Le 26 avril 1990, la navette spatiale américaine Discovery déployait sur orbite Hubble, un télescope qui allait révolutionner la connaissance de l’Univers.
Établir en quelques lignes un bilan scientifique du télescope spatial Hubble, ou Hubble Space Telescope (HST), est hasardeux, pour ne pas dire impossible. A défaut de pouvoir le faire, évoquons brièvement l’histoire et quelques-unes des principales découvertes de Hubble qui, 35 ans plus tard, est encore fonctionnel mais en régime restreint en raison des dysfonctionnements ou pannes successives des servitudes du satellite (module de mémoire de l’ordinateur de bord, gyroscopes, etc.).
L’idée du HST est avancée au cours des années 1970, à la suite du succès des télescopes spatiaux OAO (Orbiting Astronomical Observatory) en activité en 1966-1981. Les astronomes rêvent alors d’un grand télescope orbital. Dans l’esprit des concepteurs, il s’agirait de disposer d’un outil qui, situé en dehors de l’atmosphère, aura l’avantage de ne pas être gêné par l’atmosphère qui « obscurcit » l’imagerie, absorbant le rayonnement électromagnétique à certaines longueurs d’onde (notamment l’infrarouge). Le grand télescope est alors pensé pour être lancé et être réparé à l’aide d’un vaisseau révolutionnaire en cours de développement : la navette spatiale. Pour cela, cette dernière dispose d’une capacité d’emport adaptée (soute) devant assurer la maintenance avec des équipements spécifiques (bras robotique pour sortir / récupérer le télescope et amener les astronautes à sa proximité, outils faciles d’emploi, etc.), tandis que le télescope doit avoir les dimensions nécessaires à son insertion dans la soute et avoir des facilités pour la maintenance (mains courantes, interconnexions peu nombreuses et pratiques à manipuler, etc.).
Pour développer le grand télescope, la NASA fait appel à ses centres les plus compétents comme le Marshall Space Flight Center (maîtrise d’œuvre) et le Goddard Space Flight Center (conception des instruments) qui sollicitent de nombreuses entreprises (Perkin-Elmer, Lockheed, Coming, etc.). Le développement prend du temps en raison des coûts (2 milliards de dollars) et de la difficulté à réaliser certains instruments, principalement la partie optique avec le miroir primaire de 2,4 m de diamètre devant avoir une précision inégalée de 10 nanomètres. En 1977, l’Europe rejoint le programme à hauteur de 15 %, fournissant notamment les panneaux solaires et la caméra FOC (Faint Objects Camera), capable d'observer des objets 30 fois moins lumineux que ceux que l'on peut observer au sol.
D’un diamètre de 4,2 m, d’une longueur de 15,9 m pour une masse totale d’environ 11.110 kg (au lancement), le télescope doit fournir des images allant de l’ultraviolet à l’infrarouge. Celui-ci est baptisé en octobre 1983 « Hubble », en l’honneur du célèbre astronome américain Edwin Hubble (qui a démontré dans les années 1920 qu’il existait de nombreuses autres galaxies en dehors de la nôtre).
Le 24 avril 1990, la navette Discovery (mission STS-31) décolle avec à bord cinq astronautes entraînés et particulièrement expérimentés : Loren Shriver (commandant, 2e vol), Charles Bolden (pilote, 2e vol, futur administrateur de la NASA en 2009-17), Steven Hawley (3e vol), Bruce McCandless II (2e vol, 1er astronaute à avoir fait une sortie extravéhiculaire (EVA) non attachée en 1984), Kathryn Sullivan (2e vol, 1ère Américaine à réaliser une EVA en 1984). Le 26 avril, à 19h38 (TU), Steven Hawley utilise le bras télécommandé pour sortir délicatement le HST de la soute, puis les antennes et les panneaux solaires sont déployés. Le succès est total, Hubble se trouve alors à 612 km d’altitude sur une orbite inclinée de 28,5° sur l’équateur.
Quelques jours plus tard, alors que la navette est revenue sur Terre, les spécialistes constatent que les premières photos prises par le télescope sont… floues ! Le miroir est trop plat à sa périphérie de 2 microns. Heureusement, le HST est appelé à être entretenu sur orbite et, de ce fait, la première mission de maintenance est consacrée en décembre 1993 à la correction du miroir lors de la mission STS-61 (Endeavour). Quatre autres missions suivent (février 1997, décembre 1999, mars 2002, mai 2009) permettant de remplacer plusieurs instruments et éléments du télescope, lui garantissant une durée de vie particulièrement longue.
Pour en savoir plus sur le passionnant sauvetage du HST, nous vous conseillons la lecture de l'ouvrage À l'école de l'espace – L'Astronautique face aux épreuves, paru chez Ginkgo éditeur.
L’une des principales missions de Hubble a été de tenter d’évaluer la taille et l’âge de l’Univers, des étoiles ou encore des galaxies lointaines. En 2000, Gustav Tammann, astronome à l’université de Bâle, affirmait que grâce au HST « la cosmologie a accompli des progrès prodigieux. Nous avons aujourd’hui une image beaucoup moins parcellaire de l’Univers, avancée impensable il y cinq ans encore, alors que la cosmologie traversait une phase de crise. Nous avons pu vivre ce changement spectaculaire qui nous a fait passer de la misère à la gloire ! ». Hubble a scruté en détail des galaxies actives ou en interaction, a mesuré avec précision la distance de galaxies proches et a découvert des milliers de galaxies lointaines, révélant que leur nombre dans l'Univers est plus important qu'on ne le pensait. En observant galaxies et étoiles, il a ainsi permis de mieux comprendre notre propre Voie lactée.
Hubble a aussi été exploité pour en savoir plus sur des objets astronomiques singuliers, comme les quasars et les trous noirs, ou encore pour approcher au plus près les « pouponnières d’étoiles », des nébuleuses (Orion, Aigle, etc.) dans lesquelles se trouvent des amas d’étoiles jeunes, y décelant des disques de poussière où se développent très probablement des systèmes planétaires. Hubble a même observé de spectaculaires jets de matière éjectés par des étoiles au premier stade de leur vie.
Le HST a également étudié notre système solaire, notamment la dynamique et l’évolution de l’atmosphère des géantes gazeuses, de leurs phénomènes météorologiques (tempêtes, manifestations lumineuses semblables aux aurores boréales de la Terre), mais aussi les anneaux de Saturne, le volcanisme de la lune Io, la rotation étrange d’Uranus et celle de l’astéroïde Vesta, etc. Enfin, il a pu suivre des événements spectaculaires, comme la comète Shoemaker-Levy 9 plongeant dans l’atmosphère de Jupiter (16-22 juillet 1994).
Peu à peu, le HST nous a fait prendre conscience de la « beauté violente » de l’Univers et du fait que nous en occupons finalement un endroit quelconque… L’ancien directeur scientifique de l’Agence spatiale européenne Roger-Maurice Bonnet affirmait, il y a quelques années, que « notre vision de l’Univers a changé avec Hubble ».
- Un ouvrage : The Hubble Cosmos : 25 Years of New Vistas in Space, David DEVORKIN, Robert W. SMITH, Robert P. KIRSHNER, National Geographic, 2015
- Un article : « Hubble : tout savoir sur le télescope spatial », Eric Bottlaender, 27 février 2020, clubic.com
- Une brochure : « 10 ans d’observations… une vision nouvelle de l’Univers », Publications ESA BR-157F, avril 2000
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Le 26 avril 1990, la navette spatiale américaine Discovery déployait sur orbite Hubble, un télescope qui allait révolutionner la connaissance de l’Univers.
Établir en quelques lignes un bilan scientifique du télescope spatial Hubble, ou Hubble Space Telescope (HST), est hasardeux, pour ne pas dire impossible. A défaut de pouvoir le faire, évoquons brièvement l’histoire et quelques-unes des principales découvertes de Hubble qui, 35 ans plus tard, est encore fonctionnel mais en régime restreint en raison des dysfonctionnements ou pannes successives des servitudes du satellite (module de mémoire de l’ordinateur de bord, gyroscopes, etc.).
L’idée du HST est avancée au cours des années 1970, à la suite du succès des télescopes spatiaux OAO (Orbiting Astronomical Observatory) en activité en 1966-1981. Les astronomes rêvent alors d’un grand télescope orbital. Dans l’esprit des concepteurs, il s’agirait de disposer d’un outil qui, situé en dehors de l’atmosphère, aura l’avantage de ne pas être gêné par l’atmosphère qui « obscurcit » l’imagerie, absorbant le rayonnement électromagnétique à certaines longueurs d’onde (notamment l’infrarouge). Le grand télescope est alors pensé pour être lancé et être réparé à l’aide d’un vaisseau révolutionnaire en cours de développement : la navette spatiale. Pour cela, cette dernière dispose d’une capacité d’emport adaptée (soute) devant assurer la maintenance avec des équipements spécifiques (bras robotique pour sortir / récupérer le télescope et amener les astronautes à sa proximité, outils faciles d’emploi, etc.), tandis que le télescope doit avoir les dimensions nécessaires à son insertion dans la soute et avoir des facilités pour la maintenance (mains courantes, interconnexions peu nombreuses et pratiques à manipuler, etc.).
Pour développer le grand télescope, la NASA fait appel à ses centres les plus compétents comme le Marshall Space Flight Center (maîtrise d’œuvre) et le Goddard Space Flight Center (conception des instruments) qui sollicitent de nombreuses entreprises (Perkin-Elmer, Lockheed, Coming, etc.). Le développement prend du temps en raison des coûts (2 milliards de dollars) et de la difficulté à réaliser certains instruments, principalement la partie optique avec le miroir primaire de 2,4 m de diamètre devant avoir une précision inégalée de 10 nanomètres. En 1977, l’Europe rejoint le programme à hauteur de 15 %, fournissant notamment les panneaux solaires et la caméra FOC (Faint Objects Camera), capable d'observer des objets 30 fois moins lumineux que ceux que l'on peut observer au sol.
D’un diamètre de 4,2 m, d’une longueur de 15,9 m pour une masse totale d’environ 11.110 kg (au lancement), le télescope doit fournir des images allant de l’ultraviolet à l’infrarouge. Celui-ci est baptisé en octobre 1983 « Hubble », en l’honneur du célèbre astronome américain Edwin Hubble (qui a démontré dans les années 1920 qu’il existait de nombreuses autres galaxies en dehors de la nôtre).
Le 24 avril 1990, la navette Discovery (mission STS-31) décolle avec à bord cinq astronautes entraînés et particulièrement expérimentés : Loren Shriver (commandant, 2e vol), Charles Bolden (pilote, 2e vol, futur administrateur de la NASA en 2009-17), Steven Hawley (3e vol), Bruce McCandless II (2e vol, 1er astronaute à avoir fait une sortie extravéhiculaire (EVA) non attachée en 1984), Kathryn Sullivan (2e vol, 1ère Américaine à réaliser une EVA en 1984). Le 26 avril, à 19h38 (TU), Steven Hawley utilise le bras télécommandé pour sortir délicatement le HST de la soute, puis les antennes et les panneaux solaires sont déployés. Le succès est total, Hubble se trouve alors à 612 km d’altitude sur une orbite inclinée de 28,5° sur l’équateur.
Quelques jours plus tard, alors que la navette est revenue sur Terre, les spécialistes constatent que les premières photos prises par le télescope sont… floues ! Le miroir est trop plat à sa périphérie de 2 microns. Heureusement, le HST est appelé à être entretenu sur orbite et, de ce fait, la première mission de maintenance est consacrée en décembre 1993 à la correction du miroir lors de la mission STS-61 (Endeavour). Quatre autres missions suivent (février 1997, décembre 1999, mars 2002, mai 2009) permettant de remplacer plusieurs instruments et éléments du télescope, lui garantissant une durée de vie particulièrement longue.
Pour en savoir plus sur le passionnant sauvetage du HST, nous vous conseillons la lecture de l'ouvrage À l'école de l'espace – L'Astronautique face aux épreuves, paru chez Ginkgo éditeur.
L’une des principales missions de Hubble a été de tenter d’évaluer la taille et l’âge de l’Univers, des étoiles ou encore des galaxies lointaines. En 2000, Gustav Tammann, astronome à l’université de Bâle, affirmait que grâce au HST « la cosmologie a accompli des progrès prodigieux. Nous avons aujourd’hui une image beaucoup moins parcellaire de l’Univers, avancée impensable il y cinq ans encore, alors que la cosmologie traversait une phase de crise. Nous avons pu vivre ce changement spectaculaire qui nous a fait passer de la misère à la gloire ! ». Hubble a scruté en détail des galaxies actives ou en interaction, a mesuré avec précision la distance de galaxies proches et a découvert des milliers de galaxies lointaines, révélant que leur nombre dans l'Univers est plus important qu'on ne le pensait. En observant galaxies et étoiles, il a ainsi permis de mieux comprendre notre propre Voie lactée.
Hubble a aussi été exploité pour en savoir plus sur des objets astronomiques singuliers, comme les quasars et les trous noirs, ou encore pour approcher au plus près les « pouponnières d’étoiles », des nébuleuses (Orion, Aigle, etc.) dans lesquelles se trouvent des amas d’étoiles jeunes, y décelant des disques de poussière où se développent très probablement des systèmes planétaires. Hubble a même observé de spectaculaires jets de matière éjectés par des étoiles au premier stade de leur vie.
Le HST a également étudié notre système solaire, notamment la dynamique et l’évolution de l’atmosphère des géantes gazeuses, de leurs phénomènes météorologiques (tempêtes, manifestations lumineuses semblables aux aurores boréales de la Terre), mais aussi les anneaux de Saturne, le volcanisme de la lune Io, la rotation étrange d’Uranus et celle de l’astéroïde Vesta, etc. Enfin, il a pu suivre des événements spectaculaires, comme la comète Shoemaker-Levy 9 plongeant dans l’atmosphère de Jupiter (16-22 juillet 1994).
Peu à peu, le HST nous a fait prendre conscience de la « beauté violente » de l’Univers et du fait que nous en occupons finalement un endroit quelconque… L’ancien directeur scientifique de l’Agence spatiale européenne Roger-Maurice Bonnet affirmait, il y a quelques années, que « notre vision de l’Univers a changé avec Hubble ».
- Un ouvrage : The Hubble Cosmos : 25 Years of New Vistas in Space, David DEVORKIN, Robert W. SMITH, Robert P. KIRSHNER, National Geographic, 2015
- Un article : « Hubble : tout savoir sur le télescope spatial », Eric Bottlaender, 27 février 2020, clubic.com
- Une brochure : « 10 ans d’observations… une vision nouvelle de l’Univers », Publications ESA BR-157F, avril 2000
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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