 kilomètres.

Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer.
Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer. © @ZelenskyyUa
Missile de croisière courte portée air-sol SCALP-EG français sous l'aile d'un bombardier ukrainien Su-24 Fencer.

Avec ou sans autorisation ?

Mais pour terminer, il faudra prendre en compte un point extrêmement important, à savoir les cibles visées par les ERAM ukrainiens. Le ciblage est d'ailleurs le sujet de l'article du Wall Street Journal ayant annoncé cette vente et qui a pour titre : "Le Pentagone a bloqué discrètement les frappes ukrainiennes de missiles à longue portée sur la Russie". Pour rappel, lorsque des armes à longue portée sont livrées en Ukraine, elles s'accompagnent aussi de règles d'engagement. Pendant tout un temps, il était impensable de voir un missile de croisière SCALP-EG/Storm Shadow ukrainien voler en Russie. Mais les règles changent, comme confirmé par la pluie de douze de ces missiles sur un poste de commandement en Russie. Il y a aussi certains objectifs qui ne sont pas en Russie mais pourtant, non visés par les SCALP ou encore missiles balistiques ATACMS. Le cas le plus connu est le pont de Kertch, hautement stratégique car c'est depuis ce dernier que transite la majeure partie de la logistique russe pour le front sud-ouest en Ukraine. Cette "non-attaque" ne s'explique pas par un manque de portée car le 4 novembre 2023, la corvette Askold (classe Karakurt) était détruite par plusieurs SCALP-EG/Storm Shadow alors qu'elle se trouvait plus loin que le pont en question. Il est donc certain que des cibles russes ayant un intérêt stratégique se trouvent sur une "no-go list". Ce sera aussi le cas pour l'utilisation des ERAM, même si les règles d'engagement ne sont pas connues exactement : en Russie mais avec autorisation américaine ? Également pour la Crimée ? Peu importe l'endroit (Ukraine et Russie) ? Une chose est sûre, le Wall Street Journal précisait dans son article :

"Plusieurs responsables américains ont déclaré que l'utilisation des ERAM, avec une portée comprise entre 150-280 miles, nécessiterait que l'Ukraine demande l'approbation du Pentagone."

De fait, l'approbation même du Pentagone aura un grand effet sur l'efficacité même des ERAM ukrainiens : utilisés uniquement contre des cibles de faible importance militaire ou au contraire, sur des cibles stratégiques en Ukraine et en Russie ?

L'ERAM n'ayant pas été sélectionné, l'image de couverture de cet article reprend donc les missiles de croisière RAACM et Rusty Dagger.

Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon.
Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon. © Coaspire
Représentation du largage de missiles de croisière low cost RAACM depuis un avion de transport C-17A Globemaster III grâce à des modules Rapid Dragon.


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