Après l’échec de satellisation fin août 1995 de FASat-Alfa, un second FASat était placé avec succès sur orbite trois ans plus tard : le Chili faisait ses premiers pas dans l’espace.
[Suite de l’article publié le 4 septembre 2025]
Seconde partie : De FASat-Bravo au Centre spatial national
Le 10 juillet 1998, depuis Baïkonour, une fusée ukrainienne Zenit 2 décolle et place sur orbite le satellite Resours 01-4 accompagné de charges secondaires, dont le petit satellite chilien FASat-Bravo. Ce dernier, placé sur une orbite quasi-circulaire héliosynchrone à 820 km avec une inclinaison de 98,1º, mène des études sur l’ozone, tout en effectuant de la télédétection sur le territoire chilien, en passant par la mer, les îles jusqu’à l’Antarctique. Pour cela, le satellite est équipé de deux caméras monochromes, l’une ayant un grand angle avec une résolution au sol de 2 km et un champ de vision de 1 500 km par 1 050 km, l’autre un petit angle avec une résolution de 200 m et un champ de vision d'environ 150 km par 100 km. Le satellite embarque également un équipement de transfert de données, un récepteur GPS et un programme éducatif (télémétrie) pour les écoles chiliennes. FASat-Bravo fonctionne avec succès pendant près de trois ans. Les batteries épuisées, le satellite cesse son activité en juin 2001. Au total, il a pris 1 273 images du Chili et, concernant la couche d’ozone, il a récolté de nombreuses mesures qui ont été partagées avec des centres de recherche d’autres nations, dont les Etats-Unis.
Encouragés par le succès, les Chiliens désirent un nouveau satellite dual (civil et militaire) entièrement dédié à l’observation de la Terre. Le 25 juillet 2008, un contrat de développement est signé entre le ministère de la Défense chilien et le groupe européen EADS / Astrium (aujourd’hui Airbus) pour construire le Sistema Satelital para Observación de la Tierra (SSOT) ou FASat-Charlie. L’accord prévoit un partenariat complet, de la réalisation du satellite à la formation d’un personnel qualifié (pour notamment exploiter et contrôler le satellite au Chili), jusqu’au lancement (devant être assuré par un Soyouz-Fregat russe depuis la Guyane française). D’une masse totale de 117 kg, le satellite, prévu pour une durée de vie de 5 ans, doit obtenir des images de très haute qualité et à haute résolution (1,45 m en mode panchromatique et 5,8 m en mode multispectral), pouvant être utilisées dans une grande variété d'applications : gestion de l’agriculture, des forêts, des ressources en eau, minérales et pétrolières, contrôle des frontières, faire de la prévention face aux catastrophes naturelles ou industrielles, etc.
FASat-Charlie ou SSOT est lancé avec succès le 16 décembre 2011 (en compagnie du satellite français Pléiades et de quatre autres microsatellites). Il est placé sur une orbite de 596 km par 611 km, avec une inclinaison de près de 98°.
Le succès encourage les Force Aériennes chiliennes (FACh) à aller de l’avant. Elles mettent en place une véritable politique spatiale appelée Système national spatial (SNS) structurée autour de deux grands projets. Le premier est la création du Centre spatial national (Centro Espacial Nacional, CEN), installé au centre de Cerrillos. L’aménagement du site commence au printemps 2024. L’objectif est de créer « un pôle de développement scientifique et technologique » spécialisé dans l’observation de la Terre, où se trouveront un centre de contrôle (pour les satellites), un laboratoire de développement des technologies spatiales (pour y intégrer des satellites), un laboratoire de science des données (pour traiter les informations récoltées par les satellites), un laboratoire d’entrepreneuriat et d’innovations (pour former des spécialistes). Une étape décisive est ainsi en train de s’opérer avec une ambition, celle d’une part de faire du Chili une nation investie dans le spatial et, d’autre part, « d’avoir le leadership régional en matière de technologies spatiales ».
Le second grand projet du SNS est le développement du Système national de satellites (SNSat) s’appuyant d’abord sur les satellites FASat, mais aussi sur un Système national de télécommunications par satellites (SNSatCom), ainsi qu’un éventuel Système régional de satellites (SRSat).
En attendant, la série des FASat se poursuit avec le FASat-Delta (ou Runner 1) qui, lancé le 12 juin 2023 depuis Vandenberg par un Falcon 9 et placé sur une orbite héliosynchrone à 500 km, inaugure une série de satellites devant former une constellation pour assurer en permanence l’observation optique du Chili. D’une masse totale de 86 kg, il est doté « d’une capacité d'imagerie et de vidéo en couleur pour les clients du renseignement commercial et gouvernemental ». Pour cela, il dispose d'un télescope de 35 cm capable de livrer des images en couleur avec une résolution au sol de 71 cm et une largeur de fauchée de 5,6 km. Quant à la réalisation du satellite, après un appel d’offre, elle revient au groupe italien Tyvak (spécialisé dans la conception de petits satellites), filiale de l’Américain Terran Orbital (qui fournit la plateforme du satellite).
Ainsi, le développement de satellites et engins spatiaux permet au Chili de se doter des capacités technologiques en favorisant la coopération entre les industries locales et international. Le directeur du CEN, le colonel de l'armée de l'air Hector Contreras, espère que « avec ces projets, [nous progresserons] vers la souveraineté spatiale, en général avec nos propres connaissances et technologies ».
- Deux articles :
« Ingeniería: ¿Qué hace un satélite chileno en el espacio? », 21 novembre 2013, sur le site Explora,
« Chile’s first National Space Center reaches 85% completion », 6 août 2025, sur le site d’information Gob.cl,
- La page du site eoPortal dédiée à FASat-Bravo.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Après l’échec de satellisation fin août 1995 de FASat-Alfa, un second FASat était placé avec succès sur orbite trois ans plus tard : le Chili faisait ses premiers pas dans l’espace.
[Suite de l’article publié le 4 septembre 2025]
Seconde partie : De FASat-Bravo au Centre spatial national
Le 10 juillet 1998, depuis Baïkonour, une fusée ukrainienne Zenit 2 décolle et place sur orbite le satellite Resours 01-4 accompagné de charges secondaires, dont le petit satellite chilien FASat-Bravo. Ce dernier, placé sur une orbite quasi-circulaire héliosynchrone à 820 km avec une inclinaison de 98,1º, mène des études sur l’ozone, tout en effectuant de la télédétection sur le territoire chilien, en passant par la mer, les îles jusqu’à l’Antarctique. Pour cela, le satellite est équipé de deux caméras monochromes, l’une ayant un grand angle avec une résolution au sol de 2 km et un champ de vision de 1 500 km par 1 050 km, l’autre un petit angle avec une résolution de 200 m et un champ de vision d'environ 150 km par 100 km. Le satellite embarque également un équipement de transfert de données, un récepteur GPS et un programme éducatif (télémétrie) pour les écoles chiliennes. FASat-Bravo fonctionne avec succès pendant près de trois ans. Les batteries épuisées, le satellite cesse son activité en juin 2001. Au total, il a pris 1 273 images du Chili et, concernant la couche d’ozone, il a récolté de nombreuses mesures qui ont été partagées avec des centres de recherche d’autres nations, dont les Etats-Unis.
Encouragés par le succès, les Chiliens désirent un nouveau satellite dual (civil et militaire) entièrement dédié à l’observation de la Terre. Le 25 juillet 2008, un contrat de développement est signé entre le ministère de la Défense chilien et le groupe européen EADS / Astrium (aujourd’hui Airbus) pour construire le Sistema Satelital para Observación de la Tierra (SSOT) ou FASat-Charlie. L’accord prévoit un partenariat complet, de la réalisation du satellite à la formation d’un personnel qualifié (pour notamment exploiter et contrôler le satellite au Chili), jusqu’au lancement (devant être assuré par un Soyouz-Fregat russe depuis la Guyane française). D’une masse totale de 117 kg, le satellite, prévu pour une durée de vie de 5 ans, doit obtenir des images de très haute qualité et à haute résolution (1,45 m en mode panchromatique et 5,8 m en mode multispectral), pouvant être utilisées dans une grande variété d'applications : gestion de l’agriculture, des forêts, des ressources en eau, minérales et pétrolières, contrôle des frontières, faire de la prévention face aux catastrophes naturelles ou industrielles, etc.
FASat-Charlie ou SSOT est lancé avec succès le 16 décembre 2011 (en compagnie du satellite français Pléiades et de quatre autres microsatellites). Il est placé sur une orbite de 596 km par 611 km, avec une inclinaison de près de 98°.
Le succès encourage les Force Aériennes chiliennes (FACh) à aller de l’avant. Elles mettent en place une véritable politique spatiale appelée Système national spatial (SNS) structurée autour de deux grands projets. Le premier est la création du Centre spatial national (Centro Espacial Nacional, CEN), installé au centre de Cerrillos. L’aménagement du site commence au printemps 2024. L’objectif est de créer « un pôle de développement scientifique et technologique » spécialisé dans l’observation de la Terre, où se trouveront un centre de contrôle (pour les satellites), un laboratoire de développement des technologies spatiales (pour y intégrer des satellites), un laboratoire de science des données (pour traiter les informations récoltées par les satellites), un laboratoire d’entrepreneuriat et d’innovations (pour former des spécialistes). Une étape décisive est ainsi en train de s’opérer avec une ambition, celle d’une part de faire du Chili une nation investie dans le spatial et, d’autre part, « d’avoir le leadership régional en matière de technologies spatiales ».
Le second grand projet du SNS est le développement du Système national de satellites (SNSat) s’appuyant d’abord sur les satellites FASat, mais aussi sur un Système national de télécommunications par satellites (SNSatCom), ainsi qu’un éventuel Système régional de satellites (SRSat).
En attendant, la série des FASat se poursuit avec le FASat-Delta (ou Runner 1) qui, lancé le 12 juin 2023 depuis Vandenberg par un Falcon 9 et placé sur une orbite héliosynchrone à 500 km, inaugure une série de satellites devant former une constellation pour assurer en permanence l’observation optique du Chili. D’une masse totale de 86 kg, il est doté « d’une capacité d'imagerie et de vidéo en couleur pour les clients du renseignement commercial et gouvernemental ». Pour cela, il dispose d'un télescope de 35 cm capable de livrer des images en couleur avec une résolution au sol de 71 cm et une largeur de fauchée de 5,6 km. Quant à la réalisation du satellite, après un appel d’offre, elle revient au groupe italien Tyvak (spécialisé dans la conception de petits satellites), filiale de l’Américain Terran Orbital (qui fournit la plateforme du satellite).
Ainsi, le développement de satellites et engins spatiaux permet au Chili de se doter des capacités technologiques en favorisant la coopération entre les industries locales et international. Le directeur du CEN, le colonel de l'armée de l'air Hector Contreras, espère que « avec ces projets, [nous progresserons] vers la souveraineté spatiale, en général avec nos propres connaissances et technologies ».
- Deux articles :
« Ingeniería: ¿Qué hace un satélite chileno en el espacio? », 21 novembre 2013, sur le site Explora,
« Chile’s first National Space Center reaches 85% completion », 6 août 2025, sur le site d’information Gob.cl,
- La page du site eoPortal dédiée à FASat-Bravo.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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