Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures
Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures
© Northrop Grumman

publié le 15 juillet 2024 à 12:37

1702 mots

Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures

Pendant plus de 18 heures, un RQ-4B Block 40 a patrouillé en Pologne avec pour objectif d’analyser l’exclave de Kaliningrad. Une semaine plus tard, une deuxième patrouille d’un peu plus de douze heures étaient aussi effectuée en Pologne, analysant Kaliningrad et une partie de la Biélorussie. Le RQ-4B Global Hawk est capable de rester en vol, sans aucun ravitaillement, pendant plus de 32 heures et offre une capacité de reconnaissance de haute définition.


Changement de cap pour la reco

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, la mer Noire est une zone privilégiée pour les moyens aériens de reconnaissance des pays membres de l'OTAN ; RC-135V/W Rivet Joint américains ou anglais, EP-3E Aries II de l'US Navy, Mirage 2000D équipé de la nacelle ASTAC (Analyseur de Signaux TACtiques),... En plus des différents avions, des drones survolent aussi la mer Noire. C'est notamment le cas des drones de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) MQ-9 Reaper américains. Un avion de combat russe Su-27 Flanker était entré volontairement en collision avec un Reaper en mars 2023. La mer Noire est aussi une destination habituelle des drones de reconnaissance de haute altitude et de longue endurance (HALE) RQ-4 Global Hawk de l'OTAN ou de l'US Air Force. Cependant, au début du mois de juillet, un de ces Global Hawk se dirigeant vers l'Est a changé de direction au-dessus de la Roumanie ; il ne s'agit plus de reconnaitre ce qui se passe en Crimée mais bien sur la partie centrale du flanc est de l'OTAN.

Objectif : Kaliningrad

C'est ainsi que le 6 juillet, les différents sites de live tracking affichaient à 06h47 (heure de Paris) un drone de reconnaissance à très haute altitude et de longue élongation RQ-4B Block 40 Global Hawk de l'US Air Force au-dessus de la Sicile (Italie). Ce dernier était en train de monter en altitude après avoir décollé de la base aérienne italienne de Sigonella (Sicile, Italie). Au lieu de se diriger vers la mer Noire, zone habituelle de patrouille pour les Global Hawk, ce dernier, une fois au-dessus de la Roumanie, a pris un cap au Nord, en longeant la frontière ukrainienne et ensuite Biélorusse. Un peu plus de 5 heures après avoir été détecté par les sites de live tracking, le drone commençait sa patrouille au-dessus du Nord-Est de la Pologne, objectif : l'enclave russe de Kaliningrad.

Contrairement aux patrouilles de quelques heures des avions de reconnaissance stratégique ou tactique habituels, le Global Hawk va rester en patrouille au-dessus de la Pologne pendant un peu plus de 18 heures ! Cette longue endurance permet ainsi de mieux connaitre les activités mais aussi les différents systèmes déployés dans cette exclave, transformée depuis la guerre froide en une véritable base avancée russe. Le RQ-4B a ensuite repris un cap retour, disparaissant des sites de live tracking vers 11h34 le 7 juillet, en pleine descente vers la base aérienne de Sigonella.

RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures.
RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures. © ADS-B, Air&Cosmos
RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures.

Une seconde mission

En plus de cette mission, une seconde mission de reconnaissance a été récemment organisée ; le 13 juillet à 9h36, ce même drone RQ-4B Block 40 apparaissait sur les sites de live tracking, en train de monter en altitude, toujours après avoir décollé de Sigonella. Comme le 7 juillet, le tracé aller est identique ; Grèce, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie et enfin, Pologne. Toutefois, la zone de patrouille s'est légèrement étendue ; si Kaliningrad fut le centre d'intérêt de la patrouille, plusieurs tracés confirment que l'ouest de la Biélorussie a aussi été analysé par le Global Hawk. Cette seconde patrouille a duré environ 12h30 sur zone, avec un retour sur Sigonella et une disparition du RQ-4B (en descente vers Sigonella) des sites de live tracking le 14 juillet vers 11h13.

Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad.
Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad. © ADS-B, Air&Cosmos
Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad.

Une zone russe stratégique

L'exclave de Kaliningrad est hautement stratégique pour de nombreuses raisons, la principale étant sa situation géopolitique, l'exclave se trouvant autour de plusieurs États membres de l'Alliance atlantique et sur les côtes de la mer Baltique. Plusieurs systèmes peuvent ainsi représenter une menace importante pour les forces militaires déployées dans la région :

  • Les systèmes antiaériens et antimissiles longue portée S-300 (SA-10 Grumble)/350/400 (SA-21 Growler)/500 potentiellement déployés peuvent limiter des frappes ou vols d'appareils de l'OTAN dans le cadre d'une potentielle guerre OTAN-Russie.
  • Les systèmes Iskander-M ou 'Iskander-K' peuvent frapper des cibles à longue distance, le premier pouvant tirer deux missiles balistiques courte portée (SRBM) SS-26 Stone (portée de 500 kilomètres), le second pouvant tirer deux missiles de croisières SSC-X-7 (portée de 500 kilomètres) ou SSC-X-8 (portée maximale estimée entre 482 et 5 471,77 kilomètres). La menace représentée est même duale : les SS-26 par exemple, peuvent emporter une ogive conventionnelle ou une ogive nucléaire.
  • Systèmes radars ou de guerre électronique, capables de détecter les appareils volant en profondeur du dispositif de l'OTAN ou inversement, capables de brouiller ou de diminuer l'efficacité des systèmes déployés en les brouillant.
  • La base navale, pouvant être utilisée par la Flotte russe de la mer Baltique. À noter que cette menace a fortement diminué depuis l'entrée de la Finlande et surtout, de la Suède au sein de l'OTAN. En effet, en dehors des bases navales de Kaliningrad et de Saint-Pétersbourg, la totalité des ports militaires de la mer Baltique appartiennent à des pays membres de l'OTAN. C'est aussi sans compter les côtes et différentes îles, capables d'accueillir différents types de lance-missiles antinavires, représentant une réelle menace pour une flotte russe trop offensive en mer Baltique.
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018).
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018). © Mil.ru
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018).

Surveillance de longue endurance

Le RQ-4B Block 40 est une version bien spécifique du Global Hawk, ce dernier étant équipé de sa suite de radar à antenne active (AESA) Multi-Platform Radar Technology Insertion Program (MP-RTIP). Celle-ci permet alors de recueillir deux types d'informations ; des images deux dimensions (SAR) de la zone analysée ainsi que la visualisation des cibles en mouvement. Cette capacité SAR est avantageuse pour ce type de drone car, contrairement à des images jours ou infrarouges (LWIR), des images SAR montreront d'office le terrain analysé indépendamment des conditions météorologiques dans le ciel ou au sol : nuages, tempête, brouillard, etc. Par ailleurs, les images fournies sont de haute qualité et permettent de clairement identifier les systèmes photographiés. À titre d'exemple, la publication du Center For Strategic & International Studies ci-dessous montre une image satellite SAR de l'île d'Anacoco et permet de clairement identifier des systèmes et autres installations militaires.

Le RQ-4B de manière générale se distingue par une très grande envergure ; il est plus large de 20 centimètres qu'un avion de transport tactique C-130J Super Hercules (39,7 mètres, d'après USAF) ou encore presque deux fois l'envergure d'un drone MQ-9A Reaper de l'Armée de l'Air et de l'Espace (20,1 mètres, d'après l'AAE). Au niveau civil, il est aussi plus large, avec 4,1 mètres de plus qu'un avion mono-couloir A321neo (35,8 mètres, d'après Airbus). Cette grande envergure permet à la fois au drone de garder une portance en très haute altitude ainsi que de transporter du carburant dans ses longues ailes. Au niveau endurance, un RQ-4 Block 40 a justement effectué un vol de 34,3 heures en 2014, battant ainsi le record du vol le plus long pour un appareil de l'US Air Force n'ayant pas été ravitaillé durant la totalité de son vol.

Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules.
Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules. © USAF
Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules.

Au niveau de l'équipage, cet appareil sans pilote nécessite trois stations de contrôles pour voler :

  • un Launch Recovery Element (LRE, Élément de Lancement et de Récupération), en charge de son décollage, son transit vers et depuis la zone de patrouille et enfin, son atterrissage. Le LRE comprend un pilote et en générale, une seconde personne chargée des communications nécessaires à l'intégration du drone dans le trafic aérien. Cette station se trouve sur la base de décollage et d'atterrissage du drone.
  • un Mission Control Element (MCE, Élément de contrôle de mission) comprenant plusieurs personnes (5 sièges), permettant d'assurer la majeure partie du vol et la mission de surveillance, avec des consoles pour la communication, le commandement et le contrôle, la planification de mission, le retour des données récoltées,...

La totalité des liaisons entre les LRE et MCE est assurée par une liaison satellite. Le large dôme, au-dessus du fuselage avant du Global Hawk accueille d'ailleurs une antenne satellite transmettant en bande Ku. En cas de problème, avec le MCE, le LRE peut servir de poste de contrôle de secours mais un LRE ou un MCE ne peut contrôler qu'un seul Global Hawk à la fois. De plus, le fait d'utiliser une liaison satellitaire permet un déploiement sur n'importe quel théâtre des deux stations de contrôle, celles-ci étant conteneurisées.

À noter qu'un Vehicule Test Controller (VTC, Contrôleur d'Essai du Véhicule) se trouve au démarrage et à l'extinction du drone, sur le parking de sa base. Il permet de gérer les derniers changement techniques à intégrer avant le vol et s'occupe, de manière générale, du contrôle avant décollage du Global Hawk. 

L'USAF prévoit de retirer ses Global Hawk pour la fin de l'année fiscale 2027. Si le remplaçant n'est pas encore connu, beaucoup voient le "RQ-180" comme son futur remplaçant. Entretemps, d'autres Global Hawk voleront encore pour la NASA ou depuis Sigonela. Cette base accueille, en plus de plusieurs RQ-4B Global Hawk de l'US Air Force, les cinq RQ-4D Phoenix de l'OTAN. Rassemblés au sein de la capacité alliée de surveillance terrestre (AGS, Alliance Ground Surveillance) ces cinq drones sont opérationnels depuis le 15 février 2021. Au total, 15 pays font partie de l'AGS : l'Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, les États-Unis, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Tchéquie. Ces RQ-4D sont globalement des RQ-4B Block 40 mais équipés de systèmes internes propres aux besoins de l'OTAN. Ils gardent par exemple le radar MP-RTIP du RQ-4B Block 40.

Caractéristiques techniques

Taille : 39,9 mètres d'envergure, 14,5 mètres de long et 4,7 mètres de haut

Propulsion : 1x turboréacteur Rolls-Royce AE 3007 (dénomination USAF ; Rolls-Royce F137-RR-100)

Masse maximale au décollage : 14,628 tonnes (avec 7,847 tonnes max de fuel)

Plafond : 60 000 pieds (soit 18,3 kilomètres)

Vitesse (true airspeed) : 574,12 km/h (310 nœuds) 

Endurance : 24 heures sur zone après un vol de 1 200 miles nautiques (2 222,4 kilomètres), plus de 32 heures (endurance maximale, record à 34,3 heures)

Charge utile : 1,36 tonnes (non offensif)

Équipage : 0 (au sol, dans les LRE et MRE)

Données d'après Northrop Grumman et USAF

Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023).
Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023). © USAF
Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023).
Commentaires
user_picture Pierre GUILHEM 16/07/2024 13:50

"l’exclave de Kaliningrad"

user_picture Gaétan Powis Gaétan Powis 17/07/2024 15:27

Exclave : [géographie] Partie d'un pays séparée du territoire principal de ce même pays par un ou plusieurs États ou mers.  



user_picture Pierre GUILHEM 16/07/2024 13:50

"l’exclave de Kaliningrad" bravo pour la relecture de l'article.

user_picture Gaétan Powis Gaétan Powis 17/07/2024 15:27

Exclave : [géographie] Partie d'un pays séparée du territoire principal de ce même pays par un ou plusieurs États ou mers.  



user_picture Bob cyr 17/07/2024 00:19

Pour la collision c'est l'inverse merci désinformation



15/07/2024 12:37
1702 mots

Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures

Pendant plus de 18 heures, un RQ-4B Block 40 a patrouillé en Pologne avec pour objectif d’analyser l’exclave de Kaliningrad. Une semaine plus tard, une deuxième patrouille d’un peu plus de douze heures étaient aussi effectuée en Pologne, analysant Kaliningrad et une partie de la Biélorussie. Le RQ-4B Global Hawk est capable de rester en vol, sans aucun ravitaillement, pendant plus de 32 heures et offre une capacité de reconnaissance de haute définition.

Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures
Un drone américain espionne une base russe pendant plus de 18 heures

Changement de cap pour la reco

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, la mer Noire est une zone privilégiée pour les moyens aériens de reconnaissance des pays membres de l'OTAN ; RC-135V/W Rivet Joint américains ou anglais, EP-3E Aries II de l'US Navy, Mirage 2000D équipé de la nacelle ASTAC (Analyseur de Signaux TACtiques),... En plus des différents avions, des drones survolent aussi la mer Noire. C'est notamment le cas des drones de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) MQ-9 Reaper américains. Un avion de combat russe Su-27 Flanker était entré volontairement en collision avec un Reaper en mars 2023. La mer Noire est aussi une destination habituelle des drones de reconnaissance de haute altitude et de longue endurance (HALE) RQ-4 Global Hawk de l'OTAN ou de l'US Air Force. Cependant, au début du mois de juillet, un de ces Global Hawk se dirigeant vers l'Est a changé de direction au-dessus de la Roumanie ; il ne s'agit plus de reconnaitre ce qui se passe en Crimée mais bien sur la partie centrale du flanc est de l'OTAN.

Objectif : Kaliningrad

C'est ainsi que le 6 juillet, les différents sites de live tracking affichaient à 06h47 (heure de Paris) un drone de reconnaissance à très haute altitude et de longue élongation RQ-4B Block 40 Global Hawk de l'US Air Force au-dessus de la Sicile (Italie). Ce dernier était en train de monter en altitude après avoir décollé de la base aérienne italienne de Sigonella (Sicile, Italie). Au lieu de se diriger vers la mer Noire, zone habituelle de patrouille pour les Global Hawk, ce dernier, une fois au-dessus de la Roumanie, a pris un cap au Nord, en longeant la frontière ukrainienne et ensuite Biélorusse. Un peu plus de 5 heures après avoir été détecté par les sites de live tracking, le drone commençait sa patrouille au-dessus du Nord-Est de la Pologne, objectif : l'enclave russe de Kaliningrad.

Contrairement aux patrouilles de quelques heures des avions de reconnaissance stratégique ou tactique habituels, le Global Hawk va rester en patrouille au-dessus de la Pologne pendant un peu plus de 18 heures ! Cette longue endurance permet ainsi de mieux connaitre les activités mais aussi les différents systèmes déployés dans cette exclave, transformée depuis la guerre froide en une véritable base avancée russe. Le RQ-4B a ensuite repris un cap retour, disparaissant des sites de live tracking vers 11h34 le 7 juillet, en pleine descente vers la base aérienne de Sigonella.


16/07/2024 13:50

"l’exclave de Kaliningrad"  


RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures.
RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures. © ADS-B, Air&Cosmos
RQ-4B Block 40 Global Hawk effectuant une reconnaissance de Kaliningrad qui durera au total un peu plus de 18 heures.

Une seconde mission

En plus de cette mission, une seconde mission de reconnaissance a été récemment organisée ; le 13 juillet à 9h36, ce même drone RQ-4B Block 40 apparaissait sur les sites de live tracking, en train de monter en altitude, toujours après avoir décollé de Sigonella. Comme le 7 juillet, le tracé aller est identique ; Grèce, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie et enfin, Pologne. Toutefois, la zone de patrouille s'est légèrement étendue ; si Kaliningrad fut le centre d'intérêt de la patrouille, plusieurs tracés confirment que l'ouest de la Biélorussie a aussi été analysé par le Global Hawk. Cette seconde patrouille a duré environ 12h30 sur zone, avec un retour sur Sigonella et une disparition du RQ-4B (en descente vers Sigonella) des sites de live tracking le 14 juillet vers 11h13.

Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad.
Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad. © ADS-B, Air&Cosmos
Deuxième mission de reconnaissance en deux semaines d'un RQ-4B Block 40 Global Hawk américain sur Kaliningrad.

Une zone russe stratégique

L'exclave de Kaliningrad est hautement stratégique pour de nombreuses raisons, la principale étant sa situation géopolitique, l'exclave se trouvant autour de plusieurs États membres de l'Alliance atlantique et sur les côtes de la mer Baltique. Plusieurs systèmes peuvent ainsi représenter une menace importante pour les forces militaires déployées dans la région :

  • Les systèmes antiaériens et antimissiles longue portée S-300 (SA-10 Grumble)/350/400 (SA-21 Growler)/500 potentiellement déployés peuvent limiter des frappes ou vols d'appareils de l'OTAN dans le cadre d'une potentielle guerre OTAN-Russie.
  • Les systèmes Iskander-M ou 'Iskander-K' peuvent frapper des cibles à longue distance, le premier pouvant tirer deux missiles balistiques courte portée (SRBM) SS-26 Stone (portée de 500 kilomètres), le second pouvant tirer deux missiles de croisières SSC-X-7 (portée de 500 kilomètres) ou SSC-X-8 (portée maximale estimée entre 482 et 5 471,77 kilomètres). La menace représentée est même duale : les SS-26 par exemple, peuvent emporter une ogive conventionnelle ou une ogive nucléaire.
  • Systèmes radars ou de guerre électronique, capables de détecter les appareils volant en profondeur du dispositif de l'OTAN ou inversement, capables de brouiller ou de diminuer l'efficacité des systèmes déployés en les brouillant.
  • La base navale, pouvant être utilisée par la Flotte russe de la mer Baltique. À noter que cette menace a fortement diminué depuis l'entrée de la Finlande et surtout, de la Suède au sein de l'OTAN. En effet, en dehors des bases navales de Kaliningrad et de Saint-Pétersbourg, la totalité des ports militaires de la mer Baltique appartiennent à des pays membres de l'OTAN. C'est aussi sans compter les côtes et différentes îles, capables d'accueillir différents types de lance-missiles antinavires, représentant une réelle menace pour une flotte russe trop offensive en mer Baltique.
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018).
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018). © Mil.ru
Tir d'un missile balistique courte portée Iskander-M russe depuis le cosmodrome de Kapoustine Iar (2 mars 2018).

Surveillance de longue endurance

Le RQ-4B Block 40 est une version bien spécifique du Global Hawk, ce dernier étant équipé de sa suite de radar à antenne active (AESA) Multi-Platform Radar Technology Insertion Program (MP-RTIP). Celle-ci permet alors de recueillir deux types d'informations ; des images deux dimensions (SAR) de la zone analysée ainsi que la visualisation des cibles en mouvement. Cette capacité SAR est avantageuse pour ce type de drone car, contrairement à des images jours ou infrarouges (LWIR), des images SAR montreront d'office le terrain analysé indépendamment des conditions météorologiques dans le ciel ou au sol : nuages, tempête, brouillard, etc. Par ailleurs, les images fournies sont de haute qualité et permettent de clairement identifier les systèmes photographiés. À titre d'exemple, la publication du Center For Strategic & International Studies ci-dessous montre une image satellite SAR de l'île d'Anacoco et permet de clairement identifier des systèmes et autres installations militaires.

Le RQ-4B de manière générale se distingue par une très grande envergure ; il est plus large de 20 centimètres qu'un avion de transport tactique C-130J Super Hercules (39,7 mètres, d'après USAF) ou encore presque deux fois l'envergure d'un drone MQ-9A Reaper de l'Armée de l'Air et de l'Espace (20,1 mètres, d'après l'AAE). Au niveau civil, il est aussi plus large, avec 4,1 mètres de plus qu'un avion mono-couloir A321neo (35,8 mètres, d'après Airbus). Cette grande envergure permet à la fois au drone de garder une portance en très haute altitude ainsi que de transporter du carburant dans ses longues ailes. Au niveau endurance, un RQ-4 Block 40 a justement effectué un vol de 34,3 heures en 2014, battant ainsi le record du vol le plus long pour un appareil de l'US Air Force n'ayant pas été ravitaillé durant la totalité de son vol.

Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules.
Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules. © USAF
Avec ses 39,9 mètres d'envergure, le RQ-4B Block 40 de l'USAF est plus large de 20 centimètres qu'un C-130J Super Hercules.

Au niveau de l'équipage, cet appareil sans pilote nécessite trois stations de contrôles pour voler :

  • un Launch Recovery Element (LRE, Élément de Lancement et de Récupération), en charge de son décollage, son transit vers et depuis la zone de patrouille et enfin, son atterrissage. Le LRE comprend un pilote et en générale, une seconde personne chargée des communications nécessaires à l'intégration du drone dans le trafic aérien. Cette station se trouve sur la base de décollage et d'atterrissage du drone.
  • un Mission Control Element (MCE, Élément de contrôle de mission) comprenant plusieurs personnes (5 sièges), permettant d'assurer la majeure partie du vol et la mission de surveillance, avec des consoles pour la communication, le commandement et le contrôle, la planification de mission, le retour des données récoltées,...

La totalité des liaisons entre les LRE et MCE est assurée par une liaison satellite. Le large dôme, au-dessus du fuselage avant du Global Hawk accueille d'ailleurs une antenne satellite transmettant en bande Ku. En cas de problème, avec le MCE, le LRE peut servir de poste de contrôle de secours mais un LRE ou un MCE ne peut contrôler qu'un seul Global Hawk à la fois. De plus, le fait d'utiliser une liaison satellitaire permet un déploiement sur n'importe quel théâtre des deux stations de contrôle, celles-ci étant conteneurisées.

À noter qu'un Vehicule Test Controller (VTC, Contrôleur d'Essai du Véhicule) se trouve au démarrage et à l'extinction du drone, sur le parking de sa base. Il permet de gérer les derniers changement techniques à intégrer avant le vol et s'occupe, de manière générale, du contrôle avant décollage du Global Hawk. 

L'USAF prévoit de retirer ses Global Hawk pour la fin de l'année fiscale 2027. Si le remplaçant n'est pas encore connu, beaucoup voient le "RQ-180" comme son futur remplaçant. Entretemps, d'autres Global Hawk voleront encore pour la NASA ou depuis Sigonela. Cette base accueille, en plus de plusieurs RQ-4B Global Hawk de l'US Air Force, les cinq RQ-4D Phoenix de l'OTAN. Rassemblés au sein de la capacité alliée de surveillance terrestre (AGS, Alliance Ground Surveillance) ces cinq drones sont opérationnels depuis le 15 février 2021. Au total, 15 pays font partie de l'AGS : l'Allemagne, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, les États-Unis, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Tchéquie. Ces RQ-4D sont globalement des RQ-4B Block 40 mais équipés de systèmes internes propres aux besoins de l'OTAN. Ils gardent par exemple le radar MP-RTIP du RQ-4B Block 40.

Caractéristiques techniques

Taille : 39,9 mètres d'envergure, 14,5 mètres de long et 4,7 mètres de haut

Propulsion : 1x turboréacteur Rolls-Royce AE 3007 (dénomination USAF ; Rolls-Royce F137-RR-100)

Masse maximale au décollage : 14,628 tonnes (avec 7,847 tonnes max de fuel)

Plafond : 60 000 pieds (soit 18,3 kilomètres)

Vitesse (true airspeed) : 574,12 km/h (310 nœuds) 

Endurance : 24 heures sur zone après un vol de 1 200 miles nautiques (2 222,4 kilomètres), plus de 32 heures (endurance maximale, record à 34,3 heures)

Charge utile : 1,36 tonnes (non offensif)

Équipage : 0 (au sol, dans les LRE et MRE)

Données d'après Northrop Grumman et USAF

Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023).
Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023). © USAF
Préparation au roulage pour ce drone HALE RQ-4B Block 40 de l'USAF sur la base aérienne de Sigonella (18 mars 2023).


Commentaires
16/07/2024 13:50

"l’exclave de Kaliningrad"

user_picture Gaétan Powis Gaétan Pow... 17/07/2024 15:27

Exclave : [géographie] Partie d'un pays séparée du territoire principal de ce même pays par un ou plusieurs États ou mers.  



16/07/2024 13:50

"l’exclave de Kaliningrad" bravo pour la relecture de l'article.

user_picture Gaétan Powis Gaétan Pow... 17/07/2024 15:27

Exclave : [géographie] Partie d'un pays séparée du territoire principal de ce même pays par un ou plusieurs États ou mers.  



17/07/2024 00:19

Pour la collision c'est l'inverse merci désinformation