Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace
Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace
© IAI

publié le 30 mai 2022 à 09:18

747 mots

Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace

Il y a 20 ans, le 28 mai 2002, Israël plaçait sur orbite son cinquième satellite Ofeq, premier d’une nouvelle génération de satellite d’observation de la Terre devant assurer l’indépendance de l’information spatiale.


Le 19 septembre 1988, Israël plaçait sur orbite son premier satellite artificiel Ofeq 1 à l’aide de son lanceur national Shavit, devenant du même coup une puissance spatiale. D’autres satellites de la série Ofeq (« Horizon ») sont lancés dans les années suivantes. L’objectif est alors d’acquérir des technologies spatiales, réinvesties ensuite dans des applications civiles (Eros), mais aussi et surtout militaires (Ofeq).

 

Une géopolitique compliquée

Depuis son indépendance en 1948, Israël doit faire face à une situation géopolitique menaçante persistante : considérant que la Palestine doit être aux Arabes, les Etats limitrophes génèrent directement ou indirectement plusieurs guerres (1948-49, 1956, 1967, 1973) qui, bien que gagnées à chaque fois par les Israéliens, soulignent l’avenir incertain de l’Etat hébreu. De plus fin 1979, un nouvel ennemi s’ajoute dans la région, l’Iran qui n’hésite pas à soutenir la cause palestinienne et refuse de reconnaître l’Etat d’Israël. Pour ce dernier, son avenir et sa sécurité passent par l’indispensable maîtrise du renseignement, comme le démontrent les événements de la guerre du Golfe. En effet, en janvier et février 1991, Israël subit de la part de l’Irak un bombardement de missiles de type Scud entraînant la mort de plus de 70 civils et de nombreuses destructions. Se plaignant de ne pas recevoir suffisamment d’informations de l’allié américain, le ministre de la défense Moshé Arens décide alors d’accélérer le programme Ofeq.

 

Vers une information spatiale militaire et civile indépendante

Le 5 avril 1995, avec le lancement d’Ofeq 3, les Israéliens se dotent de leur premier satellite de renseignement militaire. D’un poids total de 225 kg, il est alors placé sur une orbite elliptique (366 km x 694 km) rétrograde. Il est doté d’un instrument optique fournissant des images d’une résolution d’environ un mètre. Cela permet à Israël d’entrer dans le club limité des Etats disposant de satellites d’imagerie et, surtout, de ne pas dépendre de sources étrangères, notamment américaines. Ofeq 3 ne laisse naturellement pas certains Etats voisins insensibles (Iran, Syrie, Irak, etc.) du fait que celui-ci va régulièrement passer au-dessus de leur territoire.

Destiné à assurer la continuité du service de renseignement militaire, Ofeq 4 suit en janvier 1998, mais celui-ci n’atteint pas son orbite. Précisons qu’à partir de leur Ofeq, les Israéliens conçoivent également Eros (Earth Resources Observation Satellite), un satellite civil commercial d’observation de la Terre, dont un premier exemplaire est lancé le 5 décembre 2000 (par une fusée russe Start 1).

 

Ofeq 5

A l’aide d’un Shavit mis en œuvre depuis la base aérienne de Palmachim, les Israéliens procèdent le 28 mai 2002 au lancement d’Ofeq 5, premier d’une génération améliorée de satellite de renseignement. Il est également placé sur une orbite elliptique de 369 km de périgée, 771 km d’apogée pour une inclinaison de 143,5°. Faisant 2,3 m de haut pour 1,2 m de diamètre et un poids total d’environ 300 kg, Ofeq 5 est comme ses prédécesseurs réalisé par la division MBT de Israel Aerospace Industries (IAI). Quant au système optique, il est conçu par El-Op (Electro-Optic Industries), une filiale de Elbit Systems, une entreprise israélienne de la défense.

Grâce à Ofeq 5, le système de renseignement spatial se conforte et s’enrichit avec le déploiement des Ofek 7 et 9 respectivement lancés en juin 2007 et juin 2010. Israël dispose ainsi de moyens assurant une meilleure revisite des sites à surveiller avec, à chaque fois, des systèmes optiques optimisés (passant de 80 cm à probablement moins de 50 cm pour le dernier satellite).

 

Conserver l’avantage

Parallèlement aux satellites d’imagerie optique, les Israéliens se dotent également de satellites à imagerie radar (Ofeq 8 en 2008, Ofeq 10 en 2014), capables de s’affranchir des nuages, d’observer la nuit, etc.

Ainsi, le succès des satellites Ofeq est le résultat d’une volonté politique et militaire voulant s’assurer la maîtrise des technologies de pointe pour d’une part conforter les capacités industrielles israéliennes et, d’autre part, conserver un coup d’avance sur les Etats menaçants du Moyen Orient. La question est d’autant plus vive que depuis quelques années l’Iran se dote également des moyens spatiaux de lancement et d’observation.

 

Quelques références

- Un ouvrage général : Satellites espions. Histoire de l’espace militaire mondial, Jacques Villain, Vuibert, 2009

- Un article : « Prolifération de satellites espions », Christian Lardier, Air et Cosmos, 7 juin 2002

- Une communication : « Ofek 5 launch », Oiknine Claude et Bergman David, in Acta Astronautica, vol. 56, janvier 2005.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence

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30/05/2022 09:18
747 mots

Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace

Il y a 20 ans, le 28 mai 2002, Israël plaçait sur orbite son cinquième satellite Ofeq, premier d’une nouvelle génération de satellite d’observation de la Terre devant assurer l’indépendance de l’information spatiale.

Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace
Ofeq 5 ou la sécurité depuis l’espace

Le 19 septembre 1988, Israël plaçait sur orbite son premier satellite artificiel Ofeq 1 à l’aide de son lanceur national Shavit, devenant du même coup une puissance spatiale. D’autres satellites de la série Ofeq (« Horizon ») sont lancés dans les années suivantes. L’objectif est alors d’acquérir des technologies spatiales, réinvesties ensuite dans des applications civiles (Eros), mais aussi et surtout militaires (Ofeq).

 

Une géopolitique compliquée

Depuis son indépendance en 1948, Israël doit faire face à une situation géopolitique menaçante persistante : considérant que la Palestine doit être aux Arabes, les Etats limitrophes génèrent directement ou indirectement plusieurs guerres (1948-49, 1956, 1967, 1973) qui, bien que gagnées à chaque fois par les Israéliens, soulignent l’avenir incertain de l’Etat hébreu. De plus fin 1979, un nouvel ennemi s’ajoute dans la région, l’Iran qui n’hésite pas à soutenir la cause palestinienne et refuse de reconnaître l’Etat d’Israël. Pour ce dernier, son avenir et sa sécurité passent par l’indispensable maîtrise du renseignement, comme le démontrent les événements de la guerre du Golfe. En effet, en janvier et février 1991, Israël subit de la part de l’Irak un bombardement de missiles de type Scud entraînant la mort de plus de 70 civils et de nombreuses destructions. Se plaignant de ne pas recevoir suffisamment d’informations de l’allié américain, le ministre de la défense Moshé Arens décide alors d’accélérer le programme Ofeq.

 

Vers une information spatiale militaire et civile indépendante

Le 5 avril 1995, avec le lancement d’Ofeq 3, les Israéliens se dotent de leur premier satellite de renseignement militaire. D’un poids total de 225 kg, il est alors placé sur une orbite elliptique (366 km x 694 km) rétrograde. Il est doté d’un instrument optique fournissant des images d’une résolution d’environ un mètre. Cela permet à Israël d’entrer dans le club limité des Etats disposant de satellites d’imagerie et, surtout, de ne pas dépendre de sources étrangères, notamment américaines. Ofeq 3 ne laisse naturellement pas certains Etats voisins insensibles (Iran, Syrie, Irak, etc.) du fait que celui-ci va régulièrement passer au-dessus de leur territoire.

Destiné à assurer la continuité du service de renseignement militaire, Ofeq 4 suit en janvier 1998, mais celui-ci n’atteint pas son orbite. Précisons qu’à partir de leur Ofeq, les Israéliens conçoivent également Eros (Earth Resources Observation Satellite), un satellite civil commercial d’observation de la Terre, dont un premier exemplaire est lancé le 5 décembre 2000 (par une fusée russe Start 1).

 

Ofeq 5

A l’aide d’un Shavit mis en œuvre depuis la base aérienne de Palmachim, les Israéliens procèdent le 28 mai 2002 au lancement d’Ofeq 5, premier d’une génération améliorée de satellite de renseignement. Il est également placé sur une orbite elliptique de 369 km de périgée, 771 km d’apogée pour une inclinaison de 143,5°. Faisant 2,3 m de haut pour 1,2 m de diamètre et un poids total d’environ 300 kg, Ofeq 5 est comme ses prédécesseurs réalisé par la division MBT de Israel Aerospace Industries (IAI). Quant au système optique, il est conçu par El-Op (Electro-Optic Industries), une filiale de Elbit Systems, une entreprise israélienne de la défense.

Grâce à Ofeq 5, le système de renseignement spatial se conforte et s’enrichit avec le déploiement des Ofek 7 et 9 respectivement lancés en juin 2007 et juin 2010. Israël dispose ainsi de moyens assurant une meilleure revisite des sites à surveiller avec, à chaque fois, des systèmes optiques optimisés (passant de 80 cm à probablement moins de 50 cm pour le dernier satellite).

 

Conserver l’avantage

Parallèlement aux satellites d’imagerie optique, les Israéliens se dotent également de satellites à imagerie radar (Ofeq 8 en 2008, Ofeq 10 en 2014), capables de s’affranchir des nuages, d’observer la nuit, etc.

Ainsi, le succès des satellites Ofeq est le résultat d’une volonté politique et militaire voulant s’assurer la maîtrise des technologies de pointe pour d’une part conforter les capacités industrielles israéliennes et, d’autre part, conserver un coup d’avance sur les Etats menaçants du Moyen Orient. La question est d’autant plus vive que depuis quelques années l’Iran se dote également des moyens spatiaux de lancement et d’observation.

 

Quelques références

- Un ouvrage général : Satellites espions. Histoire de l’espace militaire mondial, Jacques Villain, Vuibert, 2009

- Un article : « Prolifération de satellites espions », Christian Lardier, Air et Cosmos, 7 juin 2002

- Une communication : « Ofek 5 launch », Oiknine Claude et Bergman David, in Acta Astronautica, vol. 56, janvier 2005.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence



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