Après plus d’une décennie d’activité, le satellite d’étude de l’atmosphère Megha-Tropiques vient de terminer sa mission, illustrant la fructueuse coopération franco-indienne qui dure depuis près de soixante ans.
Initiée officiellement le 15 mai 1964, la coopération spatiale franco-indienne est l’œuvre du physicien Jacques Blamont, directeur scientifique et technique du Cnes, avec son homologue indien Vikram Ambalal Sarabhaï. Les deux hommes engagent alors à des fins pacifiques un partenariat entre nos deux pays aboutissant à des premières expérimentations dans la haute atmosphère à l’aide de fusées-sondes françaises (Centaure, Bélier).
Par ailleurs, dès 1965, la France procède également à des transferts de technologie, d’abord celui des fusées-sondes puis, quelques années plus tard, celui du moteur-fusée Viking (équipant les premiers Ariane) qui, sous le nom de Vikas (VIKram Ambalal Sarabhaï), est notamment utilisé pour le premier lanceur indien PSLV. De même, le centre spatial de Sriharikota est aménagé en coopération avec les Français.
Au cours des années 1990, l’Inde et la France revivifient leur coopération pour favoriser le placement d’instruments scientifiques dans des satellites, mais aussi pour réaliser conjointement des satellites scientifiques. En 1993, les scientifiques du Cnes lancent l’idée d’une mission tropicale consistant notamment à étudier le cycle de l’eau en zone tropicale. Face aux coûts et aux difficultés (à mettre au point les instruments), les responsables préconisent l’internationalisation du projet. Une approche se fait avec l’Inde en 1995 et se concrétise en juin 1998, aboutissant à la mission Megha-Tropiques (Megha signifiant « nuage » en sanskrit). En octobre 2002, les aléas financiers menacent le projet qui est néanmoins sauvé deux ans plus tard et acté le 12 novembre 2004 par la signature des responsables des agences spatiales française Cnes (Yannick d’Escatha) et indienne Iisro (Madhavan Nair).
Deux principaux objectifs scientifiques sont assignés à Megha-Tropiques : améliorer les connaissances du cycle de l’eau en région intertropicale (et d’en évaluer les conséquences sur le bilan énergétique), et étudier le fonctionnement des systèmes convectifs tropicaux au-dessus de l’océan et des continents. Outre cela, il doit également fournir des données sur les phénomènes qui conduisent à des événements météorologiques spécifiques aux régions tropicales, comme les typhons, les moussons, les périodes de sécheresse, etc.
D’une masse totale de 997 kg, celui-ci est composé d’une plate-forme fournie par l’Isro (héritée des satellites indiens IRS) et du module PIM (Payload Instrument Module) qui supporte un récepteur de radio-occultation GPS pour le profilage vertical de la température et de l’humidité de l’atmosphère (instrument Isro), et trois radiomètres. Le premier, Madras (Microwave Analysis and Detection of Rain and Atmospheric Structures), est un imageur micro-ondes destiné à l’étude des précipitations et de la propriété des nuages y compris la glace se trouvant au sommet des nuages (développé par le Cnes, Airbus Defence and Space et l’Isro). Le second, Saphir (Sounder for Probing Vertical Profiles of Humidity), est un instrument de sondage hyperfréquence pour mesurer la distribution de la vapeur d’eau atmosphérique (Cnes). Enfin le troisième, ScaRaB (Scanner for Radiation Budget), est un radiomètre optique multispectral dédié à la mesure des flux radiatifs au sommet de l’atmosphère (Cnes/CNRS/LMD).
Le 12 octobre 2011, Megha-Tropiques est lancé par le lanceur indien PSLV C18 et est placé à environ 865 km d’altitude, avec une inclinaison de 20° par rapport à l’équateur. Il doit faire des observations plusieurs fois par jour (jusqu’à six) de chaque point de la zone intertropicale.
Si en janvier 2013 l’instrument Madras tombe en panne, les autres continuent à bien fonctionner, au point qu’en octobre 2016 les responsables du Cnes (Jean-Yves Le Gall) et de l’Isro (Aluru Seelin Kiran Kumar) signent la prolongation de quatre années supplémentaires de la mission Megha-Tropiques.
Depuis 2018, un problème technique perturbe également l’enregistrement des données dans la mémoire de masse du satellite mais les scientifiques parviennent néanmoins à obtenir des données bien, alors que la durée initiale de mission du satellite était de trois ans.
Le 7 mars 2023, après un peu plus de 11 ans bons et loyaux services, le satellite est retiré décommissionné et désorbité. Son orbite avait été abaissée à 253 x 381 km au cours des derniers mois.
L’aventure de Megha-Tropiques constitue l’un des chapitres du livre Soixante histoires d’espace en France (1961-2021) paru en juin 2022 chez Ginkgo éditeur.
- Un article : « Megha-Tropiques : un satellite hydrométéorologique franco-indien », collectif d’auteurs, in La Météorologie n°57, mai 2007.
- Le site du Cnes sur le programme Megha-Tropiques
- Une conférence des Rendez-vous de l’espace sur le thème « La coopération spatiale franco-indienne, historique et perspectives », avec Nicolas Pillet, Mathieu Weiss et Audrey Berthier, 4 novembre 2020.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Après plus d’une décennie d’activité, le satellite d’étude de l’atmosphère Megha-Tropiques vient de terminer sa mission, illustrant la fructueuse coopération franco-indienne qui dure depuis près de soixante ans.
Initiée officiellement le 15 mai 1964, la coopération spatiale franco-indienne est l’œuvre du physicien Jacques Blamont, directeur scientifique et technique du Cnes, avec son homologue indien Vikram Ambalal Sarabhaï. Les deux hommes engagent alors à des fins pacifiques un partenariat entre nos deux pays aboutissant à des premières expérimentations dans la haute atmosphère à l’aide de fusées-sondes françaises (Centaure, Bélier).
Par ailleurs, dès 1965, la France procède également à des transferts de technologie, d’abord celui des fusées-sondes puis, quelques années plus tard, celui du moteur-fusée Viking (équipant les premiers Ariane) qui, sous le nom de Vikas (VIKram Ambalal Sarabhaï), est notamment utilisé pour le premier lanceur indien PSLV. De même, le centre spatial de Sriharikota est aménagé en coopération avec les Français.
Au cours des années 1990, l’Inde et la France revivifient leur coopération pour favoriser le placement d’instruments scientifiques dans des satellites, mais aussi pour réaliser conjointement des satellites scientifiques. En 1993, les scientifiques du Cnes lancent l’idée d’une mission tropicale consistant notamment à étudier le cycle de l’eau en zone tropicale. Face aux coûts et aux difficultés (à mettre au point les instruments), les responsables préconisent l’internationalisation du projet. Une approche se fait avec l’Inde en 1995 et se concrétise en juin 1998, aboutissant à la mission Megha-Tropiques (Megha signifiant « nuage » en sanskrit). En octobre 2002, les aléas financiers menacent le projet qui est néanmoins sauvé deux ans plus tard et acté le 12 novembre 2004 par la signature des responsables des agences spatiales française Cnes (Yannick d’Escatha) et indienne Iisro (Madhavan Nair).
Deux principaux objectifs scientifiques sont assignés à Megha-Tropiques : améliorer les connaissances du cycle de l’eau en région intertropicale (et d’en évaluer les conséquences sur le bilan énergétique), et étudier le fonctionnement des systèmes convectifs tropicaux au-dessus de l’océan et des continents. Outre cela, il doit également fournir des données sur les phénomènes qui conduisent à des événements météorologiques spécifiques aux régions tropicales, comme les typhons, les moussons, les périodes de sécheresse, etc.
D’une masse totale de 997 kg, celui-ci est composé d’une plate-forme fournie par l’Isro (héritée des satellites indiens IRS) et du module PIM (Payload Instrument Module) qui supporte un récepteur de radio-occultation GPS pour le profilage vertical de la température et de l’humidité de l’atmosphère (instrument Isro), et trois radiomètres. Le premier, Madras (Microwave Analysis and Detection of Rain and Atmospheric Structures), est un imageur micro-ondes destiné à l’étude des précipitations et de la propriété des nuages y compris la glace se trouvant au sommet des nuages (développé par le Cnes, Airbus Defence and Space et l’Isro). Le second, Saphir (Sounder for Probing Vertical Profiles of Humidity), est un instrument de sondage hyperfréquence pour mesurer la distribution de la vapeur d’eau atmosphérique (Cnes). Enfin le troisième, ScaRaB (Scanner for Radiation Budget), est un radiomètre optique multispectral dédié à la mesure des flux radiatifs au sommet de l’atmosphère (Cnes/CNRS/LMD).
Le 12 octobre 2011, Megha-Tropiques est lancé par le lanceur indien PSLV C18 et est placé à environ 865 km d’altitude, avec une inclinaison de 20° par rapport à l’équateur. Il doit faire des observations plusieurs fois par jour (jusqu’à six) de chaque point de la zone intertropicale.
Si en janvier 2013 l’instrument Madras tombe en panne, les autres continuent à bien fonctionner, au point qu’en octobre 2016 les responsables du Cnes (Jean-Yves Le Gall) et de l’Isro (Aluru Seelin Kiran Kumar) signent la prolongation de quatre années supplémentaires de la mission Megha-Tropiques.
Depuis 2018, un problème technique perturbe également l’enregistrement des données dans la mémoire de masse du satellite mais les scientifiques parviennent néanmoins à obtenir des données bien, alors que la durée initiale de mission du satellite était de trois ans.
Le 7 mars 2023, après un peu plus de 11 ans bons et loyaux services, le satellite est retiré décommissionné et désorbité. Son orbite avait été abaissée à 253 x 381 km au cours des derniers mois.
L’aventure de Megha-Tropiques constitue l’un des chapitres du livre Soixante histoires d’espace en France (1961-2021) paru en juin 2022 chez Ginkgo éditeur.
- Un article : « Megha-Tropiques : un satellite hydrométéorologique franco-indien », collectif d’auteurs, in La Météorologie n°57, mai 2007.
- Le site du Cnes sur le programme Megha-Tropiques
- Une conférence des Rendez-vous de l’espace sur le thème « La coopération spatiale franco-indienne, historique et perspectives », avec Nicolas Pillet, Mathieu Weiss et Audrey Berthier, 4 novembre 2020.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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