Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens
Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens
© Mil.ru

publié le 03 octobre 2023 à 06:30

927 mots

Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens

L’hydravion Be-12 Mail est entré en service dans la Marine soviétique en 1964… et est toujours utilisé aujourd’hui par la Flotte russe de la mer Noire. En dehors de diverses missions de patrouille maritime, la petite dizaine d’hydravions encore en état de voler seraient désormais utilisés dans le repérage de drones maritimes ukrainiens.


Un rappel anglais

Comme chaque jour depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le compte X (ex-Twitter, lien vers la publication) du ministère de la Défense britannique a publié ce 2 octobre des informations sur la guerre en Ukraine. Au milieu des informations, il est possible de lire que les Be-12 sont désormais utilisés dans la chasse aux drones ukrainiens :

"L'Aéronavale [russe] met l'accent sur les opérations de patrouille aérienne maritime [PATMAR], très probablement avec une mission primaire de l'identification avancée des drones de surface [ukrainiens]. Un atout clé dans ces opérations est l'hydravion Be-12 MAIL, conçu dans les années 1950, volant depuis des bases en Crimée occupée."

Plusieurs images et vidéos confirment d'ailleurs que ces hydravions de la guerre froide sont toujours utilisés depuis la Crimée (vidéo ci-dessous).

Quelle utilité ?

En service depuis 1964, ces appareils sont vieux, à tel point qu'entre 2006 et le début des années 2010, probablement à l'occasion d'une nouvelle modernisation de certains appareils en 2012, les hydravions ne pouvaient plus... amerrir ! Mais quel rôle peuvent avoir ces antédiluviens hydravions au-dessus de la mer Noire et ce, dans un contexte d'invasion de l'Ukraine ?

  • Remplir des missions SAR (Search And Rescue) à l'encontre de marins en détresse.
  • Patrouille maritime le long des côtes de Crimée afin d'éviter un autre raid comme celui effectué le 24 août 2022 en Crimée par des commandos ukrainiens. Une limite probable : le manque de capteurs électro-optiques permettant la surveillance de nuit, quand bien même ces appareils sont équipés pour voler de nuit...
  • La surveillance du trafic maritime en route vers ou en partance des ports ukrainiens ou encore, comme expliqué ci-dessus, la recherche de drones maritimes ukrainiens. Si les Be-12 ne sont peut-être pas armés pour ces vols, ils sont probablement utilisés en tant que spotters pour d'autres avions ou hélicoptères de combat. Ainsi, une fois l'alerte donnée, les appareils de combat décollent et sont guidés vers leur cible grâce aux indications radio de l'équipage du Be-12.
  • En ce qui concerne la mission de lutte anti-sous-marine, celle-ci est variable : la Marine ukrainienne ne dispose plus, depuis l'annexion de la Crimée en 2014, de son seul et unique sous-marin d'attaque à propulsion conventionnelle. En revanche, elle dispose d'un nouveau type de drone maritime aux capacités sous-marines. Seul point d'interrogation : à quel point les systèmes de détection des actuels Be-12 russes sont encore capables de fonctionner et avec quelle précision ? Il ne s'agit pas de rechercher un énorme sous-marin occidental mais bien un petit drone et qui plus est, s'avère peut-être fort discret en plongée.

Concrètement, ces hydravions sont avant tout utilisés pour leur endurance en milieu marin et leur capacité de reconnaissance à vue. Ces appareils contrastent avec les appareils de patrouille maritime utilisés au sein des pays membres de l'OTAN : Atlantique 2, P-8 Poseidon ou encore drone MQ-9B SeaGuardian,... utilisant tous des systèmes de détections modernes.

Be-12 Mail

Le Be-12 Mail se présente comme un hydravion bimoteur à aile en mouette et avec un empennage ovale double. Conçu et développé à la fin des années 1950 par Beriev, le premier Be-12 décolle en 1960. Il avait alors été conçu afin de répondre au besoin de lutte anti-sous-marine courte portée. Il dispose ainsi d'un système de bouées sonar et d'un détecteur d'anomalie magnétique (MAD), situé à l'arrière de son empennage. En ce qui concerne la recherche en surface, son nez avant comprend un radar de veille maritime Initsiativa-2B. L'hydravion peut amerrir ou bien atterrir grâce à un train d'atterrissage rétractable. L'équipage standard se compose des deux pilotes, d'un navigateur - prenant notamment place dans le nez vitré - et d'un responsable des communications.

Au total, ce sont près de 140 hydravions qui ont été construits entre 1963 et 1973, avec une première livraison en 1964 auprès de la Marine soviétique. Dans les années 1970, les Soviétiques modernisent 27 hydravions (dénommés Be-12N) avec l'ajout d'un ordinateur de ciblage Nartsiss, de nouveaux systèmes de bouées sonar et un nouveau MAD. En 1991, suite au démembrement de l'URSS, 55 Mail sont encore en service en Russie. L'état des appareils fera que ce nombre va drastiquement se réduire : au final, moins de 10 Be-12 seraient encore en service au sein des Forces aéronavales russes et ce, tous déployés depuis la base aérienne de Katcha (Crimée). Il est d'ailleurs possible d'apercevoir des carcasses de Be-12 sur certaines bases de Crimée, telles que Katcha ou encore Saky.

Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Kacha (Crimée). En orange, en entretien ou démentèlement et en rouge, épave.
Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Katcha (Crimée). En orange, en entretien ou démantèlement et en rouge, épave. © Google Earth, Air&Cosmos
Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Kacha (Crimée). En orange, en entretien ou démentèlement et en rouge, épave.

Quelques infos techniques

Taille : 30,17 mètres de longueur, 29,71 mètres d'envergure et 7 mètres de hauteur

Masse : 18 tonnes à vide, maximum 31 tonnes au décollage

Propulsion : deux turbopropulseurs Ivchenko AI-20 de 4.190 chevaux chacun

Vitesse : 320 km/h (croisière), 610 km/h (max)

Portée : 4.000 kilomètres en patrouille

Charge utile : une soute interne et quatre pylônes externes (deux sous chaque aile) pour des torpilles, mines, grenades sous-marines,...

Versions spéciales : Be-12LL (essai du missile antinavire Moskit, 1 appareil convertit), Be-12P (bombardier d'eau avec 1 réservoir de 4.500 litres et 2 de 750 litres, 4 appareils convertis), Be-12PS (SAR, 10 construits), Be-12SK (1 prototype pour le largages de grenades sous-marines nucléaires SK1),...

Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018.
Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018. © Mil.ru
Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018.
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03/10/2023 06:30
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Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens

L’hydravion Be-12 Mail est entré en service dans la Marine soviétique en 1964… et est toujours utilisé aujourd’hui par la Flotte russe de la mer Noire. En dehors de diverses missions de patrouille maritime, la petite dizaine d’hydravions encore en état de voler seraient désormais utilisés dans le repérage de drones maritimes ukrainiens.

Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens
Be-12 en mer Noire : les Russes utilisent des hydravions de plus de 50 ans pour repérer les drones ukrainiens

Un rappel anglais

Comme chaque jour depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le compte X (ex-Twitter, lien vers la publication) du ministère de la Défense britannique a publié ce 2 octobre des informations sur la guerre en Ukraine. Au milieu des informations, il est possible de lire que les Be-12 sont désormais utilisés dans la chasse aux drones ukrainiens :

"L'Aéronavale [russe] met l'accent sur les opérations de patrouille aérienne maritime [PATMAR], très probablement avec une mission primaire de l'identification avancée des drones de surface [ukrainiens]. Un atout clé dans ces opérations est l'hydravion Be-12 MAIL, conçu dans les années 1950, volant depuis des bases en Crimée occupée."

Plusieurs images et vidéos confirment d'ailleurs que ces hydravions de la guerre froide sont toujours utilisés depuis la Crimée (vidéo ci-dessous).

Quelle utilité ?

En service depuis 1964, ces appareils sont vieux, à tel point qu'entre 2006 et le début des années 2010, probablement à l'occasion d'une nouvelle modernisation de certains appareils en 2012, les hydravions ne pouvaient plus... amerrir ! Mais quel rôle peuvent avoir ces antédiluviens hydravions au-dessus de la mer Noire et ce, dans un contexte d'invasion de l'Ukraine ?

  • Remplir des missions SAR (Search And Rescue) à l'encontre de marins en détresse.
  • Patrouille maritime le long des côtes de Crimée afin d'éviter un autre raid comme celui effectué le 24 août 2022 en Crimée par des commandos ukrainiens. Une limite probable : le manque de capteurs électro-optiques permettant la surveillance de nuit, quand bien même ces appareils sont équipés pour voler de nuit...
  • La surveillance du trafic maritime en route vers ou en partance des ports ukrainiens ou encore, comme expliqué ci-dessus, la recherche de drones maritimes ukrainiens. Si les Be-12 ne sont peut-être pas armés pour ces vols, ils sont probablement utilisés en tant que spotters pour d'autres avions ou hélicoptères de combat. Ainsi, une fois l'alerte donnée, les appareils de combat décollent et sont guidés vers leur cible grâce aux indications radio de l'équipage du Be-12.
  • En ce qui concerne la mission de lutte anti-sous-marine, celle-ci est variable : la Marine ukrainienne ne dispose plus, depuis l'annexion de la Crimée en 2014, de son seul et unique sous-marin d'attaque à propulsion conventionnelle. En revanche, elle dispose d'un nouveau type de drone maritime aux capacités sous-marines. Seul point d'interrogation : à quel point les systèmes de détection des actuels Be-12 russes sont encore capables de fonctionner et avec quelle précision ? Il ne s'agit pas de rechercher un énorme sous-marin occidental mais bien un petit drone et qui plus est, s'avère peut-être fort discret en plongée.

Concrètement, ces hydravions sont avant tout utilisés pour leur endurance en milieu marin et leur capacité de reconnaissance à vue. Ces appareils contrastent avec les appareils de patrouille maritime utilisés au sein des pays membres de l'OTAN : Atlantique 2, P-8 Poseidon ou encore drone MQ-9B SeaGuardian,... utilisant tous des systèmes de détections modernes.

Be-12 Mail

Le Be-12 Mail se présente comme un hydravion bimoteur à aile en mouette et avec un empennage ovale double. Conçu et développé à la fin des années 1950 par Beriev, le premier Be-12 décolle en 1960. Il avait alors été conçu afin de répondre au besoin de lutte anti-sous-marine courte portée. Il dispose ainsi d'un système de bouées sonar et d'un détecteur d'anomalie magnétique (MAD), situé à l'arrière de son empennage. En ce qui concerne la recherche en surface, son nez avant comprend un radar de veille maritime Initsiativa-2B. L'hydravion peut amerrir ou bien atterrir grâce à un train d'atterrissage rétractable. L'équipage standard se compose des deux pilotes, d'un navigateur - prenant notamment place dans le nez vitré - et d'un responsable des communications.

Au total, ce sont près de 140 hydravions qui ont été construits entre 1963 et 1973, avec une première livraison en 1964 auprès de la Marine soviétique. Dans les années 1970, les Soviétiques modernisent 27 hydravions (dénommés Be-12N) avec l'ajout d'un ordinateur de ciblage Nartsiss, de nouveaux systèmes de bouées sonar et un nouveau MAD. En 1991, suite au démembrement de l'URSS, 55 Mail sont encore en service en Russie. L'état des appareils fera que ce nombre va drastiquement se réduire : au final, moins de 10 Be-12 seraient encore en service au sein des Forces aéronavales russes et ce, tous déployés depuis la base aérienne de Katcha (Crimée). Il est d'ailleurs possible d'apercevoir des carcasses de Be-12 sur certaines bases de Crimée, telles que Katcha ou encore Saky.

Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Kacha (Crimée). En orange, en entretien ou démentèlement et en rouge, épave.
Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Katcha (Crimée). En orange, en entretien ou démantèlement et en rouge, épave. © Google Earth, Air&Cosmos
Carcasses d'hydravions Be-12 Mail sur la base de Kacha (Crimée). En orange, en entretien ou démentèlement et en rouge, épave.

Quelques infos techniques

Taille : 30,17 mètres de longueur, 29,71 mètres d'envergure et 7 mètres de hauteur

Masse : 18 tonnes à vide, maximum 31 tonnes au décollage

Propulsion : deux turbopropulseurs Ivchenko AI-20 de 4.190 chevaux chacun

Vitesse : 320 km/h (croisière), 610 km/h (max)

Portée : 4.000 kilomètres en patrouille

Charge utile : une soute interne et quatre pylônes externes (deux sous chaque aile) pour des torpilles, mines, grenades sous-marines,...

Versions spéciales : Be-12LL (essai du missile antinavire Moskit, 1 appareil convertit), Be-12P (bombardier d'eau avec 1 réservoir de 4.500 litres et 2 de 750 litres, 4 appareils convertis), Be-12PS (SAR, 10 construits), Be-12SK (1 prototype pour le largages de grenades sous-marines nucléaires SK1),...

Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018.
Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018. © Mil.ru
Hydravion Be-12 Mail de la Flotte russe de la mer Noire après un entrainement le 24 octobre 2018.


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