Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines
Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines
© SNL

publié le 24 avril 2025 à 18:30

2014 mots

Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines

La dissuasion nucléaire est un monde où le secret règne et les images sont rares. Mais aux États-Unis, un rapport cumulant les objectifs accomplis par les Sandia National Laboratories permet d’apercevoir des bombes, véhicules de rentrée et même ogives nucléaires. Il ne s’agit d’images de systèmes actifs mais bien de systèmes d’essai (inertes), laissant tout de même une rare idée de la forme de ces engins hautement stratégiques.


Qui produit les ogives nucléaires américaines ?

Aux États-Unis, la dissuasion nucléaire se base sur différents sites de recherche et de production des ogives nucléaires présentes dans les bombes et missiles stratégiques de la triade nucléaire du pays. Globalement, ces sites sont au nombre de 9 :

  • Los Alamos National Lab (Nouveau-Mexique), conception principale des têtes nucléaires et production des noyaux en plutonium (cœur de l'arme nucléaire).
  • Lawrence Livermore National Lab (Californie), conception et développement des têtes nucléaires avec le Los Alamos National Lab.
  • Sandia National Laboratories (Nouveau-Mexique et Californie), conception, développement et intégration des composants non nucléaires et assure l'intégration des têtes au sein des vecteurs.
  • Kansas City National Security Campus (Missouri), production d'environ 80 % des pièces non nucléaire des armes.
  • Y-12 National Security Complex (Tennessee), production et maintenance des composants en uranium, uranium enrichi,... ainsi que dans leur recyclage.
  • Savannah River Site (Caroline du Sud), unique site de production et gestion du tritium aux États-Unis.

Ces différents sites permettent alors la production des ogives nucléaires sur le site de Pantex (Texas). Un site pour les essais non explosifs est également disponible : le Nevada National Security Site (Nevada).

Un rapport

En mars 2025, les Sandia National Laboratories (SNL), a publié son Labs Accomplishments (en français, Réalisation des Labos). Celui-ci vise à résumer les réalisations importantes effectuées durant l'année fiscale 2024 (1er avril 2024 - 31 mars 2025) sur de nombreux thèmes : sécurité nationale, sciences et technologies avancées, énergie et sécurité intérieure,... ainsi que sur la dissuasion nucléaire ! Mais en plus de décrire certaines avancées concernant les futures ogives nucléaires américaines, le rapport est accompagné de différentes images en lien avec ces avancées. Alors bien évidemment, les différents vecteurs ou têtes nucléaires photographiés sont des systèmes d'essai, qui sont et resteront inertes. Cependant, ils sont produits dans le but de reproduire avec exactitude les réels vecteurs ou têtes nucléaires américaines. Ils permettent donc d'avoir un aperçu de ces systèmes hautement stratégiques pour les États-Unis.

Une nouvelle bombe nucléaire

Actuellement, les États-Unis disposent dans leur arsenal nucléaire de différents vecteurs, y compris des bombes gravitationnelles B61. Ce modèle de bombe nucléaire compte de nombreuses versions, dont la B61-13, en cours de développement. Selon des officiels américains interrogés par la Federation of American Scientists (FAS), elle se présente sous la forme d'une B61-7 modernisée : elle comprendra le kit de guidage présent sur la B61-12 mais aussi l'ogive d'une B61-7 (360 kt), celle-ci étant au passage modernisée avec de nouveaux systèmes de sécurité et de contrôle.

Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists).
Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists). © Air&Cosmos
Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists).

Or, l'an dernier, les équipes du SNL ont réussi à utiliser un programme de planification innovant, permettant une livraison de la première B61-13 sept mois plus tôt que prévu, soit une réduction de 25 % du temps de production de la première unité. Pour l'occasion, le rapport a publié une image (ci-dessous) d'un ingénieur en train de connecter des systèmes sur la toute première B61-13 d'essai.

Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte).
Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte). © SNL
Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte).

À noter que le tableau ci-dessus fait mention d'avions américains mais aussi européens (Tornado) ou de production américaine mais utilisés en Europe (F-16, F-35A). Actuellement, la B61 représente le cœur même d'un accord important entre les États-Unis, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie (mais dans une moindre mesure depuis plusieurs années). Il s'agit de l'accord de partage nucléaire de l'OTAN, où les États-Unis stockent, sous contrôle militaire américain, des armes nucléaires au sein de ces pays. En cas de guerre importante, sur accord du Président américain mais aussi d'au moins un des pays européens intégrés à cet accord, les armes seraient alors placées sous les avions du ('des' si plusieurs pays d'accord) pays européen. Les avions de combat Tornado, F-16 Fighting Falcon ou encore F-35A Lightning II iraient alors frapper la ou les cibles désignées.

Or, aujourd'hui, un seul modèle d'arme nucléaire américaine est déployé en Europe : la bombe B61, sous plusieurs variantes. D'ailleurs, la B61-12 étant assez récente, des essais avec les nations européennes concernées ont été lancés. Cette information est connue grâce à une photo d'un bombardier tactique Tornado de la Luftwaffe, prise le 3 septembre 2024, non loin de la base aérienne d'Edwards (Californie, États-Unis). La photo en question montrait un Tornado d'essai allemand équipé d'une B61-12 sous son ventre.

Un nouveau missile pour les B-52

Actuellement, les bombardiers stratégiques B-52H Stratofortress de l'US Air Force sont utilisés pour des frappes conventionnelles. Mais ceux-ci ont une capacité duale, avec notamment la possibilité d'emporter jusqu'à 20 missiles de croisière AGM-86B ALCM, emportant chacun une tête nucléaire W80-1. Ces missiles permettent à l'appareil d'assurer une frappe dite standoff, à savoir, un tir des missiles au moment où le Stratofortress n'est pas encore à portée des systèmes antiaériens ennemis. L'USAF disposait, en 2019, de pas moins de 536 AGM-86B en service. Cependant, ce missile de croisière stratégique ne date pas d'hier : le premier AGM-86B fut déployé en décembre 1982. Un remplacement avait été envisagé mais finalement remplacé par un programme d'extension de vie suite à la fin de la guerre froide et les nombreuses coupes budgétaires de l'époque.

Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014).
Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014). © Air Force Global Strike Command
Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014).

Mais malgré ces modernisations, l'AGM-86B deviens ancien. C'est ainsi que le 1er juillet 2021, l'US Air Force annonçait un contrat avec Raytheon Missiles and Defense d'une valeur de 2 milliards de dollars (soit 1,69 milliard d'euros). Il confirmait ainsi la sélection de l'industriel américain pour lancer la première phase de développement de l'AGM-181 Long Range Stand Off (LRSO), un missile de croisière devant remplacer l'AGM-86B ALCM (Pentagone). Ce missile devra emporter la tête nucléaire W80-4, soit une W80-1 modifiée au profit du futur LRSO. Or, le rapport des Sandia National Labs annonce que les SNL, en coopération avec Raytheon et le Lawrence Livermore National Laboratory, a effectué des tests d'incorporation au sol de la deuxième version de l'ogive d'essai W80-4 dans la toute dernière version du LRSO d'essai. Ces essais au sol doivent garantir le bon fonctionnement de l'ogive au sein du missile, avec en ligne de mire, les futurs essais en vol. Et pour l'occasion, le rapport affiche plusieurs images de l'ogive W80-4 d'essai.

Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs.
Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs. © SNL
Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs.
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol.
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol. © SNL
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol.
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs.
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs. © SNL
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs.

La future ogive du futur ICBM

Un autre système accuse également de nombreuses années de service : le missile balistique intercontinental LGM-30G Minuteman III, en service depuis juin 1970. En février 2019, 400 de ces missiles étaient actifs, répartis au sein de trois bases : F.E. Warren (Wyoming, États-Unis), Malmstrom (Montana, États-Unis) et Minot (Dakota du Nord, États-Unis). Ces bases aériennes comprennent des champs de silos enterrés sur une très large surface, en dehors même des limites physiques des bases en question. À noter toutefois que si ces silos sont isolés, ils sont étroitement surveillés.

Au niveau du missile, ce dernier est mirvé, à savoir qu'il n'emporte pas une seule ogive mais bel et bien jusqu'à trois véhicules de rentrée indépendants. Ils se présentent sous la forme d'un cône, spécialement conçu pour pouvoir traverser les couches de l'atmosphère tout en gardant intact l'ogive nucléaire qu'il emporte. Ainsi, jusqu'en 2014, un seul LGM-30G pouvait frapper jusqu'à trois cibles différentes. Toutefois, suite à l'accord New Strategic Arms Reduction Treaty (New START) entre les États-Unis et la Russie, les États-Unis ont démirvé la totalité de leurs Minuteman III, n'emportant désormais qu'un seul véhicule de rentrée indépendant équipé d'une tête W78 ou W87. Mais malgré les différentes modernisations, ce missile a passé le cap du demi-siècle (55 ans en juin 2025) de service continu au sein de la dissuasion nucléaire américaine. D'où la volonté américaine de le remplacer par un nouvel ICBM.

Ce remplacement prend vie le 8 septembre 2020, lorsque l'US Air Force publiait un communiqué de presse confirmant que Northrop Grumman était sélectionné pour développer et produire le Ground Based Strategic Deterrent (GBSD). Le 5 avril 2022, l'USAF donnait un nom officiel au futur ICBM : le LGM-35A Sentinel. Ce nouveau missile devrait commencer le remplacement des Minuteman III en 2029 et devrait rester en service jusqu'au moins 2075. Un total de 634 Sentinel 'opérationnels' et 25 Sentinel 'd'essai' devraient être produits pour assurer que 400 Sentinel soient prêts au tir. De fait, l'US Air Force prévoit le remplacement d'un Minuteman III par un Sentinel (pas de diminution ou d'augmentation d'ICBM en service). En janvier 2025, l'USAF estimait que 15 ans seraient nécessaires pour remplacer la totalité des Minuteman III. Durant cette période, l'USAF disposera alors de deux ICBM opérationnels : le Minuteman III et le Sentinel. À noter que les Sentinel seront placés dans les mêmes silos enterrés que les Minuteman III, obligeant là aussi l'US Air Force de moderniser environs 450 de ces mêmes silos. En janvier 2024, le coût d'un seul missile était évalué à 162 millions de dollars (dollars en 2020) contre 118 millions de dollars prévus au départ (37 % d'augmentation). (Congressional Research Service)

Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel.
Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel. © USAF
Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel.

Le développement du Sentinel ne concerne pas uniquement le missile balistique intercontinental : il sera équipé du nouveau véhicule de rentrée Mk21A, ce dernier étant lui-même équipé de la nouvelle tête nucléaire W87-1. Dans cette optique, les Sandia National Laboratories ont, l'an dernier, réalisé toutes les révisions des étapes de conception des composants de la tête W87-1. Au fur et à mesure des avancements, plusieurs constructions et tests de développement de configuration ont également été effectués avec succès. Enfin, l'efficacité du programme a été améliorée via une meilleure logique de calendrier et en prenant compte des risques requis avec l'US Air Force. Cet effort a d'ailleurs permis, le 18 juin 2024, le tir d'une fusée Minautor I (ancien ICBM Minuteman II reconverti en fusée spatiale) équipée d'un véhicule de rentrée Mk21A d'essai. Il s'agissait pour la toute première fois de faire voler la future tête du Sentinel (Air&Space Forces Magazine). Le SNL laisse à penser dans son Labs Accomplishments qu'il s'agissait d'un essai conjoint : le véhicule Mk21A était équipé d'une tête nucléaire d'essai W87-1. Pour l'occasion, les SNL ont publié une image d'un véhicule de rentrée Mk21A préparé pour un essai en soufflerie. À noter que les SNL précisent dans leur légende qu'il s'agit d'une tête W87-1, mais celle-ci n'est en réalité pas visible sur l'image car placée à l'intérieur du Mk21A.

Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie.
Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie. © SNL
Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie.
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A.
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A. © SNL
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A.

Bientôt un missile de croisière naval

Enfin, s'il n'y a malheureusement pas d'image pour ce dernier exemple, les Sandia National Laboratories annoncent qu'ils travaillent activement sur le programme Sea-Launched Cruise Missile-Nuclear (SLCM-N). C'est l'occasion de rappeler ce programme important, lancé en 2018. Il doit permettre à l'US Navy de récupérer un vecteur de croisière stratégique tirés depuis des sous-marins ou navire de surface.

Pour rappel, au milieu des années 1980, les premiers missiles de croisière BGM-109A Tomahawk Land Attack Missile - Nuclear (TLAM-N), équipés d'une ogive nucléaire W80, entraient en service dans la Marine américaine (US Navy). Ces missiles, d'une portée d'environ 2500 kilomètres, ne furent pas concernés par des limites négociées au sein des traités de contrôle des armes avec l'URSS et ensuite la Russie. Vers la mi-1992, suite à la décision prise en 1991 par le président George H. W. Bush, le dernier TLAM-N était retiré des navires de surface et sous-marins d'attaque. L'US Navy garda toutefois la possibilité de rééquiper ses SNA. En 2013, suite à la décision prise en 2010 par la première administration Obama, l'US Navy retirait définitivement du service les Tomahawk équipés d'une ogive nucléaire. Et 2018, donc, la première administration Trump décide de relancer cette capacité en souhaitant détenir une capacité de présence régionale non stratégique et qui adresserait les besoins pour détenir des options flexibles et de faible puissance nucléaire. Il s'agit-là d'une option à plus long terme, le trou capacitaire à court terme ayant été comblé par cette même administration via l'ogive de faible puissance W76-2 (quelques kt), en service depuis 2020 au sein des missiles balistiques Trident II tirés depuis les SNLE de la classe Ohio. (Congressional Research Service)

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24/04/2025 18:30
2014 mots

Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines

La dissuasion nucléaire est un monde où le secret règne et les images sont rares. Mais aux États-Unis, un rapport cumulant les objectifs accomplis par les Sandia National Laboratories permet d’apercevoir des bombes, véhicules de rentrée et même ogives nucléaires. Il ne s’agit d’images de systèmes actifs mais bien de systèmes d’essai (inertes), laissant tout de même une rare idée de la forme de ces engins hautement stratégiques.

Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines
Rares images de bombes et ogives nucléaires d'essais américaines

Qui produit les ogives nucléaires américaines ?

Aux États-Unis, la dissuasion nucléaire se base sur différents sites de recherche et de production des ogives nucléaires présentes dans les bombes et missiles stratégiques de la triade nucléaire du pays. Globalement, ces sites sont au nombre de 9 :

  • Los Alamos National Lab (Nouveau-Mexique), conception principale des têtes nucléaires et production des noyaux en plutonium (cœur de l'arme nucléaire).
  • Lawrence Livermore National Lab (Californie), conception et développement des têtes nucléaires avec le Los Alamos National Lab.
  • Sandia National Laboratories (Nouveau-Mexique et Californie), conception, développement et intégration des composants non nucléaires et assure l'intégration des têtes au sein des vecteurs.
  • Kansas City National Security Campus (Missouri), production d'environ 80 % des pièces non nucléaire des armes.
  • Y-12 National Security Complex (Tennessee), production et maintenance des composants en uranium, uranium enrichi,... ainsi que dans leur recyclage.
  • Savannah River Site (Caroline du Sud), unique site de production et gestion du tritium aux États-Unis.

Ces différents sites permettent alors la production des ogives nucléaires sur le site de Pantex (Texas). Un site pour les essais non explosifs est également disponible : le Nevada National Security Site (Nevada).

Un rapport

En mars 2025, les Sandia National Laboratories (SNL), a publié son Labs Accomplishments (en français, Réalisation des Labos). Celui-ci vise à résumer les réalisations importantes effectuées durant l'année fiscale 2024 (1er avril 2024 - 31 mars 2025) sur de nombreux thèmes : sécurité nationale, sciences et technologies avancées, énergie et sécurité intérieure,... ainsi que sur la dissuasion nucléaire ! Mais en plus de décrire certaines avancées concernant les futures ogives nucléaires américaines, le rapport est accompagné de différentes images en lien avec ces avancées. Alors bien évidemment, les différents vecteurs ou têtes nucléaires photographiés sont des systèmes d'essai, qui sont et resteront inertes. Cependant, ils sont produits dans le but de reproduire avec exactitude les réels vecteurs ou têtes nucléaires américaines. Ils permettent donc d'avoir un aperçu de ces systèmes hautement stratégiques pour les États-Unis.

Une nouvelle bombe nucléaire

Actuellement, les États-Unis disposent dans leur arsenal nucléaire de différents vecteurs, y compris des bombes gravitationnelles B61. Ce modèle de bombe nucléaire compte de nombreuses versions, dont la B61-13, en cours de développement. Selon des officiels américains interrogés par la Federation of American Scientists (FAS), elle se présente sous la forme d'une B61-7 modernisée : elle comprendra le kit de guidage présent sur la B61-12 mais aussi l'ogive d'une B61-7 (360 kt), celle-ci étant au passage modernisée avec de nouveaux systèmes de sécurité et de contrôle.

Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists).
Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists). © Air&Cosmos
Bombes nucléaires gravitationnelles B61 américaines opérationnelles en 2023 (d'après la Federation of American Scientists).

Or, l'an dernier, les équipes du SNL ont réussi à utiliser un programme de planification innovant, permettant une livraison de la première B61-13 sept mois plus tôt que prévu, soit une réduction de 25 % du temps de production de la première unité. Pour l'occasion, le rapport a publié une image (ci-dessous) d'un ingénieur en train de connecter des systèmes sur la toute première B61-13 d'essai.

Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte).
Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte). © SNL
Un ingénieur des Sandia National Labs travaillant sur la première bombes B61-13 d'essai (inerte).

À noter que le tableau ci-dessus fait mention d'avions américains mais aussi européens (Tornado) ou de production américaine mais utilisés en Europe (F-16, F-35A). Actuellement, la B61 représente le cœur même d'un accord important entre les États-Unis, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie (mais dans une moindre mesure depuis plusieurs années). Il s'agit de l'accord de partage nucléaire de l'OTAN, où les États-Unis stockent, sous contrôle militaire américain, des armes nucléaires au sein de ces pays. En cas de guerre importante, sur accord du Président américain mais aussi d'au moins un des pays européens intégrés à cet accord, les armes seraient alors placées sous les avions du ('des' si plusieurs pays d'accord) pays européen. Les avions de combat Tornado, F-16 Fighting Falcon ou encore F-35A Lightning II iraient alors frapper la ou les cibles désignées.

Or, aujourd'hui, un seul modèle d'arme nucléaire américaine est déployé en Europe : la bombe B61, sous plusieurs variantes. D'ailleurs, la B61-12 étant assez récente, des essais avec les nations européennes concernées ont été lancés. Cette information est connue grâce à une photo d'un bombardier tactique Tornado de la Luftwaffe, prise le 3 septembre 2024, non loin de la base aérienne d'Edwards (Californie, États-Unis). La photo en question montrait un Tornado d'essai allemand équipé d'une B61-12 sous son ventre.

Un nouveau missile pour les B-52

Actuellement, les bombardiers stratégiques B-52H Stratofortress de l'US Air Force sont utilisés pour des frappes conventionnelles. Mais ceux-ci ont une capacité duale, avec notamment la possibilité d'emporter jusqu'à 20 missiles de croisière AGM-86B ALCM, emportant chacun une tête nucléaire W80-1. Ces missiles permettent à l'appareil d'assurer une frappe dite standoff, à savoir, un tir des missiles au moment où le Stratofortress n'est pas encore à portée des systèmes antiaériens ennemis. L'USAF disposait, en 2019, de pas moins de 536 AGM-86B en service. Cependant, ce missile de croisière stratégique ne date pas d'hier : le premier AGM-86B fut déployé en décembre 1982. Un remplacement avait été envisagé mais finalement remplacé par un programme d'extension de vie suite à la fin de la guerre froide et les nombreuses coupes budgétaires de l'époque.

Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014).
Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014). © Air Force Global Strike Command
Tir d'essai d'un missile de croisière stratégique AGM-86B ALCM largué depuis un bombardier B-52H au-dessus de l'Utah Test and Training Range (22 avril 2014).

Mais malgré ces modernisations, l'AGM-86B deviens ancien. C'est ainsi que le 1er juillet 2021, l'US Air Force annonçait un contrat avec Raytheon Missiles and Defense d'une valeur de 2 milliards de dollars (soit 1,69 milliard d'euros). Il confirmait ainsi la sélection de l'industriel américain pour lancer la première phase de développement de l'AGM-181 Long Range Stand Off (LRSO), un missile de croisière devant remplacer l'AGM-86B ALCM (Pentagone). Ce missile devra emporter la tête nucléaire W80-4, soit une W80-1 modifiée au profit du futur LRSO. Or, le rapport des Sandia National Labs annonce que les SNL, en coopération avec Raytheon et le Lawrence Livermore National Laboratory, a effectué des tests d'incorporation au sol de la deuxième version de l'ogive d'essai W80-4 dans la toute dernière version du LRSO d'essai. Ces essais au sol doivent garantir le bon fonctionnement de l'ogive au sein du missile, avec en ligne de mire, les futurs essais en vol. Et pour l'occasion, le rapport affiche plusieurs images de l'ogive W80-4 d'essai.

Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs.
Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs. © SNL
Mise en place d'un tête nucléaire W80-4 d'essai (inerte) dans une caisse de transport au sein des Sandia National Labs.
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol.
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol. © SNL
Mise en place d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker'. Il permet de faire vibrer simultanément les 3 axes tout en les faisant tourner pour simuler le stress d'un vol.
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs.
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs. © SNL
Préparation d'une ogive nucléaire d'essai (inerte) W80-4 sur le 'six degrees of freedom shaker' des Sandi National Labs.

La future ogive du futur ICBM

Un autre système accuse également de nombreuses années de service : le missile balistique intercontinental LGM-30G Minuteman III, en service depuis juin 1970. En février 2019, 400 de ces missiles étaient actifs, répartis au sein de trois bases : F.E. Warren (Wyoming, États-Unis), Malmstrom (Montana, États-Unis) et Minot (Dakota du Nord, États-Unis). Ces bases aériennes comprennent des champs de silos enterrés sur une très large surface, en dehors même des limites physiques des bases en question. À noter toutefois que si ces silos sont isolés, ils sont étroitement surveillés.

Au niveau du missile, ce dernier est mirvé, à savoir qu'il n'emporte pas une seule ogive mais bel et bien jusqu'à trois véhicules de rentrée indépendants. Ils se présentent sous la forme d'un cône, spécialement conçu pour pouvoir traverser les couches de l'atmosphère tout en gardant intact l'ogive nucléaire qu'il emporte. Ainsi, jusqu'en 2014, un seul LGM-30G pouvait frapper jusqu'à trois cibles différentes. Toutefois, suite à l'accord New Strategic Arms Reduction Treaty (New START) entre les États-Unis et la Russie, les États-Unis ont démirvé la totalité de leurs Minuteman III, n'emportant désormais qu'un seul véhicule de rentrée indépendant équipé d'une tête W78 ou W87. Mais malgré les différentes modernisations, ce missile a passé le cap du demi-siècle (55 ans en juin 2025) de service continu au sein de la dissuasion nucléaire américaine. D'où la volonté américaine de le remplacer par un nouvel ICBM.

Ce remplacement prend vie le 8 septembre 2020, lorsque l'US Air Force publiait un communiqué de presse confirmant que Northrop Grumman était sélectionné pour développer et produire le Ground Based Strategic Deterrent (GBSD). Le 5 avril 2022, l'USAF donnait un nom officiel au futur ICBM : le LGM-35A Sentinel. Ce nouveau missile devrait commencer le remplacement des Minuteman III en 2029 et devrait rester en service jusqu'au moins 2075. Un total de 634 Sentinel 'opérationnels' et 25 Sentinel 'd'essai' devraient être produits pour assurer que 400 Sentinel soient prêts au tir. De fait, l'US Air Force prévoit le remplacement d'un Minuteman III par un Sentinel (pas de diminution ou d'augmentation d'ICBM en service). En janvier 2025, l'USAF estimait que 15 ans seraient nécessaires pour remplacer la totalité des Minuteman III. Durant cette période, l'USAF disposera alors de deux ICBM opérationnels : le Minuteman III et le Sentinel. À noter que les Sentinel seront placés dans les mêmes silos enterrés que les Minuteman III, obligeant là aussi l'US Air Force de moderniser environs 450 de ces mêmes silos. En janvier 2024, le coût d'un seul missile était évalué à 162 millions de dollars (dollars en 2020) contre 118 millions de dollars prévus au départ (37 % d'augmentation). (Congressional Research Service)

Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel.
Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel. © USAF
Représentation du lancement d'un missile balistique intercontinental LGM-35A Sentinel.

Le développement du Sentinel ne concerne pas uniquement le missile balistique intercontinental : il sera équipé du nouveau véhicule de rentrée Mk21A, ce dernier étant lui-même équipé de la nouvelle tête nucléaire W87-1. Dans cette optique, les Sandia National Laboratories ont, l'an dernier, réalisé toutes les révisions des étapes de conception des composants de la tête W87-1. Au fur et à mesure des avancements, plusieurs constructions et tests de développement de configuration ont également été effectués avec succès. Enfin, l'efficacité du programme a été améliorée via une meilleure logique de calendrier et en prenant compte des risques requis avec l'US Air Force. Cet effort a d'ailleurs permis, le 18 juin 2024, le tir d'une fusée Minautor I (ancien ICBM Minuteman II reconverti en fusée spatiale) équipée d'un véhicule de rentrée Mk21A d'essai. Il s'agissait pour la toute première fois de faire voler la future tête du Sentinel (Air&Space Forces Magazine). Le SNL laisse à penser dans son Labs Accomplishments qu'il s'agissait d'un essai conjoint : le véhicule Mk21A était équipé d'une tête nucléaire d'essai W87-1. Pour l'occasion, les SNL ont publié une image d'un véhicule de rentrée Mk21A préparé pour un essai en soufflerie. À noter que les SNL précisent dans leur légende qu'il s'agit d'une tête W87-1, mais celle-ci n'est en réalité pas visible sur l'image car placée à l'intérieur du Mk21A.

Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie.
Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie. © SNL
Véhicule de rentrée Mk21A d'essai (équipé d'une ogive W87-1 d'essai) en cours de préparation pour un essai en soufflerie.
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A.
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A. © SNL
Ingénieur des Sandia National Labs travaillant à l'intégration de l'ogive W87-1 au sein d'un véhicule de rentrée indépendant Mk21A.

Bientôt un missile de croisière naval

Enfin, s'il n'y a malheureusement pas d'image pour ce dernier exemple, les Sandia National Laboratories annoncent qu'ils travaillent activement sur le programme Sea-Launched Cruise Missile-Nuclear (SLCM-N). C'est l'occasion de rappeler ce programme important, lancé en 2018. Il doit permettre à l'US Navy de récupérer un vecteur de croisière stratégique tirés depuis des sous-marins ou navire de surface.

Pour rappel, au milieu des années 1980, les premiers missiles de croisière BGM-109A Tomahawk Land Attack Missile - Nuclear (TLAM-N), équipés d'une ogive nucléaire W80, entraient en service dans la Marine américaine (US Navy). Ces missiles, d'une portée d'environ 2500 kilomètres, ne furent pas concernés par des limites négociées au sein des traités de contrôle des armes avec l'URSS et ensuite la Russie. Vers la mi-1992, suite à la décision prise en 1991 par le président George H. W. Bush, le dernier TLAM-N était retiré des navires de surface et sous-marins d'attaque. L'US Navy garda toutefois la possibilité de rééquiper ses SNA. En 2013, suite à la décision prise en 2010 par la première administration Obama, l'US Navy retirait définitivement du service les Tomahawk équipés d'une ogive nucléaire. Et 2018, donc, la première administration Trump décide de relancer cette capacité en souhaitant détenir une capacité de présence régionale non stratégique et qui adresserait les besoins pour détenir des options flexibles et de faible puissance nucléaire. Il s'agit-là d'une option à plus long terme, le trou capacitaire à court terme ayant été comblé par cette même administration via l'ogive de faible puissance W76-2 (quelques kt), en service depuis 2020 au sein des missiles balistiques Trident II tirés depuis les SNLE de la classe Ohio. (Congressional Research Service)



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