IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 
IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 
© De Gaulle Fleurance

publié le 10 mars 2025 à 17:02

1125 mots

IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 

À l’automne 2021, la Commission européenne dévoile son projet : le déploiement d’une constellation de satellites pour garantir son autonomie dans l’espace numérique. Après une étude de faisabilité menée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et un groupe d’industriels européens, le projet est considéré comme viable et peut-être présenté plus en détail.


Un projet stratégique porté par un partenariat public-privé

Fin 2021, il est baptisé IRIS² (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite) et doit permettre une connectivité résiliente globale et sécurisée pour assurer l’autonomie stratégique et la capacité de défense de l’Union européenne. Envisagé comme un pilier essentiel du spatial européen il s’agit de prendre en compte la dépendance croissante aux technologies d’information et de communication à travers le monde et le besoin d’anticiper l'accélération de l'économie digitale. Échanger des informations, consulter du contenu multimédia, accéder à des sites marchands ou bénéficier de services en ligne, tant d’utilisations qui ne font que se développer et nécessitent désormais davantage d’infrastructures et de connexions sécurisées.

Partant de ce constat, une première enveloppe budgétaire de 2,4 milliards d’euros est validée en 2022 par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sur la base du cadre financier pluriannuel. Elle est suivie par l’adoption officielle du projet IRIS² par l’Union européenne en février 2023, après des échanges entre industriels, opérateurs et institutions européennes sur la conception et le déploiement des satellites.

Dès le printemps 2023, un appel d’offres est publié, attirant très vite l’intérêt d’entreprises spatiales majeures qui s’engagent dans des négociations concernant notamment le coût de l’initiative et sa faisabilité. L’ESA publie également un appel à participation concernant le contrat de partenariat pour le développement et la validation du projet. En parallèle, l’hébergement d’infrastructures-sol de la constellation fait l’objet d’un appel à candidature pour assurer la gestion des communications et le routage des données à travers le réseau.

À l’instar de Galileo (le système de navigation et positionnement européen) ou de Copernicus (le programme européen d’observation de la terre), la constellation IRIS² incarne la volonté de l’Europe de disposer d’un cap clair pour la protection des données stratégiques et le renforcement de la souveraineté numérique du continent.

Ainsi, c’est un contrat de concession qui est envisagé. En d’autres termes, autorités publiques et entreprises s’accordent sur une délégation de la gestion et de l’exploitation d’une infrastructure, ici IRIS², pour une durée déterminée. Pour l’industrie spatiale européenne, ce contrat représente l’opportunité de faire face à la concurrence internationale car l'essor des services de communication en orbite basse a augmenté les pressions financières qui pèsent sur les opérateurs de satellites en Europe.

Le 16 décembre 2024, tout est en place : établi pour une durée de 12 ans, le contrat de concession prévoit des financement publics et privés, avec notamment un financement de 600 millions d’euros de la part de l’ESA et des financements complémentaires envisagés sur le cadre financier pluriannuel suivant (2028-2035). L’Union européenne confie la conception, le déploiement et l’exploitation de la constellation de satellites au consortium SpaceRISE, tout en conservant un contrôle stratégique sur le projet. 

En outre, la constellation IRIS² devrait pouvoir compter sur des entreprises privées telles que Thales Alenia Space, OHB, Airbus Defence and Space, Telespazio, Deutsche Telekom, Orange, Hisdesat et Thales SIX. Ainsi, début 2025, SpaceRISE a signé, dans l'attente de la signature du contrat final, un contrat d'autorisation de procéder avec Thales Alenia Space pour une durée de trois mois et renouvelable jusqu'à la fin de l'année. 

Pressenti comme architecte de la constellation, Thales Alenia Space est chargé d’étudier la levée de risques de la constellation afin que le consortium puisse être informé de la faisabilité de ce programme. Les centres de contrôle de la constellation retenus sont situés en France (Toulouse), en Italie (Fucino) et au Luxembourg (Bettembourg). Reste en suspens la question essentielle de la disponibilité des lanceurs.

Une constellation multi-orbite pour une connectivité globale et haut débit

Conçue comme une constellation multi-orbite, IRIS² comprend près de 300 satellites déployés en orbites terrestres basse (LEO) et moyenne (MEO). L’objectif affiché est de tirer les bénéfices de différentes technologies pour fournir de la connectivité aux autorités gouvernementales, entreprises privées et particuliers à travers tous les Etats membres, y compris dans les zones blanches, pour garantir une connexion haut débit.

Lors de la 17e Conférence spatiale européenne, en janvier 2025, M. Andrius Kubilius, commissaire lituanien en charge du portefeuille « Défense et Espace », a insisté sur la nécessité, selon lui, que l'Europe renforce sa position sur le marché spatial. En plus d’appeler l’audience à « acheter européen » il a annoncé le lancement d’une Stratégie industrielle spatiale européenne pour soutenir l’industrie dans la recherche et l’innovation, rapatrier les chaînes d'approvisionnement, renforcer les marchés d’exportation et soutenir la commercialisation de l’espace et l’utilisation des données et services spatiaux européens.

Trois niveaux de services pour répondre à des besoins variés

Le 12 février 2025, une réunion d’information organisée par le consortium SpaceRISE s’est tenue à Bruxelles, capital européenne, afin d’exposer certains détails du projet. Le projet IRIS² est conçu sous la forme d’un partenariat public privé dont le succès repose sur la capacité des industriels et opérateur à travailler ensemble, de concert avec les autorités européennes. 

Selon les niveaux de sécurité et d’exigence opérationnelle requis, la constellation IRIS² propose trois catégories de service distinctes, répartis entre « HardGov », « LightGov » et commerciaux. Reposant sur une infrastructure gouvernementale, les services « HardGov » sont conçus pour les utilisateurs gouvernementaux autorisés nécessitant des niveaux de sécurité maximaux et sont servent les applications critiques telles que la gestion de crise, la surveillance et la protection des infrastructures clés. 

Également destinés aux utilisateurs gouvernementaux autorisés, mais avec une infrastructure partagée et commerciale plutôt qu’exclusivement gouvernementale, les services « LightGov » adoptent une approche plus flexible. Enfin, les services commerciaux reposent sur une infrastructure partagée et commerciale et permettent à l’ensemble des utilisateurs d’accéder à des applications variées, notamment l’Internet haut débit mobile et fixe et d’autres solutions de communication professionnelle. 

La constellation IRIS² est conçue pour offrir un réseau résilient et sécurisé en respectant les normes de sécurité et cybersécurité les plus strictes et offrant des services robustes et assurés, tout en reposant sur une infrastructure cloud souveraine pour la gestion des données et des opérations. Lors de cette réunion, la constellation IRIS² a été présentée comme intégrant une automatisation avancée qui permet un contrôle humain pour renforcer la sûreté.

D’autres fonctionnalités ont été dévoilées, notamment l’intégration de capacités 5G et la communication directe entre terminaux via un réseau maillé, conçus pour fonctionner dans divers contextes (fixe permanent ou temporaire en cas de crises, mais aussi mobile, maritime et aérien sur des véhicules), ainsi que la prise en charge les liaisons inter-satellites. La couverture polaire sera assurée grâce aux satellites en orbite MEO et une couverture continentale de l’Europe sera permise en combinant satellites LEO (en altitudes dites « High Shell » et « Low Shell ») et MEO.

L'ambition est assumée, un système opérationnel à l'horizon 2030 avec la construction de centaines de satellites en 18 mois et une volonté certaine : celle de démontrer que l’Europe est sur les starting-blocks dans la course aux constellations.

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IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 

À l’automne 2021, la Commission européenne dévoile son projet : le déploiement d’une constellation de satellites pour garantir son autonomie dans l’espace numérique. Après une étude de faisabilité menée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et un groupe d’industriels européens, le projet est considéré comme viable et peut-être présenté plus en détail.

IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 
IRIS² : le développement d’une constellation satellitaire multi-orbites européenne 

Un projet stratégique porté par un partenariat public-privé

Fin 2021, il est baptisé IRIS² (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite) et doit permettre une connectivité résiliente globale et sécurisée pour assurer l’autonomie stratégique et la capacité de défense de l’Union européenne. Envisagé comme un pilier essentiel du spatial européen il s’agit de prendre en compte la dépendance croissante aux technologies d’information et de communication à travers le monde et le besoin d’anticiper l'accélération de l'économie digitale. Échanger des informations, consulter du contenu multimédia, accéder à des sites marchands ou bénéficier de services en ligne, tant d’utilisations qui ne font que se développer et nécessitent désormais davantage d’infrastructures et de connexions sécurisées.

Partant de ce constat, une première enveloppe budgétaire de 2,4 milliards d’euros est validée en 2022 par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sur la base du cadre financier pluriannuel. Elle est suivie par l’adoption officielle du projet IRIS² par l’Union européenne en février 2023, après des échanges entre industriels, opérateurs et institutions européennes sur la conception et le déploiement des satellites.

Dès le printemps 2023, un appel d’offres est publié, attirant très vite l’intérêt d’entreprises spatiales majeures qui s’engagent dans des négociations concernant notamment le coût de l’initiative et sa faisabilité. L’ESA publie également un appel à participation concernant le contrat de partenariat pour le développement et la validation du projet. En parallèle, l’hébergement d’infrastructures-sol de la constellation fait l’objet d’un appel à candidature pour assurer la gestion des communications et le routage des données à travers le réseau.

À l’instar de Galileo (le système de navigation et positionnement européen) ou de Copernicus (le programme européen d’observation de la terre), la constellation IRIS² incarne la volonté de l’Europe de disposer d’un cap clair pour la protection des données stratégiques et le renforcement de la souveraineté numérique du continent.

Ainsi, c’est un contrat de concession qui est envisagé. En d’autres termes, autorités publiques et entreprises s’accordent sur une délégation de la gestion et de l’exploitation d’une infrastructure, ici IRIS², pour une durée déterminée. Pour l’industrie spatiale européenne, ce contrat représente l’opportunité de faire face à la concurrence internationale car l'essor des services de communication en orbite basse a augmenté les pressions financières qui pèsent sur les opérateurs de satellites en Europe.

Le 16 décembre 2024, tout est en place : établi pour une durée de 12 ans, le contrat de concession prévoit des financement publics et privés, avec notamment un financement de 600 millions d’euros de la part de l’ESA et des financements complémentaires envisagés sur le cadre financier pluriannuel suivant (2028-2035). L’Union européenne confie la conception, le déploiement et l’exploitation de la constellation de satellites au consortium SpaceRISE, tout en conservant un contrôle stratégique sur le projet. 

En outre, la constellation IRIS² devrait pouvoir compter sur des entreprises privées telles que Thales Alenia Space, OHB, Airbus Defence and Space, Telespazio, Deutsche Telekom, Orange, Hisdesat et Thales SIX. Ainsi, début 2025, SpaceRISE a signé, dans l'attente de la signature du contrat final, un contrat d'autorisation de procéder avec Thales Alenia Space pour une durée de trois mois et renouvelable jusqu'à la fin de l'année. 

Pressenti comme architecte de la constellation, Thales Alenia Space est chargé d’étudier la levée de risques de la constellation afin que le consortium puisse être informé de la faisabilité de ce programme. Les centres de contrôle de la constellation retenus sont situés en France (Toulouse), en Italie (Fucino) et au Luxembourg (Bettembourg). Reste en suspens la question essentielle de la disponibilité des lanceurs.

Une constellation multi-orbite pour une connectivité globale et haut débit

Conçue comme une constellation multi-orbite, IRIS² comprend près de 300 satellites déployés en orbites terrestres basse (LEO) et moyenne (MEO). L’objectif affiché est de tirer les bénéfices de différentes technologies pour fournir de la connectivité aux autorités gouvernementales, entreprises privées et particuliers à travers tous les Etats membres, y compris dans les zones blanches, pour garantir une connexion haut débit.

Lors de la 17e Conférence spatiale européenne, en janvier 2025, M. Andrius Kubilius, commissaire lituanien en charge du portefeuille « Défense et Espace », a insisté sur la nécessité, selon lui, que l'Europe renforce sa position sur le marché spatial. En plus d’appeler l’audience à « acheter européen » il a annoncé le lancement d’une Stratégie industrielle spatiale européenne pour soutenir l’industrie dans la recherche et l’innovation, rapatrier les chaînes d'approvisionnement, renforcer les marchés d’exportation et soutenir la commercialisation de l’espace et l’utilisation des données et services spatiaux européens.

Trois niveaux de services pour répondre à des besoins variés

Le 12 février 2025, une réunion d’information organisée par le consortium SpaceRISE s’est tenue à Bruxelles, capital européenne, afin d’exposer certains détails du projet. Le projet IRIS² est conçu sous la forme d’un partenariat public privé dont le succès repose sur la capacité des industriels et opérateur à travailler ensemble, de concert avec les autorités européennes. 

Selon les niveaux de sécurité et d’exigence opérationnelle requis, la constellation IRIS² propose trois catégories de service distinctes, répartis entre « HardGov », « LightGov » et commerciaux. Reposant sur une infrastructure gouvernementale, les services « HardGov » sont conçus pour les utilisateurs gouvernementaux autorisés nécessitant des niveaux de sécurité maximaux et sont servent les applications critiques telles que la gestion de crise, la surveillance et la protection des infrastructures clés. 

Également destinés aux utilisateurs gouvernementaux autorisés, mais avec une infrastructure partagée et commerciale plutôt qu’exclusivement gouvernementale, les services « LightGov » adoptent une approche plus flexible. Enfin, les services commerciaux reposent sur une infrastructure partagée et commerciale et permettent à l’ensemble des utilisateurs d’accéder à des applications variées, notamment l’Internet haut débit mobile et fixe et d’autres solutions de communication professionnelle. 

La constellation IRIS² est conçue pour offrir un réseau résilient et sécurisé en respectant les normes de sécurité et cybersécurité les plus strictes et offrant des services robustes et assurés, tout en reposant sur une infrastructure cloud souveraine pour la gestion des données et des opérations. Lors de cette réunion, la constellation IRIS² a été présentée comme intégrant une automatisation avancée qui permet un contrôle humain pour renforcer la sûreté.

D’autres fonctionnalités ont été dévoilées, notamment l’intégration de capacités 5G et la communication directe entre terminaux via un réseau maillé, conçus pour fonctionner dans divers contextes (fixe permanent ou temporaire en cas de crises, mais aussi mobile, maritime et aérien sur des véhicules), ainsi que la prise en charge les liaisons inter-satellites. La couverture polaire sera assurée grâce aux satellites en orbite MEO et une couverture continentale de l’Europe sera permise en combinant satellites LEO (en altitudes dites « High Shell » et « Low Shell ») et MEO.

L'ambition est assumée, un système opérationnel à l'horizon 2030 avec la construction de centaines de satellites en 18 mois et une volonté certaine : celle de démontrer que l’Europe est sur les starting-blocks dans la course aux constellations.



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