Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens
Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens
© KCTV

publié le 05 janvier 2024 à 13:42

975 mots

Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens

Les récentes frappes de missiles russes sur l’Ukraine ont démontré que la Russie a utilisé des missiles balistiques courte portée livrés par la Corée du Nord. La Russie cherche également à obtenir des missiles balistiques courte portée auprès de l’Iran.


Des missiles nord-coréens en Ukraine

Ce 4 janvier, à l'occasion de la conférence de presse matinale de la Maison-Blanche, John Kirby, chargé de communication au sein du Conseil de Sécurité National américain (NSC), a annoncé que la Russie avait reçu des lance-missiles nord-coréens, ainsi que plusieurs douzaines de missiles balistiques nord-coréens. En plus de cette livraison, les Forces armées russes ont récemment utilisés ces systèmes lors des deux dernières attaques massives de missiles sur l’Ukraine :

"Le 30 décembre 2023, les Forces russes ont lancé au moins un de ces missiles balistiques sur l’Ukraine. Ce missile semble avoir atterri dans un champ de la région de Zaporijia. Et le 2 janvier, la Russie a lancé plusieurs missiles balistiques nord-coréens sur l’Ukraine, notamment dans le cadre de son attaque aérienne nocturne. Nous sommes encore en train d’évaluer les impacts de ces missiles supplémentaires."

Cette annonce peut paraitre surprenante mais elle était attendue : le 2 novembre 2023, le Service National de Renseignement sud-coréen (NIS) annonçait la livraison à la Russie de matériels militaires nord-coréens. Ces livraisons comprenaient notamment plus d'un millions d'obus, des fusils, lance-roquettes, mortiers, MANPADS, missiles antichars,... mais aussi des missiles balistiques courte portée (SRBM) (Associated Press). Pour rappel, ce type de missile balistique est caractérisé par sa portée, située entre 70 et 999 kilomètres.

Quels missiles ?

Lors du briefing à la Maison-Blanche, John Kirby a partagé une image (ci-dessous) du premier tir confirmé de SRBM nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine : le missile a été tiré depuis la Russie et est donc tombé dans un champ de Zaporijia, après un vol d’environ 460 kilomètres.

Deux missiles sont visibles sur l’image partagée :

  • Celle de gauche peut paraitre familière depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ; il s’agit du tir d’un missile balistique courte-portée KN-23, dont le design se base sur le missile balistique courte portée russe 9K720 Iskander (SS-26 Stone). La portée maximale du KN-23 (existe en plusieurs variantes) serait d’environ 600 à 700 kilomètres avec une précision de 5 à 30 mètres (les sources varient).
  • L’image de droite est plus floue mais semble montrer le tir de nuit d’un missile balistique courte portée KN-24, d’une portée de 410 kilomètres et d’une précision estimée à 35 mètres.

Dès lors, seul le KN-23 détiendrait la portée nécessaire pour ce premier tir sur l'Ukraine. D’ailleurs, les restants d’un missile ayant explosé dans Kharkiv semblent être ceux d'un KN-23 nord-coréen (images ci-après).

Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine.
Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine. © White House
Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine.

Juste des KN-23 ?

Le KN-23 ne serait pas le seul SRBM nord-coréen livré à la Russie car John Kirby a précisé dans son briefing :

"Ces missiles balistiques nord-coréens ont une portée approximative de 900 kilomètres."

Le KN-23 n’ayant pas cette portée, il s’agirait donc d’autres types de SRBM nord-coréens livrés à la Russie, comme par exemple des Hwasong-9/Scud ER (portée estimée entre 800 à 1.000 kilomètres). Enfin, pure hypothèse à garder en tête lors des prochains tirs de missiles nord-coréens par la Russie, si le KN-23 se confirme, le fait que ce dernier soit présent sur l’image de John Kirby ouvre également une possible livraison de SRBM KN-24, également présent sur l'image de Kirby. Cependant, aucune image ou épave de KN-24 n’est pour l’instant confirmée en Russie ou en Ukraine.

Quoiqu'il en soit, cette aide nord-coréenne présente de nombreux avantages pour la Corée du Nord. Ce sera peut-être l'occasion pour elle d'enfin remplacer la moitié des chasseurs de sa Force aérienne : sur près de 400 chasseurs, la moitié sont des MiG-15 des années 1950 et des F-6... une version chinoise du MiG-19 datant de la fin des années 1950/début des années 1960. Il y a aussi la coopération spatiale, et indirectement, les technologies de missiles balistiques intercontinentaux. D'ailleurs, la mise en orbite d'un satellite espion nord-coréen le 22 novembre 2023 aurait été possible grâce à l'aide de la Russie. Enfin, la Corée du Nord doit probablement avoir mis sur la table la question du domaine nucléaire et d'éventuelles aides technologiques russes dans ce domaine hautement stratégique.

Un achat en Iran

En plus de la Corée du Nord, la Russie se dirige aussi vers l’Iran. Ce dernier fourni déjà des drones kamikazes Shahed mais des discussions pour des SRBM seraient en cours, comme expliqué par Kirby :

"À l’heure actuelle, nous ne pensons pas que l’Iran a livré des missiles balistiques courte portée à la Russie. Toutefois, les États-Unis s’inquiètent du fait que les négociations russes visant à acquérir des missiles balistiques courte-portée de l’Iran progressent activement."

Le choix est vaste en Iran, ce pays possédant de nombreux missiles balistiques. En SRBM, il y bien évidement des Scud produits localement, dénommé Shahab (Shahab-1/-2 dans ce cas-ci). Ceux-ci ont une portée respective de 300 et 500 kilomètres mais une précision de 500 et 700 mètres. Inversément, le récent Dezful, sorti en 2019, a une portée maximale d’environ 1.000 kilomètres et une précision de seulement 5 mètres.

D’autres missiles existent entre ces deux extrêmes mais de manière générale, ces systèmes fonctionnent. Le simple fait qu’Israël, ennemi juré de l’Iran, développe constamment ses systèmes anti-missiles en est une preuve. Les SRBM iraniens sont également combat proven : en 2020, suite à l’assassinat d’un général iranien par les États-Unis, plusieurs missiles ont été tirés sur des bases américaines en Irak, détruisant plusieurs installations. Il faut préciser que, contrairement à l’important déploiement de systèmes antimissiles américains au Moyen-Orient, les bases ciblées ne semblaient pas disposer de systèmes défensifs aux capacités anti-missiles balistiques.

Tout comme la Corée du Nord, l'Iran peut aussi gagner de nombreux échanges avec la Russie, et notamment dans le domaine nucléaire.

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05/01/2024 13:42
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Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens

Les récentes frappes de missiles russes sur l’Ukraine ont démontré que la Russie a utilisé des missiles balistiques courte portée livrés par la Corée du Nord. La Russie cherche également à obtenir des missiles balistiques courte portée auprès de l’Iran.

Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens
Ukraine : la Russie a tiré des missiles nord-coréens et cherche à acheter des missiles iraniens

Des missiles nord-coréens en Ukraine

Ce 4 janvier, à l'occasion de la conférence de presse matinale de la Maison-Blanche, John Kirby, chargé de communication au sein du Conseil de Sécurité National américain (NSC), a annoncé que la Russie avait reçu des lance-missiles nord-coréens, ainsi que plusieurs douzaines de missiles balistiques nord-coréens. En plus de cette livraison, les Forces armées russes ont récemment utilisés ces systèmes lors des deux dernières attaques massives de missiles sur l’Ukraine :

"Le 30 décembre 2023, les Forces russes ont lancé au moins un de ces missiles balistiques sur l’Ukraine. Ce missile semble avoir atterri dans un champ de la région de Zaporijia. Et le 2 janvier, la Russie a lancé plusieurs missiles balistiques nord-coréens sur l’Ukraine, notamment dans le cadre de son attaque aérienne nocturne. Nous sommes encore en train d’évaluer les impacts de ces missiles supplémentaires."

Cette annonce peut paraitre surprenante mais elle était attendue : le 2 novembre 2023, le Service National de Renseignement sud-coréen (NIS) annonçait la livraison à la Russie de matériels militaires nord-coréens. Ces livraisons comprenaient notamment plus d'un millions d'obus, des fusils, lance-roquettes, mortiers, MANPADS, missiles antichars,... mais aussi des missiles balistiques courte portée (SRBM) (Associated Press). Pour rappel, ce type de missile balistique est caractérisé par sa portée, située entre 70 et 999 kilomètres.

Quels missiles ?

Lors du briefing à la Maison-Blanche, John Kirby a partagé une image (ci-dessous) du premier tir confirmé de SRBM nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine : le missile a été tiré depuis la Russie et est donc tombé dans un champ de Zaporijia, après un vol d’environ 460 kilomètres.

Deux missiles sont visibles sur l’image partagée :

  • Celle de gauche peut paraitre familière depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ; il s’agit du tir d’un missile balistique courte-portée KN-23, dont le design se base sur le missile balistique courte portée russe 9K720 Iskander (SS-26 Stone). La portée maximale du KN-23 (existe en plusieurs variantes) serait d’environ 600 à 700 kilomètres avec une précision de 5 à 30 mètres (les sources varient).
  • L’image de droite est plus floue mais semble montrer le tir de nuit d’un missile balistique courte portée KN-24, d’une portée de 410 kilomètres et d’une précision estimée à 35 mètres.

Dès lors, seul le KN-23 détiendrait la portée nécessaire pour ce premier tir sur l'Ukraine. D’ailleurs, les restants d’un missile ayant explosé dans Kharkiv semblent être ceux d'un KN-23 nord-coréen (images ci-après).

Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine.
Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine. © White House
Direction du premier tir confirmé de missile balistique courte portée nord-coréen par la Russie sur l'Ukraine.

Juste des KN-23 ?

Le KN-23 ne serait pas le seul SRBM nord-coréen livré à la Russie car John Kirby a précisé dans son briefing :

"Ces missiles balistiques nord-coréens ont une portée approximative de 900 kilomètres."

Le KN-23 n’ayant pas cette portée, il s’agirait donc d’autres types de SRBM nord-coréens livrés à la Russie, comme par exemple des Hwasong-9/Scud ER (portée estimée entre 800 à 1.000 kilomètres). Enfin, pure hypothèse à garder en tête lors des prochains tirs de missiles nord-coréens par la Russie, si le KN-23 se confirme, le fait que ce dernier soit présent sur l’image de John Kirby ouvre également une possible livraison de SRBM KN-24, également présent sur l'image de Kirby. Cependant, aucune image ou épave de KN-24 n’est pour l’instant confirmée en Russie ou en Ukraine.

Quoiqu'il en soit, cette aide nord-coréenne présente de nombreux avantages pour la Corée du Nord. Ce sera peut-être l'occasion pour elle d'enfin remplacer la moitié des chasseurs de sa Force aérienne : sur près de 400 chasseurs, la moitié sont des MiG-15 des années 1950 et des F-6... une version chinoise du MiG-19 datant de la fin des années 1950/début des années 1960. Il y a aussi la coopération spatiale, et indirectement, les technologies de missiles balistiques intercontinentaux. D'ailleurs, la mise en orbite d'un satellite espion nord-coréen le 22 novembre 2023 aurait été possible grâce à l'aide de la Russie. Enfin, la Corée du Nord doit probablement avoir mis sur la table la question du domaine nucléaire et d'éventuelles aides technologiques russes dans ce domaine hautement stratégique.

Un achat en Iran

En plus de la Corée du Nord, la Russie se dirige aussi vers l’Iran. Ce dernier fourni déjà des drones kamikazes Shahed mais des discussions pour des SRBM seraient en cours, comme expliqué par Kirby :

"À l’heure actuelle, nous ne pensons pas que l’Iran a livré des missiles balistiques courte portée à la Russie. Toutefois, les États-Unis s’inquiètent du fait que les négociations russes visant à acquérir des missiles balistiques courte-portée de l’Iran progressent activement."

Le choix est vaste en Iran, ce pays possédant de nombreux missiles balistiques. En SRBM, il y bien évidement des Scud produits localement, dénommé Shahab (Shahab-1/-2 dans ce cas-ci). Ceux-ci ont une portée respective de 300 et 500 kilomètres mais une précision de 500 et 700 mètres. Inversément, le récent Dezful, sorti en 2019, a une portée maximale d’environ 1.000 kilomètres et une précision de seulement 5 mètres.

D’autres missiles existent entre ces deux extrêmes mais de manière générale, ces systèmes fonctionnent. Le simple fait qu’Israël, ennemi juré de l’Iran, développe constamment ses systèmes anti-missiles en est une preuve. Les SRBM iraniens sont également combat proven : en 2020, suite à l’assassinat d’un général iranien par les États-Unis, plusieurs missiles ont été tirés sur des bases américaines en Irak, détruisant plusieurs installations. Il faut préciser que, contrairement à l’important déploiement de systèmes antimissiles américains au Moyen-Orient, les bases ciblées ne semblaient pas disposer de systèmes défensifs aux capacités anti-missiles balistiques.

Tout comme la Corée du Nord, l'Iran peut aussi gagner de nombreux échanges avec la Russie, et notamment dans le domaine nucléaire.



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