Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune
Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune
© NASA

publié le 20 avril 2017 à 10:39

980 mots

Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune

Le 20 avril 1967, pour la seconde fois, les Américains procédaient à l’atterrissage en douceur d’une sonde sur le sol lunaire. Celle-ci s’inscrivait dans un programme qui devait démontrer la faisabilité d’un débarquement humain sans risque majeur.


Engagés dans la course à la Lune depuis le début des années 60, les Etats-Unis déploient toute une batterie de sondes d’exploration. Après les Lunar Orbiter pour la reconnaissance et la cartographie de la Lune permettant d’identifier les futurs sites d’atterrissage des vaisseaux Apollo, il était nécessaire d’y poser des engins afin d’en savoir plus sur la nature du sol. De nombreuses questions se posaient : quelle épaisseur peut avoir la couche de poussière recouvrant le sol ? Quelle consistance et quelle résistance le sol lunaire a-t-il ? La réponse devait être apportée par les Surveyor (« Arpenteurs »).

 

Encore des premières soviétiques !

Toutefois, les Américains ne sont pas les premiers à se poser sur la Lune : le 3 février 1966, la sonde automatique soviétique Luna 9 réussit le premier atterrissage en douceur sur la Lune, dans l’Océan des Tempêtes. Elle envoie les premières images panoramiques de la surface et, surtout, elle obtient les premières informations sur les propriétés du sol comme la résistance et la compressibilité… Luna 13 réitère l’exploit le 24 décembre. Ces sondes permettent aux Soviétiques de marquer de nouveaux points dans la « conquête de la Lune ». Quelques mois plus tard, des données sont en partie communiquées. Ainsi, on apprend que le sol ressemble à un matériau composé de grains ou de granules faiblement soudés entre eux, avec une densité d’environ 0,8 g/cm3. Toutefois, les résultats sont parcellaires. Dans une publication française, Youri Sourkov reconnaît que « Sous cette couche superficielle se trouve probablement une couche intermédiaire dont la densité et la solidité croissent avec la profondeur. L’épaisseur de cette couche peut différer selon les lieux, mais ne dépasse certainement pas quelques mètres ». Quelques mètres ? Voilà une indication qui ne pouvait guère satisfaire…

 

Sauver l’honneur.

Construit par Hughes sous la direction du Jet Propulsion Laboratory à Pasadena (Californie), les Surveyor sont bâtis sur un châssis triangulaire de tubes d’aluminium reposant sur trois pieds. Dessus, se trouvent les instruments et un mât supportant des cellules solaires et des antennes. D’une masse comprise entre 270 et 305 kg, l’engin a un diamètre total d’un peu plus de 4 m pour une hauteur de 3 m. Il est équipé de trois moteurs dirigeables, contrôlés par un radar embarqué.

Quatre mois après Luna 9, les Américains lancent le premier Surveyor et réussissent enfin à leur tour, le 2 juin, à poser sur le sol lunaire, dans l’Océan des tempêtes, un engin avec une incidence de seulement 5°. L’exploit est accompli ; l’honneur américain est sauf ! Néanmoins, les premières données demandent à être approfondies par la sonde suivante Surveyor 2 qui, malheureusement, s’écrase le 23 septembre sur le sol lunaire, près du cratère Copernic. La troisième mission est attendue avec impatience.

 

Surveyor 3 confirme la possibilité de l’alunissage d’un vaisseau habité.

D’une masse de 296 kg, la troisième sonde Surveyor est lancée avec succès le 17 avril 1967 par un Atlas Centaur, et atterrit sur la Lune deux jours plus tard (après avoir rebondi deux fois) dans l’Océan des tempêtes (ou Mare Cognitium), la plus grande des « mers » lunaires, qui s’étend sur une superficie d’environ 4 millions de kilomètres carrés. Rappelons que ce nom avait été attribué à l’époque moderne en raison d’une superstition qui affirmait que le dernier quartier de la Lune était lié au mauvais temps…

Si la sonde s’est posée selon une incidence de 25°, elle peut néanmoins effectuer sa mission. Dotée notamment d’une caméra de 70 mm, de capteurs magnétiques et de température (comme pour la précédente sonde), la principale nouveauté de Surveyor 3 réside dans la présence d’une pelle de 120 mm de long pour 50 mm de large, située ou bout d’un bras robotique rétractable (d’environ 1,5 m de long) pour ramasser des échantillons du sol. Celle-ci lui a permis de creuser le sol de 18 cm et d’en faire une étude assez précise. Au final, différents tests démontrent que le sol lunaire peut supporter le poids des futurs LM d’Apollo. Quant à la caméra, elle a pris 6 326 photographies avec des détails parfois de quelques millimètres. Précisons que la caméra de Surveyor 3 a également eu l’opportunité de capturer le passage de la Terre devant le Soleil, observant ainsi une éclipse depuis notre satellite naturel, une belle première !

Passant de +120°C en plein Soleil à -150°C à l’ombre, les températures de la surface lunaire ont raison de Surveyor 3, qui cesse d'émettre le 4 mai.

 

Deux ans et demi plus tard…

Le 3 novembre 1969, le vaisseau LM Intrepid d’Apollo 12, occupé par les astronautes Pete Conrad et Alan Bean, alunit à environ 200 mètres de Surveyor 3, une opération encore à ce jour unique. Les deux hommes rendent alors visite à la sonde, l’inspectent et la photographient, puis récupèrent quelques éléments, dont la caméra, pour être ramenés sur Terre, afin d’obtenir des données sur les effets à long terme d’une exposition des matériaux à l’environnement lunaire. Surprise, plusieurs dizaines de bactéries de type Streptococcus mitis ont survécu au milieu hostile de la Lune, alimentant l’idée de la panspermie interplanétaire. Cela incitera notamment la NASA à être plus attentive pour ses missions planétaires (en particulier Mars), de ne pas envoyer des sondes porteuses de bactéries terrestres qui pourraient contaminer les autres mondes. Toutefois, la NASA estime aujourd’hui qu’en réalité la contamination a dû se faire après le retour de la caméra sur Terre, la bactérie incriminée n’étant pas extrêmophile…

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Une publication : Youri Sourkov et Jean Kovalevsky, « Du nouveau sur le sol lunaire », l’Astronomie, vol.82, 1968

Un rapport NASA : Surveyor Program Results, NASA SP-184, Washington D.C., 1969

Des photos prises par Surveyor 3 : voir le site du LPI (Lunar and Planetary Institute)

Une vidéo montrant des séquences du bras et de la pelle de Surveyor 3, 1967, NASA/JPL

 

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20/04/2017 10:39
980 mots

Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune

Le 20 avril 1967, pour la seconde fois, les Américains procédaient à l’atterrissage en douceur d’une sonde sur le sol lunaire. Celle-ci s’inscrivait dans un programme qui devait démontrer la faisabilité d’un débarquement humain sans risque majeur.

Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune
Il y a 50 ans, Surveyor 3 se posait et grattait… la Lune

Engagés dans la course à la Lune depuis le début des années 60, les Etats-Unis déploient toute une batterie de sondes d’exploration. Après les Lunar Orbiter pour la reconnaissance et la cartographie de la Lune permettant d’identifier les futurs sites d’atterrissage des vaisseaux Apollo, il était nécessaire d’y poser des engins afin d’en savoir plus sur la nature du sol. De nombreuses questions se posaient : quelle épaisseur peut avoir la couche de poussière recouvrant le sol ? Quelle consistance et quelle résistance le sol lunaire a-t-il ? La réponse devait être apportée par les Surveyor (« Arpenteurs »).

 

Encore des premières soviétiques !

Toutefois, les Américains ne sont pas les premiers à se poser sur la Lune : le 3 février 1966, la sonde automatique soviétique Luna 9 réussit le premier atterrissage en douceur sur la Lune, dans l’Océan des Tempêtes. Elle envoie les premières images panoramiques de la surface et, surtout, elle obtient les premières informations sur les propriétés du sol comme la résistance et la compressibilité… Luna 13 réitère l’exploit le 24 décembre. Ces sondes permettent aux Soviétiques de marquer de nouveaux points dans la « conquête de la Lune ». Quelques mois plus tard, des données sont en partie communiquées. Ainsi, on apprend que le sol ressemble à un matériau composé de grains ou de granules faiblement soudés entre eux, avec une densité d’environ 0,8 g/cm3. Toutefois, les résultats sont parcellaires. Dans une publication française, Youri Sourkov reconnaît que « Sous cette couche superficielle se trouve probablement une couche intermédiaire dont la densité et la solidité croissent avec la profondeur. L’épaisseur de cette couche peut différer selon les lieux, mais ne dépasse certainement pas quelques mètres ». Quelques mètres ? Voilà une indication qui ne pouvait guère satisfaire…

 

Sauver l’honneur.

Construit par Hughes sous la direction du Jet Propulsion Laboratory à Pasadena (Californie), les Surveyor sont bâtis sur un châssis triangulaire de tubes d’aluminium reposant sur trois pieds. Dessus, se trouvent les instruments et un mât supportant des cellules solaires et des antennes. D’une masse comprise entre 270 et 305 kg, l’engin a un diamètre total d’un peu plus de 4 m pour une hauteur de 3 m. Il est équipé de trois moteurs dirigeables, contrôlés par un radar embarqué.

Quatre mois après Luna 9, les Américains lancent le premier Surveyor et réussissent enfin à leur tour, le 2 juin, à poser sur le sol lunaire, dans l’Océan des tempêtes, un engin avec une incidence de seulement 5°. L’exploit est accompli ; l’honneur américain est sauf ! Néanmoins, les premières données demandent à être approfondies par la sonde suivante Surveyor 2 qui, malheureusement, s’écrase le 23 septembre sur le sol lunaire, près du cratère Copernic. La troisième mission est attendue avec impatience.

 

Surveyor 3 confirme la possibilité de l’alunissage d’un vaisseau habité.

D’une masse de 296 kg, la troisième sonde Surveyor est lancée avec succès le 17 avril 1967 par un Atlas Centaur, et atterrit sur la Lune deux jours plus tard (après avoir rebondi deux fois) dans l’Océan des tempêtes (ou Mare Cognitium), la plus grande des « mers » lunaires, qui s’étend sur une superficie d’environ 4 millions de kilomètres carrés. Rappelons que ce nom avait été attribué à l’époque moderne en raison d’une superstition qui affirmait que le dernier quartier de la Lune était lié au mauvais temps…

Si la sonde s’est posée selon une incidence de 25°, elle peut néanmoins effectuer sa mission. Dotée notamment d’une caméra de 70 mm, de capteurs magnétiques et de température (comme pour la précédente sonde), la principale nouveauté de Surveyor 3 réside dans la présence d’une pelle de 120 mm de long pour 50 mm de large, située ou bout d’un bras robotique rétractable (d’environ 1,5 m de long) pour ramasser des échantillons du sol. Celle-ci lui a permis de creuser le sol de 18 cm et d’en faire une étude assez précise. Au final, différents tests démontrent que le sol lunaire peut supporter le poids des futurs LM d’Apollo. Quant à la caméra, elle a pris 6 326 photographies avec des détails parfois de quelques millimètres. Précisons que la caméra de Surveyor 3 a également eu l’opportunité de capturer le passage de la Terre devant le Soleil, observant ainsi une éclipse depuis notre satellite naturel, une belle première !

Passant de +120°C en plein Soleil à -150°C à l’ombre, les températures de la surface lunaire ont raison de Surveyor 3, qui cesse d'émettre le 4 mai.

 

Deux ans et demi plus tard…

Le 3 novembre 1969, le vaisseau LM Intrepid d’Apollo 12, occupé par les astronautes Pete Conrad et Alan Bean, alunit à environ 200 mètres de Surveyor 3, une opération encore à ce jour unique. Les deux hommes rendent alors visite à la sonde, l’inspectent et la photographient, puis récupèrent quelques éléments, dont la caméra, pour être ramenés sur Terre, afin d’obtenir des données sur les effets à long terme d’une exposition des matériaux à l’environnement lunaire. Surprise, plusieurs dizaines de bactéries de type Streptococcus mitis ont survécu au milieu hostile de la Lune, alimentant l’idée de la panspermie interplanétaire. Cela incitera notamment la NASA à être plus attentive pour ses missions planétaires (en particulier Mars), de ne pas envoyer des sondes porteuses de bactéries terrestres qui pourraient contaminer les autres mondes. Toutefois, la NASA estime aujourd’hui qu’en réalité la contamination a dû se faire après le retour de la caméra sur Terre, la bactérie incriminée n’étant pas extrêmophile…

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Une publication : Youri Sourkov et Jean Kovalevsky, « Du nouveau sur le sol lunaire », l’Astronomie, vol.82, 1968

Un rapport NASA : Surveyor Program Results, NASA SP-184, Washington D.C., 1969

Des photos prises par Surveyor 3 : voir le site du LPI (Lunar and Planetary Institute)

Une vidéo montrant des séquences du bras et de la pelle de Surveyor 3, 1967, NASA/JPL

 



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