Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma
Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma
© CNES

publié le 26 juin 2017 à 20:54

744 mots

Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma

Si le chimiste français Paul Villard a découvert les rayons gamma en 1900, il a fallu cependant attendre le début de l’aventure spatiale pour que les observations puissent se faire en s’affranchissant des contraintes de l’atmosphère terrestre.


La coopération franco-soviétique.

Entrée dans la course-compétition spatiale au tout début des années soixante, la France ne possède alors pas les moyens de s’engager dans plusieurs grands programmes scientifiques. Pour y remédier, le jeune Centre national d’études spatiales (CNES), créé en décembre 1961, sollicite aussitôt la coopération avec les Etats-Unis puis, quelques années plus tard, avec l’URSS. Originale et audacieuse, étant donné le contexte de la Guerre froide, la coopération avec l’Union soviétique est officialisée le 30 juin 1966 par un traité dans lequel allait s’organiser une « étude scientifique de l’espace » autour de quatre grands domaines : la géodésie spatiale, l’étude de l’environnement de la Terre, l’exploration du système solaire et l’astronomie. Dans cette dernière figuraient les sursauts gamma, un thème d’étude à défricher.

 

Le programme SIGNE.

Le Centre d’étude spatiale des rayonnements (CESR) de Toulouse, sous la conduite du CNES, propose aux Soviétiques une première expérience d’astronomie haute énergie. Le projet vise à installer dans une sonde soviétique de la série Prognoz l’expérience SIGNE-1 (Solar Interplanetary Gamma ray Neutron Experiment), qui consiste en un système de détection des émissions de neutrons solaires et des éruptions en X-gamma. Lancé le 29 juin 1972, Prognoz-2 rejoint une orbite excentrique (périgée : 550 km ; apogée : 200 000 km) avec, entre autre, SIGNE-1, qui observe des éruptions solaires très violentes et détecte les tout premiers sursauts gamma en provenance d’étoiles lointaines. Le succès est tel que les Soviétiques acceptent de donner une suite avec SIGNE-2. Plus ambitieuse, la nouvelle mouture du programme SIGNE consiste à embarquer des détecteurs de rayons gamma plus performants sur Prognoz-6 (22/09/1977), Prognoz-7 (30/10/1978) et Prognoz-9 (01/07/1983), mais aussi sur des sondes en partance pour Vénus : Venera-11 (09/09/1978), Venera-12 (14/09/1978), Venera-13 (30/10/1981) et Venera-14 (04/11/1981). Soulignons qu’avec les Prognoz-7, Venera-11 et 12, les différents détecteurs de sursaut gamma soviétiques et français ont, par une méthode de triangulation, localisé plusieurs dizaines de sources de rayons gamma, permettant de constituer un premier catalogue référençant ce type de phénomène.

 

De SIGNE-1 à D2B Gamma.

L’expérience acquise avec SIGNE-1 incite le CESR à proposer au CNES une mission dédiée sur un satellite 100% français. C’est le moment où, après le succès des premiers satellites expérimentaux D1 (lancés avec les Diamant A), le CNES engage une nouvelle série D2 avec cette fois-ci des missions scientifiques ambitieuses embarquées dans des satellites devant être placés sur orbite par le nouveau lanceur national Diamant B. Le CNES valide la proposition et décide la construction du satellite D2 B Gamma. Seulement une mauvaise nouvelle éclate peu après l’élection présidentielle de 1974 : le nouveau président Valéry Giscard d’Estaing souhaite abandonner le programme de lanceur Ariane récemment engagé par le CNES avec des partenaires européens. Des coupes budgétaires sont annoncées. Toutefois, après l’intervention de plusieurs acteurs du spatial, le président consent à maintenir Ariane… mais à la condition que Diamant soit arrêté. Du même coup, D2B Gamma ne pourra être lancé. Que faire ?

 

SIGNE-3.

Les Soviétiques viennent alors au secours des déboires franco-français : ils proposent de lancer D2B gamma à l’aide d’un de leur lanceur. Le projet prend le nom de SIGNE-3 (ou SNEG-3 en russe). Construit par la société MATRA pour le compte du CNRS/CESR sous la maîtrise d’œuvre du CNES, le satellite se présente sous la forme d’un cylindre de 70 cm de diamètre, pour environ 80 cm de hauteur et une masse de 102 kg. Stabilisé par rotation, celui-ci dispose de quatre panneaux solaires fournissant une énergie de 50 watts. Deux instruments scientifiques prennent place dans le satellite : un instrument pour mesurer le rayonnement ultraviolet du Soleil et un télescope gamma constitué d’un détecteur NAL.

Lancé le 17 juin 1977 par un Cosmos-3M depuis la base de Kapoutine Yar, SIGNE-3 rejoint une orbite basse (517 km x 458 km). Les données sont recueillies par trois stations françaises (Toulouse, Kourou et Pretoria) et cinq américaines. L’enregistreur tombe en panne en mars 1978 et le satellite rentre dans l’atmosphère le 22 juin 1979. Les résultats ont été à la hauteur de ce que les scientifiques attendaient, avec notamment de nouvelles sources de sursauts gamma détectées, confirmant un réel savoir-faire français tant au niveau scientifique que technologique.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : 50 ans de coopération spatiale France-URSS/Russie, sous la direction d’Arlène Ammar-Israël, IFHE, Tessier & Ashpool, 2015

Un documentaire russe sur le satellite SIGNE-3, consultable sur le site du CNES

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26/06/2017 20:54
744 mots

Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma

Si le chimiste français Paul Villard a découvert les rayons gamma en 1900, il a fallu cependant attendre le début de l’aventure spatiale pour que les observations puissent se faire en s’affranchissant des contraintes de l’atmosphère terrestre.

Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma
Il y a 40 ans, SIGNE-3 et l’astronomie gamma

La coopération franco-soviétique.

Entrée dans la course-compétition spatiale au tout début des années soixante, la France ne possède alors pas les moyens de s’engager dans plusieurs grands programmes scientifiques. Pour y remédier, le jeune Centre national d’études spatiales (CNES), créé en décembre 1961, sollicite aussitôt la coopération avec les Etats-Unis puis, quelques années plus tard, avec l’URSS. Originale et audacieuse, étant donné le contexte de la Guerre froide, la coopération avec l’Union soviétique est officialisée le 30 juin 1966 par un traité dans lequel allait s’organiser une « étude scientifique de l’espace » autour de quatre grands domaines : la géodésie spatiale, l’étude de l’environnement de la Terre, l’exploration du système solaire et l’astronomie. Dans cette dernière figuraient les sursauts gamma, un thème d’étude à défricher.

 

Le programme SIGNE.

Le Centre d’étude spatiale des rayonnements (CESR) de Toulouse, sous la conduite du CNES, propose aux Soviétiques une première expérience d’astronomie haute énergie. Le projet vise à installer dans une sonde soviétique de la série Prognoz l’expérience SIGNE-1 (Solar Interplanetary Gamma ray Neutron Experiment), qui consiste en un système de détection des émissions de neutrons solaires et des éruptions en X-gamma. Lancé le 29 juin 1972, Prognoz-2 rejoint une orbite excentrique (périgée : 550 km ; apogée : 200 000 km) avec, entre autre, SIGNE-1, qui observe des éruptions solaires très violentes et détecte les tout premiers sursauts gamma en provenance d’étoiles lointaines. Le succès est tel que les Soviétiques acceptent de donner une suite avec SIGNE-2. Plus ambitieuse, la nouvelle mouture du programme SIGNE consiste à embarquer des détecteurs de rayons gamma plus performants sur Prognoz-6 (22/09/1977), Prognoz-7 (30/10/1978) et Prognoz-9 (01/07/1983), mais aussi sur des sondes en partance pour Vénus : Venera-11 (09/09/1978), Venera-12 (14/09/1978), Venera-13 (30/10/1981) et Venera-14 (04/11/1981). Soulignons qu’avec les Prognoz-7, Venera-11 et 12, les différents détecteurs de sursaut gamma soviétiques et français ont, par une méthode de triangulation, localisé plusieurs dizaines de sources de rayons gamma, permettant de constituer un premier catalogue référençant ce type de phénomène.

 

De SIGNE-1 à D2B Gamma.

L’expérience acquise avec SIGNE-1 incite le CESR à proposer au CNES une mission dédiée sur un satellite 100% français. C’est le moment où, après le succès des premiers satellites expérimentaux D1 (lancés avec les Diamant A), le CNES engage une nouvelle série D2 avec cette fois-ci des missions scientifiques ambitieuses embarquées dans des satellites devant être placés sur orbite par le nouveau lanceur national Diamant B. Le CNES valide la proposition et décide la construction du satellite D2 B Gamma. Seulement une mauvaise nouvelle éclate peu après l’élection présidentielle de 1974 : le nouveau président Valéry Giscard d’Estaing souhaite abandonner le programme de lanceur Ariane récemment engagé par le CNES avec des partenaires européens. Des coupes budgétaires sont annoncées. Toutefois, après l’intervention de plusieurs acteurs du spatial, le président consent à maintenir Ariane… mais à la condition que Diamant soit arrêté. Du même coup, D2B Gamma ne pourra être lancé. Que faire ?

 

SIGNE-3.

Les Soviétiques viennent alors au secours des déboires franco-français : ils proposent de lancer D2B gamma à l’aide d’un de leur lanceur. Le projet prend le nom de SIGNE-3 (ou SNEG-3 en russe). Construit par la société MATRA pour le compte du CNRS/CESR sous la maîtrise d’œuvre du CNES, le satellite se présente sous la forme d’un cylindre de 70 cm de diamètre, pour environ 80 cm de hauteur et une masse de 102 kg. Stabilisé par rotation, celui-ci dispose de quatre panneaux solaires fournissant une énergie de 50 watts. Deux instruments scientifiques prennent place dans le satellite : un instrument pour mesurer le rayonnement ultraviolet du Soleil et un télescope gamma constitué d’un détecteur NAL.

Lancé le 17 juin 1977 par un Cosmos-3M depuis la base de Kapoutine Yar, SIGNE-3 rejoint une orbite basse (517 km x 458 km). Les données sont recueillies par trois stations françaises (Toulouse, Kourou et Pretoria) et cinq américaines. L’enregistreur tombe en panne en mars 1978 et le satellite rentre dans l’atmosphère le 22 juin 1979. Les résultats ont été à la hauteur de ce que les scientifiques attendaient, avec notamment de nouvelles sources de sursauts gamma détectées, confirmant un réel savoir-faire français tant au niveau scientifique que technologique.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : 50 ans de coopération spatiale France-URSS/Russie, sous la direction d’Arlène Ammar-Israël, IFHE, Tessier & Ashpool, 2015

Un documentaire russe sur le satellite SIGNE-3, consultable sur le site du CNES



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