Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»
Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»
© Jean-Marc Tanguy

publié le 22 avril 2025 à 14:07

2437 mots

Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»

Marc Howyan, directeur de la Maintenance aéronautique, livre ses bilans sur les flottes en service, avec une remontée de la disponibilité des ATL2 et Caïman Marine, mais des points préoccupants sur le Tigre, la Gazelle, et des décisions qui devront peut-être être prises sur l'avenir du C-130H. Il détaille aussi les efforts mis en place pour prendre en compte la haute intensité.


Quelles sont les flottes aériennes dont la disponibilité a le plus progressé ces dernières années ?

Une analyse approfondie des données, confirmée par une enquête de la Cour des comptes menée en 2024 sur une période d'un an dans nos locaux, révèle des tendances très positives du progrès en matière de performance du MCO-A. Le Rafale maintient un haut niveau de disponibilité en 2024, comparable à celui de 2023, nonobstant des difficultés de la supply chain et l'impact des cessions de matériel (Croatie, Ukraine (NDLR) et des travaux de modernisation de la flotte (ainsi que les chantiers de changement de standards, NDLR). Les process du NSI (niveau de soutien industriel) et du NSO (niveau de soutien opérationnel) ont contribué à maintenir un haut niveau de performance, malgré un contexte peu favorable.

En raison de la maturité croissante de la flotte, la disponibilité de l'A400M n’a cessé de progresser. Les premières grandes visites, prévues à partir de 2026, nécessiteront une immobilisation plus importante de la flotte. Face à l’enjeu de croissance, l'objectif est d'augmenter la disponibilité tout en réduisant le coût de l’heure de vol.

Le MRTT affiche un niveau de disponibilité technique très important, résultat de la mise en place d'un marché verticalisé avec un guichet à Istres et le recrutement de personnel par les industriels. Ce contrat, que nous avons signé il y a un an, fixe des objectifs très ambitieux dont la mobilisation de toute la flotte en 48 heures. Les premières grosses visites, les 6Y, viennent de démarrer après 6 ans et plus de 2 000 heures d'utilisation. Elles sont effectuées en NSI avec des moyens récemment commandés dans le cadre du contrat verticalisé. En attendant la mise en place complète de ces moyens, notamment le hangar Mercure à Istres, les 6Y sont réalisées par la 31ème escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique (EARTS). La première 6Y a été effectuée il y a un an, nous commençons la deuxième, suivie de la troisième. A ce jour, l'armée de l'Air et de l'Espace se montre rassurée face aux craintes qui existaient il y a encore un an.

Concernant le NH90 marine, la disponibilité est correcte sur l'ensemble de la flotte. Un travail important a été mené ces deux dernières années en collaboration avec le major général de la Marine et les industriels, afin d’infléchir la tendance et d’améliorer les performances. En deux ans, la disponibilité a augmenté de plus de 30%, une progression significative. Cette tendance positive, observée depuis plus de six mois, devrait se poursuivre grâce à des mesures de fond prises en 2023 sur le traitement de la corrosion, la mise en place de moyens de lavage des aéronefs, la simplification des processus de maintenance, les visites jaugées à 25 heures et des visites salines moins fréquentes mais plus complètes. Des opérations de récupération de pièces provenant d’Australie sont organisées en collaboration avec Airbus Helicopters. Sur Clemenceau 25, la disponibilité des NFH est excellente. Conscients avec la Marine nationale, de la nécessité de rester vigilants sur ces travaux et la pérennité des résultats, nous nous satisfaisons de ce changement positif.

Mais le NFH demeure en dessous des 50%... 

L'objectif initial de 40% fixé il y a deux ans, compte tenu de la complexité de cette flotte en coopération, est en voie d'être atteint.

Et sur les pods de désignation laser ?

Des progrès ont également été réalisés sur des équipements critiques. Il y a trois ou quatre ans, le pod de désignation laser Talios paraissait dans le top 5 des sujets d’irritation ministérielle. Afin d’aider Thales à reconstruire une usine, des investissements ont été réalisés dans la chaîne de production à Châtellerault. Ainsi, la disponibilité a augmenté d'une vingtaine de pourcents pour atteindre un niveau remarquable et les délais de réparation ont été réduits d’un facteur 3.

La Marine nationale envisageait de retirer le Damocles du service en 2023, mais il est encore utilisé aujourd'hui. À terme, le Talios deviendra le pod du Rafale et du Mirage 2000D.

Certaines flottes faisaient, l'objet de débats en 2023. L'ATL2 a poursuivi son redressement avec quelques pourcents d’amélioration. Chaque pourcent gagné est une lutte, une conjonction d’efforts, de réglementation, de contrats, de ressources humaines, de compétences dans l'industrie et les armées. Cet effort est démultiplié et complexifié pour les flottes vieillissantes. Nous avons signé, depuis 2023, le contrat Iroise pour les moteurs Tyne que nous sommes les derniers à utiliser dans le monde. Nous avons également créé une école de formation pour disposer des compétences nécessaires sur le site de Châtellerault où Safran entretient le Tyne, le M88 et le TP400. Pour chaque contrat verticalisé concernant un parc en fin de vie, des mesures spécifiques sont mises en place, avec un plan d'action État-industrie qui comprend un pôle de conduite du soutien (PCS) pour faciliter les échanges entre tous les acteurs, avec des réunions hebdomadaires, des plans d'action et des décisions déléguées. 99% des décisions sont traitées de manière réactive au sein de ces pôles. En 2023, nous disposions d’une dizaine de PCS et aujourd’hui leur nombre a presque doublé.

Sur l'ATL2, vous rencontrez néanmoins de gros problèmes d'obsolescences, quasi insolubles, comme sur les trains d’atterrissage...

Des plans d'action sont engagés avec Safran Landing Systems et nous y travaillons de concert avec Dassault Aviation. Une demi-douzaine d’équipements vieillissants ou obsolètes, sont concernés notamment sur des capteurs et des trains d’atterrissage. La corrosion est également un sujet, avec des cadres principaux présentant des cas critiques. Cet état de fait complexifie l'augmentation de la disponibilité du parc. D'autres sujets concernent les capteurs et les fuites, certaines plus gênantes que d'autres. Enfin, sur le plan logistique, nous rencontrons une difficulté avec un manque de pièces de rechange sur l'E-3F, le C-130 et le Tigre.

Où vous situez-vous sur le C-130, qui demeure votre flotte la plus problématique ?

Concernant le C-130J, nous avons augmenté la disponibilité significativement grâce aux investissements dans les infrastructures et les stocks, atteignant désormais plus de 60%. La situation du C-130H est plus contrastée, malgré une augmentation de l'activité de 20% et de la disponibilité de 30% depuis fin 2022, les signes de vieillissement de cette flotte se font sentir. Lockheed Martin annonce des surcoûts importants et le service industriel de l'aéronautique (SIAé) rencontre des retards de chantier liées à l'âge des appareils. L'avenir de cette flotte pose question. La Loi de programmation militaire (LPM) prévoyait un passage de 13 à 10 appareils en 2030, avec au moins quatre avions disponibles, chiffre atteint en ce début 2025.

Avez-vous d'autres préoccupations ?

En ce qui concerne les hélicoptères, la situation reste préoccupante notamment sur les Tigre et les Gazelle. Airbus Helicopters observe une reprise des commandes, mais certaines gammes peinent encore à obtenir des acquéreurs. La Gazelle se maintient au niveau de performance, avec l'attente d’améliorations à venir liées à la mise en place du contrat verticalisé Vega. Là encore, chaque point gagné sera une lutte. Le Tigre, quant à lui, est confronté à des difficultés différentes : les sources d'approvisionnement se sont raréfiées avec un parc réduit à 66 appareils, le nouveau standard capacitaire n'a pas été lancé et les obsolescences sont nombreuses. De plus, le domaine hélicoptères est particulièrement touché par les tensions sur les ressources humaines observées en France depuis plusieurs années, tant dans l'industrie que dans les armées. Les rajeunissements dans les unités et chez les industriels sont importants ce qui conduit à une phase de réapprentissage.

Comment anticipez-vous la haute intensité ? Achetez-vous plus de pièces qu'auparavant ?

Nous prenons en compte la haute intensité comme direction de l'Etat-Major des Armées (EMA). Dès le départ, nous avons été particulièrement attentifs aux inflexions qu’il fallait donner à nos politiques. Les stocks ne sont qu'une partie de la problématique, nous avons toute une ré-acculturation à faire autour de la haute intensité. Nous nous sommes mis en ordre de marche avec l'industrie, les autorités d'emploi, les autorités techniques de la DGA et la Direction de la sécurité aéronautique d'Etat (DSAE) afin d’anticiper et de préparer la haute intensité.

Concrètement, cela se traduit par trois lignes d'action. Tout d’abord, il est nécessaire de consolider le socle de la BITD, améliorer les plans d'entretien, simplifier et développer l'outil de maintenance préventive afin de mieux anticiper le potentiel restant d'un équipement ou d'un aéronef, et sécuriser les sources d'approvisionnement en pièces. Nous travaillons avec l'EMA sur des scénarios concrets d'engagement.

Ensuite, il est crucial de mettre en place des leviers pour soutenir cette haute intensité lorsque nous passerons de la compétition (le stade actuel NDLR) à la contestation. Les contrats verticalisés ont déjà amené à reconstituer des stocks des armées et des industriels. Les industriels sont intéressés à ce que les aéronefs puissent voler, ce qui les conduit à constituer des stocks de précaution sur des éléments critiques. Ils misent sur ce modèle économique en sachant que les pièces seront consommées. Par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité.

Nous avons identifié ces stocks avec les industriels. Ils sont capables d'augmenter très rapidement leur production de 20 à 30% afin de répondre aux besoins des armées. Cependant, pour doubler une activité annuelle, il faudra augmenter les stocks.

Comme pour la préparation à une mission du porte-avions, il faut aussi anticiper des visites de maintenance, faire un effort sur la génération du potentiel des aéronefs et des rechanges, et éventuellement, proposer des arbitrages sur le déploiement et l’utilisation des capacités industrielles.

Nous menons également des travaux d'organisation au profit des flottes. Le rôle des PCS sera primordial en haute intensité pour fluidifier les décisions de remise en vol sur le plan technique, après qu'un avion aura subi un fait technique, avec les prises de risque nécessaires.

Enfin, nous accompagnons les armées dans leur engagement. Nous devrons mettre en place des contrats en urgence auprès des industriels pour la réparation des dommages de combat, une situation à laquelle nous ne sommes plus familiarisés. Cette ligne d’action exigera de la réactivité avec la mise en œuvre de nouveaux moyens et des études de dérogation aux normes de navigabilité afin de maintenir un taux de disponibilité optimal en fonction des missions souhaitées.

La DMAé gère aussi des achats de drones, comment procédez-vous et avec quels résultats ?

A la suite du début de la guerre en Ukraine, nous avons mis en place les premières capacités d'acquisition de drones « sur étagère ». En 2022, nous achetions quelques drones à la demande du ministère des armées. Aujourd’hui, nous avons acquis 2 500 drones « sur étagère ». Ce n'était pas notre mission d'origine mais nous nous sommes adaptés à un nouveau contexte en permettant aux armées de disposer très rapidement de capacités et d’un soutien associé pour une partie d'entre eux. Nous avons procédé de manière progressive, en commençant par des nano-drones, des micro-drones, des mini-drones puis des drones de contact plus gros. Le premier marché de drones remonte à fin 2021, avec des drones civils ou COTS, coûtant en moyenne 3 000 euros. Ce marché a été renouvelé fin 2023, nous en avons acquis 2 000, majoritairement français, mais pas exclusivement. Si l'Armée de Terre est le principal utilisateur, la Marine nationale et l'armée de l'Air et de l'Espace, ainsi que l'interministériel dont la gendarmerie et la police, en a également bénéficié.

Un deuxième marché a porté sur des drones de contact plus spécifique avec une application de renseignement et de drones tactiques. En collaboration avec la DGA, nous avons sélectionné dès l’automne 2023 des acteurs français capables de fournir ce type de drones souverains : Thales, Delair, Surveycopter et EOS Technologies. Ces industriels ont constitué un groupement momentané d'entreprises pour lister au marché leurs propres références de drones, et, à la demande de l'Etat, d'autres références. Ainsi depuis fin avril 2024, les armées expriment leurs besoins qui se traduisent très rapidement en commandes exécutées dans les mois qui suivent. Nous avons ainsi commandé des DT-46, des NX70, et ce, en dizaines d'exemplaires. 

Enfin, fin décembre 2024, nous avons passé de nouveaux marchés, pour des drones encore plus imposants, auprès de quatre industriels, avec une commande de systèmes à deux vecteurs aériens par entreprise. Les quatre systèmes sont français, avec une élongation d'une centaine de kilomètres, et à décollage et atterrissage verticaux. Il s'agit du DT-61 de Delair, de l'Istar 330G d'EOS Technologies, du Comet H d'Atechsys, détecté par notre bureau BITD, et du Capa X de Surveycopter. Des discussions sont également en cours avec Safran. Pour chaque modèle, les tests sont faits par les industriels, qui les livrent donc directement aux forces armées. Les livraisons ont débuté fin mars, et l'EMA mènera un retour d'expérience au début de l'été. Parallèlement, les marchés de 2023 et d'avril 2024 continuent de s’exécuter. 

Vous êtres aussi un acheteur d'heures de vol, sur le marché Balbuzard succédant au Falcon 10 Mer par exemple, pour lequel vous aviez lancé un appel d'offres en mai 2024 ? Où en êtes-vous ? Avez-vous d'autres domaines de location en vue ?

D'une façon générale, l'avenir de l'aéronautique s’oriente vers le développement des services. L'espace a déjà franchi le pas, les drones suivent, et les hélicoptères et avions à base civile s'y mettront bientôt. Cette tendance impactera également les flottes militaires, comme c'est déjà le cas dans les écoles avec Helidax, et ce mouvement s'intensifiera. À l'avenir, il faudra se poser plus systématiquement la question d’un achat patrimonial ou d'un recours au service pour chaque acquisition. Concernant les Falcon 10 Mer, des contrats de soutien sont en cours jusqu'à fin 2025, et pourraient être prolongés jusqu'en 2028. Nous n'avons donc pas de difficultés à court terme sur ces avions. On prévoit toujours un marché Balbuzard en 2025, même si plusieurs raisons ont conduit à le décaler, principalement une raison d'infrastructure et de sous-estimation du coût. 

Tous les candidats ont visité les infrastructures de Landivisiau début septembre 2024. La majorité a signalé que les infrastructures actuelles, en nombre et en qualité, ne convenaient pas, en raison d’une évolution de réglementations et de la coactivité avec les autres flottes (les trois flottilles Rafale sont basées sur place, NDLR). Nous avons donc préféré suspendre momentanément la procédure et mettre à jour les dossiers d'exigences. L'expression des besoins en prérequis d'infrastructures a dû être validée par l'état-major de la Marine, et nous avons dû nous assurer de la disponibilité d'une infrastructure adaptée. De plus, plus de cinq offres, ont convergé pour souligner la nécessité de réévaluer le budget initial.

Nous espérons toujours notifier le contrat à l'été, et à ce stade, nous n'avons pas réduit nos ambitions (trois aéronefs pour une durée de 126 mois dont le premier livré d'ici fin 2025 et les deux autres dans les 18 mois suivant la notification du contrat, NDLR).

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22/04/2025 14:07
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Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»

Marc Howyan, directeur de la Maintenance aéronautique, livre ses bilans sur les flottes en service, avec une remontée de la disponibilité des ATL2 et Caïman Marine, mais des points préoccupants sur le Tigre, la Gazelle, et des décisions qui devront peut-être être prises sur l'avenir du C-130H. Il détaille aussi les efforts mis en place pour prendre en compte la haute intensité.

Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»
Défense : «par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité»

Quelles sont les flottes aériennes dont la disponibilité a le plus progressé ces dernières années ?

Une analyse approfondie des données, confirmée par une enquête de la Cour des comptes menée en 2024 sur une période d'un an dans nos locaux, révèle des tendances très positives du progrès en matière de performance du MCO-A. Le Rafale maintient un haut niveau de disponibilité en 2024, comparable à celui de 2023, nonobstant des difficultés de la supply chain et l'impact des cessions de matériel (Croatie, Ukraine (NDLR) et des travaux de modernisation de la flotte (ainsi que les chantiers de changement de standards, NDLR). Les process du NSI (niveau de soutien industriel) et du NSO (niveau de soutien opérationnel) ont contribué à maintenir un haut niveau de performance, malgré un contexte peu favorable.

En raison de la maturité croissante de la flotte, la disponibilité de l'A400M n’a cessé de progresser. Les premières grandes visites, prévues à partir de 2026, nécessiteront une immobilisation plus importante de la flotte. Face à l’enjeu de croissance, l'objectif est d'augmenter la disponibilité tout en réduisant le coût de l’heure de vol.

Le MRTT affiche un niveau de disponibilité technique très important, résultat de la mise en place d'un marché verticalisé avec un guichet à Istres et le recrutement de personnel par les industriels. Ce contrat, que nous avons signé il y a un an, fixe des objectifs très ambitieux dont la mobilisation de toute la flotte en 48 heures. Les premières grosses visites, les 6Y, viennent de démarrer après 6 ans et plus de 2 000 heures d'utilisation. Elles sont effectuées en NSI avec des moyens récemment commandés dans le cadre du contrat verticalisé. En attendant la mise en place complète de ces moyens, notamment le hangar Mercure à Istres, les 6Y sont réalisées par la 31ème escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique (EARTS). La première 6Y a été effectuée il y a un an, nous commençons la deuxième, suivie de la troisième. A ce jour, l'armée de l'Air et de l'Espace se montre rassurée face aux craintes qui existaient il y a encore un an.

Concernant le NH90 marine, la disponibilité est correcte sur l'ensemble de la flotte. Un travail important a été mené ces deux dernières années en collaboration avec le major général de la Marine et les industriels, afin d’infléchir la tendance et d’améliorer les performances. En deux ans, la disponibilité a augmenté de plus de 30%, une progression significative. Cette tendance positive, observée depuis plus de six mois, devrait se poursuivre grâce à des mesures de fond prises en 2023 sur le traitement de la corrosion, la mise en place de moyens de lavage des aéronefs, la simplification des processus de maintenance, les visites jaugées à 25 heures et des visites salines moins fréquentes mais plus complètes. Des opérations de récupération de pièces provenant d’Australie sont organisées en collaboration avec Airbus Helicopters. Sur Clemenceau 25, la disponibilité des NFH est excellente. Conscients avec la Marine nationale, de la nécessité de rester vigilants sur ces travaux et la pérennité des résultats, nous nous satisfaisons de ce changement positif.

Mais le NFH demeure en dessous des 50%... 

L'objectif initial de 40% fixé il y a deux ans, compte tenu de la complexité de cette flotte en coopération, est en voie d'être atteint.

Et sur les pods de désignation laser ?

Des progrès ont également été réalisés sur des équipements critiques. Il y a trois ou quatre ans, le pod de désignation laser Talios paraissait dans le top 5 des sujets d’irritation ministérielle. Afin d’aider Thales à reconstruire une usine, des investissements ont été réalisés dans la chaîne de production à Châtellerault. Ainsi, la disponibilité a augmenté d'une vingtaine de pourcents pour atteindre un niveau remarquable et les délais de réparation ont été réduits d’un facteur 3.

La Marine nationale envisageait de retirer le Damocles du service en 2023, mais il est encore utilisé aujourd'hui. À terme, le Talios deviendra le pod du Rafale et du Mirage 2000D.

Certaines flottes faisaient, l'objet de débats en 2023. L'ATL2 a poursuivi son redressement avec quelques pourcents d’amélioration. Chaque pourcent gagné est une lutte, une conjonction d’efforts, de réglementation, de contrats, de ressources humaines, de compétences dans l'industrie et les armées. Cet effort est démultiplié et complexifié pour les flottes vieillissantes. Nous avons signé, depuis 2023, le contrat Iroise pour les moteurs Tyne que nous sommes les derniers à utiliser dans le monde. Nous avons également créé une école de formation pour disposer des compétences nécessaires sur le site de Châtellerault où Safran entretient le Tyne, le M88 et le TP400. Pour chaque contrat verticalisé concernant un parc en fin de vie, des mesures spécifiques sont mises en place, avec un plan d'action État-industrie qui comprend un pôle de conduite du soutien (PCS) pour faciliter les échanges entre tous les acteurs, avec des réunions hebdomadaires, des plans d'action et des décisions déléguées. 99% des décisions sont traitées de manière réactive au sein de ces pôles. En 2023, nous disposions d’une dizaine de PCS et aujourd’hui leur nombre a presque doublé.

Sur l'ATL2, vous rencontrez néanmoins de gros problèmes d'obsolescences, quasi insolubles, comme sur les trains d’atterrissage...

Des plans d'action sont engagés avec Safran Landing Systems et nous y travaillons de concert avec Dassault Aviation. Une demi-douzaine d’équipements vieillissants ou obsolètes, sont concernés notamment sur des capteurs et des trains d’atterrissage. La corrosion est également un sujet, avec des cadres principaux présentant des cas critiques. Cet état de fait complexifie l'augmentation de la disponibilité du parc. D'autres sujets concernent les capteurs et les fuites, certaines plus gênantes que d'autres. Enfin, sur le plan logistique, nous rencontrons une difficulté avec un manque de pièces de rechange sur l'E-3F, le C-130 et le Tigre.

Où vous situez-vous sur le C-130, qui demeure votre flotte la plus problématique ?

Concernant le C-130J, nous avons augmenté la disponibilité significativement grâce aux investissements dans les infrastructures et les stocks, atteignant désormais plus de 60%. La situation du C-130H est plus contrastée, malgré une augmentation de l'activité de 20% et de la disponibilité de 30% depuis fin 2022, les signes de vieillissement de cette flotte se font sentir. Lockheed Martin annonce des surcoûts importants et le service industriel de l'aéronautique (SIAé) rencontre des retards de chantier liées à l'âge des appareils. L'avenir de cette flotte pose question. La Loi de programmation militaire (LPM) prévoyait un passage de 13 à 10 appareils en 2030, avec au moins quatre avions disponibles, chiffre atteint en ce début 2025.

Avez-vous d'autres préoccupations ?

En ce qui concerne les hélicoptères, la situation reste préoccupante notamment sur les Tigre et les Gazelle. Airbus Helicopters observe une reprise des commandes, mais certaines gammes peinent encore à obtenir des acquéreurs. La Gazelle se maintient au niveau de performance, avec l'attente d’améliorations à venir liées à la mise en place du contrat verticalisé Vega. Là encore, chaque point gagné sera une lutte. Le Tigre, quant à lui, est confronté à des difficultés différentes : les sources d'approvisionnement se sont raréfiées avec un parc réduit à 66 appareils, le nouveau standard capacitaire n'a pas été lancé et les obsolescences sont nombreuses. De plus, le domaine hélicoptères est particulièrement touché par les tensions sur les ressources humaines observées en France depuis plusieurs années, tant dans l'industrie que dans les armées. Les rajeunissements dans les unités et chez les industriels sont importants ce qui conduit à une phase de réapprentissage.

Comment anticipez-vous la haute intensité ? Achetez-vous plus de pièces qu'auparavant ?

Nous prenons en compte la haute intensité comme direction de l'Etat-Major des Armées (EMA). Dès le départ, nous avons été particulièrement attentifs aux inflexions qu’il fallait donner à nos politiques. Les stocks ne sont qu'une partie de la problématique, nous avons toute une ré-acculturation à faire autour de la haute intensité. Nous nous sommes mis en ordre de marche avec l'industrie, les autorités d'emploi, les autorités techniques de la DGA et la Direction de la sécurité aéronautique d'Etat (DSAE) afin d’anticiper et de préparer la haute intensité.

Concrètement, cela se traduit par trois lignes d'action. Tout d’abord, il est nécessaire de consolider le socle de la BITD, améliorer les plans d'entretien, simplifier et développer l'outil de maintenance préventive afin de mieux anticiper le potentiel restant d'un équipement ou d'un aéronef, et sécuriser les sources d'approvisionnement en pièces. Nous travaillons avec l'EMA sur des scénarios concrets d'engagement.

Ensuite, il est crucial de mettre en place des leviers pour soutenir cette haute intensité lorsque nous passerons de la compétition (le stade actuel NDLR) à la contestation. Les contrats verticalisés ont déjà amené à reconstituer des stocks des armées et des industriels. Les industriels sont intéressés à ce que les aéronefs puissent voler, ce qui les conduit à constituer des stocks de précaution sur des éléments critiques. Ils misent sur ce modèle économique en sachant que les pièces seront consommées. Par construction, les contrats verticalisés constituent déjà une forme de préparation à la haute intensité.

Nous avons identifié ces stocks avec les industriels. Ils sont capables d'augmenter très rapidement leur production de 20 à 30% afin de répondre aux besoins des armées. Cependant, pour doubler une activité annuelle, il faudra augmenter les stocks.

Comme pour la préparation à une mission du porte-avions, il faut aussi anticiper des visites de maintenance, faire un effort sur la génération du potentiel des aéronefs et des rechanges, et éventuellement, proposer des arbitrages sur le déploiement et l’utilisation des capacités industrielles.

Nous menons également des travaux d'organisation au profit des flottes. Le rôle des PCS sera primordial en haute intensité pour fluidifier les décisions de remise en vol sur le plan technique, après qu'un avion aura subi un fait technique, avec les prises de risque nécessaires.

Enfin, nous accompagnons les armées dans leur engagement. Nous devrons mettre en place des contrats en urgence auprès des industriels pour la réparation des dommages de combat, une situation à laquelle nous ne sommes plus familiarisés. Cette ligne d’action exigera de la réactivité avec la mise en œuvre de nouveaux moyens et des études de dérogation aux normes de navigabilité afin de maintenir un taux de disponibilité optimal en fonction des missions souhaitées.

La DMAé gère aussi des achats de drones, comment procédez-vous et avec quels résultats ?

A la suite du début de la guerre en Ukraine, nous avons mis en place les premières capacités d'acquisition de drones « sur étagère ». En 2022, nous achetions quelques drones à la demande du ministère des armées. Aujourd’hui, nous avons acquis 2 500 drones « sur étagère ». Ce n'était pas notre mission d'origine mais nous nous sommes adaptés à un nouveau contexte en permettant aux armées de disposer très rapidement de capacités et d’un soutien associé pour une partie d'entre eux. Nous avons procédé de manière progressive, en commençant par des nano-drones, des micro-drones, des mini-drones puis des drones de contact plus gros. Le premier marché de drones remonte à fin 2021, avec des drones civils ou COTS, coûtant en moyenne 3 000 euros. Ce marché a été renouvelé fin 2023, nous en avons acquis 2 000, majoritairement français, mais pas exclusivement. Si l'Armée de Terre est le principal utilisateur, la Marine nationale et l'armée de l'Air et de l'Espace, ainsi que l'interministériel dont la gendarmerie et la police, en a également bénéficié.

Un deuxième marché a porté sur des drones de contact plus spécifique avec une application de renseignement et de drones tactiques. En collaboration avec la DGA, nous avons sélectionné dès l’automne 2023 des acteurs français capables de fournir ce type de drones souverains : Thales, Delair, Surveycopter et EOS Technologies. Ces industriels ont constitué un groupement momentané d'entreprises pour lister au marché leurs propres références de drones, et, à la demande de l'Etat, d'autres références. Ainsi depuis fin avril 2024, les armées expriment leurs besoins qui se traduisent très rapidement en commandes exécutées dans les mois qui suivent. Nous avons ainsi commandé des DT-46, des NX70, et ce, en dizaines d'exemplaires. 

Enfin, fin décembre 2024, nous avons passé de nouveaux marchés, pour des drones encore plus imposants, auprès de quatre industriels, avec une commande de systèmes à deux vecteurs aériens par entreprise. Les quatre systèmes sont français, avec une élongation d'une centaine de kilomètres, et à décollage et atterrissage verticaux. Il s'agit du DT-61 de Delair, de l'Istar 330G d'EOS Technologies, du Comet H d'Atechsys, détecté par notre bureau BITD, et du Capa X de Surveycopter. Des discussions sont également en cours avec Safran. Pour chaque modèle, les tests sont faits par les industriels, qui les livrent donc directement aux forces armées. Les livraisons ont débuté fin mars, et l'EMA mènera un retour d'expérience au début de l'été. Parallèlement, les marchés de 2023 et d'avril 2024 continuent de s’exécuter. 

Vous êtres aussi un acheteur d'heures de vol, sur le marché Balbuzard succédant au Falcon 10 Mer par exemple, pour lequel vous aviez lancé un appel d'offres en mai 2024 ? Où en êtes-vous ? Avez-vous d'autres domaines de location en vue ?

D'une façon générale, l'avenir de l'aéronautique s’oriente vers le développement des services. L'espace a déjà franchi le pas, les drones suivent, et les hélicoptères et avions à base civile s'y mettront bientôt. Cette tendance impactera également les flottes militaires, comme c'est déjà le cas dans les écoles avec Helidax, et ce mouvement s'intensifiera. À l'avenir, il faudra se poser plus systématiquement la question d’un achat patrimonial ou d'un recours au service pour chaque acquisition. Concernant les Falcon 10 Mer, des contrats de soutien sont en cours jusqu'à fin 2025, et pourraient être prolongés jusqu'en 2028. Nous n'avons donc pas de difficultés à court terme sur ces avions. On prévoit toujours un marché Balbuzard en 2025, même si plusieurs raisons ont conduit à le décaler, principalement une raison d'infrastructure et de sous-estimation du coût. 

Tous les candidats ont visité les infrastructures de Landivisiau début septembre 2024. La majorité a signalé que les infrastructures actuelles, en nombre et en qualité, ne convenaient pas, en raison d’une évolution de réglementations et de la coactivité avec les autres flottes (les trois flottilles Rafale sont basées sur place, NDLR). Nous avons donc préféré suspendre momentanément la procédure et mettre à jour les dossiers d'exigences. L'expression des besoins en prérequis d'infrastructures a dû être validée par l'état-major de la Marine, et nous avons dû nous assurer de la disponibilité d'une infrastructure adaptée. De plus, plus de cinq offres, ont convergé pour souligner la nécessité de réévaluer le budget initial.

Nous espérons toujours notifier le contrat à l'été, et à ce stade, nous n'avons pas réduit nos ambitions (trois aéronefs pour une durée de 126 mois dont le premier livré d'ici fin 2025 et les deux autres dans les 18 mois suivant la notification du contrat, NDLR).



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