La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?
La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?
© @CedricMas

publié le 22 mars 2023 à 15:30

998 mots

La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?

De nombreuses photos et vidéos permettent de confirmer que les Forces armées russes déplacent des chars moyens T-54 sur leur réseau ferroviaire. Leur destination finale semble être l'Ukraine mais leur utilité sur place sera toutefois limitée et ces derniers seront très vulnérables face aux chars de combat ukrainiens, chars de combat livrés ou encore les systèmes antichars modernes. Plus le conflit en Ukraine s'éternise et plus les Forces terrestres russes semblent sortir de leurs stocks des véhicules de plus en plus vieux.


Des chars sur un train

Les Forces armées russes sont connues pour détenir un nombre assez conséquent de véhicules militaires stockés à travers toute la Russie. C’est un avantage pour les militaires russes car ils peuvent combler un grand nombre de véhicules perdus grâce à ces différents stocks... du moins en théorie ! Des photos et vidéos publiées ce 22 mars (extrait ci-dessous) permettent de confirmer qu'un train militaire en Russie transporte des chars moyens T-54. Ce char est le successeur direct du char moyen T-34 soviétique, et ce, dès la fin des années 1940. Il faut toutefois noter que les deux modèles identifiés datent des années 1950 ;

  • T-54-3 ; production entre 1952 et 1955, tourelle repensée, viseur télescopique TSh-2-22, générateur de fumée TDA, meilleure protection des roulements et appareils électriques contre la poussière.
  • T-54B ; production entre 1957 et 1959, changement de canon (canon rayé D-10T2S de 100 mm) avec l'ajout d'un stabilisateur Cyclone (probabilité de coup au but passe de 30 à 60 %), ajout d'un système auto-obturant pour les réservoirs de carburant. En 1959, les derniers T-54B sortent des usines avec un projecteur infrarouge, un viseur infrarouge TPN-1-22-11 et un projecteur infrarouge pour le commandant du char.

Il n'empêche, les Forces armées russes semblent mobiliser plusieurs chars dont l'âge varie entre 71 et 64 ans. Pour les fans d'aviation et peu habitués aux matériels terrestres, cette annonce équivaudrait à la remise en service d'avions de combat MiG-15 par la Force aérienne russe ou de M.D. 450 Ouragan par l'Armée de l'Air et de l'Espace !

Trop de pertes en Ukraine

Manque de chars

Leur destination n'est pour l'instant pas confirmée. Une hypothèse semble cependant revenir au sein de nombreuses sources spécialisées en OSINT ; l'Ukraine ! Depuis le 24 février 2022, les Forces armées russes ont perdu près de 1.871 chars (d'après Oryx). Les militaires déployés ont donc un grand besoin de disposer de nouveaux chars. Cependant, les chars de combat modernes ne peuvent sortir à un rythme effréné et l'industrie militaire russe est donc limitée à 20 chars modernes par mois. La Russie puise alors dans ses stocks mais ces chars doivent d'abord passer par une usine afin d'être revus et peut-être rééquipés de certains matériels (radios et capteurs plus récents mais pas spécialement modernes). Cela permet d'ajouter un maximum de 90 chars/mois, soit un total de 110 chars/mois... contre une moyenne de 150 pertes tous les mois ! (d'après The Economist)

Utilité limitée

Si cette hypothèse est avérée, leur utilité sera limitée ; le T-54 reste bien évidemment un véhicule blindé, tout terrain et avec un canon de 100 mm. Il peut donc être utilisé pour soutenir l'infanterie ou des blindés. En revanche, ce char est totalement dépassé pour le combat antichar, du moins contre des chars de combat modernes. Les Irakiens ont démontré leur inefficacité face aux chars de combat modernes et récents durant les opérations Tempête du désert (1991) et durant l'invasion de l'Irak en 2003. Ainsi, à l’exception des plus anciens chars ukrainiens, ces tanks seront une partie de plaisir pour les T-64, T-72 et T-80 ukrainiens modernisés, sans compter les Leopard 2, Challenger 2 ou encore Abrams en cours de livraison.

De plus, les systèmes de stabilisation du canon ne sont pas efficaces et les tankistes soviétiques préféraient tirer à l'arrêt et à une distance d'environ 1 kilomètre de leur cible. La protection de l'équipage sera aussi catastrophique : durant la guerre du Vietnam, les T-54 et T-55 (amélioration du T-54) se révèlent comme étant très vulnérables face aux lance-roquettes M72 LAW et missiles antichars BGM-71 TOW. Il est inutile de décrire l'efficacité des versions améliorées des LAW et TOW, sans compter les systèmes antichars plus récents (FGM-148 Javelin) sur de tels chars au vu de leur efficacité contre les bien plus modernes T-72B3, T-80BVM et T-90 russes.

Enfin, il faut aussi penser à la logistique de cette éventuelle remise en service ; ces chars ont plusieurs générations de retard et donc la moindre pièce détachée ne peut que provenir d'autres chars T-54 cannibalisés pour maintenir en "état de combat" les autres T-54 déployés. Dès lors, leur arrivée sera un casse-tête logistique.

Juste le châssis ?

Une autre hypothèse serait d'enlever les tourelles des chars afin d'utiliser les châssis pour des tâches secondaires ; dépannages de différents véhicules endommagés, lance-pont, grue tout-terrain, etc. Cette hypothèse est toutefois moins probable car l'urgence pour les militaires russes semble plus être concentrée sur les chars et non sur la détention de véhicules de soutien.

Et bien d'autres !

Ce n'est pas la première fois que la Russie sort des véhicules datant du début de la guerre froide. En février, des blindés BT-50, produits entre 1954 et 1970, étaient aperçus sur des porte-chars en Ukraine (article sur le sujet). Le site spécialisé en OSINT vient tout juste de sortir un article sur les véhicules les plus vieux utilisés par les Forces russes en Ukraine. Il est déjà possible de confirmer la présence de véhicules blindés de combat BRDM-2 (à partir de 1962), de pièce d'artillerie tractée D-1 (à partir de 1943) ou même de mitrailleuses navales DhSK (à partir de 1938) fixées sur des blindés MT-LB (tweet ci-dessous).

Il faut noter également que la qualification de char de combat (main battle tank en anglais) ne s'applique pas pour le T-54 car ce dernier ne répond pas aux caractéristiques du MBT et est d'ailleurs pensé dans une doctrine incluant des chars légers, moyens et lourds (voire super-lourds).

Commentaires
user_picture Paul A. 22/03/2023 19:41

Une hypothèse : regardons certaines bizarreries comme l'achat de matériel à la Corée du Nord ou la remise en service de matériel ultra-obsolète tels ... que les T-54 ou les T-55. Peut-être que ce matériel qui ne devrait intéresser l'armée russe en aucune circonstance est en réalité destiné à Wagner, qui prend se sert uniquement là où il y est autorisé, tandis que les forces armées Russes garderaient pour elles les T-72, T-80 et T-90... plus



22/03/2023 15:30
998 mots

La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?

De nombreuses photos et vidéos permettent de confirmer que les Forces armées russes déplacent des chars moyens T-54 sur leur réseau ferroviaire. Leur destination finale semble être l'Ukraine mais leur utilité sur place sera toutefois limitée et ces derniers seront très vulnérables face aux chars de combat ukrainiens, chars de combat livrés ou encore les systèmes antichars modernes. Plus le conflit en Ukraine s'éternise et plus les Forces terrestres russes semblent sortir de leurs stocks des véhicules de plus en plus vieux.

La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?
La Russie prépare-t-elle le retour de chars des années 50 ?

Des chars sur un train

Les Forces armées russes sont connues pour détenir un nombre assez conséquent de véhicules militaires stockés à travers toute la Russie. C’est un avantage pour les militaires russes car ils peuvent combler un grand nombre de véhicules perdus grâce à ces différents stocks... du moins en théorie ! Des photos et vidéos publiées ce 22 mars (extrait ci-dessous) permettent de confirmer qu'un train militaire en Russie transporte des chars moyens T-54. Ce char est le successeur direct du char moyen T-34 soviétique, et ce, dès la fin des années 1940. Il faut toutefois noter que les deux modèles identifiés datent des années 1950 ;

  • T-54-3 ; production entre 1952 et 1955, tourelle repensée, viseur télescopique TSh-2-22, générateur de fumée TDA, meilleure protection des roulements et appareils électriques contre la poussière.
  • T-54B ; production entre 1957 et 1959, changement de canon (canon rayé D-10T2S de 100 mm) avec l'ajout d'un stabilisateur Cyclone (probabilité de coup au but passe de 30 à 60 %), ajout d'un système auto-obturant pour les réservoirs de carburant. En 1959, les derniers T-54B sortent des usines avec un projecteur infrarouge, un viseur infrarouge TPN-1-22-11 et un projecteur infrarouge pour le commandant du char.

Il n'empêche, les Forces armées russes semblent mobiliser plusieurs chars dont l'âge varie entre 71 et 64 ans. Pour les fans d'aviation et peu habitués aux matériels terrestres, cette annonce équivaudrait à la remise en service d'avions de combat MiG-15 par la Force aérienne russe ou de M.D. 450 Ouragan par l'Armée de l'Air et de l'Espace !


22/03/2023 19:41

Une hypothèse : regardons certaines bizarreries comme l'achat de matériel à la Corée du Nord ou la remise en service de matériel ultra-obsolète tels ...  que les T-54 ou les T-55. Peut-être que ce matériel qui ne devrait intéresser l'armée russe en aucune circonstance est en réalité destiné à Wagner, qui prend se sert uniquement là où il y est autorisé, tandis que les forces armées Russes garderaient pour elles les T-72, T-80 et T-90... plus


Trop de pertes en Ukraine

Manque de chars

Leur destination n'est pour l'instant pas confirmée. Une hypothèse semble cependant revenir au sein de nombreuses sources spécialisées en OSINT ; l'Ukraine ! Depuis le 24 février 2022, les Forces armées russes ont perdu près de 1.871 chars (d'après Oryx). Les militaires déployés ont donc un grand besoin de disposer de nouveaux chars. Cependant, les chars de combat modernes ne peuvent sortir à un rythme effréné et l'industrie militaire russe est donc limitée à 20 chars modernes par mois. La Russie puise alors dans ses stocks mais ces chars doivent d'abord passer par une usine afin d'être revus et peut-être rééquipés de certains matériels (radios et capteurs plus récents mais pas spécialement modernes). Cela permet d'ajouter un maximum de 90 chars/mois, soit un total de 110 chars/mois... contre une moyenne de 150 pertes tous les mois ! (d'après The Economist)

Utilité limitée

Si cette hypothèse est avérée, leur utilité sera limitée ; le T-54 reste bien évidemment un véhicule blindé, tout terrain et avec un canon de 100 mm. Il peut donc être utilisé pour soutenir l'infanterie ou des blindés. En revanche, ce char est totalement dépassé pour le combat antichar, du moins contre des chars de combat modernes. Les Irakiens ont démontré leur inefficacité face aux chars de combat modernes et récents durant les opérations Tempête du désert (1991) et durant l'invasion de l'Irak en 2003. Ainsi, à l’exception des plus anciens chars ukrainiens, ces tanks seront une partie de plaisir pour les T-64, T-72 et T-80 ukrainiens modernisés, sans compter les Leopard 2, Challenger 2 ou encore Abrams en cours de livraison.

De plus, les systèmes de stabilisation du canon ne sont pas efficaces et les tankistes soviétiques préféraient tirer à l'arrêt et à une distance d'environ 1 kilomètre de leur cible. La protection de l'équipage sera aussi catastrophique : durant la guerre du Vietnam, les T-54 et T-55 (amélioration du T-54) se révèlent comme étant très vulnérables face aux lance-roquettes M72 LAW et missiles antichars BGM-71 TOW. Il est inutile de décrire l'efficacité des versions améliorées des LAW et TOW, sans compter les systèmes antichars plus récents (FGM-148 Javelin) sur de tels chars au vu de leur efficacité contre les bien plus modernes T-72B3, T-80BVM et T-90 russes.

Enfin, il faut aussi penser à la logistique de cette éventuelle remise en service ; ces chars ont plusieurs générations de retard et donc la moindre pièce détachée ne peut que provenir d'autres chars T-54 cannibalisés pour maintenir en "état de combat" les autres T-54 déployés. Dès lors, leur arrivée sera un casse-tête logistique.

Juste le châssis ?

Une autre hypothèse serait d'enlever les tourelles des chars afin d'utiliser les châssis pour des tâches secondaires ; dépannages de différents véhicules endommagés, lance-pont, grue tout-terrain, etc. Cette hypothèse est toutefois moins probable car l'urgence pour les militaires russes semble plus être concentrée sur les chars et non sur la détention de véhicules de soutien.

Et bien d'autres !

Ce n'est pas la première fois que la Russie sort des véhicules datant du début de la guerre froide. En février, des blindés BT-50, produits entre 1954 et 1970, étaient aperçus sur des porte-chars en Ukraine (article sur le sujet). Le site spécialisé en OSINT vient tout juste de sortir un article sur les véhicules les plus vieux utilisés par les Forces russes en Ukraine. Il est déjà possible de confirmer la présence de véhicules blindés de combat BRDM-2 (à partir de 1962), de pièce d'artillerie tractée D-1 (à partir de 1943) ou même de mitrailleuses navales DhSK (à partir de 1938) fixées sur des blindés MT-LB (tweet ci-dessous).

Il faut noter également que la qualification de char de combat (main battle tank en anglais) ne s'applique pas pour le T-54 car ce dernier ne répond pas aux caractéristiques du MBT et est d'ailleurs pensé dans une doctrine incluant des chars légers, moyens et lourds (voire super-lourds).



Commentaires
22/03/2023 19:41

Une hypothèse : regardons certaines bizarreries comme l'achat de matériel à la Corée du Nord ou la remise en service de matériel ultra-obsolète tels ... que les T-54 ou les T-55. Peut-être que ce matériel qui ne devrait intéresser l'armée russe en aucune circonstance est en réalité destiné à Wagner, qui prend se sert uniquement là où il y est autorisé, tandis que les forces armées Russes garderaient pour elles les T-72, T-80 et T-90... plus