Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed
Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed
© Armed Forces of Ukraine Strategic Communications

publié le 29 septembre 2023 à 20:20

684 mots

Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed

L’Ukraine a partagé avec les membres du G7 un rapport sur les pièces retrouvées dans les carcasses des drones suicides Shahed. Ceux-ci, de confection iranienne, sont utilisés intensivement par la Russie en Ukraine. Problème : de nombreux composants électroniques d’origine américaine, canadienne, japonaise ou encore européenne ont été identifiés dans ces drones malgré les sanctions.


Un rapport de 47 pages sur les drones iraniens

Durant le mois d’août 2023, le gouvernement ukrainien a remis un rapport ultra confidentiel aux gouvernements du G7*. Ce document, baptisé "Barrage deaths: report on Shahed-136/131 UAV’s" (Barrage de morts : rapport sur les drones Shahed-136/131), résume les analyses effectuées sur les restants de drones suicides de confection iranienne et utilisés en Ukraine par la Russie.

Des sanctions contournées

Le journal anglais The Guardian a pu avoir un accès privilégié à ce document de 47 pages. Au total, ce sont près de 52 composants électriques produits en Occident qui ont été retrouvés dans les débris des drones suicides Shahed 131. Le Shahed 136 vole aussi avec des pièces occidentales : 57 composants ont également été identifiés. Les maisons-mères des industriels identifiés se trouvent dans des pays ayant pourtant sanctionnés la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine :

  • Allemagne
  • Canada
  • États-Unis
  • Japon
  • Pays-Bas
  • Pologne
  • Suisse

Le rapport ne pointe en revanche aucune erreur de la part des compagnies identifiées : l’Iran a contourné ses propres sanctions en important des produits commerciaux en les détournant/cannibalisant de leur usage de base. Ces produits ont notamment été importé depuis le Costa Rica, l’Inde, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Turquie ou encore le Vietnam. Certaines compagnies ont même répondu à The Guardian que leurs produits ne sont pas vendus en Iran ou qu’ils n'autorisent en aucun cas le détournement de leur production à des fins militaires.

Un porte-parole de U-blox – entreprise suisse dont une puce GPS a été retrouvée dans un drone iranien – a réagit à cette découverte :

"U-Blox condamne fermement l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Immédiatement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, U-blox a arrêté toute ses ventes en Russie, Biélorussie et les territoires occupés par l’Armée russe en Ukraine. Récemment, U-blox a également décidé de ne pas vendre aux membres de l’UEEA [Union économique eurasiatique]."

Ainsi, ces annonces confirment que les sanctions sont utiles, dans le sens où elles limitent les sources d'approvisionnement. En revanche, elles n'empêchent pas l'importation de matériels civils, utilisés à des fins militaires. Cette utilisation apporte théoriquement une diminution de la qualité du système mais, dans le cas des drones suicides Shahed, la qualité de base ne demande pas de détenir des matériaux de première qualité (à l'instar de missiles, avions,...).

Production tous azimuts

Le rapport dénonce également la diversification des sites de production, avec la création d’une usine en Syrie ou encore à Lelabouga (république du Tatarstan, Russie). La production syrienne est d’ailleurs directement transférée au port de Novorossisk (Kraï de Krasnodar, Russie). Toutefois, les deux sites restent dépendants des productions iraniennes. En ce qui concerne les Shahed produits en Iran, ceux-ci transitent par le port d’Amirabad (province de Mazandéran, Iran) pour traverser la mer Caspienne et être déchargés au port de Makhachkala (République du Daghestan, Russie).

En plus de ces informations, le rapport propose des suggestions, en ce compris la livraison de moyens capables de détruire ces sites de production. Cependant, avec l’interdiction formelle d’attaquer la Russie avec des armes fournies à l’Ukraine, cette suggestion va très vite tombée dans l’oubli. Il n’empêche, l’Ukraine peut toujours déployer des commandos directement en Syrie, Iran ou en plein cœur de la Russie afin de saboter ces installations !

Un aveu de manquement en Russie ?

La Russie utilise de manière très intensive les drones suicides de confection iranienne, à tel point que la production devient insuffisante (d’après le rapport de 47 pages). Mais cette utilisation intense démontre également une déficience industrielle au sein même de l’industrie aérospatiale russe : en dehors des Zala Lancet, très peu de drones suicides de confection russes ont été utilisé en masse dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine.

D’ailleurs, afin de diminuer la trace de l’Iran, les Forces armées russes ont décidé de renommer ces drones en Geranium 1 et Geranium 2. Et afin de réduire une éventuelle identification des composants électroniques, leurs marquages ont été effacés au laser, rendant de fait, leur éventuel traçage bien plus compliqué.

*Regroupant 7 pays : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni ainsi que l’Union européenne, invitée à chaque réunion.

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29/09/2023 20:20
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Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed

L’Ukraine a partagé avec les membres du G7 un rapport sur les pièces retrouvées dans les carcasses des drones suicides Shahed. Ceux-ci, de confection iranienne, sont utilisés intensivement par la Russie en Ukraine. Problème : de nombreux composants électroniques d’origine américaine, canadienne, japonaise ou encore européenne ont été identifiés dans ces drones malgré les sanctions.

Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed
Ukraine : des composants occidentaux découverts dans les drones Shahed

Un rapport de 47 pages sur les drones iraniens

Durant le mois d’août 2023, le gouvernement ukrainien a remis un rapport ultra confidentiel aux gouvernements du G7*. Ce document, baptisé "Barrage deaths: report on Shahed-136/131 UAV’s" (Barrage de morts : rapport sur les drones Shahed-136/131), résume les analyses effectuées sur les restants de drones suicides de confection iranienne et utilisés en Ukraine par la Russie.

Des sanctions contournées

Le journal anglais The Guardian a pu avoir un accès privilégié à ce document de 47 pages. Au total, ce sont près de 52 composants électriques produits en Occident qui ont été retrouvés dans les débris des drones suicides Shahed 131. Le Shahed 136 vole aussi avec des pièces occidentales : 57 composants ont également été identifiés. Les maisons-mères des industriels identifiés se trouvent dans des pays ayant pourtant sanctionnés la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine :

  • Allemagne
  • Canada
  • États-Unis
  • Japon
  • Pays-Bas
  • Pologne
  • Suisse

Le rapport ne pointe en revanche aucune erreur de la part des compagnies identifiées : l’Iran a contourné ses propres sanctions en important des produits commerciaux en les détournant/cannibalisant de leur usage de base. Ces produits ont notamment été importé depuis le Costa Rica, l’Inde, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Turquie ou encore le Vietnam. Certaines compagnies ont même répondu à The Guardian que leurs produits ne sont pas vendus en Iran ou qu’ils n'autorisent en aucun cas le détournement de leur production à des fins militaires.

Un porte-parole de U-blox – entreprise suisse dont une puce GPS a été retrouvée dans un drone iranien – a réagit à cette découverte :

"U-Blox condamne fermement l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Immédiatement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, U-blox a arrêté toute ses ventes en Russie, Biélorussie et les territoires occupés par l’Armée russe en Ukraine. Récemment, U-blox a également décidé de ne pas vendre aux membres de l’UEEA [Union économique eurasiatique]."

Ainsi, ces annonces confirment que les sanctions sont utiles, dans le sens où elles limitent les sources d'approvisionnement. En revanche, elles n'empêchent pas l'importation de matériels civils, utilisés à des fins militaires. Cette utilisation apporte théoriquement une diminution de la qualité du système mais, dans le cas des drones suicides Shahed, la qualité de base ne demande pas de détenir des matériaux de première qualité (à l'instar de missiles, avions,...).

Production tous azimuts

Le rapport dénonce également la diversification des sites de production, avec la création d’une usine en Syrie ou encore à Lelabouga (république du Tatarstan, Russie). La production syrienne est d’ailleurs directement transférée au port de Novorossisk (Kraï de Krasnodar, Russie). Toutefois, les deux sites restent dépendants des productions iraniennes. En ce qui concerne les Shahed produits en Iran, ceux-ci transitent par le port d’Amirabad (province de Mazandéran, Iran) pour traverser la mer Caspienne et être déchargés au port de Makhachkala (République du Daghestan, Russie).

En plus de ces informations, le rapport propose des suggestions, en ce compris la livraison de moyens capables de détruire ces sites de production. Cependant, avec l’interdiction formelle d’attaquer la Russie avec des armes fournies à l’Ukraine, cette suggestion va très vite tombée dans l’oubli. Il n’empêche, l’Ukraine peut toujours déployer des commandos directement en Syrie, Iran ou en plein cœur de la Russie afin de saboter ces installations !

Un aveu de manquement en Russie ?

La Russie utilise de manière très intensive les drones suicides de confection iranienne, à tel point que la production devient insuffisante (d’après le rapport de 47 pages). Mais cette utilisation intense démontre également une déficience industrielle au sein même de l’industrie aérospatiale russe : en dehors des Zala Lancet, très peu de drones suicides de confection russes ont été utilisé en masse dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine.

D’ailleurs, afin de diminuer la trace de l’Iran, les Forces armées russes ont décidé de renommer ces drones en Geranium 1 et Geranium 2. Et afin de réduire une éventuelle identification des composants électroniques, leurs marquages ont été effacés au laser, rendant de fait, leur éventuel traçage bien plus compliqué.

*Regroupant 7 pays : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni ainsi que l’Union européenne, invitée à chaque réunion.



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