Le 21 septembre au matin, une explosion illuminait le ciel autour du centre d’essai russe de Plesetsk. Un missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat (SS-X-30) venait d’exploser dans son silo alors qu’il devait effectuer un tir d’essai. Les images satellites confirment l’explosion, le silo ayant laissé la place à un cratère de 55 mètres de diamètre.
Ces derniers jours, les analystes de défense, et tout particulièrement les spécialistes en missiles stratégiques, avaient les yeux rivés sur la Russie. Un tir de missile balistique intercontinental (ICBM) Sarmat (SS-X-30) était prévu, facilement décelable avec les NOTAM mises en place sur la mer de Kara (pour le premier étage) et sur le polygone de tir de Kura. Un tir similaire devait avoir lieu entre le 2 et le 11 avril dernier mais pour une raison inconnue, l'essai avait été annulé.
Comme lors de chacun de ces tirs d'essais, l'US Air Force avait prépositionné deux avions de renseignement RC-135S Cobra Ball sur la base aérienne d'Elmendorf (Alaska, États-Unis). Ces deux avions sont spécialement conçus pour le suivi à très longue distance des tirs de missiles balistiques intercontinentaux. Ils doivent voler au large des côtes de la péninsule du Kamtchatka (Russie), dans l'espace aérien international, et recueillir de précieux renseignements mesure et signature (MASINT) du tir en question. Du fait de la longueur du vol, les deux avions sont souvent soutenus par un ou plusieurs avions ravitailleurs.
L'essai a cette fois-ci bien eu lieu... mais pas comme prévu. Les images satellites du site d'essai de Plesetsk (oblast d'Arkhangelsk, Russie) confirment qu'un cratère s'est formé sur l'un des pas de tir ; le missile a explosé dans son silo, créant ainsi un cratère de 55 mètres !
Aucune date précise n'est pour l'instant disponible mais le FIRMS a détecté une importante source de chaleur le 21 septembre à 01h52 (heure de Paris) du matin. Pour rappel, le Fire Information for Resource Management System (FIRMS) de la NASA est un système permettant de cartographier les incendies importants, leur intensité et leur emplacement, le tout, moins de trois heures après leur détection par satellite. Il permet ainsi de donner une date et une heure "à minima", l'explosion et l'incendie du site ayant peut-être été déclenché quelques temps avant qu'un satellite passe au-dessus du silo en question. D'ailleurs, il est plus que probable que l'explosion a déclenché un feu de forêt, une source de chaleur était détectée le même jour, à 11h45 (heure de Paris), sur le même pas de tir.
Il est possible de comparer l'image ci-dessus avec une image en clair du pas du même pas de tir via une image Google Earth datant du 27 juillet 2024 ; le cratère est clairement situé sur le silo.
Pour rappel, le Sarmat est un missile stratégique russe capable d'emporter une tête à charge unitaire de haute puissance (estimée à 8 Mt), 10 à 16 têtes nucléaires (en fonction de leur traille et de leur masse)(missile mirvé) ou encore des véhicules hypersoniques. Catégorisé comme un "missile lourd" - dont la masse est supérieure à 100 tonnes - ce missile est tiré uniquement depuis des silos enterrés, contrairement aux missiles légers (masse autour de 50 tonnes), tirés depuis des lanceurs mobiles.
Si le Sarmat est souvent présenté comme un missile révolutionnaire par certains, ce dernier n'apporte pas énormément de nouveautés au sein des ICBM russes. Sa vitesse, souvent qualifiée d'impressionnante (supérieure à Mach 20, soit 24 696 km/h), est en réalité sa vitesse maximale, atteinte lors de la phase de rentrée. À titre de comparaison, les ICBM américains Minuteman III détiennent une vitesse estimée (d'après l'US Air Force) de Mach 23, soit 28 400 km/h. Ce missile est souvent montré en avant dans la presse, avec un titre accrocheur et ensuite surnommé Satan II, surnom qui n'a rien d'officiel. La seul grosse nouveauté (en dehors d'être un missile plus moderne que ses prédécesseurs) est sa capacité d'emport du planeur hypersonique Avangard.
En dehors d'un premier vol réussi (20 avril 2022), 4 échecs (partiel ou total) ont déjà eu lieu. S'il est officiellement en service, le Sarmat semble toujours en développement et le temps est compté. Le SS-X-30 sera produit en série en Russie car il doit remplacer les ICBM lourds actuellement en service. Ce remplacement s'explique par la fin de vie annoncée du SS-18 Mod 5 et de l'impossibilité d'améliorer ou d'entretenir à long terme le SS-19 Mod-3/4, ce dernier ayant été co-produit avec l'Ukraine (coopération terminée après l'annexion de la Crimée par la Russie).
En 2020, le Defense Intelligence Ballistic Missile Analysis Committee estimait que la Russie alignait en 2020 un total de plus d'une centaine d'ICBM uniquement tirés en silos, répartis comme suit :
À noter qu'en 2020, la dissuasion nucléaire terrestre russe était aussi composée d'ICBM mobiles ou pour certains, mobiles ou en silos ;
Caractéristiques techniques
Les données techniques estimées (secret de la dissuasion oblige) du Sarmat sont les suivantes ;
Taille : 35,5 mètres de hauteur, diamètre de 3 mètres
Étage(s) : 3 étages
Masse au décollage : 208,1 tonnes (avec 178 tonnes de carburant [ergols liquides])
Charge utile : 10 tonnes (variable, MIRV)
Portée : 11 000 à 18 000 kilomètres
Image de couverture pour illustration : Fumée créée par le tir d'essai d'un ICBM RS-28 Sarmat (SS-X-30) depuis l'un des pas de tir de Plesetsk (Russie).
Article modifié le 22 septembre à 12h15 (précision sur le FIRMS).
Le 21 septembre au matin, une explosion illuminait le ciel autour du centre d’essai russe de Plesetsk. Un missile balistique intercontinental RS-28 Sarmat (SS-X-30) venait d’exploser dans son silo alors qu’il devait effectuer un tir d’essai. Les images satellites confirment l’explosion, le silo ayant laissé la place à un cratère de 55 mètres de diamètre.
Ces derniers jours, les analystes de défense, et tout particulièrement les spécialistes en missiles stratégiques, avaient les yeux rivés sur la Russie. Un tir de missile balistique intercontinental (ICBM) Sarmat (SS-X-30) était prévu, facilement décelable avec les NOTAM mises en place sur la mer de Kara (pour le premier étage) et sur le polygone de tir de Kura. Un tir similaire devait avoir lieu entre le 2 et le 11 avril dernier mais pour une raison inconnue, l'essai avait été annulé.
Comme lors de chacun de ces tirs d'essais, l'US Air Force avait prépositionné deux avions de renseignement RC-135S Cobra Ball sur la base aérienne d'Elmendorf (Alaska, États-Unis). Ces deux avions sont spécialement conçus pour le suivi à très longue distance des tirs de missiles balistiques intercontinentaux. Ils doivent voler au large des côtes de la péninsule du Kamtchatka (Russie), dans l'espace aérien international, et recueillir de précieux renseignements mesure et signature (MASINT) du tir en question. Du fait de la longueur du vol, les deux avions sont souvent soutenus par un ou plusieurs avions ravitailleurs.
L'essai a cette fois-ci bien eu lieu... mais pas comme prévu. Les images satellites du site d'essai de Plesetsk (oblast d'Arkhangelsk, Russie) confirment qu'un cratère s'est formé sur l'un des pas de tir ; le missile a explosé dans son silo, créant ainsi un cratère de 55 mètres !
Aucune date précise n'est pour l'instant disponible mais le FIRMS a détecté une importante source de chaleur le 21 septembre à 01h52 (heure de Paris) du matin. Pour rappel, le Fire Information for Resource Management System (FIRMS) de la NASA est un système permettant de cartographier les incendies importants, leur intensité et leur emplacement, le tout, moins de trois heures après leur détection par satellite. Il permet ainsi de donner une date et une heure "à minima", l'explosion et l'incendie du site ayant peut-être été déclenché quelques temps avant qu'un satellite passe au-dessus du silo en question. D'ailleurs, il est plus que probable que l'explosion a déclenché un feu de forêt, une source de chaleur était détectée le même jour, à 11h45 (heure de Paris), sur le même pas de tir.
Il est possible de comparer l'image ci-dessus avec une image en clair du pas du même pas de tir via une image Google Earth datant du 27 juillet 2024 ; le cratère est clairement situé sur le silo.
Pour rappel, le Sarmat est un missile stratégique russe capable d'emporter une tête à charge unitaire de haute puissance (estimée à 8 Mt), 10 à 16 têtes nucléaires (en fonction de leur traille et de leur masse)(missile mirvé) ou encore des véhicules hypersoniques. Catégorisé comme un "missile lourd" - dont la masse est supérieure à 100 tonnes - ce missile est tiré uniquement depuis des silos enterrés, contrairement aux missiles légers (masse autour de 50 tonnes), tirés depuis des lanceurs mobiles.
Si le Sarmat est souvent présenté comme un missile révolutionnaire par certains, ce dernier n'apporte pas énormément de nouveautés au sein des ICBM russes. Sa vitesse, souvent qualifiée d'impressionnante (supérieure à Mach 20, soit 24 696 km/h), est en réalité sa vitesse maximale, atteinte lors de la phase de rentrée. À titre de comparaison, les ICBM américains Minuteman III détiennent une vitesse estimée (d'après l'US Air Force) de Mach 23, soit 28 400 km/h. Ce missile est souvent montré en avant dans la presse, avec un titre accrocheur et ensuite surnommé Satan II, surnom qui n'a rien d'officiel. La seul grosse nouveauté (en dehors d'être un missile plus moderne que ses prédécesseurs) est sa capacité d'emport du planeur hypersonique Avangard.
En dehors d'un premier vol réussi (20 avril 2022), 4 échecs (partiel ou total) ont déjà eu lieu. S'il est officiellement en service, le Sarmat semble toujours en développement et le temps est compté. Le SS-X-30 sera produit en série en Russie car il doit remplacer les ICBM lourds actuellement en service. Ce remplacement s'explique par la fin de vie annoncée du SS-18 Mod 5 et de l'impossibilité d'améliorer ou d'entretenir à long terme le SS-19 Mod-3/4, ce dernier ayant été co-produit avec l'Ukraine (coopération terminée après l'annexion de la Crimée par la Russie).
En 2020, le Defense Intelligence Ballistic Missile Analysis Committee estimait que la Russie alignait en 2020 un total de plus d'une centaine d'ICBM uniquement tirés en silos, répartis comme suit :
À noter qu'en 2020, la dissuasion nucléaire terrestre russe était aussi composée d'ICBM mobiles ou pour certains, mobiles ou en silos ;
Caractéristiques techniques
Les données techniques estimées (secret de la dissuasion oblige) du Sarmat sont les suivantes ;
Taille : 35,5 mètres de hauteur, diamètre de 3 mètres
Étage(s) : 3 étages
Masse au décollage : 208,1 tonnes (avec 178 tonnes de carburant [ergols liquides])
Charge utile : 10 tonnes (variable, MIRV)
Portée : 11 000 à 18 000 kilomètres
Image de couverture pour illustration : Fumée créée par le tir d'essai d'un ICBM RS-28 Sarmat (SS-X-30) depuis l'un des pas de tir de Plesetsk (Russie).
Article modifié le 22 septembre à 12h15 (précision sur le FIRMS).
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