Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?
Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?
© IAF

publié le 03 octobre 2024 à 19:26

1493 mots

Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?

Après l’attaque du 1 octobre, des détails apparaissent et permettent de connaitre les missiles tirés par l’Iran sur Israël. Au niveau des pertes, seule une personne serait décédée. Cette attaque contraste avec l’attaque israélienne des pageurs du Hezbollah, blessant ou tuant plus de 3 500 personnes.


Le Fattah-I utilisé pour la première fois à grande échelle

Selon le Missile Threat Project du Center for Strategic and International Studies (CSIS), l'Iran dispose d'un arsenal de 3 000 missiles balistiques. Lors de l’attaque du 1er octobre, Téhéran a principalement utilisé des missiles balistiques Fattah-1 et Kheybarsheka (Reuters), ces deux modèles disposant chacun d'une portée estimée à 1 400 kilomètres.

Le Fattah-1 est un missile balistique à portée intermédiaire, dévoilé en juin 2023. Il s'agit du premier missile balistique hypersonique développé par l'Iran, conçu pour échapper aux systèmes de défense antimissile. Selon les Gardiens de la Révolution, le missile Fattah est capable de manœuvrer tout au long de sa trajectoire, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'atmosphère, rendant son parcours imprévisible et donc difficile à intercepter. Lors de sa présentation, l'Iran avait affirmé que ce missile pouvait cibler et « contourner les systèmes de défense antimissile les plus sophistiqués, comme ceux des États-Unis et le Dôme de Fer d'Israël ». Les résultats de l’attaque du premier octobre auront démontré le contraire.

Le Kheibar Shekan est quant à lui un missile balistique à combustible solide de portée moyenne. Développé comme un missile de troisième génération, il a été présenté en 2022 lors d'une cérémonie marquant le 43ème anniversaire de la Révolution iranienne. Le missile utilise un carburant solide et sa tête explosive est manœuvrable en phase terminale, ce qui lui permet d’échapper aux défenses aériennes. Il a une portée d'environ 1 450 kilomètres (900 miles), lui permettant d'atteindre diverses cibles à distance.

Lors de l'attaque d'avril, la majorité des missiles déployés à l'époque étaient des Emad à carburant liquide, qui présentent un taux d'échec de 50 % et une précision variant entre 500 mètres à 1 kilomètre (varie en fonction des sources). Les missiles à propergol solide permettent des tirs rapides et simultanés sur plusieurs cibles, accentuant ainsi la pression sur les systèmes de défense adverses. En revanche, les versions plus avancées des missiles balistiques iraniens réduisent la marge d'erreur à seulement 20 mètres.

Au niveau du nombre, le gouvernement américain décrit l'attaque du 2 octobre comme « presque deux fois plus importante » que celle d'avril 2024. Contrairement à cette dernière, qui utilisait principalement des drones et des missiles de croisière plus lents, permettant aux systèmes de défense de réagir plus efficacement, et "seulement" 120 missiles balistiques, pas moins de 200 missiles balistiques auraient été tirés sur Israël en ce début de mois d'octobre 2024. Téhéran affirme qu'environ 80 % de ses missiles ont réussi à percer les défenses israéliennes, une affirmation contestée par les Forces de défense israéliennes (FDI), qui affirment avoir intercepté la majorité des projectiles.

Un système de défense israélien sophistiqué

Lors de cette attaque, le principal système utilisé pour intercepter les missiles iraniens a été David’s Sling, développé en partenariat avec les États-Unis. Il est conçu pour détruire les missiles balistiques de portée moyenne, jusqu'à 300 kilomètres. Les systèmes Arrow-2 et Arrow-3, qui permettent quant à eux d’intercepter les missiles à longue portée dans la haute atmosphère, ont également été utilisés. Cette bulle multicouche comprend aussi d'autres systèmes antiaériens mais n'ayant pas une capacité antimissile balistique ou encore des système C-RAM pouvant intercepter des roquettes, obus d'artillerie et mortiers. Cet article décrit cette bulle antiaérienne multifonction et surtout, multicouches de très haute précision.

En outre, l’impact économique des interceptions reste considérable : chaque missile tiré par le système Arrow coûte environ 3,5 millions de dollars, tandis que le coût d’un intercepteur de David’s Sling avoisine 1 million de dollars. Toutefois, le coût général de ces interceptions ne prend pas uniquement en compte le coût d'interception direct (missile vs intercepteur) mais aussi le coût des vies sauvées, bâtiments non-détruits, systèmes militaires sauvés,... Et encore, certaines cibles militaires comprennent logiquement des personnels, avec une expérience parfois longue, des formations coûteuses,... sans parler de l'économie locale... Au final, l'interception est onéreuse mais reste toute de même à l'avantage d'Israël.

Évaluation des dégâts et conséquences des frappes

Malgré l'ampleur de l'attaque, les dégâts matériels en Israël sont restés relativement limités. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont signalé des dommages sur la base aérienne de Tel Nof, sans aucun F-35I détruit, ainsi que dans certaines zones civiles. La base Ort Tel Nof aurait également été touchée.

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des missiles survolant des villes majeures comme Tel Aviv et Jérusalem, suivis d'explosions dues à l'interception des projectiles.

La seule victime confirmée est un homme de 38 ans originaire de Gaza, tué par un débris de missile. La scène a été filmée par une caméra de sécurité dans la rue mais la vidéo ne sera pas publiée dans cet article.

Réactions israéliennes

Beaucoup comparent ces frappes avec "l'attaque des bipeurs au Liban". Pour rappel, cet appareil de communication électronique primaire fonctionne en boucle fermée et n'est pas - ou du moins difficilement - piratable. C'est ainsi que le Hezbollah au Liban s'est équipé de nombreux bipeurs afin de déjouer les systèmes d'écoute israéliens. Cependant, les bipeurs et certains talkie walkie avaient en réalité été piégés par les services secrets israéliens. Les 17 et 18 septembre, ceux-ci ont déclenché le système caché, faisant exploser les petites charges dans les systèmes en question. Au total, plus de 3 500 personnes, pour la plupart affiliées au Hezbollah, ont été blessées à différents degrés ou même tuées, diminuant les capacités de réponse du Hezbollah face aux actuelles insertions des Forces terrestres israéliennes dans le sud Liban. Cette attaque contraste fortement l'attaque iranienne au niveau du nombre de personnes touchées et ce, malgré l'emploi d'un nombre élevé de missiles balistiques.

Utilisation des bombes JDAM par Israël

En revanche, Israël mène depuis plus de dix jours une intense campagne aérienne contre le Liban, visant principalement des infrastructures liées au Hezbollah. Plus de 3 600 cibles ont été frappées, et les FDI préparent une offensive terrestre. Parmi les événements marquants, l'explosion simultanée de centaines de « bipeurs » utilisés par des membres du Hezbollah le 17 septembre, suivie de nouvelles déflagrations à Beyrouth-Sud, montre qu’Israël utilise de nombreux moyens militaires. Le 27 septembre, Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, a ainsi été tué dans une frappe aérienne menée par Israël.

Israël a vraisemblablement utilisé des bombes GBU-31(v)3 JDAM (Joint Direct Attack Munitions) lors de ces frappes, désignées communément sous le terme de "bunker buster".  La GBU-31(v)3 est une bombe de classe 2 000 lb avec un corps de bombe lisse BLU-109, conçue pour pénétrer des structures fortifiées avant d'exploser.

Ces bombes ont été utilisées contre des immeubles de grande hauteur, équipés potentiellement de sous-sols et de bunkers, typiques des infrastructures du Hezbollah. Le mécanisme de la GBU-31(v)3 permet de retarder l’explosion jusqu’à ce que la bombe ait atteint le cœur de la structure ciblée. Cela maximise les dégâts internes, en particulier dans des environnements urbains fortifiés. Il est estimé que 60 à 80 JDAM ont été larguées lors de cette offensive, une quantité considérablement supérieure à celle utilisée par l'armée américaine en Irak ou en Afghanistan (24 bombes similaires utilisées sur l’ensemble du conflit).

Utilisation possible des navires israéliens

Le 3 octobre, Israël a également mené une frappe ciblée sur un dépôt d'armes à la base russe de Khmeimim, en Syrie, dans la région de Lattaquié (The Times of Israel). Cette frappe est intervenue après l'arrivée d'un avion-cargo iranien suspecté de transporter des armes sous couvert d'aide humanitaire. Israël aurait utilisé une trentaine de missiles tirés depuis des navires de guerre. À la suite, des patrouilles aériennes russes ont été observées sur le lieu de l’attaque.

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03/10/2024 19:26
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Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?

Après l’attaque du 1 octobre, des détails apparaissent et permettent de connaitre les missiles tirés par l’Iran sur Israël. Au niveau des pertes, seule une personne serait décédée. Cette attaque contraste avec l’attaque israélienne des pageurs du Hezbollah, blessant ou tuant plus de 3 500 personnes.

Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?
Israël-Iran : missiles balistiques contre pageurs et bunker buster, quels résultats ?

Le Fattah-I utilisé pour la première fois à grande échelle

Selon le Missile Threat Project du Center for Strategic and International Studies (CSIS), l'Iran dispose d'un arsenal de 3 000 missiles balistiques. Lors de l’attaque du 1er octobre, Téhéran a principalement utilisé des missiles balistiques Fattah-1 et Kheybarsheka (Reuters), ces deux modèles disposant chacun d'une portée estimée à 1 400 kilomètres.

Le Fattah-1 est un missile balistique à portée intermédiaire, dévoilé en juin 2023. Il s'agit du premier missile balistique hypersonique développé par l'Iran, conçu pour échapper aux systèmes de défense antimissile. Selon les Gardiens de la Révolution, le missile Fattah est capable de manœuvrer tout au long de sa trajectoire, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'atmosphère, rendant son parcours imprévisible et donc difficile à intercepter. Lors de sa présentation, l'Iran avait affirmé que ce missile pouvait cibler et « contourner les systèmes de défense antimissile les plus sophistiqués, comme ceux des États-Unis et le Dôme de Fer d'Israël ». Les résultats de l’attaque du premier octobre auront démontré le contraire.

Le Kheibar Shekan est quant à lui un missile balistique à combustible solide de portée moyenne. Développé comme un missile de troisième génération, il a été présenté en 2022 lors d'une cérémonie marquant le 43ème anniversaire de la Révolution iranienne. Le missile utilise un carburant solide et sa tête explosive est manœuvrable en phase terminale, ce qui lui permet d’échapper aux défenses aériennes. Il a une portée d'environ 1 450 kilomètres (900 miles), lui permettant d'atteindre diverses cibles à distance.

Lors de l'attaque d'avril, la majorité des missiles déployés à l'époque étaient des Emad à carburant liquide, qui présentent un taux d'échec de 50 % et une précision variant entre 500 mètres à 1 kilomètre (varie en fonction des sources). Les missiles à propergol solide permettent des tirs rapides et simultanés sur plusieurs cibles, accentuant ainsi la pression sur les systèmes de défense adverses. En revanche, les versions plus avancées des missiles balistiques iraniens réduisent la marge d'erreur à seulement 20 mètres.

Au niveau du nombre, le gouvernement américain décrit l'attaque du 2 octobre comme « presque deux fois plus importante » que celle d'avril 2024. Contrairement à cette dernière, qui utilisait principalement des drones et des missiles de croisière plus lents, permettant aux systèmes de défense de réagir plus efficacement, et "seulement" 120 missiles balistiques, pas moins de 200 missiles balistiques auraient été tirés sur Israël en ce début de mois d'octobre 2024. Téhéran affirme qu'environ 80 % de ses missiles ont réussi à percer les défenses israéliennes, une affirmation contestée par les Forces de défense israéliennes (FDI), qui affirment avoir intercepté la majorité des projectiles.

Un système de défense israélien sophistiqué

Lors de cette attaque, le principal système utilisé pour intercepter les missiles iraniens a été David’s Sling, développé en partenariat avec les États-Unis. Il est conçu pour détruire les missiles balistiques de portée moyenne, jusqu'à 300 kilomètres. Les systèmes Arrow-2 et Arrow-3, qui permettent quant à eux d’intercepter les missiles à longue portée dans la haute atmosphère, ont également été utilisés. Cette bulle multicouche comprend aussi d'autres systèmes antiaériens mais n'ayant pas une capacité antimissile balistique ou encore des système C-RAM pouvant intercepter des roquettes, obus d'artillerie et mortiers. Cet article décrit cette bulle antiaérienne multifonction et surtout, multicouches de très haute précision.

En outre, l’impact économique des interceptions reste considérable : chaque missile tiré par le système Arrow coûte environ 3,5 millions de dollars, tandis que le coût d’un intercepteur de David’s Sling avoisine 1 million de dollars. Toutefois, le coût général de ces interceptions ne prend pas uniquement en compte le coût d'interception direct (missile vs intercepteur) mais aussi le coût des vies sauvées, bâtiments non-détruits, systèmes militaires sauvés,... Et encore, certaines cibles militaires comprennent logiquement des personnels, avec une expérience parfois longue, des formations coûteuses,... sans parler de l'économie locale... Au final, l'interception est onéreuse mais reste toute de même à l'avantage d'Israël.

Évaluation des dégâts et conséquences des frappes

Malgré l'ampleur de l'attaque, les dégâts matériels en Israël sont restés relativement limités. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont signalé des dommages sur la base aérienne de Tel Nof, sans aucun F-35I détruit, ainsi que dans certaines zones civiles. La base Ort Tel Nof aurait également été touchée.

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des missiles survolant des villes majeures comme Tel Aviv et Jérusalem, suivis d'explosions dues à l'interception des projectiles.

La seule victime confirmée est un homme de 38 ans originaire de Gaza, tué par un débris de missile. La scène a été filmée par une caméra de sécurité dans la rue mais la vidéo ne sera pas publiée dans cet article.

Réactions israéliennes

Beaucoup comparent ces frappes avec "l'attaque des bipeurs au Liban". Pour rappel, cet appareil de communication électronique primaire fonctionne en boucle fermée et n'est pas - ou du moins difficilement - piratable. C'est ainsi que le Hezbollah au Liban s'est équipé de nombreux bipeurs afin de déjouer les systèmes d'écoute israéliens. Cependant, les bipeurs et certains talkie walkie avaient en réalité été piégés par les services secrets israéliens. Les 17 et 18 septembre, ceux-ci ont déclenché le système caché, faisant exploser les petites charges dans les systèmes en question. Au total, plus de 3 500 personnes, pour la plupart affiliées au Hezbollah, ont été blessées à différents degrés ou même tuées, diminuant les capacités de réponse du Hezbollah face aux actuelles insertions des Forces terrestres israéliennes dans le sud Liban. Cette attaque contraste fortement l'attaque iranienne au niveau du nombre de personnes touchées et ce, malgré l'emploi d'un nombre élevé de missiles balistiques.

Utilisation des bombes JDAM par Israël

En revanche, Israël mène depuis plus de dix jours une intense campagne aérienne contre le Liban, visant principalement des infrastructures liées au Hezbollah. Plus de 3 600 cibles ont été frappées, et les FDI préparent une offensive terrestre. Parmi les événements marquants, l'explosion simultanée de centaines de « bipeurs » utilisés par des membres du Hezbollah le 17 septembre, suivie de nouvelles déflagrations à Beyrouth-Sud, montre qu’Israël utilise de nombreux moyens militaires. Le 27 septembre, Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, a ainsi été tué dans une frappe aérienne menée par Israël.

Israël a vraisemblablement utilisé des bombes GBU-31(v)3 JDAM (Joint Direct Attack Munitions) lors de ces frappes, désignées communément sous le terme de "bunker buster".  La GBU-31(v)3 est une bombe de classe 2 000 lb avec un corps de bombe lisse BLU-109, conçue pour pénétrer des structures fortifiées avant d'exploser.

Ces bombes ont été utilisées contre des immeubles de grande hauteur, équipés potentiellement de sous-sols et de bunkers, typiques des infrastructures du Hezbollah. Le mécanisme de la GBU-31(v)3 permet de retarder l’explosion jusqu’à ce que la bombe ait atteint le cœur de la structure ciblée. Cela maximise les dégâts internes, en particulier dans des environnements urbains fortifiés. Il est estimé que 60 à 80 JDAM ont été larguées lors de cette offensive, une quantité considérablement supérieure à celle utilisée par l'armée américaine en Irak ou en Afghanistan (24 bombes similaires utilisées sur l’ensemble du conflit).

Utilisation possible des navires israéliens

Le 3 octobre, Israël a également mené une frappe ciblée sur un dépôt d'armes à la base russe de Khmeimim, en Syrie, dans la région de Lattaquié (The Times of Israel). Cette frappe est intervenue après l'arrivée d'un avion-cargo iranien suspecté de transporter des armes sous couvert d'aide humanitaire. Israël aurait utilisé une trentaine de missiles tirés depuis des navires de guerre. À la suite, des patrouilles aériennes russes ont été observées sur le lieu de l’attaque.



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