Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?
Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?
© US Army

publié le 02 août 2024 à 17:25

1048 mots

Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?

Le 25 juillet, un essai du Long-Range Hypersonic Weapon devait avoir lieu en Floride. Cependant, les informations disponibles en sources ouvertes (OSINT) semblent converger vers une annulation de l’essai avant le tir. Le LRHW est un missile emportant un planeur hypersonique et développé en coopération avec l’US Navy, dans le cadre du Conventional Prompt Strike.


Essai d'un planeur hypersonique

Le 25 juillet, les experts défense avaient les yeux rivés sur Cap Canaveral (Floride, États-Unis) et plus précisémment sur le Space Launch Complex 46 (SLC-46). Vers 17h (heure de Paris), l'US Army et Lockheed Martin devaient effectuer un tir d'essai d'un Long Range Hypersonic Weapon (LRHW), également dénommé Dark Eagle. Ce missile emporte un planeur hypersonique et représente la future arme très longue portée sol-sol de l'US Army ainsi que le futur moyen mer-sol très longue portée de l'US Navy.

Un NOTAM avait été mis en place sur une partie des côtes. Plusieurs zones avaient ainsi été interdites de survol pour le missile mais également pour les différents appareils de mesures. Une partie des avions mobilisés pour l'essai étaient d'ailleurs visibles sur les différents sites de live tracking (liste ci-après).

Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).
Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW). © US Army
Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).

Des avions spéciaux

La NASA était ainsi présente avec un récent H135, probablement utilisé afin de confirmé que la zone proche du pas de tir était vide de tout objet ou personnes. La NASA déployait aussi un WB-57 à plus de 13 716 mètres d’altitude. Datant des années 1970 mais ayant reçu de nombreuses améliorations, il permet d'offrir une capacité de collecte de différentes données (y compris images) en fonction des capteurs emportés.

Deux Gulfstream G550 de la Missile Defense Agency étaient déployés au-dessus de l'Atlantique et ce, à longue distance du pas de tir. Dénommés Gulfstream IIB par la MDA, ils sont de grands habitués des essais de missiles américains. Ils sont facilement reconnaissables des autres Gulfstream grâce au carénage situé au-dessus du fuselage, sur la moitié avant de ce dernier. Ils sont utilisés en tant qu'observatoire de haute altitude lors des essais afin de fournir des images grâce aux capteurs électro-optiques et infrarouges situés dans le carénage.

L'US Navy a déployé en fin de zone de tir un NP-3D Billboard. Il s'agit d'un avion de surveillance maritime P-3 Orion spécifiquement modifié pour le suivi des missiles durant des essais réels. S'il ressemble à un P-3 Orion de l'US Navy, un œil attentif apercevra que le détecteur d'anomalie magnétique situé derrière l'empennage a été retiré et qu'un radar Billboard a été installé juste devant le stabilisateur vertical. Les différents capteurs emportés permettent à ce très rare (seuls 3 NP-3D équipé en Billboard sur les 5 NP-3D) appareil de fournir des données télémétriques, images, ainsi que de les retransmettre directement. Sa capacité TSPI (Time, Space, Position Information) lui permet aussi de recueillir des informations avec une très grande précision.

Il est plus que probable qu'un drone RQ-4 était également en vol non loin de la zone de descente du LRHW. Cependant, ce dernier n'étant pas visible, il n'est pas possible de décrire ses capacités : RQ-4 Global Hawk de la NASA ? RQ-4 SkyRange spécialement modifié dans le suivi des essais de missiles hypersoniques ? À noter qu'en mer, l'USNS Waters était aussi présent. Ce bâtiment est spécialement modifié pour le suivi des essais de missiles balistiques lancés depuis un sous-marin (SLBM) mais a été déployé dans ce cas-ci pour l'essai du LRHW.

Un essai à nouveau annulé ?

Pour revenir à l'essai, aucune information n'a été transmise à la presse. Il s'agit bien évidemment d'un système de haute technologie et dont les informations exactes ne sont pas connues. Mais aucune image ou encore communiqué de presse des Forces armées américaines ou de Lockheed n'a été publié à ce sujet. Étienne Marcuz, spécialiste dans le suivi des essais missiles en sources ouvertes (OSINT)(notamment via son compte X @M51_4ever), décrivait dans une interview une hypothèse intéressante : l'essai a été annulé peu de temps avant le tir. Il précisait ainsi ;

"La côte Est de la Floride est probablement l'une des zones les plus touristiques du monde. C'est aussi une zone attirant de nombreux passionnés du spatial et qui traquent la moindre activité. Le tir d'un tel missile à propulsion solide, équivalent à un missile balistique de portée intermédiaire (IRBM), aurait donc quasiment aucune chance de passer inaperçu."

Il explique aussi qu'une seconde fenêtre de tir était possible mais qu'elle n'a pas été utilisée :

"Suite à la tentative du 25 juillet, le NOTAM dédié à un éventuel second créneau de tir le 27 a été annulé, tandis que les quatre avions de télémesure déployés pour le suivi du test (NP-3D, HALO51 et 53, WB-57) et observables en OSINT sont retournés à leurs différentes bases d'affectation le 27. Le problème ayant entraîné la probable annulation de la tentative du 25 semble donc avoir été assez grave pour empêcher une seconde tentative comme prévu initialement."

Cette hypothèse est encore plus valable en regardant l'historique du LRHW, repris dans un récent rapport du GAO (équivalent américain de la Cour des Comptes) : le premier essai en vol (2022) a vu le départ du missile mais a "subit un échec durant la moitié du vol". Les trois essais suivants, en 2023, ont tous été annulés avant le tir. Le GAO, citant des officiels en charge de ces tests, expliquent que des problèmes d'intégration entre le lanceur et le missile sont en cause de ces trois annulations.

Un programme US Army et US Navy

Ce programme est important pour l'US Army et l'US Navy ; l'US Army devrait déployer ce missile en Allemagne à l'horizon 2026, au sein d'une Multi-Domain Task Force. Celle-ci combine notamment des HIMARS équipés de missiles balistiques courte portée PrSM, des Mid-Range Capability Battery - également dénommées Typhon - équipées en missiles sol-air très longue portée RIM-174B/SM-6 Block IA et/ou missiles de croisière sol-sol Tomahawk et enfin, des LRHW.

Au niveau de l'US Navy, les trois destroyers lance-missiles de la classe Zumwalt verront leurs deux tourelles de 155 mm retirée pour justement accueillir des cellules lance-missiles capables d’accueillir le Conventional Prompt Strike (CPS), emportant le même planeur que le LRHW. Les sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire de la classe Virginia Block 5 sont aussi prévus pour pouvoir tirer le CPS.

Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).
Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW). © GAO
Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).
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02/08/2024 17:25
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Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?

Le 25 juillet, un essai du Long-Range Hypersonic Weapon devait avoir lieu en Floride. Cependant, les informations disponibles en sources ouvertes (OSINT) semblent converger vers une annulation de l’essai avant le tir. Le LRHW est un missile emportant un planeur hypersonique et développé en coopération avec l’US Navy, dans le cadre du Conventional Prompt Strike.

Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?
Essai du système hypersonique américain LRHW : une nouvelle annulation avant le tir ?

Essai d'un planeur hypersonique

Le 25 juillet, les experts défense avaient les yeux rivés sur Cap Canaveral (Floride, États-Unis) et plus précisémment sur le Space Launch Complex 46 (SLC-46). Vers 17h (heure de Paris), l'US Army et Lockheed Martin devaient effectuer un tir d'essai d'un Long Range Hypersonic Weapon (LRHW), également dénommé Dark Eagle. Ce missile emporte un planeur hypersonique et représente la future arme très longue portée sol-sol de l'US Army ainsi que le futur moyen mer-sol très longue portée de l'US Navy.

Un NOTAM avait été mis en place sur une partie des côtes. Plusieurs zones avaient ainsi été interdites de survol pour le missile mais également pour les différents appareils de mesures. Une partie des avions mobilisés pour l'essai étaient d'ailleurs visibles sur les différents sites de live tracking (liste ci-après).

Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).
Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW). © US Army
Représentation du missile, du planeur hypersonique et d'une batterie de Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).

Des avions spéciaux

La NASA était ainsi présente avec un récent H135, probablement utilisé afin de confirmé que la zone proche du pas de tir était vide de tout objet ou personnes. La NASA déployait aussi un WB-57 à plus de 13 716 mètres d’altitude. Datant des années 1970 mais ayant reçu de nombreuses améliorations, il permet d'offrir une capacité de collecte de différentes données (y compris images) en fonction des capteurs emportés.

Deux Gulfstream G550 de la Missile Defense Agency étaient déployés au-dessus de l'Atlantique et ce, à longue distance du pas de tir. Dénommés Gulfstream IIB par la MDA, ils sont de grands habitués des essais de missiles américains. Ils sont facilement reconnaissables des autres Gulfstream grâce au carénage situé au-dessus du fuselage, sur la moitié avant de ce dernier. Ils sont utilisés en tant qu'observatoire de haute altitude lors des essais afin de fournir des images grâce aux capteurs électro-optiques et infrarouges situés dans le carénage.

L'US Navy a déployé en fin de zone de tir un NP-3D Billboard. Il s'agit d'un avion de surveillance maritime P-3 Orion spécifiquement modifié pour le suivi des missiles durant des essais réels. S'il ressemble à un P-3 Orion de l'US Navy, un œil attentif apercevra que le détecteur d'anomalie magnétique situé derrière l'empennage a été retiré et qu'un radar Billboard a été installé juste devant le stabilisateur vertical. Les différents capteurs emportés permettent à ce très rare (seuls 3 NP-3D équipé en Billboard sur les 5 NP-3D) appareil de fournir des données télémétriques, images, ainsi que de les retransmettre directement. Sa capacité TSPI (Time, Space, Position Information) lui permet aussi de recueillir des informations avec une très grande précision.

Il est plus que probable qu'un drone RQ-4 était également en vol non loin de la zone de descente du LRHW. Cependant, ce dernier n'étant pas visible, il n'est pas possible de décrire ses capacités : RQ-4 Global Hawk de la NASA ? RQ-4 SkyRange spécialement modifié dans le suivi des essais de missiles hypersoniques ? À noter qu'en mer, l'USNS Waters était aussi présent. Ce bâtiment est spécialement modifié pour le suivi des essais de missiles balistiques lancés depuis un sous-marin (SLBM) mais a été déployé dans ce cas-ci pour l'essai du LRHW.

Un essai à nouveau annulé ?

Pour revenir à l'essai, aucune information n'a été transmise à la presse. Il s'agit bien évidemment d'un système de haute technologie et dont les informations exactes ne sont pas connues. Mais aucune image ou encore communiqué de presse des Forces armées américaines ou de Lockheed n'a été publié à ce sujet. Étienne Marcuz, spécialiste dans le suivi des essais missiles en sources ouvertes (OSINT)(notamment via son compte X @M51_4ever), décrivait dans une interview une hypothèse intéressante : l'essai a été annulé peu de temps avant le tir. Il précisait ainsi ;

"La côte Est de la Floride est probablement l'une des zones les plus touristiques du monde. C'est aussi une zone attirant de nombreux passionnés du spatial et qui traquent la moindre activité. Le tir d'un tel missile à propulsion solide, équivalent à un missile balistique de portée intermédiaire (IRBM), aurait donc quasiment aucune chance de passer inaperçu."

Il explique aussi qu'une seconde fenêtre de tir était possible mais qu'elle n'a pas été utilisée :

"Suite à la tentative du 25 juillet, le NOTAM dédié à un éventuel second créneau de tir le 27 a été annulé, tandis que les quatre avions de télémesure déployés pour le suivi du test (NP-3D, HALO51 et 53, WB-57) et observables en OSINT sont retournés à leurs différentes bases d'affectation le 27. Le problème ayant entraîné la probable annulation de la tentative du 25 semble donc avoir été assez grave pour empêcher une seconde tentative comme prévu initialement."

Cette hypothèse est encore plus valable en regardant l'historique du LRHW, repris dans un récent rapport du GAO (équivalent américain de la Cour des Comptes) : le premier essai en vol (2022) a vu le départ du missile mais a "subit un échec durant la moitié du vol". Les trois essais suivants, en 2023, ont tous été annulés avant le tir. Le GAO, citant des officiels en charge de ces tests, expliquent que des problèmes d'intégration entre le lanceur et le missile sont en cause de ces trois annulations.

Un programme US Army et US Navy

Ce programme est important pour l'US Army et l'US Navy ; l'US Army devrait déployer ce missile en Allemagne à l'horizon 2026, au sein d'une Multi-Domain Task Force. Celle-ci combine notamment des HIMARS équipés de missiles balistiques courte portée PrSM, des Mid-Range Capability Battery - également dénommées Typhon - équipées en missiles sol-air très longue portée RIM-174B/SM-6 Block IA et/ou missiles de croisière sol-sol Tomahawk et enfin, des LRHW.

Au niveau de l'US Navy, les trois destroyers lance-missiles de la classe Zumwalt verront leurs deux tourelles de 155 mm retirée pour justement accueillir des cellules lance-missiles capables d’accueillir le Conventional Prompt Strike (CPS), emportant le même planeur que le LRHW. Les sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire de la classe Virginia Block 5 sont aussi prévus pour pouvoir tirer le CPS.

Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).
Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW). © GAO
Coopération entre l'US Navy et l'US Army concernant respectivement le Conventional Prompt Strike (CPS) et le Long-Range Hypersonic Weapon (LRHW).


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