Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine
Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine

publié le 23 décembre 2025 à 19:15

1064 mots

Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine

Donald Trump a signé le 18 décembre un décret intitulé « Garantir la supériorité spatiale américaine » qui appelle à une réforme profonde du programme spatial des Etats-Unis, à établir une stratégie de sécurité spatiale et à assurer le retour des astronautes américains sur la Lune d’ici 2028.


Il vient juste de prêter serment, devenant officiellement le quinzième administrateur de la Nasa (sans compter les intérims). Astronaute privé, entrepreneur, milliardaire, Jared Isaacman semble avoir le profil idéal pour piloter la feuille de route que lui a confié le président américain. Une feuille de route assez proche du « projet Athena », la vision qu’Isaacman avait partagé aux sénateurs quelques semaines avant sa confirmation. La Maison-Blanche sera aussi seule pilote (avec le Sénat qui contrôle le budget), le décret mettant fin au Conseil national de l’espace.

Sécurité nationale et accès aux services commerciaux

Le décret exhorte le Pentagone à déployer et tester des prototypes de systèmes antimissile en orbite d’ici 2028, dans le cadre du titanesque programme Golden Dome introduit par Donald Trump au début de son mandat. Il prévoit d’intégrer des solutions de missile intercepteurs pouvant être lancés depuis l’orbite. Le décret donne ainsi raison à la nouvelle doctrine de l’US Space Force qui est de considérer que l’orbite est désormais un champ de bataille. Il demande une architecture spatiale de sécurité nationale capable de répondre au déploiement d’armes en orbite par les adversaires.

À plusieurs reprises, il est demandé au Pentagone et à la Nasa de faire preuve de plus d’agilité et de résilience en intégrant les solutions commerciales dans leurs moyens. Ce choix est déjà partiellement suivi, avec par exemple la souscription du National Reconnaissance Office (administration pilote des satellites de reconnaissance) auprès d’opérateurs privés de satellites d’observation de la Terre.

Le Pentagone a plusieurs gigantesques chantiers sur le feu, à commencer par la PWSA, architecture de plusieurs centaines de satellites d’alerte avancée et de communication en orbite basse. On retrouve également le programme SHIELD de la Missile Defence Agency, qui intègre un volet spatial à la nouvelle génération de solutions antimissile. Mais ce n’est rien en comparaison du démesuré Golden Dome qui doit faire office de bulle de protection autour des Etats-Unis contre tout type d’attaque. Ainsi, le décret invite la défense spatiale à revoir sa relation avec le marché et avec sa base industrielle.

Retour sur la Lune en 2028 au plus tard

Mars a disparu des priorités de la Maison-Blanche. C’était la priorité pour Trump quand il s’agissait de satisfaire son soutien politique Elon Musk. Mais la fin de la bromance entre les deux milliardaires a permis au Sénat américain de remettre les pendules à l’heure. Ainsi, l’objectif est de revenir sur la Lune d’ici 2028.

Voilà une promesse bien difficile à tenir pour Jared Isaacman. Certes, Artemis 2, qui symbolise le retour des astronautes américains en orbite autour de la Lune est imminente. Le décollage est actuellement prévu début février. Pour le retour sur la Lune avec Artemis 3, c’est une autre paire de manches car la mission repose sur des solutions techniques pas encore prêtes, à savoir le scaphandre de marche lunaire et surtout l’atterrisseur lunaire.

SpaceX doit fournir une version lunaire de son Starship dès que possible, mais le véhicule n’a toujours pas atteint l’orbite. On pourrait presque croire que SpaceX y met de la mauvaise volonté, en priorisant le développement sur la réutilisation du véhicule plutôt que sur sa version lunaire. Agacée par les fausses promesses, et dans une ambiance de défiance entre Donald Trump et Elon Musk, la Nasa a menacé d’éventuellement se passer du Starship et de faire appel à une autre solution. Seul le Blue Moon de Blue Origin est à un stade intéressant de développement, avec un prototype à échelle réduite devant être posé sur la Lune l’année prochaine. Tous ces paramètres, ni Isaacman ni Trump ne les maîtrisent. Et Un atterrissage en toute sécurité des astronautes en 2028 paraît bien illusoire.

Pour la suite du programme lunaire, le décret de Donald Trump charge la Nasa d’établir des premiers éléments d’un avant-poste lunaire permanent d’ici 2030. Cela inclut le développement d’un réacteur nucléaire pour alimenter en énergie la future base. Encore une fois, difficile de croire que tout cela sera prêt d’ici 2030.

Préparer l’ère post-ISS et une réforme des acquisitions

C’est sans doute un des points les plus importants concernant l’avenir de la Nasa et des autres institutions fédérales pilotant des programmes spatiaux. Donald Trump incite à revoir la méthode d’acquisition, reprenant les recommandations du DOGE, le département d’audit de l’efficacité gouvernementale piloté par Elon Musk au début de l’année. Dans un discours tenu lors d’une réunion publique à la Nasa le 18 décembre, Jared Isaacman a déclaré vouloir « tout faire pour minimiser les lourdeurs bureaucratiques qui risquent de nous ralentir », face à l’efficacité du pilotage du programme spatial chinois.

Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche
Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche ©
Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche

Ainsi, la NASA et la NOAA(agence fédérale de la météo et des océans) doivent revoir leur gestion de projets spatiaux et identifier tous les programmes qui montrent un dépassement de budget de plus de 30%, ou un retard de 30% sur leur calendrier. Suivant la philosophie de Jared Isaacman, les programmes de la Nasa reposeront moins sur une solution sur mesure pour répondre aux objectifs, mais devront s’adapter aux solutions commerciales existantes. La Nasa le fait que très partiellement, en testant par exemple le système Starshield de SpaceX pour du transfert de données.

Le décret demande également de désorbiter la station spatiale internationale d’ici 2030 et de la remplacer par des stations spatiales commerciales. C’était déjà prévu ainsi, mais la Maison-Blanche semble vouloir accélérer le processus, croyant à la mise en service prochaine de stations privées d’ici la fin de la décennie, et souhaitant surtout réduire le plus possible les coûts consacrés à l’ISS.

Menaces sur la science

C’est la zone d’ombre du décret de la Maison-Blanche, qui mentionne à peine les programmes scientifiques pilotés par l’agence spatiale. Il est demandé d’identifier les programmes « non-alignés sur les priorités de ce décret ». La crainte demeure pour tous les programmes scientifiques qui déplaisent au gouvernement Trump et à la sphère MAGA, en particulier l’observation de la Terre et les sciences du climat. Jared Isaacman parviendra-t-il à les sauver ? Dans sa proposition de budget pour 2026, la Maison-Blanche souhaite tronçonner une bonne partie de ces programmes. L’ancien directeur intérimaire Sean Duffy voulait carrément y mettre fin.

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23/12/2025 19:15
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Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine

Donald Trump a signé le 18 décembre un décret intitulé « Garantir la supériorité spatiale américaine » qui appelle à une réforme profonde du programme spatial des Etats-Unis, à établir une stratégie de sécurité spatiale et à assurer le retour des astronautes américains sur la Lune d’ici 2028.

Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine
Lune, nucléaire, ISS, sécurité : Donald Trump et la suprématie spatiale américaine

Il vient juste de prêter serment, devenant officiellement le quinzième administrateur de la Nasa (sans compter les intérims). Astronaute privé, entrepreneur, milliardaire, Jared Isaacman semble avoir le profil idéal pour piloter la feuille de route que lui a confié le président américain. Une feuille de route assez proche du « projet Athena », la vision qu’Isaacman avait partagé aux sénateurs quelques semaines avant sa confirmation. La Maison-Blanche sera aussi seule pilote (avec le Sénat qui contrôle le budget), le décret mettant fin au Conseil national de l’espace.

Sécurité nationale et accès aux services commerciaux

Le décret exhorte le Pentagone à déployer et tester des prototypes de systèmes antimissile en orbite d’ici 2028, dans le cadre du titanesque programme Golden Dome introduit par Donald Trump au début de son mandat. Il prévoit d’intégrer des solutions de missile intercepteurs pouvant être lancés depuis l’orbite. Le décret donne ainsi raison à la nouvelle doctrine de l’US Space Force qui est de considérer que l’orbite est désormais un champ de bataille. Il demande une architecture spatiale de sécurité nationale capable de répondre au déploiement d’armes en orbite par les adversaires.

À plusieurs reprises, il est demandé au Pentagone et à la Nasa de faire preuve de plus d’agilité et de résilience en intégrant les solutions commerciales dans leurs moyens. Ce choix est déjà partiellement suivi, avec par exemple la souscription du National Reconnaissance Office (administration pilote des satellites de reconnaissance) auprès d’opérateurs privés de satellites d’observation de la Terre.

Le Pentagone a plusieurs gigantesques chantiers sur le feu, à commencer par la PWSA, architecture de plusieurs centaines de satellites d’alerte avancée et de communication en orbite basse. On retrouve également le programme SHIELD de la Missile Defence Agency, qui intègre un volet spatial à la nouvelle génération de solutions antimissile. Mais ce n’est rien en comparaison du démesuré Golden Dome qui doit faire office de bulle de protection autour des Etats-Unis contre tout type d’attaque. Ainsi, le décret invite la défense spatiale à revoir sa relation avec le marché et avec sa base industrielle.

Retour sur la Lune en 2028 au plus tard

Mars a disparu des priorités de la Maison-Blanche. C’était la priorité pour Trump quand il s’agissait de satisfaire son soutien politique Elon Musk. Mais la fin de la bromance entre les deux milliardaires a permis au Sénat américain de remettre les pendules à l’heure. Ainsi, l’objectif est de revenir sur la Lune d’ici 2028.

Voilà une promesse bien difficile à tenir pour Jared Isaacman. Certes, Artemis 2, qui symbolise le retour des astronautes américains en orbite autour de la Lune est imminente. Le décollage est actuellement prévu début février. Pour le retour sur la Lune avec Artemis 3, c’est une autre paire de manches car la mission repose sur des solutions techniques pas encore prêtes, à savoir le scaphandre de marche lunaire et surtout l’atterrisseur lunaire.

SpaceX doit fournir une version lunaire de son Starship dès que possible, mais le véhicule n’a toujours pas atteint l’orbite. On pourrait presque croire que SpaceX y met de la mauvaise volonté, en priorisant le développement sur la réutilisation du véhicule plutôt que sur sa version lunaire. Agacée par les fausses promesses, et dans une ambiance de défiance entre Donald Trump et Elon Musk, la Nasa a menacé d’éventuellement se passer du Starship et de faire appel à une autre solution. Seul le Blue Moon de Blue Origin est à un stade intéressant de développement, avec un prototype à échelle réduite devant être posé sur la Lune l’année prochaine. Tous ces paramètres, ni Isaacman ni Trump ne les maîtrisent. Et Un atterrissage en toute sécurité des astronautes en 2028 paraît bien illusoire.

Pour la suite du programme lunaire, le décret de Donald Trump charge la Nasa d’établir des premiers éléments d’un avant-poste lunaire permanent d’ici 2030. Cela inclut le développement d’un réacteur nucléaire pour alimenter en énergie la future base. Encore une fois, difficile de croire que tout cela sera prêt d’ici 2030.

Préparer l’ère post-ISS et une réforme des acquisitions

C’est sans doute un des points les plus importants concernant l’avenir de la Nasa et des autres institutions fédérales pilotant des programmes spatiaux. Donald Trump incite à revoir la méthode d’acquisition, reprenant les recommandations du DOGE, le département d’audit de l’efficacité gouvernementale piloté par Elon Musk au début de l’année. Dans un discours tenu lors d’une réunion publique à la Nasa le 18 décembre, Jared Isaacman a déclaré vouloir « tout faire pour minimiser les lourdeurs bureaucratiques qui risquent de nous ralentir », face à l’efficacité du pilotage du programme spatial chinois.

Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche
Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche ©
Donald Trump et Jared Isaacman à la Maison-Blanche

Ainsi, la NASA et la NOAA(agence fédérale de la météo et des océans) doivent revoir leur gestion de projets spatiaux et identifier tous les programmes qui montrent un dépassement de budget de plus de 30%, ou un retard de 30% sur leur calendrier. Suivant la philosophie de Jared Isaacman, les programmes de la Nasa reposeront moins sur une solution sur mesure pour répondre aux objectifs, mais devront s’adapter aux solutions commerciales existantes. La Nasa le fait que très partiellement, en testant par exemple le système Starshield de SpaceX pour du transfert de données.

Le décret demande également de désorbiter la station spatiale internationale d’ici 2030 et de la remplacer par des stations spatiales commerciales. C’était déjà prévu ainsi, mais la Maison-Blanche semble vouloir accélérer le processus, croyant à la mise en service prochaine de stations privées d’ici la fin de la décennie, et souhaitant surtout réduire le plus possible les coûts consacrés à l’ISS.

Menaces sur la science

C’est la zone d’ombre du décret de la Maison-Blanche, qui mentionne à peine les programmes scientifiques pilotés par l’agence spatiale. Il est demandé d’identifier les programmes « non-alignés sur les priorités de ce décret ». La crainte demeure pour tous les programmes scientifiques qui déplaisent au gouvernement Trump et à la sphère MAGA, en particulier l’observation de la Terre et les sciences du climat. Jared Isaacman parviendra-t-il à les sauver ? Dans sa proposition de budget pour 2026, la Maison-Blanche souhaite tronçonner une bonne partie de ces programmes. L’ancien directeur intérimaire Sean Duffy voulait carrément y mettre fin.



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