Après deux succès en novembre 1965 et février 1966, la France procèdait le 8 février 1967 au troisième lancement de son Diamant plaçant sur orbite Diadème 1. Quelle portée a eu l’événement ?
Avec le premier tir de Diamant A (lanceur construit par la SEREB sous la responsabilité des militaires) le 26 novembre 1965, les techniciens français démontraient leur capacité à envoyer dans l’espace A-1 (Armées n°1), une petite capsule technologique (rebaptisée Astérix) destinée à valider le lanceur. Si le satellite n’a jamais fonctionné, il a en revanche permis à notre pays de faire sa révolution balistique, comme l’URSS huit ans plus tôt. Toutefois, pour que l’aventure spatiale nationale à caractère scientifique soit possible, il fallait développer les technologies nécessaires, les instruments, les composants, les matériaux… C’est la raison pour laquelle le jeune CNES, créé en décembre 1961, décide début 1963 un programme spécifique appelé D-1 (D pour Diamant) ; quatre exemplaires sont prévus pour être lancés par Diamant. Toutefois, les militaires tenaient à ce que le second lancement emporte encore une capsule technologique, la satellisation des D1 passant après…
FR-1 change la donne.
Entre temps, le premier satellite scientifique du CNES, le FR-1, est élaboré en coopération avec les Etats-Unis qui en assurent également le lancement le 6 décembre 1965. Ce petit satellite, qui a nécessité trois ans d’efforts de la part des spécialistes français, est consacré à l’étude des propriétés des ondes TBF et des irrégularités de la distribution de l’ionisation dans la magnétosphère. Le succès est au rendez-vous.
Ainsi, l’éclatante réussite du FR-1 et le semi-échec du A-1 (mis sur orbite, mais muet) convainquent les militaires de laisser Diamant A n°2 lancer le premier D-1 en lieu et place d’un hypothétique A-2. Le 17 février 1966, D-1A, rebaptisé Diapason, est placé sur orbite pour effectuer une étude expérimentale de géodésie par mesure d’effet Doppler. Face au succès du D1A (fonctionnant jusqu’en janvier 1972), le frère jumeau D-1B n’est pas lancé, les responsables préférant passer directement aux D-1C et D-1D, aussi appelés Diadème 1 et 2.
Caractéristiques des Diadème.
Si les Diadème dérivent de Diapason, il y a cependant plusieurs différences technologiques notables. Premièrement, alors que Diapason est stabilisé par rotation, les Diadème sont des satellites à stabilisation magnétique passive, leur axe géométrique étant aligné sur le champ de force magnétique terrestre (en utilisant des aimants fixés sur les panneaux solaires). Deuxièmement, les Diadème ne se seront pas télécommandés depuis le sol. Enfin, l’orbite et l’inclinaison seront également différentes.
Construit par Matra (le satellite) et Electronique Marcel Dassault (la case d’équipements) sous la conduite du CNES, les Diadème présentent un diamètre de 50 cm pour une masse de 22 kg. Ils sont dotés de cellules solaires pour recharger la batterie de leurs deux émetteurs radios, mais aussi et surtout sont composés d’un réflecteur laser. Précisons que l’idée d’installer un réflecteur laser vient alors du professeur Jacques Blamont, directeur scientifique et technique du CNES. Ce dernier venait tout juste de réaliser une expérience franco-américaine de télémétrie laser à l’Observatoire de Haute Provence, où des tirs avaient été effectués fin 1964 sur le satellite américain Beacon B. Ainsi, au lieu de tirer sur un satellite américain, Jacques Blamont proposait de le faire sur des satellites nationaux…
Une mission de géodésie.
Grâce aux réflecteurs des deux Diadème, il est alors possible de mesurer de manière très précise la distance qui sépare le satellite de la station émettrice du rayon laser, créant des repères géodésiques.
La géodésie est une très ancienne science qui cherche à en savoir plus sur la forme et la structure de notre planète, mais aussi sur son champ de gravité. Déjà, au IIIème siècle av. JC, on rapporte qu’Eratosthène aurait mesuré les angles d’ombres sur différents points de la Terre à un moment donné et, de ce fait, aurait déterminé le rayon terrestre… Si d’autres tentatives ont eu lieu à d’autres époques, il faut cependant attendre le XXème siècle pour que la géodésie devienne une véritable science.
Avec l’avènement des missiles, il n’y pas que les scientifiques qui s’intéressent à la géodésie. Cette dernière permet de mesurer avec précision des positions (latitude, longitude, altitude) ; or ce genre d’informations est important pour notamment le guidage d’un missile.
Lancement et conséquence.
Le 8 février, à 9 heures et 39 minutes, Diamant A n°3 décolle depuis la base Brigitte d’Hammaguir. A H+510 secondes, le troisième étage réussit à placer sur orbite le troisième satellite français. Il atteint l’orbite de 572 km de périgée et 1 353 km d’apogée.
L’expérimentation géodésique est organisée depuis trois sites : à l’Observatoire de Haute Provence, à Stéphanion dans le Péloponnèse et à Colomb-Béchar. La campagne scientifique est placée sous la responsabilité de Jean Kovalevsky, chef du Service des calculs et de mécanique céleste du Bureau des Longitudes. Les observations sont fructueuses et, comme s’en souvient Jean Kovalevsky, grâce aux données issues de Diadème, « la géodésie spatiale française s’était hissée au niveau mondial ».
Quant à Diadème 1, s’il cesse officiellement de fonctionner le 2 janvier 1970, il continue de tourner autour de la Terre...
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Un article : « Naissance de la géodésie spatiale en France », J. Kovalevsky, in Des premières expériences scientifiques aux premiers satellites, IFHE, ESA SP-472, 2001, Noordwijk, 2001, pp. 101-107.
Un site : Nos premières années, de Michel Taillade
Pour suivre la trajectoire de Diadème 1, voir le site N2YO.com
Une vidéo : reportage promotionnel de 1968 présentant les premiers satellites français FR-1, Diapason et Diadème, sur le site du CNES
Après deux succès en novembre 1965 et février 1966, la France procèdait le 8 février 1967 au troisième lancement de son Diamant plaçant sur orbite Diadème 1. Quelle portée a eu l’événement ?
Avec le premier tir de Diamant A (lanceur construit par la SEREB sous la responsabilité des militaires) le 26 novembre 1965, les techniciens français démontraient leur capacité à envoyer dans l’espace A-1 (Armées n°1), une petite capsule technologique (rebaptisée Astérix) destinée à valider le lanceur. Si le satellite n’a jamais fonctionné, il a en revanche permis à notre pays de faire sa révolution balistique, comme l’URSS huit ans plus tôt. Toutefois, pour que l’aventure spatiale nationale à caractère scientifique soit possible, il fallait développer les technologies nécessaires, les instruments, les composants, les matériaux… C’est la raison pour laquelle le jeune CNES, créé en décembre 1961, décide début 1963 un programme spécifique appelé D-1 (D pour Diamant) ; quatre exemplaires sont prévus pour être lancés par Diamant. Toutefois, les militaires tenaient à ce que le second lancement emporte encore une capsule technologique, la satellisation des D1 passant après…
FR-1 change la donne.
Entre temps, le premier satellite scientifique du CNES, le FR-1, est élaboré en coopération avec les Etats-Unis qui en assurent également le lancement le 6 décembre 1965. Ce petit satellite, qui a nécessité trois ans d’efforts de la part des spécialistes français, est consacré à l’étude des propriétés des ondes TBF et des irrégularités de la distribution de l’ionisation dans la magnétosphère. Le succès est au rendez-vous.
Ainsi, l’éclatante réussite du FR-1 et le semi-échec du A-1 (mis sur orbite, mais muet) convainquent les militaires de laisser Diamant A n°2 lancer le premier D-1 en lieu et place d’un hypothétique A-2. Le 17 février 1966, D-1A, rebaptisé Diapason, est placé sur orbite pour effectuer une étude expérimentale de géodésie par mesure d’effet Doppler. Face au succès du D1A (fonctionnant jusqu’en janvier 1972), le frère jumeau D-1B n’est pas lancé, les responsables préférant passer directement aux D-1C et D-1D, aussi appelés Diadème 1 et 2.
Caractéristiques des Diadème.
Si les Diadème dérivent de Diapason, il y a cependant plusieurs différences technologiques notables. Premièrement, alors que Diapason est stabilisé par rotation, les Diadème sont des satellites à stabilisation magnétique passive, leur axe géométrique étant aligné sur le champ de force magnétique terrestre (en utilisant des aimants fixés sur les panneaux solaires). Deuxièmement, les Diadème ne se seront pas télécommandés depuis le sol. Enfin, l’orbite et l’inclinaison seront également différentes.
Construit par Matra (le satellite) et Electronique Marcel Dassault (la case d’équipements) sous la conduite du CNES, les Diadème présentent un diamètre de 50 cm pour une masse de 22 kg. Ils sont dotés de cellules solaires pour recharger la batterie de leurs deux émetteurs radios, mais aussi et surtout sont composés d’un réflecteur laser. Précisons que l’idée d’installer un réflecteur laser vient alors du professeur Jacques Blamont, directeur scientifique et technique du CNES. Ce dernier venait tout juste de réaliser une expérience franco-américaine de télémétrie laser à l’Observatoire de Haute Provence, où des tirs avaient été effectués fin 1964 sur le satellite américain Beacon B. Ainsi, au lieu de tirer sur un satellite américain, Jacques Blamont proposait de le faire sur des satellites nationaux…
Une mission de géodésie.
Grâce aux réflecteurs des deux Diadème, il est alors possible de mesurer de manière très précise la distance qui sépare le satellite de la station émettrice du rayon laser, créant des repères géodésiques.
La géodésie est une très ancienne science qui cherche à en savoir plus sur la forme et la structure de notre planète, mais aussi sur son champ de gravité. Déjà, au IIIème siècle av. JC, on rapporte qu’Eratosthène aurait mesuré les angles d’ombres sur différents points de la Terre à un moment donné et, de ce fait, aurait déterminé le rayon terrestre… Si d’autres tentatives ont eu lieu à d’autres époques, il faut cependant attendre le XXème siècle pour que la géodésie devienne une véritable science.
Avec l’avènement des missiles, il n’y pas que les scientifiques qui s’intéressent à la géodésie. Cette dernière permet de mesurer avec précision des positions (latitude, longitude, altitude) ; or ce genre d’informations est important pour notamment le guidage d’un missile.
Lancement et conséquence.
Le 8 février, à 9 heures et 39 minutes, Diamant A n°3 décolle depuis la base Brigitte d’Hammaguir. A H+510 secondes, le troisième étage réussit à placer sur orbite le troisième satellite français. Il atteint l’orbite de 572 km de périgée et 1 353 km d’apogée.
L’expérimentation géodésique est organisée depuis trois sites : à l’Observatoire de Haute Provence, à Stéphanion dans le Péloponnèse et à Colomb-Béchar. La campagne scientifique est placée sous la responsabilité de Jean Kovalevsky, chef du Service des calculs et de mécanique céleste du Bureau des Longitudes. Les observations sont fructueuses et, comme s’en souvient Jean Kovalevsky, grâce aux données issues de Diadème, « la géodésie spatiale française s’était hissée au niveau mondial ».
Quant à Diadème 1, s’il cesse officiellement de fonctionner le 2 janvier 1970, il continue de tourner autour de la Terre...
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Un article : « Naissance de la géodésie spatiale en France », J. Kovalevsky, in Des premières expériences scientifiques aux premiers satellites, IFHE, ESA SP-472, 2001, Noordwijk, 2001, pp. 101-107.
Un site : Nos premières années, de Michel Taillade
Pour suivre la trajectoire de Diadème 1, voir le site N2YO.com
Une vidéo : reportage promotionnel de 1968 présentant les premiers satellites français FR-1, Diapason et Diadème, sur le site du CNES
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