Pour contrer la furtivité radar des avions, de nouveaux capteurs optiques tels l'IRST sont développés pour détecter la chaleur, en se focalisant sur les longueurs d'onde correspondant à la chaleur des moteurs. Les avionneurs développent donc des parades pour s'adapter à ces nouveaux enjeux de discrétion.
Les capteurs infrarouges de recherche et de suivi des cibles (IRST en anglais pour infrared search and track sensor) sont des capteurs qui permettent la détection d’autres avions par localisation de la chaleur émise notamment par leur moteur.
Leur principal avantage est qu’ils sont entièrement passifs : ces capteurs sont conçus pour détecter des rayonnements infrarouge (d’où leur nom), ils n’émettent aucune onde pour fonctionner. Il est impossible pour l’ennemi de savoir si de tels capteurs sont utilisés ou non et où ils se situent. Ainsi, il devient possible ‘accrocher une cible, de la suivre et de lancer un missile à son encontre tout en restant totalement indétectable.
Bien que l’intérêt de tel capteur est évident, cela fait très peu d’années qu’ils sont en service à cause du cout de développement. Ainsi on pourra remarquer que le F-22 Raptor n’en possède pas (même si ce manquement est en cours de résolution, voir la revue de presse vidéo ci-contre). On notera également que d’autres aéronefs comme le F-15C ou le drone Predator C sont équipés d’un pod appelé « Legion » afin de leur donner cette capacité IRST. Preuve s’il le fallait que c’est un capteur difficile à développer et surtout à adapter à un appareil déjà en service, notamment à cause de son volume (près de 80L). Il est de fait plus simple de développer un pod et de fixer ledit pod à l’appareil souhaité, que d’envisager de lourdes modification directement sur l’appareil, même si installer un pod nuit à la furtivité des appareils américains.
On peut néanmoins souligner que les américains prennent cette capacité très au sérieux, puisque leur dernier appareil, le F-35, en est équipé depuis ses débuts, suivant l'exemple des appareils mis en service dans les années 2000 tels les Chengdu J-20 et Shenyang J-31chinois, l’avion russe Su-35, l’Eurofighter et le Rafale.
La diffusion de ce type de capteur dans des armées étrangères voir hostiles, associé au fait qu’il apporte une précision importante permettant la conduite de tir ‘passive’ (sans devenir sois même détectable contrairement aux radars classiques), amène aujourd’hui les différentes armées à se demander comment s’en prémunir.
Le fonctionnement de l’IRST est très différent de celui un radar classique (voir cet article), un capteur IRST « observe » le ciel afin d’y détecter un rayonnement infrarouge trahissant la chaleur émise par un moteur. Et même si la post-combustion et les jets très chauds qu’elle produit sont détectables, il faut bien comprendre que la cible des capteurs IRST est tout autre : les turbines des moteurs et dans une moindre mesure les tuyères.
En effet, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, les capteurs IRST cherchent à repérer les turbines des moteurs pour au moins deux raisons :
La troisième raison est la difficulté qui existe pour les cacher.
Ce type de capteur est capable de détecter même les appareils dits furtifs et ce de manière totalement passive, ce qui explique l’engouement autour de son développement ces dernières années. Pour tenter de contourner ce point faible de la furtivité ‘classique’, plusieurs solutions ont été mises en place, notamment sur les appareils américains. Premièrement, en observant un F-35 de front, on remarque que ses entrées d’air semblent ‘comblées’. Évidemment ceci n’est qu’une illusion, et il y a bien un accès pour l’air. Mais le but est de cacher le moteur et donc les turbines de l’avion pour un observateur ou plutôt un capteur de l’extérieur voyant l’avion de front. Cette stratégie se retrouve d’ailleurs sur le nouveau bombardier fraichement révélé : le B-21. L’intérêt est double : les turbines sont ainsi cachées pour un observateur de face ne peut pas voir les turbines, ce qui est avantageux à la fois contre l’IRST puisqu’on rayonne moins de chaleur mais aussi contre le radar puisque les turbines sont des pièces qui par leur forme et leur orientation renvoient beaucoup d’ondes de face (on peut même identifier un avion ou un hélicoptère au radar à la fréquence de l’écho et à l’effet Doppler de ses pales).
les turbines sont situées à l’arrière du moteur tout comme les volets de la tuyère qui peuvent aussi se trouver dans une gamme de température de 400 à 500°C. Il est donc nécessaire de cacher ces parties de l’avion, notamment vu de côté et de l’arrière. Pour la vue de côté, les ingénieurs du F-35 et du F-22 ont fait un choix simple : mettre l’empennage à l’arrière pour cacher la tuyère et le moteur, au détriment d’une manœuvrabilité un peu moins bonne que dans le cas des plans canards (empennage à l’avant).
Il est à noter que cette solution existe et perdure depuis des avions beaucoup plus anciens comme l’américain A10 et les premiers Manpads à guidage infrarouge, bien moins sophistiqués que l’IRST. Bien que cette solution semble partielle, elle a été conservé entre le F-35 et le F-22, ce qui laisse penser que c’est une solution suffisante, contrairement à la solution retenue pour la vue depuis l’arrière.
Sur cet ensemble de photos où l’on distingue un F-35 ( à gauche), un Eurofighter (au fond), un Rafale (au milieu) et un F-22 (devant), on observe que les deux appareils américains cachent leur tuyères grâce à leur plan canards, tandis que les tuyères des avions européens sont visibles. Avion A10. Là aussi l’empennage a été placé de telle sorte à masquer les jets chauds sortant des moteurs, afin de diminuer sa signature thermique et les risques de tir contre l’avion depuis un Manpad.
Dans le cas du F-22, des tuyères à sections carrées devant réduire la signature infrarouge ont été développées à grands frais, mais cette technologie ne se retrouve pas sur le F-35 qui lui présente une tuyère classique : le rapport gain/couts ne devait pas être suffisamment important pour retenter un tel développement. On comprend ainsi mieux la doctrine américaine : être le plus furtif possible lors de l’approche (quand l’avion est de front), accomplir la mission, puis repartir en étant éventuellement détecté (quand l’avion est vu de l’arrière).
Aujourd’hui seuls les drones et les bombardiers font l’objet d’études poussées pour des tuyères furtives à la vue de leur besoin de furtivité plus poussé que les chasseurs.
Évidemment, les américains ne sont pas entièrement satisfaits de cette situation, et ils travaillent activement sur des solutions. L’une d’elle est déjà en développement et possède un nom : Adaptive Engine Transition Program (AETP), que l’on pourrait traduire par « Programme de transition pour un moteur adaptatif ». Ce programme en cours aux Etats-Unis doit aboutir à un moteur devant ré-équiper les F-35 ainsi que la future génération d’avions de chasse de l’armée américaine (NGAD).
Bien que les objectifs de ce programme moteur soient nombreux, il est aisé d’y voir dans certains, des objectifs en lien avec l’IRST. Ainsi le cycle adaptatif devant permettre de réduire en croisière la consommation permet aussi mécaniquement d’abaisser la température de la turbine et des gaz d’échappement pour une même poussée. Plus remarquable encore : la forme de ce nouveau moteur.
Le but de ce « cou de signe » est, entre autres choses, de diminuer la visibilité infrarouge vue de l’arrière en masquant les turbines mais aussi en améliorant le brassage de l’air chaud du moteur avec de l’air froid pour toujours diminuer la température et donc la signature infrarouge.
Les européens ne sont pas en reste : le programme Tempest comme le programme SCAF ont tous deux affichés un avion avec des plans canards ou un double empennage situés à l’arrière. Preuve que le besoin de diminuer la visibilité des tuyères a été pris en compte.
Et le développement du moteur, par Rolls-Royce, pour Tempest fait déjà part d’un système de gestion et de réutilisation de la chaleur. Seul le moteur du SCAF, devant être développé par SAFRAN et MTU, reste très discret sur ce sujet.
Enfin, il est à noter que les capacités IRST se développent et évoluent encore aujourd’hui, notamment avec la possibilité pour les avions de chasse d’évoluer à de très hautes altitudes, là où l’atmosphère est très froide, idéal pour ce type de capteur.
Par ailleurs, aujourd’hui une nouvelle bande infrarouge est étudiée, celle du 8-12 microns, qui correspond à une température de 0-50°C et qui est aussi très peu absorbée par l’atmosphère. Cela permettrait de détecter plus facilement les avions noirs qui absorbent plus facilement la chaleur : ainsi les avions furtifs seraient paradoxalement plus facilement visibles à cette longueur d’onde. C’est en partie pour cela, entre autres choses, que le nouveau bombardier furtif B-21 de l’armée américaine n’est pas noir mais gris, presque blanc.
Cette nouvelle plage de longueur d’onde permettrait aussi d’atteindre le but ultime de l’IRST : détecter les variations de température résultantes de la compression locale de l’air lors du passage d’un avion, ce qui permettrait la détection de n’importe quelle objet évoluant à plus de Mach=0.3 soit à peine 370km/h...
Article de Gatien REVOL
Pour contrer la furtivité radar des avions, de nouveaux capteurs optiques tels l'IRST sont développés pour détecter la chaleur, en se focalisant sur les longueurs d'onde correspondant à la chaleur des moteurs. Les avionneurs développent donc des parades pour s'adapter à ces nouveaux enjeux de discrétion.
Les capteurs infrarouges de recherche et de suivi des cibles (IRST en anglais pour infrared search and track sensor) sont des capteurs qui permettent la détection d’autres avions par localisation de la chaleur émise notamment par leur moteur.
Leur principal avantage est qu’ils sont entièrement passifs : ces capteurs sont conçus pour détecter des rayonnements infrarouge (d’où leur nom), ils n’émettent aucune onde pour fonctionner. Il est impossible pour l’ennemi de savoir si de tels capteurs sont utilisés ou non et où ils se situent. Ainsi, il devient possible ‘accrocher une cible, de la suivre et de lancer un missile à son encontre tout en restant totalement indétectable.
Bien que l’intérêt de tel capteur est évident, cela fait très peu d’années qu’ils sont en service à cause du cout de développement. Ainsi on pourra remarquer que le F-22 Raptor n’en possède pas (même si ce manquement est en cours de résolution, voir la revue de presse vidéo ci-contre). On notera également que d’autres aéronefs comme le F-15C ou le drone Predator C sont équipés d’un pod appelé « Legion » afin de leur donner cette capacité IRST. Preuve s’il le fallait que c’est un capteur difficile à développer et surtout à adapter à un appareil déjà en service, notamment à cause de son volume (près de 80L). Il est de fait plus simple de développer un pod et de fixer ledit pod à l’appareil souhaité, que d’envisager de lourdes modification directement sur l’appareil, même si installer un pod nuit à la furtivité des appareils américains.
On peut néanmoins souligner que les américains prennent cette capacité très au sérieux, puisque leur dernier appareil, le F-35, en est équipé depuis ses débuts, suivant l'exemple des appareils mis en service dans les années 2000 tels les Chengdu J-20 et Shenyang J-31chinois, l’avion russe Su-35, l’Eurofighter et le Rafale.
La diffusion de ce type de capteur dans des armées étrangères voir hostiles, associé au fait qu’il apporte une précision importante permettant la conduite de tir ‘passive’ (sans devenir sois même détectable contrairement aux radars classiques), amène aujourd’hui les différentes armées à se demander comment s’en prémunir.
Le fonctionnement de l’IRST est très différent de celui un radar classique (voir cet article), un capteur IRST « observe » le ciel afin d’y détecter un rayonnement infrarouge trahissant la chaleur émise par un moteur. Et même si la post-combustion et les jets très chauds qu’elle produit sont détectables, il faut bien comprendre que la cible des capteurs IRST est tout autre : les turbines des moteurs et dans une moindre mesure les tuyères.
En effet, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, les capteurs IRST cherchent à repérer les turbines des moteurs pour au moins deux raisons :
La troisième raison est la difficulté qui existe pour les cacher.
Ce type de capteur est capable de détecter même les appareils dits furtifs et ce de manière totalement passive, ce qui explique l’engouement autour de son développement ces dernières années. Pour tenter de contourner ce point faible de la furtivité ‘classique’, plusieurs solutions ont été mises en place, notamment sur les appareils américains. Premièrement, en observant un F-35 de front, on remarque que ses entrées d’air semblent ‘comblées’. Évidemment ceci n’est qu’une illusion, et il y a bien un accès pour l’air. Mais le but est de cacher le moteur et donc les turbines de l’avion pour un observateur ou plutôt un capteur de l’extérieur voyant l’avion de front. Cette stratégie se retrouve d’ailleurs sur le nouveau bombardier fraichement révélé : le B-21. L’intérêt est double : les turbines sont ainsi cachées pour un observateur de face ne peut pas voir les turbines, ce qui est avantageux à la fois contre l’IRST puisqu’on rayonne moins de chaleur mais aussi contre le radar puisque les turbines sont des pièces qui par leur forme et leur orientation renvoient beaucoup d’ondes de face (on peut même identifier un avion ou un hélicoptère au radar à la fréquence de l’écho et à l’effet Doppler de ses pales).
les turbines sont situées à l’arrière du moteur tout comme les volets de la tuyère qui peuvent aussi se trouver dans une gamme de température de 400 à 500°C. Il est donc nécessaire de cacher ces parties de l’avion, notamment vu de côté et de l’arrière. Pour la vue de côté, les ingénieurs du F-35 et du F-22 ont fait un choix simple : mettre l’empennage à l’arrière pour cacher la tuyère et le moteur, au détriment d’une manœuvrabilité un peu moins bonne que dans le cas des plans canards (empennage à l’avant).
Il est à noter que cette solution existe et perdure depuis des avions beaucoup plus anciens comme l’américain A10 et les premiers Manpads à guidage infrarouge, bien moins sophistiqués que l’IRST. Bien que cette solution semble partielle, elle a été conservé entre le F-35 et le F-22, ce qui laisse penser que c’est une solution suffisante, contrairement à la solution retenue pour la vue depuis l’arrière.
Sur cet ensemble de photos où l’on distingue un F-35 ( à gauche), un Eurofighter (au fond), un Rafale (au milieu) et un F-22 (devant), on observe que les deux appareils américains cachent leur tuyères grâce à leur plan canards, tandis que les tuyères des avions européens sont visibles. Avion A10. Là aussi l’empennage a été placé de telle sorte à masquer les jets chauds sortant des moteurs, afin de diminuer sa signature thermique et les risques de tir contre l’avion depuis un Manpad.
Dans le cas du F-22, des tuyères à sections carrées devant réduire la signature infrarouge ont été développées à grands frais, mais cette technologie ne se retrouve pas sur le F-35 qui lui présente une tuyère classique : le rapport gain/couts ne devait pas être suffisamment important pour retenter un tel développement. On comprend ainsi mieux la doctrine américaine : être le plus furtif possible lors de l’approche (quand l’avion est de front), accomplir la mission, puis repartir en étant éventuellement détecté (quand l’avion est vu de l’arrière).
Aujourd’hui seuls les drones et les bombardiers font l’objet d’études poussées pour des tuyères furtives à la vue de leur besoin de furtivité plus poussé que les chasseurs.
Évidemment, les américains ne sont pas entièrement satisfaits de cette situation, et ils travaillent activement sur des solutions. L’une d’elle est déjà en développement et possède un nom : Adaptive Engine Transition Program (AETP), que l’on pourrait traduire par « Programme de transition pour un moteur adaptatif ». Ce programme en cours aux Etats-Unis doit aboutir à un moteur devant ré-équiper les F-35 ainsi que la future génération d’avions de chasse de l’armée américaine (NGAD).
Bien que les objectifs de ce programme moteur soient nombreux, il est aisé d’y voir dans certains, des objectifs en lien avec l’IRST. Ainsi le cycle adaptatif devant permettre de réduire en croisière la consommation permet aussi mécaniquement d’abaisser la température de la turbine et des gaz d’échappement pour une même poussée. Plus remarquable encore : la forme de ce nouveau moteur.
Le but de ce « cou de signe » est, entre autres choses, de diminuer la visibilité infrarouge vue de l’arrière en masquant les turbines mais aussi en améliorant le brassage de l’air chaud du moteur avec de l’air froid pour toujours diminuer la température et donc la signature infrarouge.
Les européens ne sont pas en reste : le programme Tempest comme le programme SCAF ont tous deux affichés un avion avec des plans canards ou un double empennage situés à l’arrière. Preuve que le besoin de diminuer la visibilité des tuyères a été pris en compte.
Et le développement du moteur, par Rolls-Royce, pour Tempest fait déjà part d’un système de gestion et de réutilisation de la chaleur. Seul le moteur du SCAF, devant être développé par SAFRAN et MTU, reste très discret sur ce sujet.
Enfin, il est à noter que les capacités IRST se développent et évoluent encore aujourd’hui, notamment avec la possibilité pour les avions de chasse d’évoluer à de très hautes altitudes, là où l’atmosphère est très froide, idéal pour ce type de capteur.
Par ailleurs, aujourd’hui une nouvelle bande infrarouge est étudiée, celle du 8-12 microns, qui correspond à une température de 0-50°C et qui est aussi très peu absorbée par l’atmosphère. Cela permettrait de détecter plus facilement les avions noirs qui absorbent plus facilement la chaleur : ainsi les avions furtifs seraient paradoxalement plus facilement visibles à cette longueur d’onde. C’est en partie pour cela, entre autres choses, que le nouveau bombardier furtif B-21 de l’armée américaine n’est pas noir mais gris, presque blanc.
Cette nouvelle plage de longueur d’onde permettrait aussi d’atteindre le but ultime de l’IRST : détecter les variations de température résultantes de la compression locale de l’air lors du passage d’un avion, ce qui permettrait la détection de n’importe quelle objet évoluant à plus de Mach=0.3 soit à peine 370km/h...
Article de Gatien REVOL
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