Transport aérien français : la FNAM reste très prudente pour les mois à venir
Transport aérien français : la FNAM reste très prudente pour les mois à venir

publié le 30 avril 2025 à 23:48

1061 mots

Transport aérien français : la FNAM reste très prudente pour les mois à venir

Malgré un trafic 2024 qui a presque retrouvé le niveau de 2019, et un premier trimestre en croissance, les compagnies de la FNAM s'inquiètent d'un début de décrochement par rapport aux niveaux de croissance d'autres marchés européens.


"Nous sommes à un tournant. Le transport aérien est dans une phase de transition. Nous ne pourrons pas la réussir seuls et il nous faut un engagement stratégique de l’Etat car sinon il y a un risque de déclassement. Un déclassement à travers un affaiblissement de la connectivité nationale et territoriale, une pénalisation de l’économie et de la transition écologique du secteur aérien, une perte d’attractivité du pays pour les voyageurs internationaux et une perte de souveraineté au travers de l’affaiblissement du pavillon français". C'est avec un ton plutôt grave que Pascal de Izaguirre, président de la FNAM (Fédération Nationale de l'Aviation et ses Métiers) a débuté une récente rencontre avec la presse. "Il y a des fortes incertitudes liées à la hausse de la TSBA et au contexte géopolitique à la suite des annonces du président américain, et des tensions en Ukraine et au Moyen-Orient. Le transport aérien reste très sensible à la conjoncture géopolitique", a-t-il précisé. 

"Au niveau européen, le trafic aérien a été en 2024 à 1,8% au dessus du niveau pré-pandémique de 2019. Pour le trafic aérien français, nous sommes encore très légèrement en dessous puisqu’il s’est situé à 99,1% du niveau de 2019. C’est une première disparité entre les courbes de croissance au niveau national et au niveau européen. Le trafic aérien français a été de 178,4 millions de passagers, dont la très forte majorité, 150,8 millions de passagers, pour les vols internationaux. On voit que cette composante internationale était la plus dynamique, puisqu’elle, en revanche, elle était au dessus de son niveau de 2019, qui n’était que de 145,5 millions de passagers. Cette forte hausse résulte évidemment du fort dynamisme des compagnies low cost. Le trafic vers l’Outremer était à peu près au même niveau que 2019 et en revanche le trafic domestique continue son affaissement. Le trafic Métropole-Outremer s’est établi à 4,8 millions de passagers, légèrement au-dessus de 2019 et le trafic intérieur pèse 20,2 millions de passagers. Cela représente 6,6 millions de passagers en moins par rapport à 2019, c’est à dire une baisse de pratiquement 25%. Le trafic des radiales entre Paris et les villes de province est en plus forte baisse. Avec 11,6 millions de passagers, il est revenu à son niveau de 1984, soit quarante ans en arrière ! Le trafic transversal, lui, s’est établi à 8,5 millions et il est revenu à son niveau de 2016", explique Pascal de Izaguirre. "Il y a un décrochage qui s’intensifie. Il y a un découplage entre les courbes du trafic aérien français et celles d’autres marchés européens. Nous avons eu en 2024 une croissance du trafic aérien moindre en France, par rapport à d’autres marchés européens. En 2024, la croissance du nombre de mouvements d’avions commerciaux n’a été que de 2%, selon Eurocontrol. La France est le pays donc la croissance a été la plus faible avec la Norvège dans les dix plus grands marchés européens. Et au global, la France est classée 33eme sur 40 pour la croissance du nombre de vols à l’arrivée et au départ. La France est plus que jamais un pays survolé. Cela montre bien l’impact de toutes les pénalisations réglementaires et taxations diverses ont sur la dynamique de croissance."

Un début d'année en demi-teinte

Pour les premiers mois de l'année 2025, la croissance est là mais le marché français est moins dynamique que d'autres marchés européens. "Pour le premier trimestre, le trafic aérien français s’est élevé à 37,4 millions de passagers, soit une hausse de 4,7% par rapport à la même période de 2024. A préciser que la hausse de la TSBA a été effective à partir de mars, donc elle n’a pas impacté ce premier trimestre. Le trafic du premier trimestre est aussi au-dessus de celui de 2019, mais c’était attendu. Mais elle est disparate selon les marchés. Elle est vraiment menée par le trafic international en particulier pour le trafic vers l’Union Européenne, mais aussi l’Afrique, le Moyen-Orient. En comparaison, les trafics intérieurs et outre-mer restent comparables à ceux de l’année dernière. Cette croissance à 4,7% aurait dû être beaucoup plus importante et on observe que l’offre en sièges a augmenté beaucoup moins vite que les pays du Sud. Cet hiver, on se positionne en cinquième pays européen et cet été, on passe sixième, avec l’Italie et la Turquie qui passent devant la France", explique Muriel Assouline, directrice générale d'Air Caraïbes. 

À ces défis s’ajoute un manque de stratégie des pouvoirs publics pour protéger l’aérien français de distorsions de concurrence qui creusent la compétitivité du secteur par rapport aux autres pays. L’illustration la plus criante étant la hausse de la taxe sur les billets d’avion, entrée en vigueur en mars dernier. Comme l’a rappelé Pascal de Izaguirre : “cette taxe démontre une marque de négation de l’utilité d’un secteur d’excellence pourtant indispensable à la société et à une économie française de plus en plus tournée vers le tourisme”. Dans ce contexte, et sur la base des nombreuses propositions présentées par la filière ces dernières années, les compagnies ont rappelé l’urgence d’un dialogue étroit avec les pouvoirs publics afin d’assurer la pérennité d’un transport aérien accessible, durable et de qualité, au service des territoires.

Définir une vraie stratégie nationale pour l'aérien

La FNAM a souhaité réaffirmer sa détermination à réussir la transition écologique du secteur aérien français dans laquelle l’ensemble des acteurs est pleinement engagé, notamment au travers du renouvellement accéléré des flottes ou du soutien aux carburants durables (SAF) ; à condition toutefois de lui donner les moyens de jouer ce rôle. Elle souligne une nouvelle fois la priorité absolue à constituer une filière de carburants aéronautiques durables et rappelle que « les ambitions sont là, les volontés aussi. Ce qui est désormais nécessaire, ce sont les moyens ». La FNAM appelle donc les pouvoirs publics à définir une véritable stratégie nationale pour l’aérien, à l’image de celle annoncée par le nouveau gouvernement allemand. Cette stratégie nationale doit être à la hauteur des défis de compétitivité, de transition écologique et de connectivité. « Le secteur aérien ne demande pas d’exception, il demande une vision, une stratégie, une équité, une cohérence. Pour que voler en France reste un moteur d’emploi, de lien et de transition écologique – et non un parcours d’obstacles, car je le rappelle, le secteur aérien français représente 1,8% du PIB et plus de 570 000 emplois », conclut Pascal de Izaguirre.

 

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30/04/2025 23:48
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Malgré un trafic 2024 qui a presque retrouvé le niveau de 2019, et un premier trimestre en croissance, les compagnies de la FNAM s'inquiètent d'un début de décrochement par rapport aux niveaux de croissance d'autres marchés européens.

Transport aérien français : la FNAM reste très prudente pour les mois à venir
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"Nous sommes à un tournant. Le transport aérien est dans une phase de transition. Nous ne pourrons pas la réussir seuls et il nous faut un engagement stratégique de l’Etat car sinon il y a un risque de déclassement. Un déclassement à travers un affaiblissement de la connectivité nationale et territoriale, une pénalisation de l’économie et de la transition écologique du secteur aérien, une perte d’attractivité du pays pour les voyageurs internationaux et une perte de souveraineté au travers de l’affaiblissement du pavillon français". C'est avec un ton plutôt grave que Pascal de Izaguirre, président de la FNAM (Fédération Nationale de l'Aviation et ses Métiers) a débuté une récente rencontre avec la presse. "Il y a des fortes incertitudes liées à la hausse de la TSBA et au contexte géopolitique à la suite des annonces du président américain, et des tensions en Ukraine et au Moyen-Orient. Le transport aérien reste très sensible à la conjoncture géopolitique", a-t-il précisé. 

"Au niveau européen, le trafic aérien a été en 2024 à 1,8% au dessus du niveau pré-pandémique de 2019. Pour le trafic aérien français, nous sommes encore très légèrement en dessous puisqu’il s’est situé à 99,1% du niveau de 2019. C’est une première disparité entre les courbes de croissance au niveau national et au niveau européen. Le trafic aérien français a été de 178,4 millions de passagers, dont la très forte majorité, 150,8 millions de passagers, pour les vols internationaux. On voit que cette composante internationale était la plus dynamique, puisqu’elle, en revanche, elle était au dessus de son niveau de 2019, qui n’était que de 145,5 millions de passagers. Cette forte hausse résulte évidemment du fort dynamisme des compagnies low cost. Le trafic vers l’Outremer était à peu près au même niveau que 2019 et en revanche le trafic domestique continue son affaissement. Le trafic Métropole-Outremer s’est établi à 4,8 millions de passagers, légèrement au-dessus de 2019 et le trafic intérieur pèse 20,2 millions de passagers. Cela représente 6,6 millions de passagers en moins par rapport à 2019, c’est à dire une baisse de pratiquement 25%. Le trafic des radiales entre Paris et les villes de province est en plus forte baisse. Avec 11,6 millions de passagers, il est revenu à son niveau de 1984, soit quarante ans en arrière ! Le trafic transversal, lui, s’est établi à 8,5 millions et il est revenu à son niveau de 2016", explique Pascal de Izaguirre. "Il y a un décrochage qui s’intensifie. Il y a un découplage entre les courbes du trafic aérien français et celles d’autres marchés européens. Nous avons eu en 2024 une croissance du trafic aérien moindre en France, par rapport à d’autres marchés européens. En 2024, la croissance du nombre de mouvements d’avions commerciaux n’a été que de 2%, selon Eurocontrol. La France est le pays donc la croissance a été la plus faible avec la Norvège dans les dix plus grands marchés européens. Et au global, la France est classée 33eme sur 40 pour la croissance du nombre de vols à l’arrivée et au départ. La France est plus que jamais un pays survolé. Cela montre bien l’impact de toutes les pénalisations réglementaires et taxations diverses ont sur la dynamique de croissance."

Un début d'année en demi-teinte

Pour les premiers mois de l'année 2025, la croissance est là mais le marché français est moins dynamique que d'autres marchés européens. "Pour le premier trimestre, le trafic aérien français s’est élevé à 37,4 millions de passagers, soit une hausse de 4,7% par rapport à la même période de 2024. A préciser que la hausse de la TSBA a été effective à partir de mars, donc elle n’a pas impacté ce premier trimestre. Le trafic du premier trimestre est aussi au-dessus de celui de 2019, mais c’était attendu. Mais elle est disparate selon les marchés. Elle est vraiment menée par le trafic international en particulier pour le trafic vers l’Union Européenne, mais aussi l’Afrique, le Moyen-Orient. En comparaison, les trafics intérieurs et outre-mer restent comparables à ceux de l’année dernière. Cette croissance à 4,7% aurait dû être beaucoup plus importante et on observe que l’offre en sièges a augmenté beaucoup moins vite que les pays du Sud. Cet hiver, on se positionne en cinquième pays européen et cet été, on passe sixième, avec l’Italie et la Turquie qui passent devant la France", explique Muriel Assouline, directrice générale d'Air Caraïbes. 

À ces défis s’ajoute un manque de stratégie des pouvoirs publics pour protéger l’aérien français de distorsions de concurrence qui creusent la compétitivité du secteur par rapport aux autres pays. L’illustration la plus criante étant la hausse de la taxe sur les billets d’avion, entrée en vigueur en mars dernier. Comme l’a rappelé Pascal de Izaguirre : “cette taxe démontre une marque de négation de l’utilité d’un secteur d’excellence pourtant indispensable à la société et à une économie française de plus en plus tournée vers le tourisme”. Dans ce contexte, et sur la base des nombreuses propositions présentées par la filière ces dernières années, les compagnies ont rappelé l’urgence d’un dialogue étroit avec les pouvoirs publics afin d’assurer la pérennité d’un transport aérien accessible, durable et de qualité, au service des territoires.

Définir une vraie stratégie nationale pour l'aérien

La FNAM a souhaité réaffirmer sa détermination à réussir la transition écologique du secteur aérien français dans laquelle l’ensemble des acteurs est pleinement engagé, notamment au travers du renouvellement accéléré des flottes ou du soutien aux carburants durables (SAF) ; à condition toutefois de lui donner les moyens de jouer ce rôle. Elle souligne une nouvelle fois la priorité absolue à constituer une filière de carburants aéronautiques durables et rappelle que « les ambitions sont là, les volontés aussi. Ce qui est désormais nécessaire, ce sont les moyens ». La FNAM appelle donc les pouvoirs publics à définir une véritable stratégie nationale pour l’aérien, à l’image de celle annoncée par le nouveau gouvernement allemand. Cette stratégie nationale doit être à la hauteur des défis de compétitivité, de transition écologique et de connectivité. « Le secteur aérien ne demande pas d’exception, il demande une vision, une stratégie, une équité, une cohérence. Pour que voler en France reste un moteur d’emploi, de lien et de transition écologique – et non un parcours d’obstacles, car je le rappelle, le secteur aérien français représente 1,8% du PIB et plus de 570 000 emplois », conclut Pascal de Izaguirre.

 



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