Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples
Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples
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publié le 11 février 2025 à 06:30

3646 mots

Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples

La prestation de serment du nouveau gouvernement belge avait été précédée par la publication d’un accord de gouvernement, annonçant dans les grandes lignes les prochaines actions du gouvernement jusqu’en 2029 et ce, y compris pour la Défense : budget à 2 %, achat d’avions supplémentaires,… mais aussi des drones armés, des systèmes antiaériens multicouches et peut-être même, des lance-roquettes multiples pour l’artillerie lourde.


Un nouveau gouvernement

Le 9 juin 2024, la Belgique se rendait aux urnes pour élire les 150 parlementaires de la Chambre des représentants (équivalent de l'Assemblée nationale) pour une durée de cinq ans. Au total, 12 partis siègent désormais à la Chambre et les différents présidents de partis sont alors entrés dans une phase de négociations pour former le gouvernement fédéral. C'est ainsi que le 31 janvier 2025, après de nombreux mois de négociations, un accord de gouvernement fut publié et ensuite approuvé par les différents membres des 5 partis liés à cet accord : l'objectif de celui-ci est de tracer, en un peu plus de 200 pages et dans les grandes lignes, les futures décisions du nouveau gouvernement tout en évitant le moindre malentendu lors de la prise effective de ces décisions. Or, dans cet accord, dénommé "Déclaration du formateur, 2025-2029", les futurs projets concernant les Forces armées belges sont bien évidemment présents. Les chapitres ci-dessous mettent en avant les points importants au niveau des futurs investissement souhaités par le gouvernement De Wever dans ce domaine.

Un budget à 2% voire plus ?

C'est bien évidemment "le nerf de la guerre" : le budget actuel alloué aux Forces armées belges tourne autour des 1,3 % du PIB. Or, pour 2029 au plus tard, ce pourcentage aura atteint les 2 %. Ce cap des 2 % n'est pas anodin car il cherche à rééquilibrer la part des investissements de défense au sein de l'OTAN, dont la charge était principalement financée par les États-Unis. Ce cap a été décidé pour la première fois au niveau OTAN en 2006, a pris du plomb dans l'aile suivant la crise économique de 2008, est revenu en 2014 suite à l'annexion russe de la Crimée, etc. C'est surtout en 2023, au sommet OTAN de Vilnius, que les dirigeants de tous les pays membres ont affirmé leur volonté d'arriver à ce cap symbolique. Ainsi, en 2014, seuls le Royaume-Uni (2,14 %), la Grèce (2,22 %) et les États-Unis (3,71 %) remplissaient ce critère. Mais l'annexion de la Crimée et 8 ans plus tard, l'invasion russe de l'Ukraine ont servi d'électrochoc : en 2024, 23 pays sur les 31 États membres avaient un budget défense égal ou supérieur à 2 % de leur PIB.

Durant cette période, la Belgique ne fut pas parmi les meilleurs "élèves", voire même avant-dernier... avant le Luxembourg et malgré un statut de 7ème puissance économique européenne. Le gouvernement précédent (gouvernement De Croo) a permis de passer le cap des 1 % du PIB et même arriver à 1,3 % actuellement. Mais le gouvernement de Wever souhaite au plus tard à la fin de son mandat (2029), avoir au minimum 2 % du PIB de la Belgique alloué à sa Défense. Conséquence, des fonds supplémentaires pourront être alloués pour lancer des investissements, achats de matériels ou encore participation à des programmes de développement.

Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après).
Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après). © Air&Cosmos
Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après).

De nouveaux avions

L'accord de gouvernement précise que de futurs achats aériens sont attendus : "Il s’agit notamment d’investissements [...] dans des avions de chasse, des avions de transport plus petits supplémentaires [...]". La première partie de cette phrase concerne des avions de combat mais avec la mise à la retraite des F-16AM/BM Fighting Falcon au profit des plus récents F-35A Lightning II, il faudra donc s'attendre à un achat belge de F-35A supplémentaires aux 34 appareils commandés et actuellement en cours de livraison. Structurer les capacités aériennes de combat autour de deux modèles d'avions différents offre une plus grande souplesse opérationnelle (plus de choix dans les capacités disponibles entre les deux modèles d'avions) mais demandent aussi et surtout de scinder en deux la logistique, les pièces détachées, l'entrainement des pilotes et mécaniciens,... bref, un coût supplémentaire à prendre en compte.

Au niveau des "avions de transport plus petits", ils sont à comparer avec les actuels avions de transport tactique A400M Atlas. Dès lors, il ne faut pas espérer un achat supplémentaire d'A400M et encore moins un avion équivalent (KC-390, C-130J,...) suite au problème économique d'une double flotte, comme expliqué précédemment. En revanche, cet achat "d'avions de transport plus petits" concerne plus que probablement la continuation d'un projet lancé en 2016 et qui s'est concrétisé le 26 janvier 2024. À cette époque, le gouvernement De Croo avait décidé de lancer les premières analyses de marché pour un futur achat de cinq avions de transport légers et à capacité de décollage et d'atterrissage court (STOL) au profit du Special Operation Regiment (SOR). Pour rappel, le SOR est la branche aéroportée des Forces terrestres belges. Il regroupe les unités aéroportées (2ème Bataillon de Commandos et 3ème Bataillon de Parachutistes), les forces spéciales belges (Special Forces Group) et leurs unités de soutien (QG, centre d'entrainement,...). Au niveau du futur avion STOL, et hormis ajouts du nouveau gouvernement, cet appareil léger sera multi-missions : transport léger, évacuation médicale, appui ISR, appui aérien rapproché, commandement aéroporté, etc.

Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016).
Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016). © Belgian Defence
Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016).

Des hélicoptères ?

Il est fait mention d'investissements "dans une flotte d'hélicoptères opérationnelle". Avec le futur remplacement des A109 Agusta par les H145M, la liste des investissements dans les hélicoptères belges est courte : il ne reste que les hélicoptères de transport moyen NH-90 TTH et maritimes NH-90 NFH. Les deux principaux problèmes concernant ces 8 hélicoptères (4 TTH et 4 NFH) se trouvent dans le coût trop élevé de maintenance et de leur faible disponibilité.

En ce qui concerne les NFH, Ludivine Dedonder, précédente ministre de la Défense (gouvernement de Croo), souhaitait l'achat de quelques hélicoptères pour assurer les interventions de sauvetage en mer, cette mission étant assurée par les Forces armées belges. De fait, les NFH-90 devaient voir leurs heures de vol diminuées tout en se recentrant sur les missions maritimes militaires depuis les bâtiments de la Marine belge ou encore alliés. Mais est-ce que ce "remplacement partiel" des NFH est toujours d'actualité ? La question reste ouverte.

En revanche, l'avenir des TTH semble se raccourcir, surtout que leur quota annuel d'heures de vol avait été diminué de moitié. Le remplaçant, mais cette fois-ci de toute la flotte de TTH, était aussi dans les plans du précédent gouvernement. Ces plans étaient d'ailleurs ambitieux, avec une volonté de trouver un modèle "d'hélicoptère moyen ou lourd" ! La Déclaration du Formateur ne donne pas d'information sur un futur hélicoptère de transport lourd mais insiste sur l'intérêt de ce gouvernement envers le programme Next Generation Rotorcraft Capability (NGRC). Il prévoit d'identifier un projet d'hélicoptère de transport moyen unique pour la fin de l'année 2027 et de permettre un développement pour 2030. (OTAN)

Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019.
Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019. © Gaétan Powis
Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019.

Une décision sur les drones

Depuis la seconde moitié des années 2010, le mini-drone armé jusqu'au drone aérien tactique armé a prouvé qu'il était désormais une arme à part entière du champ de bataille de faible et de haute intensité. Les exemples ne manquent pas : État islamique en Syrie et en Irak, conflits du Haut Karabagh, invasion russe de l'Ukraine ou encore plus récemment, attaques houthies en mer Rouge.

La Belgique dispose déjà de plusieurs modèles de drones tactiques d'observation, tels que les RQ-11 Raven, RQ-21 Blackjack (parfois dénommés X-300 Integrator), RQ-20 Puma Long Endurance,... et prochainement, les drones moyenne portée et de longue endurance (MALE) MQ-9B Skyguardian. De fait, le drone n'est pas une nouveauté en soit pour les Forces armées belges. En revanche, de nombreux débats politiques ont eu lieu sur un sujet très spécifique : la possibilité d'armer les drones. En effet, jusqu'au gouvernement De Croo, il était hors de question de voir des drones belges voler avec des munitions, y compris les futurs MQ-9B commandés. Il était aussi impensable d'acquérir des drones suicides et ce, malgré les nombreux RETEX des différents conflits cités précédemment.

Mais il semblerait que cette position est sur le point de changer, comme décrit dans la Déclaration du Formateur :

"Il s'agit notamment d'investissements [...] et [dans] l’extension de notre flotte de drones et de systèmes sans pilote et armés à travers les différentes composantes [...]"

À voir donc quels seront les drones armés par la Belgique : les MQ-9B ? Un futur achat de drones suicides ? La modification de drones déjà en service ?

Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air.
Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air. © @BeAirForce
Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air.

Cette décision a aussi un impact important sur une éventuelle participation active de la Belgique dans le programme SCAF. En effet, ce programme vise à développer et produire un avion de combat piloté de sixième génération (NGF) mais aussi des loyal wingmen. Ils se présentent sous la forme de drones aériens autonomes pouvant réaliser différentes missions en appui d'un ou de plusieurs NGF. Parmi ces missions, se trouvent la possibilité... de détruire des cibles à la place du NGF ! Il était donc compliqué pour la Belgique de pouvoir participer à ce programme tant que des drones armés ne voleraient pas sous la cocarde belge.

Cette décision de ne pas armer les drones se basait notamment sur le risque des dommages collatéraux ainsi que le risque qu'apporte l'automatisation du champ de bataille. Cependant, si des troupes au sol avaient besoin d'un appui aérien, les règles d'engagement seraient exactement les mêmes pour un avion de combat belge F-16AM/BM Fighting Falcon ou F-35A Lightning II mais aussi pour un drone télépiloté MQ-9B Skyguardian ou un drone autonome. Enfin, les nombreux systèmes autonomes aériens, navals ou encore terrestres ont tous un point commun : ils peuvent suivre un autre système ou trouver en complète autonomie le meilleur plan de vol, cap en mer ou chemin pour se rendre vers une zone d'action désignée. Cependant, ils sont TOUS limité dans "autonomie" ; chaque drone doit effectuer une mission sur un ordre humain et s'il y a besoin d'une ouverture du feu, celle-ci est uniquement déclenchée sur autorisation d'un être humain (human in the loop, être humain dans la boucle).

SCAF : un système de systèmes.
SCAF : un système de systèmes. © Airbus
SCAF : un système de systèmes.

Du renouveau à l’extension des frappes dans la profondeur

Le 7 novembre 2018, un accord était signé entre la France et la Belgique pour créer le partenariat stratégique Capacité Motorisée (CaMo). Celui-ci vise notamment à renouveler les véhicules de l'une des deux principales unités des Forces terrestres belges, la Brigade Motorisée. C'est ainsi que 382 véhicules blindés légers de transport de troupe VBMR Griffon et 60 véhicules blindés légers de reconnaissance armée EBRC Jaguar ont été commandés. Par après, deux décisions ont ensuite permis d'ajouter un double contrat d'achat, cumulant un total de 28 obusiers automoteurs CAESAr 6x6 MkII de 155 mm. Si ces 28 obusiers représentent la renaissance de l'artillerie lourde belge, ils offriront surtout une capacité légère de frappe dans la profondeur pour la Brigade Motorisée (+40 kilomètres pour un obus à portée augmentée [ERFB], +55 km pour obus propulsé et +46 km pou un obus de type Excalibur)(KNDS).

Toutefois, le nouveau gouvernement voudrait aller encore plus loin au niveau de cette capacité de frappe dans la profondeur (en anglais, deep strike) :

"Nous renforçons la brigade motorisée actuelle dans le cadre du programme CaMo en améliorant ses capacités, sa puissance de feu, ses besoins logistiques et son endurance. Nous y parviendrons en diversifiant davantage les plateformes, via la capacité deep strike, les MLRS, [...]"

Le terme MLRS est un double acronyme :

  • De manière générale, il s'agit d'un système lance-roquettes multiples, soit un véhicule (à roue ou chenillé) capable de tirer une salve de plusieurs roquettes (de n'importe quel calibre), voire même des missiles pour certains modèles.
  • Au sein de l'US Army, cet acronyme fait aussi référence au M270 MLRS (littéralement, Multiple Launch Rocket System), soit un châssis de véhicule blindé de combat d'infanterie M2 Bradley modifié avec à l'arrière, un système lance-roquettes. Ce dernier est capable de tirer des roquettes de 227 mm à guidage GPS (GMLRS, 2x 6 roquettes) à plus de 80 kilomètres, des bombes planantes GLSDB à plus de 150 kilomètres (2x 6), un missile balistique courte portée (SRBM) ATACMS à 300 kilomètres (2x 1 missile) ou encore des SRBM PrSM d'une portée de 500 kilomètres (2x 2 missiles).
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021).
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021). © US Army
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021).

L'Armée de Terre française dispose de neuf M270 MLRS, renommé en Lance-Roquettes Unitaires ou LRU. Or, l'Armée de Terre cherche aussi à les remplacer par un système plus moderne dans le cadre du programme Fappe Longue Portée - Terrestre (FLP-T). Actuellement, deux consortiums se disputent le contrat ; Thales et Arianespace ainsi que MBDA et Safran. Ce dernier consortium avait d'ailleurs profité du salon Eurosatory 2024 pour exposer une maquette du Thundard, une roquette d'une portée d'environ 150 kilomètres. Mais ce projet n'est qu'à ses débuts, le lanceur de chacun des consortiums n'étant par exemple par encore connu. Des vidéos promotionnelles montrent d'ailleurs différents lanceurs, que ce soit sur roues ou sur chenilles.

À voir donc si la Belgique souhaite suivre la décision française ou acheter un système sur étagère, comme le M142 HIMARS américain, et sortir de l'interopérabilité quasi complète qu'offre CaMo ? En effet, le cœur même de CaMo cherche à obtenir une interopérabilité proche de 100 % entre la Brigade Motorisée belge et la 7ème Brigade blindée française : mêmes entrainements, doctrines d'emploi identiques, structure équivalente des unités,... Demain, grâce à CaMo, une section de véhicules français pourra être ravitaillée par des éléments belges (et vice-versa), une compagnie belge pourra être intégrée sans aucun problème dans une unité française lors d'un déploiement en opérations extérieures (et vice-versa), etc. CaMo ne se résume donc pas simplement avec de l'achat de matériels, la partie émergée de l'iceberg CaMo. Cela comprend aussi les développements communs, comme le futur Véhicule Blindé d'Aide à l'Engagement (VBAE), co-développé entre les deux partenaires de CaMo.

Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm.
Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm. © Armée de Terre
Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm.

Quelle défense antiaérienne ?

C'est l'un des points noirs des Forces armées belges. La réduction des budgets à la fin de la guerre froide suite à la disparition de conflits de haute intensité avait notamment vu la Belgique réduire drastiquement ses moyens air-sol, jusqu'à 2017 et la désactivation des derniers lanceurs très courte portée Mistral : jusqu'à la réactivation des Mistral en 2020, les Forces terrestres belges ne disposaient plus d'aucun moyen antiaérien propre. À noter qu'à l'époque, les déploiements étaient encore axés sur des opérations de faible intensité : si nécessaire, l'espace aérien était alors défendu par les Fighting Falcon belges ou l'unité était déployée en coalition multinationale, avec d'autres pays fournissant les systèmes antiaériens nécessaires. L'invasion russe de l'Ukraine et le retour d'une menace de haute intensité à l'Est a obligé la révision de cette capacité : le précédent gouvernement prévoyait l'achat de nouveaux systèmes antiaériens, sous la dénomination "SAM Long Range (SAM-LR)" et "SAM Short Range (SAM-SR)" mais pour 2030. Cette date était assez éloignée politiquement car la décision n'aurait pas concerné le gouvernement De Croo, le nouveau gouvernement De Wever mais bel et bien le gouvernement en place entre 2029 et 2034 ! Toutefois, le gouvernement De Wever ne semble pas vouloir attendre les prochaines élections, comme précisé dans l'accord :

"Nous renforçons la coopération au sein du Benelux. Nous pouvons ainsi notamment approfondir notre coopération en matière de défense dans la marine, développer un système commun de défense aérienne (Ground Based Air Defence)[GBAD], nous orienter vers une coopération plus approfondie des composantes aériennes et renforcer la coopération autour des forces spéciales."

À cela s'ajoute, une ligne décrivant également que cette future capacité GBAD ne concerneraient pas un seul type de système mais bel et bien "un système de défense aérienne à plusieurs niveaux". Deux solutions existent mais elles sont diamétralement opposées.

La première se concentre sur CaMo et le besoin d’interopérabilité très élevée entre la Brigade Motorisée et l'Armée de Terre française. Dans cette optique, il est donc logique que la Belgique face l'acquisition des systèmes antiaériens utilisés en France : les missiles Mistral 3 (infrarouge) à très courte portée montés sur des véhicules de la gamme Scorpion, des batteries VL MICA pour tirer des missiles à courte portée ou encore des batteries SAMP/T NG pour tirer des missiles à longue portée. Pour rappel, le gouvernement De Croo avait déjà fait un pas sur le sujet en commandant des Mistral 3 le 19 juin 2024.

Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG.
Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG. © Eurosam
Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG.

La deuxième option s'explique par le fait que la Belgique est un membre fondateur de l'European Sky Shield Initiative (ESSI). Cette initiative regroupe actuellement 21 pays (15 fondateurs) et cherche à combler les lacunes dans le domaine de la défense aérienne, mais une lacune élargie aux pays signataires via une stratégie d'achats groupés de systèmes sur étagère. L'ESSI propose alors :

  • le canon antiaérien mobile à très courte portée Skyranger 30,
  • le lance-missiles semi-mobile courte portée Iris-T SLM,
  • le lance-missiles semi-mobile longue portée Patriot,
  • le missile antimissile balistique Arrow 3 (en silo, capacité exo-atmosphérique).

Les deux premiers systèmes sont allemands, le troisième américain et enfin, l'Arrow 3, co-développé par Israël et les États-Unis. Or, l'Armée de Terre n'utilise aucun de ces systèmes et la France ne fait d'ailleurs pas partie de l'ESSI. De plus, les systèmes d'origine américaine posent sérieusement question sur l'indépendance de leur utilisation, des munitions et des pièces détachées, comme c'est le cas en Ukraine.

Au niveau de la Belgique, le futur GBAD pourrait comprendre des MIM-104 Patriot. Il fait partie de l'ESSI mais en plus, dans le cadre d'une coopération Bénélux renforcée, elle permettrait une coopération avec les Pays-Bas dans ce domaine, la Force terrestre royale hollandaise étant actuellement équipée en Patriot. Enfin, plusieurs politiciens belges ont déjà exprimé par le passé leur préférence pour le système américain.

Mais pour envisager une plus grande coopération, il faut que les Forces terrestres hollandaises puissent également coopérer avec la future GBAD belge. Mais si CaMo est déjà fortement avancé, les Pays-Bas ont aussi une coopération avancée avec l'Allemagne. Ainsi, l'une des trois brigades terrestres hollandaises, la 43ème Brigade Mécanisée, est inclue dans la structure... de la 1ère Division de Panzer allemande. Il serait ainsi complexe d'imaginer une Brigade Motorisée axée avec la 7ème Division blindée française alors que les capacités antiaériennes de cette même Brigade seraient axées sur les Pays-Bas, eux-mêmes coopérant fortement avec l'Armée de terre allemande.

En dehors des problèmes structurels, il faut aussi prendre en compte le budget et la qualité des systèmes. De base, le Patriot et le SAMP/T NG sont d'excellents systèmes antiaériens et antimissiles (de croisière ou à trajectoire balistique). Cependant, le SAMP/T NG utilise un seul missile, l'Aster 30 NG, capable d'intercepter des cibles aériennes de tous types et d'une portée maximale de 120 kilomètres. En revanche, le Patriot offre deux missiles spécialisés, le PAC-2 en antiaérien longue portée (+160 kilomètres) à capacité antimissile et le PAC-3 en antimissile à capacité antiaérienne classique. Mais bien évidemment, si disposer de deux "super-missiles spécialisés" offre une défense qualitative, elle est aussi bien plus coûteuse à acquérir qu'un seul missile. Ainsi, comme pour les grands achats d'armement, cette décision sera surtout et avant tout politique, avec ses propres avantages et inconvénients en fonction du choix du système.

Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022).
Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022). © Defensie.nl
Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022).

Et bien d'autres décisions

La Déclaration du Formateur donne encore beaucoup d'autres exemples au niveau du futur proche et plus lointain de la Défense belge. Il y a par exemple, en plus du SCAF et du NGRC, l'intérêt pour ce gouvernement envers le MGCS. Ce programme franco-allemand cherche à développer un nouveau char de combat ainsi que des drones terrestres autonomes (UGV). Cette information montre ainsi une volonté de revoir, à l'horizon 2040, des chars de combat (en plus de leurs UGV) en Belgique après le retrait en 2014 des derniers chars de combat Leopard 1A5BE.

Il y aura aussi des investissements dans le réseau ferroviaire et des capacités de débarquement afin que la Belgique reste un hub important pour l'OTAN. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Belgique est souvent traversée par des véhicules et/ou hélicoptères militaires américains en vue d'un déploiement sur le continent européen ou retournant aux États-Unis par bateau.

Pour rester sur le domaine maritime, la Marine belge disposera d'une troisième frégate ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate). Pour l'instant, deux sont budgétisées (La Défense) et devaient remplacer les deux frégates multi-missions (classe M ou classe Karel Doorman). Ce choix a aussi comme conséquence le besoin de trouver un troisième équipage. Mais à voir si le budget disponible permettra d'armer totalement ces trois navires ? Pour information, ce programme est géré par les Pays-Bas au profit des Pays-Bas et de la Belgique alors que la Belgique s'occupe des nouveaux navires de guerre des mines au profit de la Belgique et des Pays-Bas. Or, les 4 ASWF hollandaises seront équipées de deux systèmes lance-missiles verticaux (2x 8 cellules) Mk 41 VLS. Mais comme expliqué le 10 février 2021 par l'ex-ministre de la Défense Dedonder devant la Commission de la Défense nationale, les frégates belges n'auront qu'un seul Mk 41 VLS et peut-être deux :

"Les futures plateformes seront en mesure d'accueillir deux drones de surface et offriront la place nécessaire pour l'installation de deux systèmes de lancement vertical (VLS) à bord. Chaque VLS permettra d'utiliser le taux de remplissage maximal en fonction du type de missile. Pour la Belgique, la mention "provisions for" est indiquée pour un des VLS." (La Chambre)

Dès lors, est-ce que le gouvernement De Wever souhaitera aligner trois frégates à pleine capacité ou aux capacités antiaériennes et antimissiles diminuées de 50 % ?

Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024).
Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024). © Gaétan Powis
Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024).

Enfin, une composante est largement absente de cette Déclaration du Formateur : la composant médicale. Elle n'est citée qu'une seule et unique fois : "La composante médicale se concentre principalement sur sa propre opérabilité.". La grosse question étant bien évidemment l'avenir de l’hôpital militaire Reine Astrid.

Il y a encore d'autres annonces, des coopérations renforcées avec d'autres ministères, des volontés de coopération internationales,... À cela s'ajoute des questions élaborées dans cet article qui ne trouvent pas de réponse. Il faudra probablement attendre la publication d'un nouveau Livre blanc par le gouvernement De Wever pour connaitre en détail les futurs projets concernant les Forces armées belges. La Déclaration du Formateur permet tout de même de déjà confirmer une augmentation du budget pour la Défense, avec des achats à la clé mais aussi des projets importants mais aussi imposants pour la Belgique.

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11/02/2025 06:30
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Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples

La prestation de serment du nouveau gouvernement belge avait été précédée par la publication d’un accord de gouvernement, annonçant dans les grandes lignes les prochaines actions du gouvernement jusqu’en 2029 et ce, y compris pour la Défense : budget à 2 %, achat d’avions supplémentaires,… mais aussi des drones armés, des systèmes antiaériens multicouches et peut-être même, des lance-roquettes multiples pour l’artillerie lourde.

Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples
Le nouveau gouvernement belge casse sa tirelire pour l'Armée : nouveaux F-35, systèmes antiaériens et même lance-roquettes multiples

Un nouveau gouvernement

Le 9 juin 2024, la Belgique se rendait aux urnes pour élire les 150 parlementaires de la Chambre des représentants (équivalent de l'Assemblée nationale) pour une durée de cinq ans. Au total, 12 partis siègent désormais à la Chambre et les différents présidents de partis sont alors entrés dans une phase de négociations pour former le gouvernement fédéral. C'est ainsi que le 31 janvier 2025, après de nombreux mois de négociations, un accord de gouvernement fut publié et ensuite approuvé par les différents membres des 5 partis liés à cet accord : l'objectif de celui-ci est de tracer, en un peu plus de 200 pages et dans les grandes lignes, les futures décisions du nouveau gouvernement tout en évitant le moindre malentendu lors de la prise effective de ces décisions. Or, dans cet accord, dénommé "Déclaration du formateur, 2025-2029", les futurs projets concernant les Forces armées belges sont bien évidemment présents. Les chapitres ci-dessous mettent en avant les points importants au niveau des futurs investissement souhaités par le gouvernement De Wever dans ce domaine.

Un budget à 2% voire plus ?

C'est bien évidemment "le nerf de la guerre" : le budget actuel alloué aux Forces armées belges tourne autour des 1,3 % du PIB. Or, pour 2029 au plus tard, ce pourcentage aura atteint les 2 %. Ce cap des 2 % n'est pas anodin car il cherche à rééquilibrer la part des investissements de défense au sein de l'OTAN, dont la charge était principalement financée par les États-Unis. Ce cap a été décidé pour la première fois au niveau OTAN en 2006, a pris du plomb dans l'aile suivant la crise économique de 2008, est revenu en 2014 suite à l'annexion russe de la Crimée, etc. C'est surtout en 2023, au sommet OTAN de Vilnius, que les dirigeants de tous les pays membres ont affirmé leur volonté d'arriver à ce cap symbolique. Ainsi, en 2014, seuls le Royaume-Uni (2,14 %), la Grèce (2,22 %) et les États-Unis (3,71 %) remplissaient ce critère. Mais l'annexion de la Crimée et 8 ans plus tard, l'invasion russe de l'Ukraine ont servi d'électrochoc : en 2024, 23 pays sur les 31 États membres avaient un budget défense égal ou supérieur à 2 % de leur PIB.

Durant cette période, la Belgique ne fut pas parmi les meilleurs "élèves", voire même avant-dernier... avant le Luxembourg et malgré un statut de 7ème puissance économique européenne. Le gouvernement précédent (gouvernement De Croo) a permis de passer le cap des 1 % du PIB et même arriver à 1,3 % actuellement. Mais le gouvernement de Wever souhaite au plus tard à la fin de son mandat (2029), avoir au minimum 2 % du PIB de la Belgique alloué à sa Défense. Conséquence, des fonds supplémentaires pourront être alloués pour lancer des investissements, achats de matériels ou encore participation à des programmes de développement.

Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après).
Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après). © Air&Cosmos
Évolution des budgets de Défense de l'OTAN (moyenne) et de la Belgique entre 2014-2024 (et après).

De nouveaux avions

L'accord de gouvernement précise que de futurs achats aériens sont attendus : "Il s’agit notamment d’investissements [...] dans des avions de chasse, des avions de transport plus petits supplémentaires [...]". La première partie de cette phrase concerne des avions de combat mais avec la mise à la retraite des F-16AM/BM Fighting Falcon au profit des plus récents F-35A Lightning II, il faudra donc s'attendre à un achat belge de F-35A supplémentaires aux 34 appareils commandés et actuellement en cours de livraison. Structurer les capacités aériennes de combat autour de deux modèles d'avions différents offre une plus grande souplesse opérationnelle (plus de choix dans les capacités disponibles entre les deux modèles d'avions) mais demandent aussi et surtout de scinder en deux la logistique, les pièces détachées, l'entrainement des pilotes et mécaniciens,... bref, un coût supplémentaire à prendre en compte.

Au niveau des "avions de transport plus petits", ils sont à comparer avec les actuels avions de transport tactique A400M Atlas. Dès lors, il ne faut pas espérer un achat supplémentaire d'A400M et encore moins un avion équivalent (KC-390, C-130J,...) suite au problème économique d'une double flotte, comme expliqué précédemment. En revanche, cet achat "d'avions de transport plus petits" concerne plus que probablement la continuation d'un projet lancé en 2016 et qui s'est concrétisé le 26 janvier 2024. À cette époque, le gouvernement De Croo avait décidé de lancer les premières analyses de marché pour un futur achat de cinq avions de transport légers et à capacité de décollage et d'atterrissage court (STOL) au profit du Special Operation Regiment (SOR). Pour rappel, le SOR est la branche aéroportée des Forces terrestres belges. Il regroupe les unités aéroportées (2ème Bataillon de Commandos et 3ème Bataillon de Parachutistes), les forces spéciales belges (Special Forces Group) et leurs unités de soutien (QG, centre d'entrainement,...). Au niveau du futur avion STOL, et hormis ajouts du nouveau gouvernement, cet appareil léger sera multi-missions : transport léger, évacuation médicale, appui ISR, appui aérien rapproché, commandement aéroporté, etc.

Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016).
Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016). © Belgian Defence
Esquisse du futur avion STOL du Special Operation Regiment (SOR) belge publié dans la Vision stratégique (2016).

Des hélicoptères ?

Il est fait mention d'investissements "dans une flotte d'hélicoptères opérationnelle". Avec le futur remplacement des A109 Agusta par les H145M, la liste des investissements dans les hélicoptères belges est courte : il ne reste que les hélicoptères de transport moyen NH-90 TTH et maritimes NH-90 NFH. Les deux principaux problèmes concernant ces 8 hélicoptères (4 TTH et 4 NFH) se trouvent dans le coût trop élevé de maintenance et de leur faible disponibilité.

En ce qui concerne les NFH, Ludivine Dedonder, précédente ministre de la Défense (gouvernement de Croo), souhaitait l'achat de quelques hélicoptères pour assurer les interventions de sauvetage en mer, cette mission étant assurée par les Forces armées belges. De fait, les NFH-90 devaient voir leurs heures de vol diminuées tout en se recentrant sur les missions maritimes militaires depuis les bâtiments de la Marine belge ou encore alliés. Mais est-ce que ce "remplacement partiel" des NFH est toujours d'actualité ? La question reste ouverte.

En revanche, l'avenir des TTH semble se raccourcir, surtout que leur quota annuel d'heures de vol avait été diminué de moitié. Le remplaçant, mais cette fois-ci de toute la flotte de TTH, était aussi dans les plans du précédent gouvernement. Ces plans étaient d'ailleurs ambitieux, avec une volonté de trouver un modèle "d'hélicoptère moyen ou lourd" ! La Déclaration du Formateur ne donne pas d'information sur un futur hélicoptère de transport lourd mais insiste sur l'intérêt de ce gouvernement envers le programme Next Generation Rotorcraft Capability (NGRC). Il prévoit d'identifier un projet d'hélicoptère de transport moyen unique pour la fin de l'année 2027 et de permettre un développement pour 2030. (OTAN)

Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019.
Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019. © Gaétan Powis
Trois hélicoptères NH90 belges (1 NFH et 2 TTH) lors du défilé aérien du 21 juillet 2019.

Une décision sur les drones

Depuis la seconde moitié des années 2010, le mini-drone armé jusqu'au drone aérien tactique armé a prouvé qu'il était désormais une arme à part entière du champ de bataille de faible et de haute intensité. Les exemples ne manquent pas : État islamique en Syrie et en Irak, conflits du Haut Karabagh, invasion russe de l'Ukraine ou encore plus récemment, attaques houthies en mer Rouge.

La Belgique dispose déjà de plusieurs modèles de drones tactiques d'observation, tels que les RQ-11 Raven, RQ-21 Blackjack (parfois dénommés X-300 Integrator), RQ-20 Puma Long Endurance,... et prochainement, les drones moyenne portée et de longue endurance (MALE) MQ-9B Skyguardian. De fait, le drone n'est pas une nouveauté en soit pour les Forces armées belges. En revanche, de nombreux débats politiques ont eu lieu sur un sujet très spécifique : la possibilité d'armer les drones. En effet, jusqu'au gouvernement De Croo, il était hors de question de voir des drones belges voler avec des munitions, y compris les futurs MQ-9B commandés. Il était aussi impensable d'acquérir des drones suicides et ce, malgré les nombreux RETEX des différents conflits cités précédemment.

Mais il semblerait que cette position est sur le point de changer, comme décrit dans la Déclaration du Formateur :

"Il s'agit notamment d'investissements [...] et [dans] l’extension de notre flotte de drones et de systèmes sans pilote et armés à travers les différentes composantes [...]"

À voir donc quels seront les drones armés par la Belgique : les MQ-9B ? Un futur achat de drones suicides ? La modification de drones déjà en service ?

Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air.
Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air. © @BeAirForce
Données techniques des MQ-9B SkyGuardian de la Composante Air.

Cette décision a aussi un impact important sur une éventuelle participation active de la Belgique dans le programme SCAF. En effet, ce programme vise à développer et produire un avion de combat piloté de sixième génération (NGF) mais aussi des loyal wingmen. Ils se présentent sous la forme de drones aériens autonomes pouvant réaliser différentes missions en appui d'un ou de plusieurs NGF. Parmi ces missions, se trouvent la possibilité... de détruire des cibles à la place du NGF ! Il était donc compliqué pour la Belgique de pouvoir participer à ce programme tant que des drones armés ne voleraient pas sous la cocarde belge.

Cette décision de ne pas armer les drones se basait notamment sur le risque des dommages collatéraux ainsi que le risque qu'apporte l'automatisation du champ de bataille. Cependant, si des troupes au sol avaient besoin d'un appui aérien, les règles d'engagement seraient exactement les mêmes pour un avion de combat belge F-16AM/BM Fighting Falcon ou F-35A Lightning II mais aussi pour un drone télépiloté MQ-9B Skyguardian ou un drone autonome. Enfin, les nombreux systèmes autonomes aériens, navals ou encore terrestres ont tous un point commun : ils peuvent suivre un autre système ou trouver en complète autonomie le meilleur plan de vol, cap en mer ou chemin pour se rendre vers une zone d'action désignée. Cependant, ils sont TOUS limité dans "autonomie" ; chaque drone doit effectuer une mission sur un ordre humain et s'il y a besoin d'une ouverture du feu, celle-ci est uniquement déclenchée sur autorisation d'un être humain (human in the loop, être humain dans la boucle).

SCAF : un système de systèmes.
SCAF : un système de systèmes. © Airbus
SCAF : un système de systèmes.

Du renouveau à l’extension des frappes dans la profondeur

Le 7 novembre 2018, un accord était signé entre la France et la Belgique pour créer le partenariat stratégique Capacité Motorisée (CaMo). Celui-ci vise notamment à renouveler les véhicules de l'une des deux principales unités des Forces terrestres belges, la Brigade Motorisée. C'est ainsi que 382 véhicules blindés légers de transport de troupe VBMR Griffon et 60 véhicules blindés légers de reconnaissance armée EBRC Jaguar ont été commandés. Par après, deux décisions ont ensuite permis d'ajouter un double contrat d'achat, cumulant un total de 28 obusiers automoteurs CAESAr 6x6 MkII de 155 mm. Si ces 28 obusiers représentent la renaissance de l'artillerie lourde belge, ils offriront surtout une capacité légère de frappe dans la profondeur pour la Brigade Motorisée (+40 kilomètres pour un obus à portée augmentée [ERFB], +55 km pour obus propulsé et +46 km pou un obus de type Excalibur)(KNDS).

Toutefois, le nouveau gouvernement voudrait aller encore plus loin au niveau de cette capacité de frappe dans la profondeur (en anglais, deep strike) :

"Nous renforçons la brigade motorisée actuelle dans le cadre du programme CaMo en améliorant ses capacités, sa puissance de feu, ses besoins logistiques et son endurance. Nous y parviendrons en diversifiant davantage les plateformes, via la capacité deep strike, les MLRS, [...]"

Le terme MLRS est un double acronyme :

  • De manière générale, il s'agit d'un système lance-roquettes multiples, soit un véhicule (à roue ou chenillé) capable de tirer une salve de plusieurs roquettes (de n'importe quel calibre), voire même des missiles pour certains modèles.
  • Au sein de l'US Army, cet acronyme fait aussi référence au M270 MLRS (littéralement, Multiple Launch Rocket System), soit un châssis de véhicule blindé de combat d'infanterie M2 Bradley modifié avec à l'arrière, un système lance-roquettes. Ce dernier est capable de tirer des roquettes de 227 mm à guidage GPS (GMLRS, 2x 6 roquettes) à plus de 80 kilomètres, des bombes planantes GLSDB à plus de 150 kilomètres (2x 6), un missile balistique courte portée (SRBM) ATACMS à 300 kilomètres (2x 1 missile) ou encore des SRBM PrSM d'une portée de 500 kilomètres (2x 2 missiles).
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021).
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021). © US Army
Tir d'un missile ATACMS dans le White Sands Missile Range (USA) par un M270 MLRS (14 décembre 2021).

L'Armée de Terre française dispose de neuf M270 MLRS, renommé en Lance-Roquettes Unitaires ou LRU. Or, l'Armée de Terre cherche aussi à les remplacer par un système plus moderne dans le cadre du programme Fappe Longue Portée - Terrestre (FLP-T). Actuellement, deux consortiums se disputent le contrat ; Thales et Arianespace ainsi que MBDA et Safran. Ce dernier consortium avait d'ailleurs profité du salon Eurosatory 2024 pour exposer une maquette du Thundard, une roquette d'une portée d'environ 150 kilomètres. Mais ce projet n'est qu'à ses débuts, le lanceur de chacun des consortiums n'étant par exemple par encore connu. Des vidéos promotionnelles montrent d'ailleurs différents lanceurs, que ce soit sur roues ou sur chenilles.

À voir donc si la Belgique souhaite suivre la décision française ou acheter un système sur étagère, comme le M142 HIMARS américain, et sortir de l'interopérabilité quasi complète qu'offre CaMo ? En effet, le cœur même de CaMo cherche à obtenir une interopérabilité proche de 100 % entre la Brigade Motorisée belge et la 7ème Brigade blindée française : mêmes entrainements, doctrines d'emploi identiques, structure équivalente des unités,... Demain, grâce à CaMo, une section de véhicules français pourra être ravitaillée par des éléments belges (et vice-versa), une compagnie belge pourra être intégrée sans aucun problème dans une unité française lors d'un déploiement en opérations extérieures (et vice-versa), etc. CaMo ne se résume donc pas simplement avec de l'achat de matériels, la partie émergée de l'iceberg CaMo. Cela comprend aussi les développements communs, comme le futur Véhicule Blindé d'Aide à l'Engagement (VBAE), co-développé entre les deux partenaires de CaMo.

Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm.
Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm. © Armée de Terre
Lance-roquettes unitaire de l'Armée de Terre en position de tir. Cette image permet d'apercevoir les deux paniers de six roquettes de 227 mm.

Quelle défense antiaérienne ?

C'est l'un des points noirs des Forces armées belges. La réduction des budgets à la fin de la guerre froide suite à la disparition de conflits de haute intensité avait notamment vu la Belgique réduire drastiquement ses moyens air-sol, jusqu'à 2017 et la désactivation des derniers lanceurs très courte portée Mistral : jusqu'à la réactivation des Mistral en 2020, les Forces terrestres belges ne disposaient plus d'aucun moyen antiaérien propre. À noter qu'à l'époque, les déploiements étaient encore axés sur des opérations de faible intensité : si nécessaire, l'espace aérien était alors défendu par les Fighting Falcon belges ou l'unité était déployée en coalition multinationale, avec d'autres pays fournissant les systèmes antiaériens nécessaires. L'invasion russe de l'Ukraine et le retour d'une menace de haute intensité à l'Est a obligé la révision de cette capacité : le précédent gouvernement prévoyait l'achat de nouveaux systèmes antiaériens, sous la dénomination "SAM Long Range (SAM-LR)" et "SAM Short Range (SAM-SR)" mais pour 2030. Cette date était assez éloignée politiquement car la décision n'aurait pas concerné le gouvernement De Croo, le nouveau gouvernement De Wever mais bel et bien le gouvernement en place entre 2029 et 2034 ! Toutefois, le gouvernement De Wever ne semble pas vouloir attendre les prochaines élections, comme précisé dans l'accord :

"Nous renforçons la coopération au sein du Benelux. Nous pouvons ainsi notamment approfondir notre coopération en matière de défense dans la marine, développer un système commun de défense aérienne (Ground Based Air Defence)[GBAD], nous orienter vers une coopération plus approfondie des composantes aériennes et renforcer la coopération autour des forces spéciales."

À cela s'ajoute, une ligne décrivant également que cette future capacité GBAD ne concerneraient pas un seul type de système mais bel et bien "un système de défense aérienne à plusieurs niveaux". Deux solutions existent mais elles sont diamétralement opposées.

La première se concentre sur CaMo et le besoin d’interopérabilité très élevée entre la Brigade Motorisée et l'Armée de Terre française. Dans cette optique, il est donc logique que la Belgique face l'acquisition des systèmes antiaériens utilisés en France : les missiles Mistral 3 (infrarouge) à très courte portée montés sur des véhicules de la gamme Scorpion, des batteries VL MICA pour tirer des missiles à courte portée ou encore des batteries SAMP/T NG pour tirer des missiles à longue portée. Pour rappel, le gouvernement De Croo avait déjà fait un pas sur le sujet en commandant des Mistral 3 le 19 juin 2024.

Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG.
Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG. © Eurosam
Représentation des capacités d'une batterie SAMP/T NG.

La deuxième option s'explique par le fait que la Belgique est un membre fondateur de l'European Sky Shield Initiative (ESSI). Cette initiative regroupe actuellement 21 pays (15 fondateurs) et cherche à combler les lacunes dans le domaine de la défense aérienne, mais une lacune élargie aux pays signataires via une stratégie d'achats groupés de systèmes sur étagère. L'ESSI propose alors :

  • le canon antiaérien mobile à très courte portée Skyranger 30,
  • le lance-missiles semi-mobile courte portée Iris-T SLM,
  • le lance-missiles semi-mobile longue portée Patriot,
  • le missile antimissile balistique Arrow 3 (en silo, capacité exo-atmosphérique).

Les deux premiers systèmes sont allemands, le troisième américain et enfin, l'Arrow 3, co-développé par Israël et les États-Unis. Or, l'Armée de Terre n'utilise aucun de ces systèmes et la France ne fait d'ailleurs pas partie de l'ESSI. De plus, les systèmes d'origine américaine posent sérieusement question sur l'indépendance de leur utilisation, des munitions et des pièces détachées, comme c'est le cas en Ukraine.

Au niveau de la Belgique, le futur GBAD pourrait comprendre des MIM-104 Patriot. Il fait partie de l'ESSI mais en plus, dans le cadre d'une coopération Bénélux renforcée, elle permettrait une coopération avec les Pays-Bas dans ce domaine, la Force terrestre royale hollandaise étant actuellement équipée en Patriot. Enfin, plusieurs politiciens belges ont déjà exprimé par le passé leur préférence pour le système américain.

Mais pour envisager une plus grande coopération, il faut que les Forces terrestres hollandaises puissent également coopérer avec la future GBAD belge. Mais si CaMo est déjà fortement avancé, les Pays-Bas ont aussi une coopération avancée avec l'Allemagne. Ainsi, l'une des trois brigades terrestres hollandaises, la 43ème Brigade Mécanisée, est inclue dans la structure... de la 1ère Division de Panzer allemande. Il serait ainsi complexe d'imaginer une Brigade Motorisée axée avec la 7ème Division blindée française alors que les capacités antiaériennes de cette même Brigade seraient axées sur les Pays-Bas, eux-mêmes coopérant fortement avec l'Armée de terre allemande.

En dehors des problèmes structurels, il faut aussi prendre en compte le budget et la qualité des systèmes. De base, le Patriot et le SAMP/T NG sont d'excellents systèmes antiaériens et antimissiles (de croisière ou à trajectoire balistique). Cependant, le SAMP/T NG utilise un seul missile, l'Aster 30 NG, capable d'intercepter des cibles aériennes de tous types et d'une portée maximale de 120 kilomètres. En revanche, le Patriot offre deux missiles spécialisés, le PAC-2 en antiaérien longue portée (+160 kilomètres) à capacité antimissile et le PAC-3 en antimissile à capacité antiaérienne classique. Mais bien évidemment, si disposer de deux "super-missiles spécialisés" offre une défense qualitative, elle est aussi bien plus coûteuse à acquérir qu'un seul missile. Ainsi, comme pour les grands achats d'armement, cette décision sera surtout et avant tout politique, avec ses propres avantages et inconvénients en fonction du choix du système.

Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022).
Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022). © Defensie.nl
Lanceur Patriot hollandais en Slovaquie équipé de 16 missiles PAC-3 CRI (avril 2022).

Et bien d'autres décisions

La Déclaration du Formateur donne encore beaucoup d'autres exemples au niveau du futur proche et plus lointain de la Défense belge. Il y a par exemple, en plus du SCAF et du NGRC, l'intérêt pour ce gouvernement envers le MGCS. Ce programme franco-allemand cherche à développer un nouveau char de combat ainsi que des drones terrestres autonomes (UGV). Cette information montre ainsi une volonté de revoir, à l'horizon 2040, des chars de combat (en plus de leurs UGV) en Belgique après le retrait en 2014 des derniers chars de combat Leopard 1A5BE.

Il y aura aussi des investissements dans le réseau ferroviaire et des capacités de débarquement afin que la Belgique reste un hub important pour l'OTAN. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Belgique est souvent traversée par des véhicules et/ou hélicoptères militaires américains en vue d'un déploiement sur le continent européen ou retournant aux États-Unis par bateau.

Pour rester sur le domaine maritime, la Marine belge disposera d'une troisième frégate ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate). Pour l'instant, deux sont budgétisées (La Défense) et devaient remplacer les deux frégates multi-missions (classe M ou classe Karel Doorman). Ce choix a aussi comme conséquence le besoin de trouver un troisième équipage. Mais à voir si le budget disponible permettra d'armer totalement ces trois navires ? Pour information, ce programme est géré par les Pays-Bas au profit des Pays-Bas et de la Belgique alors que la Belgique s'occupe des nouveaux navires de guerre des mines au profit de la Belgique et des Pays-Bas. Or, les 4 ASWF hollandaises seront équipées de deux systèmes lance-missiles verticaux (2x 8 cellules) Mk 41 VLS. Mais comme expliqué le 10 février 2021 par l'ex-ministre de la Défense Dedonder devant la Commission de la Défense nationale, les frégates belges n'auront qu'un seul Mk 41 VLS et peut-être deux :

"Les futures plateformes seront en mesure d'accueillir deux drones de surface et offriront la place nécessaire pour l'installation de deux systèmes de lancement vertical (VLS) à bord. Chaque VLS permettra d'utiliser le taux de remplissage maximal en fonction du type de missile. Pour la Belgique, la mention "provisions for" est indiquée pour un des VLS." (La Chambre)

Dès lors, est-ce que le gouvernement De Wever souhaitera aligner trois frégates à pleine capacité ou aux capacités antiaériennes et antimissiles diminuées de 50 % ?

Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024).
Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024). © Gaétan Powis
Modèle réduit d'une frégate de la classe ASWF (Anti-Submarine Warfare Frigate) durant les Navy Days sur la base navale belge de Zeebrugge (6 juillet 2024).

Enfin, une composante est largement absente de cette Déclaration du Formateur : la composant médicale. Elle n'est citée qu'une seule et unique fois : "La composante médicale se concentre principalement sur sa propre opérabilité.". La grosse question étant bien évidemment l'avenir de l’hôpital militaire Reine Astrid.

Il y a encore d'autres annonces, des coopérations renforcées avec d'autres ministères, des volontés de coopération internationales,... À cela s'ajoute des questions élaborées dans cet article qui ne trouvent pas de réponse. Il faudra probablement attendre la publication d'un nouveau Livre blanc par le gouvernement De Wever pour connaitre en détail les futurs projets concernant les Forces armées belges. La Déclaration du Formateur permet tout de même de déjà confirmer une augmentation du budget pour la Défense, avec des achats à la clé mais aussi des projets importants mais aussi imposants pour la Belgique.



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