Codé 8888, ce type d’ordre n’a été enregistré que 11 fois depuis 2004... jusqu'au le 21 décembre dernier, où un 12ème message de ce type a été envoyé par un avion de commandement et de contrôle stratégique aéroporté E-4B Nightwatch. Ce dernier avait décollé avec un tout aussi stratégique E-6B Mercury, capable de tirer à distance les missiles balistiques intercontinentaux LGM-30G Minuteman III placés dans leurs silos. Quel est le rôle de ce message ? Quelles sont les missions de ces deux très stratégiques appareils ? Existe-t-il un équivalent en France ?
Le Système de Commandement et de Contrôle Automatisé Stratégique (SACCS) américain est utilisé pour la transmission de nombreux messages entre les centres de commandement militaires et les forces stratégiques américaines. La majorité de ces messages peut être regroupée en quatre catégories :
Au vu de leur sensibilité, ceux-ci sont bien évidemment cryptés. Cependant, il arrive que des radio-amateurs entendent et enregistrent ces types de messages lors d’exercices, essais ou entrainements.
Le 21 décembre, un avion de commandement et de contrôle stratégique aéroporté E-4B Nightwatch décollait de sa base aérienne d’Offutt (Nebraska, États-Unis) pour une mission d’entrainement stratégique au-dessus du golfe du Mexique. La mission comprenait notamment un ravitaillement par deux tankers KC-46A Pegasus durant son trajet au-dessus des États-Unis (image ci-dessous).
Une fois arrivé sur zone, l’appareil a alors émis, en clair, un message d’exercice (publication ci-après) :
888800211852AAEEGGKKNNXXZZ8888
Le message peut être scindé en plusieurs parties :
S’il est impossible d’identifier formellement le type de message envoyé, secret de la dissuasion oblige, le format ne correspond toutefois pas avec un message EAM. La presque totalité des EAM ne comprend ni le nombre 0 (pour ne pas confondre le nombre zéro avec la lettre O), ni le chiffre 1 (pour ne pas confondre le chiffre 1 et la lettre L). Il faut aussi noter l’absence de chiffres au sein du corps du message.
En revanche, ce message type « 8888 » est extrêmement rare ; seulement 12 de ces messages ont été enregistrés – partiellement ou entièrement - en sources ouvertes entre le 23 février 2004 et le 21 décembre 2023 ! En plus de la structure 8888, la date et l'heure, ils reprennent à chaque fois un identique ou très similaire corps du message ;
888800221650AAEEGGKKNNXXZZ8888 (message du 22 novembre 2022)
888800181831AAEEGGKKNNXXZZ8888 (message du 18 novembre 2022)
888800011657OOTT11KKNNXXZZ8888 (message du 1er mai 2018)
88880025I600AAE6GGOONNXXZZ8888 (message du 26 juin 2007)
À noter qu’il s’agit peut-être d’un message test : un précédent message (avant 2004) avait été émis sous ce format : "UUUF1 888041310ZISSTMAINTENANCETEST888", signifiant un test de maintenance de l'ISST. Pour information, l’ICBM Super High Frequency Satellite Terminal (ISST) était un système de communication satellitaire entre les centres de commandements stratégiques et les postes de lancement des missiles balistiques intercontinentaux américains. Aujourd’hui, le système de communication satellitaire stratégique utilisé aux États-Unis se base sur la constellation de satellites Advanced Extremely High Frequency (AEHF) de Northrop Grumman.
Pour plus d'informations sur ces messages, INTERNETFRIEND a publié une vidéo (en anglais, ci-dessous) le 1er septembre dernier sur les messages "8888".
Durant la guerre froide, l’US Air Force développe l’E-4B Nightwatch afin de détenir un poste de commandement aéroporté capable de survivre à une frappe nucléaire, tout en permettant aux hautes autorités transportées de décider d’une réplique conventionnelle ou stratégique.
Basé sur un Boeing 747-200, le premier E-4 Nighwatch entre en service en 1974. Aujourd’hui, les E-4B Nightwatch sont équipés de nombreux moyens de communications. Les personnels de bord expliquent dans de nombreuses interviews que les téléphones situés au poste des communications peuvent appeler n’importe quel téléphone sur la planète. Au-dessus du fuselage, un radôme a été installé pour protéger les nombreuses antennes permettant d’assurer les liaisons satellitaires. L'appareil est conçu pour résister aux effets d'une impulsion électromagnétique, pouvant être créée par l'explosion d'une charge nucléaire. D'ailleurs, ce type d'avion dispose d'une protection contre les effets nucléaires mais aussi thermiques.
L’avion peut aussi envoyer des messages aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Marine américaine (US Navy) et ce, grâce à une antenne de 8 kilomètres de long. Il s’agit d’une antenne souple enroulée dans l’appareil et stabilisée grâce à un panier ressemblant au panier d’un câble de ravitaillement. Ce dernier est constamment visible car il sort de l'avion juste au-dessus de l'APU (sous la queue, visible sur l'image ci-dessous). Une fois entièrement déroulée, l’avion va effectuer une série continue de virages serrés (30 à 50°) en basse vitesse. Dès lors, l’antenne va petit à petit passer d’une position horizontale à une position verticale. Une fois placée, l’antenne permet d’émettre en très basse fréquence des messages dont la portée est mondiale : un message envoyé pourrait faire 2,5 fois le tour de la Terre. Dès lors, les SNLE en surface, situés jusqu’à 18 mètres sous la surface de l’eau ou encore en plongée mais tractant une antenne flottante recevront le précieux message.
Aujourd’hui, ces quatre appareils sont toujours en service et sont notamment utilisés pour le transport du Secrétaire à la Défense (équivalent du ministre des Armées en France) ou accompagnent le Président américain dans chacun de ses trajets. Dissuasion oblige, au moins un E-4B est constamment prêt à décoller et ce, 24h/24, 7j/7.
En plus du E-4B Nightwatch, un tout aussi stratégique E-6B Mercury (à ne pas confondre avec l'E-A6B Prowler) avait également décollé de la base aérienne d'Offutt. Ce Boeing 707 militarisé est plus récent que le Nightwatch car il est entré en service au sein de l’US Navy en octobre 1998, avant d’évoluer en E-6B Mercury en 2003. Ils ne sont pas utilisés pour transporter des personnels VIP mais répondent à deux missions stratégiques :
Leur mission étant également stratégique, les 16 E-6B Mercury assurent également une veille en alerte 24h/24, 7j/7. De par la nature hautement stratégique de leurs missions, Les Nightwatch et Mercury sont parfois surnommés Doomsday Plane, à savoir, avion du jugement dernier.
Pour dissuader, il faut aussi être visible. De fait, entre les entrainements, patrouilles aériennes et missions de routine, les E-4B et E-6B effectuent de nombreuses heures de vol, respectivement 1.149 et 9.403 heures de vol pendant l’année fiscale 2020. Avec un coût à l’heure de vol de 372.496 $ et de 54.839 $, le budget de ces deux appareils cumulés est de 943.649.021 $, soit 855,9 millions d’euros. À titre de comparaison, cette somme représentait 16,8 % des 5 milliards d’euros du budget 2020 alloué aux différentes forces de dissuasion françaises.
Avec et ans de service, les E-4B et E-6B sont vieillissants et coûteux à entretenir. L’USAF et l’US Navy sont en train de remplacer ces appareils par des avions modernes :
Les Forces armées françaises ont utilisés, entre 1988 et 2001, quatre C-160H ASTARTE (Avion STAtion Relais de Transmissions Exceptionnelles). Tout comme les E-6B américains, les C-160H étaient équipés de deux antennes flexibles à très basse fréquence. Aujourd’hui, leur mission a été reprise par l’escadron 92.532 SYDEREC (SYstème de DErnier RECours), utilisant des ballons captifs sur lesquels de longues antennes sont attachées. Cependant, d’après un rapport du Sénat du 12 juillet 2012 :
"Le système de transmission de derniers recours SYDEREC devra être remplacé dans les années 2020. Les premières études de concept d'un système de remplacement de SYDEREC ont été lancées."
Enfin, le rapport "Programme 146, Équipement des Forces" de 2022 laisse à penser que le système sera amélioré et non pas changé par un avion ou autre type de système de transmission stratégique :
"Le soutien en service du système de dernier recours (SYDEREC) et la réalisation du programme successeur (SYDEREC NG)"
Ce rapport précise aussi quelques dates :
Codé 8888, ce type d’ordre n’a été enregistré que 11 fois depuis 2004... jusqu'au le 21 décembre dernier, où un 12ème message de ce type a été envoyé par un avion de commandement et de contrôle stratégique aéroporté E-4B Nightwatch. Ce dernier avait décollé avec un tout aussi stratégique E-6B Mercury, capable de tirer à distance les missiles balistiques intercontinentaux LGM-30G Minuteman III placés dans leurs silos. Quel est le rôle de ce message ? Quelles sont les missions de ces deux très stratégiques appareils ? Existe-t-il un équivalent en France ?
Le Système de Commandement et de Contrôle Automatisé Stratégique (SACCS) américain est utilisé pour la transmission de nombreux messages entre les centres de commandement militaires et les forces stratégiques américaines. La majorité de ces messages peut être regroupée en quatre catégories :
Au vu de leur sensibilité, ceux-ci sont bien évidemment cryptés. Cependant, il arrive que des radio-amateurs entendent et enregistrent ces types de messages lors d’exercices, essais ou entrainements.
Le 21 décembre, un avion de commandement et de contrôle stratégique aéroporté E-4B Nightwatch décollait de sa base aérienne d’Offutt (Nebraska, États-Unis) pour une mission d’entrainement stratégique au-dessus du golfe du Mexique. La mission comprenait notamment un ravitaillement par deux tankers KC-46A Pegasus durant son trajet au-dessus des États-Unis (image ci-dessous).
Une fois arrivé sur zone, l’appareil a alors émis, en clair, un message d’exercice (publication ci-après) :
888800211852AAEEGGKKNNXXZZ8888
Le message peut être scindé en plusieurs parties :
S’il est impossible d’identifier formellement le type de message envoyé, secret de la dissuasion oblige, le format ne correspond toutefois pas avec un message EAM. La presque totalité des EAM ne comprend ni le nombre 0 (pour ne pas confondre le nombre zéro avec la lettre O), ni le chiffre 1 (pour ne pas confondre le chiffre 1 et la lettre L). Il faut aussi noter l’absence de chiffres au sein du corps du message.
En revanche, ce message type « 8888 » est extrêmement rare ; seulement 12 de ces messages ont été enregistrés – partiellement ou entièrement - en sources ouvertes entre le 23 février 2004 et le 21 décembre 2023 ! En plus de la structure 8888, la date et l'heure, ils reprennent à chaque fois un identique ou très similaire corps du message ;
888800221650AAEEGGKKNNXXZZ8888 (message du 22 novembre 2022)
888800181831AAEEGGKKNNXXZZ8888 (message du 18 novembre 2022)
888800011657OOTT11KKNNXXZZ8888 (message du 1er mai 2018)
88880025I600AAE6GGOONNXXZZ8888 (message du 26 juin 2007)
À noter qu’il s’agit peut-être d’un message test : un précédent message (avant 2004) avait été émis sous ce format : "UUUF1 888041310ZISSTMAINTENANCETEST888", signifiant un test de maintenance de l'ISST. Pour information, l’ICBM Super High Frequency Satellite Terminal (ISST) était un système de communication satellitaire entre les centres de commandements stratégiques et les postes de lancement des missiles balistiques intercontinentaux américains. Aujourd’hui, le système de communication satellitaire stratégique utilisé aux États-Unis se base sur la constellation de satellites Advanced Extremely High Frequency (AEHF) de Northrop Grumman.
Pour plus d'informations sur ces messages, INTERNETFRIEND a publié une vidéo (en anglais, ci-dessous) le 1er septembre dernier sur les messages "8888".
Durant la guerre froide, l’US Air Force développe l’E-4B Nightwatch afin de détenir un poste de commandement aéroporté capable de survivre à une frappe nucléaire, tout en permettant aux hautes autorités transportées de décider d’une réplique conventionnelle ou stratégique.
Basé sur un Boeing 747-200, le premier E-4 Nighwatch entre en service en 1974. Aujourd’hui, les E-4B Nightwatch sont équipés de nombreux moyens de communications. Les personnels de bord expliquent dans de nombreuses interviews que les téléphones situés au poste des communications peuvent appeler n’importe quel téléphone sur la planète. Au-dessus du fuselage, un radôme a été installé pour protéger les nombreuses antennes permettant d’assurer les liaisons satellitaires. L'appareil est conçu pour résister aux effets d'une impulsion électromagnétique, pouvant être créée par l'explosion d'une charge nucléaire. D'ailleurs, ce type d'avion dispose d'une protection contre les effets nucléaires mais aussi thermiques.
L’avion peut aussi envoyer des messages aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Marine américaine (US Navy) et ce, grâce à une antenne de 8 kilomètres de long. Il s’agit d’une antenne souple enroulée dans l’appareil et stabilisée grâce à un panier ressemblant au panier d’un câble de ravitaillement. Ce dernier est constamment visible car il sort de l'avion juste au-dessus de l'APU (sous la queue, visible sur l'image ci-dessous). Une fois entièrement déroulée, l’avion va effectuer une série continue de virages serrés (30 à 50°) en basse vitesse. Dès lors, l’antenne va petit à petit passer d’une position horizontale à une position verticale. Une fois placée, l’antenne permet d’émettre en très basse fréquence des messages dont la portée est mondiale : un message envoyé pourrait faire 2,5 fois le tour de la Terre. Dès lors, les SNLE en surface, situés jusqu’à 18 mètres sous la surface de l’eau ou encore en plongée mais tractant une antenne flottante recevront le précieux message.
Aujourd’hui, ces quatre appareils sont toujours en service et sont notamment utilisés pour le transport du Secrétaire à la Défense (équivalent du ministre des Armées en France) ou accompagnent le Président américain dans chacun de ses trajets. Dissuasion oblige, au moins un E-4B est constamment prêt à décoller et ce, 24h/24, 7j/7.
En plus du E-4B Nightwatch, un tout aussi stratégique E-6B Mercury (à ne pas confondre avec l'E-A6B Prowler) avait également décollé de la base aérienne d'Offutt. Ce Boeing 707 militarisé est plus récent que le Nightwatch car il est entré en service au sein de l’US Navy en octobre 1998, avant d’évoluer en E-6B Mercury en 2003. Ils ne sont pas utilisés pour transporter des personnels VIP mais répondent à deux missions stratégiques :
Leur mission étant également stratégique, les 16 E-6B Mercury assurent également une veille en alerte 24h/24, 7j/7. De par la nature hautement stratégique de leurs missions, Les Nightwatch et Mercury sont parfois surnommés Doomsday Plane, à savoir, avion du jugement dernier.
Pour dissuader, il faut aussi être visible. De fait, entre les entrainements, patrouilles aériennes et missions de routine, les E-4B et E-6B effectuent de nombreuses heures de vol, respectivement 1.149 et 9.403 heures de vol pendant l’année fiscale 2020. Avec un coût à l’heure de vol de 372.496 $ et de 54.839 $, le budget de ces deux appareils cumulés est de 943.649.021 $, soit 855,9 millions d’euros. À titre de comparaison, cette somme représentait 16,8 % des 5 milliards d’euros du budget 2020 alloué aux différentes forces de dissuasion françaises.
Avec et ans de service, les E-4B et E-6B sont vieillissants et coûteux à entretenir. L’USAF et l’US Navy sont en train de remplacer ces appareils par des avions modernes :
Les Forces armées françaises ont utilisés, entre 1988 et 2001, quatre C-160H ASTARTE (Avion STAtion Relais de Transmissions Exceptionnelles). Tout comme les E-6B américains, les C-160H étaient équipés de deux antennes flexibles à très basse fréquence. Aujourd’hui, leur mission a été reprise par l’escadron 92.532 SYDEREC (SYstème de DErnier RECours), utilisant des ballons captifs sur lesquels de longues antennes sont attachées. Cependant, d’après un rapport du Sénat du 12 juillet 2012 :
"Le système de transmission de derniers recours SYDEREC devra être remplacé dans les années 2020. Les premières études de concept d'un système de remplacement de SYDEREC ont été lancées."
Enfin, le rapport "Programme 146, Équipement des Forces" de 2022 laisse à penser que le système sera amélioré et non pas changé par un avion ou autre type de système de transmission stratégique :
"Le soutien en service du système de dernier recours (SYDEREC) et la réalisation du programme successeur (SYDEREC NG)"
Ce rapport précise aussi quelques dates :
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