Friedrich Merz a de nouveau rappelé qu’il était favorable à l’envoi en Ukraine de missiles de croisière TAURUS KEPD 350 allemands. Cette annonce pose question au niveau politique en Allemagne et au niveau pratique pour l’avion porteur au sein de la Force aérienne ukrainienne. Mais ce missile apporterai un moyen supplémentaire de frappe longue portée et de précision pour les Forces armées ukrainiennes. À voir aussi si le pont de Crimée fera partie des futures cibles des TAURUS ukrainiens ?
Le 13 avril en soirée, dans le cadre d'une interview sur la chaîne ARD, le très probable futur chancelier allemand Friedrich Merz a rappelé sa volonté de soutenir encore plus l'Ukraine :
"[L'Ukraine] ne fait que réagir. Elle doit pouvoir déterminer elle-même une partie de ce qui se passe. [...] Les partenaires européens fournissent déjà des missiles de croisière. Les Britanniques le font, les Français le font, les Américains le font de toute façon. Cela doit être coordonné. Et si cela est voté, alors l'Allemagne devrait y participer." (Euronews)
Par le passé, Friedrich Merz avait déjà critiqué le gouvernement précédent pour ne pas avoir livré de missiles de croisière TAURUS à l'Ukraine. Ce dernier avait alors, durant les élections, annoncé être favorable à cette initiative, ce qu'il a de nouveau confirmé dimanche dernier. Mais l'arrivée au pouvoir de Merz ne signifiera pas la livraison automatique de missiles allemands à l'Ukraine : il faudra d'abord un vote au Bundestag (parlement fédéral allemand) dans lequel son parti, la CDU/CSU, dispose déjà de 208 parlementaires (sur un total de 630 parlementaires). Mais il s'agit aussi d'un gouvernement d'alliance entre la CDU/CSU et le SPD, avec ses 120 sièges, soit une courte majorité de 328/630 parlementaires. Or, le SPD est le parti du chancelier sortant Scholtz... pilier de la non-livraison des missiles allemands à l'Ukraine. À voir donc si l'accord de gouvernement passé entre les deux partis comprend un accord positif ou non sur ce sujet. À voir aussi si la majorité sera renforcée par d'autres partis qui ne sont pas présents dans le gouvernement, comme par exemple Grüne (85 sièges), dont plusieurs membres avaient déjà annoncé précédemment leur soutien à cette initiative.
Dans le cas où un vote positif viendrait du Bundestag, il faudrait pouvoir transférer des missiles TAURUS à l'Ukraine... mais aussi permettre à la Force aérienne ukrainienne de les tirer. Deux hypothèses sont valables. Il y a d'abord l'option qui semble plus simple : l'avion de combat F-16AM Fighting Falcon. MBDA précise que le F-16 (sans donner de version spécifique) peut être aisément adapté pour emporter le TAURUS. Cette adaptation est rendue aisée suite au développement même du Fighting Falcon et du TAURUS ; il s'agit de deux systèmes pensés dès le départ dans un environnement OTAN. Il est plus que probable que cette modification comprenne la modification des systèmes de combat internes (ajout d'une nouvelle munition dans l'ordinateur de bord), l'ajout de pylônes d'emport spécifique pour ce missile dont sa masse est de 1,35 tonne et mesure 5,1 mètres,...
La deuxième option, la plus pratique, concerne le bombardier tactique Su-24 Fencer. Il s'agit d'un appareil soviétique et donc, totalement développé en dehors des normes OTAN. Cependant, la quasi-totalité des avions de combat ukrainiens d'origine soviétique ont été adaptés pour tirer des munitions OTAN : des missiles antiradars AGM-88 HARM américains sont tirés par des avions de combat MiG-29 Fulcrum et parfois, par des avions de combat Su-27 Flanker, des bombes propulsées AASM françaises sont larguées par des MiG-29 et des avions d'attaque Su-25 Frogfoot,... et des missiles de croisière Storm Shadow/SCALP-EG anglais et français sont tirés depuis des Su-24.
Cette dernière adaptation est très intéressante pour les TAURUS. En effet, le pylône d'emport fixé sous l'aile du Su-24 pour tirer les missiles SCALP-EG/Storm Shadow ne provient pas d'Ukraine mais bien du Royaume-Uni. Concrètement, le Royaume-Uni a transféré à l'Ukraine des mécanismes de fixation provenant de bombardiers tactiques Tornado retirés du service. Or, l'avion désigné pour transporter les TAURUS en Allemagne est ni plus, ni moins que le Tornado, également en service au sein de la Luftwaffe ! Alors bien évidemment, il faudrait rentrer dans les détails techniques pour savoir si les fixations nécessaires pour les Storm Shadow pourront emporter les TAURUS mais une chose est sûre : si une modification est nécessaire, les ingénieurs peuvent se baser sur les systèmes de fixation des armements des Tornado anglais... ou pourquoi pas livrer ces mêmes fixations mais en provenance d'anciens Tornado allemands.
L'option des Su-24 serait la plus efficace pour les Ukrainiens : les Fencer ukrainiens sont déjà utilisés pour des missions air-sol, le TAURUS ne ferait donc qu'ajouter une corde supplémentaire à leur arc. En revanche, les F-16AM disposent de munitions bien plus modernes, que ce soit au niveau sol-air mais aussi en air-air. Une image publiée le 28 mars (ci-dessous) permet d'apercevoir des missiles AIM-9L/M Sidewinder courte portée mais aussi et surtout, des missiles AIM-120C AMRAAM longue portée (la variante exacte n'est pas connue). Utiliser ces avions dans une optique de largueur de missiles TAURUS viendrait à diminuer le nombre de précieux F-16 disponibles pour d'autres missions qu'ils sont les seuls à pouvoir remplir. Les Ukrainiens garderaient ainsi leurs Fighting Falcon en multi-missions et leurs Fencer pour les missions de bombardement et lancement de missiles SCALP-EG/Storm Shadow et TAURUS KEPD 350.
Comme expliqué par Friedrich Merz, l'Ukraine compte sur deux systèmes longue portée : l'Army TACtical Missile System ou ATACMS et le Système de Croisière conventionnel Autonome à Longue Portée - d'Emploi Général ou SCALP-EG (désignation française) ou Storm Shadow (désignation britannique du même missile). Une future livraison du Target Adaptive Unitary and Dispenser Robotic Ubiquity System / Kinetic Energy Penetrator and Destroyer ou TAURUS KEPD 350 viendrait ajouter un nouveau moyen de frappe longue portée pour l'Ukraine. Mais ces trois systèmes diffèrent en plusieurs points.
Tout d'abord, le domaine de vol : l'ATACMS est un missile sol-sol à trajectoire balistique, à savoir qu'il est tiré depuis des lance-roquettes multiples M142 HIMARS ou M270 MLRS, va monter en altitude pour ensuite redescendre à grande vitesse vers sa cible. L'objectif est de passer certaines défenses antimissiles car le domaine de vol est trop haut pour une interception... tout en rendant une interception en fin de course compliquée suite à la vitesse élevée du missile. Inversement, le SCALP-EG/Storm Shadow et le TAURUS sont tous deux des missiles air-sol de croisière. Une fois largué par l'avion porteur, le missile va descendre en très basse altitude, à quelques dizaines de mètres, à une vitesse subsonique élevée, tout en suivant les courbures du sol grâce à un système de suivi de terrain. En "collant" le sol, le missile est donc caché des radars ennemis pendant une longue partie de son vol grâce à la courbure de la terre mais aussi via les vallées et autres montagnes situées entre le missile et le ou les radars ennemis.
L'ATACMS est aussi un missile livré sous plusieurs variantes : une version de base et à sous-munitions (portée de 160 kilomètres) et une version améliorée, avec une ogive explosive unitaire ou à sous-munitions (portée de 300 kilomètres). Ainsi, ces missiles sont plutôt utilisés pour frapper une zone, comme démontré lors de la frappe sur les aérodromes de Berdyansk et Louhansk où un total de 21 hélicoptères russes furent endommagés ou détruits. Au niveau des missiles de croisière SCALP-EG/Storm Shadow et TAURUS, ceux-ci utilisent des charges tandem : une première charge explose afin d'augmenter la capacité de pénétration de la charge principale. Ainsi, ces missiles sont utilisés pour frapper des cibles uniques, avec une capacité de pénétrer un bâtiment ou un bunker avant d'exploser à l'intérieur de celui-ci pour maximiser les dégâts à l'intérieur. Une différence existe entre ces deux missiles : comme expliqué dans cet article, la charge du SCALP-EG/Storm Shadow explose après un délai prédéfini alors que la charge du TAURUS est capable de détecter les étages traversés et de fait, après un nombre prédéfini de couches traversées, explose.
Friedrich Merz a déjà pris des exemples de cibles, notamment en Crimée mais aussi une cible hautement stratégique : le pont de Crimée, au-dessus du détroit de Kertch. Ce pont routier et ferroviaire est le seul lien terrestre entre la Crimée et la Russie. Ce dernier avait d'ailleurs été inauguré en grande pompe par Vladimir Poutine, président de la Russie. En plus de cette valeur politique, c'est aussi un cordon ombilical militaire : la logistique russe se base avant tout sur le réseau ferroviaire. Or, la presque totalité de la logistique des Forces russes dans le sud-ouest de l'Ukraine passe par la partie ferroviaire du pont de Crimée. Sans ce pont, c'est l'efficacité même de ces forces qui serait mise en doute : manque de munitions, pièces de rechange, rations,... Et l'utilisation des voies ferrées dans le sud de l'Ukraine est complexe car les quelques voies ferrées disponibles pour les Russes sont à portée de nombreux systèmes et drones suicides ukrainiens.
En pratique, détruire le pont est tout à fait faisable avec des TAURUS. En phase finale, le missile TAURUS reprendrait un peu d'altitude pour identifier sa cible et descendre vers celle-ci. Le missile traverserait alors le tablier pour finalement exploser sur l'un des piliers, afin de rendre la réparation plus compliquée. En effet, les deux précédentes destructions avaient "seulement" détruit le tablier du pont, ne touchant que très peu ou pas du tout les piliers. La destruction d'un ou de plusieurs piliers rendrait la remise en service de ce pont non pas impossible mais en tout cas bien plus longue et plus complexe.
Cependant, le pont de Crimée pouvait déjà être ciblé par les Ukrainiens avant le TAURUS (encore une fois, si ce dernier sera bel et bien livré). En effet, le 4 novembre, un à deux missiles de croisière SCALP-EG/Storm Shadow détruisent la corvette lance-missiles Askold (classe Karakurt). Le navire se trouvait à quai, au sein des installation de construction de Zaliv. Ce chantier naval se trouve à 300 kilomètres au sud de Zaporijia... mais aussi à 8 kilomètres au sud-ouest du pont de Kertch. Cette destruction fut la confirmation que les missiles livrés par la France et le Royaume-Uni pouvaient toucher le pont russe. Mais suite aux retombées politiques de cet acte, il est fort probable que l'attaque de ce pont par des missiles français et anglais ne fut jamais envisagée, mettant de facto le pont de Crimée dans une "no-go list", au même titre que Moscou, des sites nucléaires militaires russes, etc.
À voir aussi si l'Allemagne pourra livrer indépendamment ces missiles à l'Ukraine. Le TAURUS est produit par TAURUS Systems, une co-entreprise créée par l'entreprise allemande MBDA Deutschland (67 %) et l'entreprise suédoise Saab Bofors Dynamics (33 %). Au vu du soutien suédois à l'Ukraine, peu de problèmes sont attendus de ce côté-là. En revanche, au niveau des États-Unis, un sérieux doute plane : le missile est propulsé par un turboréacteur Williams P8300-15, fabriqué par l'entreprise américaine Williams International. Il reste donc à connaitre la marge de manœuvre de l'Allemagne à ce niveau.
Friedrich Merz a de nouveau rappelé qu’il était favorable à l’envoi en Ukraine de missiles de croisière TAURUS KEPD 350 allemands. Cette annonce pose question au niveau politique en Allemagne et au niveau pratique pour l’avion porteur au sein de la Force aérienne ukrainienne. Mais ce missile apporterai un moyen supplémentaire de frappe longue portée et de précision pour les Forces armées ukrainiennes. À voir aussi si le pont de Crimée fera partie des futures cibles des TAURUS ukrainiens ?
Le 13 avril en soirée, dans le cadre d'une interview sur la chaîne ARD, le très probable futur chancelier allemand Friedrich Merz a rappelé sa volonté de soutenir encore plus l'Ukraine :
"[L'Ukraine] ne fait que réagir. Elle doit pouvoir déterminer elle-même une partie de ce qui se passe. [...] Les partenaires européens fournissent déjà des missiles de croisière. Les Britanniques le font, les Français le font, les Américains le font de toute façon. Cela doit être coordonné. Et si cela est voté, alors l'Allemagne devrait y participer." (Euronews)
Par le passé, Friedrich Merz avait déjà critiqué le gouvernement précédent pour ne pas avoir livré de missiles de croisière TAURUS à l'Ukraine. Ce dernier avait alors, durant les élections, annoncé être favorable à cette initiative, ce qu'il a de nouveau confirmé dimanche dernier. Mais l'arrivée au pouvoir de Merz ne signifiera pas la livraison automatique de missiles allemands à l'Ukraine : il faudra d'abord un vote au Bundestag (parlement fédéral allemand) dans lequel son parti, la CDU/CSU, dispose déjà de 208 parlementaires (sur un total de 630 parlementaires). Mais il s'agit aussi d'un gouvernement d'alliance entre la CDU/CSU et le SPD, avec ses 120 sièges, soit une courte majorité de 328/630 parlementaires. Or, le SPD est le parti du chancelier sortant Scholtz... pilier de la non-livraison des missiles allemands à l'Ukraine. À voir donc si l'accord de gouvernement passé entre les deux partis comprend un accord positif ou non sur ce sujet. À voir aussi si la majorité sera renforcée par d'autres partis qui ne sont pas présents dans le gouvernement, comme par exemple Grüne (85 sièges), dont plusieurs membres avaient déjà annoncé précédemment leur soutien à cette initiative.
Dans le cas où un vote positif viendrait du Bundestag, il faudrait pouvoir transférer des missiles TAURUS à l'Ukraine... mais aussi permettre à la Force aérienne ukrainienne de les tirer. Deux hypothèses sont valables. Il y a d'abord l'option qui semble plus simple : l'avion de combat F-16AM Fighting Falcon. MBDA précise que le F-16 (sans donner de version spécifique) peut être aisément adapté pour emporter le TAURUS. Cette adaptation est rendue aisée suite au développement même du Fighting Falcon et du TAURUS ; il s'agit de deux systèmes pensés dès le départ dans un environnement OTAN. Il est plus que probable que cette modification comprenne la modification des systèmes de combat internes (ajout d'une nouvelle munition dans l'ordinateur de bord), l'ajout de pylônes d'emport spécifique pour ce missile dont sa masse est de 1,35 tonne et mesure 5,1 mètres,...
La deuxième option, la plus pratique, concerne le bombardier tactique Su-24 Fencer. Il s'agit d'un appareil soviétique et donc, totalement développé en dehors des normes OTAN. Cependant, la quasi-totalité des avions de combat ukrainiens d'origine soviétique ont été adaptés pour tirer des munitions OTAN : des missiles antiradars AGM-88 HARM américains sont tirés par des avions de combat MiG-29 Fulcrum et parfois, par des avions de combat Su-27 Flanker, des bombes propulsées AASM françaises sont larguées par des MiG-29 et des avions d'attaque Su-25 Frogfoot,... et des missiles de croisière Storm Shadow/SCALP-EG anglais et français sont tirés depuis des Su-24.
Cette dernière adaptation est très intéressante pour les TAURUS. En effet, le pylône d'emport fixé sous l'aile du Su-24 pour tirer les missiles SCALP-EG/Storm Shadow ne provient pas d'Ukraine mais bien du Royaume-Uni. Concrètement, le Royaume-Uni a transféré à l'Ukraine des mécanismes de fixation provenant de bombardiers tactiques Tornado retirés du service. Or, l'avion désigné pour transporter les TAURUS en Allemagne est ni plus, ni moins que le Tornado, également en service au sein de la Luftwaffe ! Alors bien évidemment, il faudrait rentrer dans les détails techniques pour savoir si les fixations nécessaires pour les Storm Shadow pourront emporter les TAURUS mais une chose est sûre : si une modification est nécessaire, les ingénieurs peuvent se baser sur les systèmes de fixation des armements des Tornado anglais... ou pourquoi pas livrer ces mêmes fixations mais en provenance d'anciens Tornado allemands.
L'option des Su-24 serait la plus efficace pour les Ukrainiens : les Fencer ukrainiens sont déjà utilisés pour des missions air-sol, le TAURUS ne ferait donc qu'ajouter une corde supplémentaire à leur arc. En revanche, les F-16AM disposent de munitions bien plus modernes, que ce soit au niveau sol-air mais aussi en air-air. Une image publiée le 28 mars (ci-dessous) permet d'apercevoir des missiles AIM-9L/M Sidewinder courte portée mais aussi et surtout, des missiles AIM-120C AMRAAM longue portée (la variante exacte n'est pas connue). Utiliser ces avions dans une optique de largueur de missiles TAURUS viendrait à diminuer le nombre de précieux F-16 disponibles pour d'autres missions qu'ils sont les seuls à pouvoir remplir. Les Ukrainiens garderaient ainsi leurs Fighting Falcon en multi-missions et leurs Fencer pour les missions de bombardement et lancement de missiles SCALP-EG/Storm Shadow et TAURUS KEPD 350.
Comme expliqué par Friedrich Merz, l'Ukraine compte sur deux systèmes longue portée : l'Army TACtical Missile System ou ATACMS et le Système de Croisière conventionnel Autonome à Longue Portée - d'Emploi Général ou SCALP-EG (désignation française) ou Storm Shadow (désignation britannique du même missile). Une future livraison du Target Adaptive Unitary and Dispenser Robotic Ubiquity System / Kinetic Energy Penetrator and Destroyer ou TAURUS KEPD 350 viendrait ajouter un nouveau moyen de frappe longue portée pour l'Ukraine. Mais ces trois systèmes diffèrent en plusieurs points.
Tout d'abord, le domaine de vol : l'ATACMS est un missile sol-sol à trajectoire balistique, à savoir qu'il est tiré depuis des lance-roquettes multiples M142 HIMARS ou M270 MLRS, va monter en altitude pour ensuite redescendre à grande vitesse vers sa cible. L'objectif est de passer certaines défenses antimissiles car le domaine de vol est trop haut pour une interception... tout en rendant une interception en fin de course compliquée suite à la vitesse élevée du missile. Inversement, le SCALP-EG/Storm Shadow et le TAURUS sont tous deux des missiles air-sol de croisière. Une fois largué par l'avion porteur, le missile va descendre en très basse altitude, à quelques dizaines de mètres, à une vitesse subsonique élevée, tout en suivant les courbures du sol grâce à un système de suivi de terrain. En "collant" le sol, le missile est donc caché des radars ennemis pendant une longue partie de son vol grâce à la courbure de la terre mais aussi via les vallées et autres montagnes situées entre le missile et le ou les radars ennemis.
L'ATACMS est aussi un missile livré sous plusieurs variantes : une version de base et à sous-munitions (portée de 160 kilomètres) et une version améliorée, avec une ogive explosive unitaire ou à sous-munitions (portée de 300 kilomètres). Ainsi, ces missiles sont plutôt utilisés pour frapper une zone, comme démontré lors de la frappe sur les aérodromes de Berdyansk et Louhansk où un total de 21 hélicoptères russes furent endommagés ou détruits. Au niveau des missiles de croisière SCALP-EG/Storm Shadow et TAURUS, ceux-ci utilisent des charges tandem : une première charge explose afin d'augmenter la capacité de pénétration de la charge principale. Ainsi, ces missiles sont utilisés pour frapper des cibles uniques, avec une capacité de pénétrer un bâtiment ou un bunker avant d'exploser à l'intérieur de celui-ci pour maximiser les dégâts à l'intérieur. Une différence existe entre ces deux missiles : comme expliqué dans cet article, la charge du SCALP-EG/Storm Shadow explose après un délai prédéfini alors que la charge du TAURUS est capable de détecter les étages traversés et de fait, après un nombre prédéfini de couches traversées, explose.
Friedrich Merz a déjà pris des exemples de cibles, notamment en Crimée mais aussi une cible hautement stratégique : le pont de Crimée, au-dessus du détroit de Kertch. Ce pont routier et ferroviaire est le seul lien terrestre entre la Crimée et la Russie. Ce dernier avait d'ailleurs été inauguré en grande pompe par Vladimir Poutine, président de la Russie. En plus de cette valeur politique, c'est aussi un cordon ombilical militaire : la logistique russe se base avant tout sur le réseau ferroviaire. Or, la presque totalité de la logistique des Forces russes dans le sud-ouest de l'Ukraine passe par la partie ferroviaire du pont de Crimée. Sans ce pont, c'est l'efficacité même de ces forces qui serait mise en doute : manque de munitions, pièces de rechange, rations,... Et l'utilisation des voies ferrées dans le sud de l'Ukraine est complexe car les quelques voies ferrées disponibles pour les Russes sont à portée de nombreux systèmes et drones suicides ukrainiens.
En pratique, détruire le pont est tout à fait faisable avec des TAURUS. En phase finale, le missile TAURUS reprendrait un peu d'altitude pour identifier sa cible et descendre vers celle-ci. Le missile traverserait alors le tablier pour finalement exploser sur l'un des piliers, afin de rendre la réparation plus compliquée. En effet, les deux précédentes destructions avaient "seulement" détruit le tablier du pont, ne touchant que très peu ou pas du tout les piliers. La destruction d'un ou de plusieurs piliers rendrait la remise en service de ce pont non pas impossible mais en tout cas bien plus longue et plus complexe.
Cependant, le pont de Crimée pouvait déjà être ciblé par les Ukrainiens avant le TAURUS (encore une fois, si ce dernier sera bel et bien livré). En effet, le 4 novembre, un à deux missiles de croisière SCALP-EG/Storm Shadow détruisent la corvette lance-missiles Askold (classe Karakurt). Le navire se trouvait à quai, au sein des installation de construction de Zaliv. Ce chantier naval se trouve à 300 kilomètres au sud de Zaporijia... mais aussi à 8 kilomètres au sud-ouest du pont de Kertch. Cette destruction fut la confirmation que les missiles livrés par la France et le Royaume-Uni pouvaient toucher le pont russe. Mais suite aux retombées politiques de cet acte, il est fort probable que l'attaque de ce pont par des missiles français et anglais ne fut jamais envisagée, mettant de facto le pont de Crimée dans une "no-go list", au même titre que Moscou, des sites nucléaires militaires russes, etc.
À voir aussi si l'Allemagne pourra livrer indépendamment ces missiles à l'Ukraine. Le TAURUS est produit par TAURUS Systems, une co-entreprise créée par l'entreprise allemande MBDA Deutschland (67 %) et l'entreprise suédoise Saab Bofors Dynamics (33 %). Au vu du soutien suédois à l'Ukraine, peu de problèmes sont attendus de ce côté-là. En revanche, au niveau des États-Unis, un sérieux doute plane : le missile est propulsé par un turboréacteur Williams P8300-15, fabriqué par l'entreprise américaine Williams International. Il reste donc à connaitre la marge de manœuvre de l'Allemagne à ce niveau.
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