Rejeter sur les autres les causes de ses propres difficultés sonne souvent comme un aveu de faiblesse et une incapacité à les contourner. En pointant le transport aérien du doigt devant l’Assemblée et en lui reprochant une taxation trop faible de ses activités, notamment concernant le kérosène, M. Farandou, le PDG de la SNCF semble s’être engagé sur un terrain quelque peu glissant.
Rejeter sur les autres les causes de ses propres difficultés sonne souvent comme un aveu de faiblesse
Rejeter sur les autres les causes de ses propres difficultés sonne souvent comme un aveu de faiblesse et une incapacité à les contourner. En pointant le transport aérien du doigt devant l’Assemblée et en lui reprochant une taxation trop faible de ses activités, notamment concernant le kérosène, M. Farandou, le PDG de la SNCF semble s’être engagé sur un terrain quelque peu glissant.
Prétendre que « ce n'est pas le train qui est cher mais l'avion qui ne l'est pas assez » prouve, outre l’inélégance du procédé, un manque évident de connaissance, tant des règles du marché que de la loi de l'offre et de la demande.
On peut rappeler à M.Farandou que la société qu’il dirige bénéficie toujours d’un état de quasi-monopole. Cela lui permet encore aujourd’hui de définir un prix sans se soucier vraiment de ses concurrents ou du service rendu. C’est là un privilège qui n’existe plus depuis bien longtemps dans l’aérien où compagnies traditionnelles et Low-cost s’affrontent à l’échelle Européenne dans un marché hyper concurrentiel. Toutes, s’adaptent à leur environnement fait de contraintes grandissantes. Prix du pétrole, pression environnementaliste, sureté, sécurité, réglementations… pèsent au quotidien sur les activités et compagnies aériennes. Elles souffrent autant si ce n’est plus que la SNCF de la crise du Covid, notamment parce que la diversité des restrictions sanitaires imposées entre états, affecte bien plus les déplacements internationaux que les déplacements intra-hexagone. En tout état de cause, si les acteurs du secteur peuvent parfois se plaindre des lourdeurs avec lesquelles ils doivent composer, ils ne recherchent pas pour autant un bouc-émissaire.
Le transport aérien permet de voyager pour un prix abordable
Contrairement à la SNCF dont l’état actuel n’est pas sans rappeler celui de la compagnie Air-Inter juste avant l’ouverture à la concurrence des lignes intérieures françaises (souvenez-vous Air Liberté et les autres), c’est bien le transport aérien qui permet aujourd’hui à une large frange de population de voyager pour un prix abordable de manière sûre, rapide et confortable.
Face à de tels propos, Augustin de Romanet PDG du groupe ADP appelle à la retenue ainsi qu’à balayer devant sa porte lorsqu’il déclare : « Je pense qu'il faut que le train se développe et jamais vous ne me verrez questionner l'artificialisation liée aux voies de chemins de fer, le glyphosate utilisé par les personnes qui entretiennent les voies de chemin de fer, jamais vous ne me verrez questionner les subventions que reçoit le domaine ferroviaire, jamais"
La FNAM de son côté a rappelé la part des taxes pouvant s’élever à 53% du prix payé par le passager sur son billet d’avion et mis en avant un rapport de la Commission Européenne datant de 2019, lequel soulignait que « le transport aérien est en réalité le mode de transport le moins coûteux pour la collectivité en termes d’infrastructures et d’externalités ».
Le ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, est lui-même monté au créneau pour faire part au PDG de la SNCF de son étonnement quant à sa « position anti-avion alors que l'État n'a jamais autant investi dans le ferroviaire ». Preuve s’il en est que ce dernier est sans doute allé trop loin.
Monsieur Farandou, dont l’entreprise surfe sans vergogne et de manière assez abusive (et erronée) sur les avantages écologiques que le train serait supposé procurer par rapport à l’avion, a donc finalement été fort justement payé en retour par une volée de bois vert. Il n’en était pourtant pas à son coup d’essai.
Les dérapages répétés du ferroviaire
En effet, ses récentes affirmations télévisuelles, dans le contexte sanitaire anxiogène qu’on connait, avaient déjà suscité de nombreuses réactions et éveillé quelques soupçons de mauvaise foi. Il affirmait alors que le système de renouvellement de l’air des cabines des avions était moins sûr que celui de ses trains, car selon lui, les avions ne peuvent pas renouveler l’air intérieur. Ce qui est factuellement faux puisqu’il y est en réalité totalement renouvelé toutes les 2 à 3 minutes, (contre 9 minutes au mieux dans les TGV). Plus encore, un flux exclusivement vertical de la circulation de l’air en cabine, couplé à des filtres hautes performances de type HEPA (très rares dans les trains) assurent aux passagers aériens une protection équivalente à celle que l’on retrouve par exemple dans une salle blanche d’hôpital.
De même à l’automne 2020, lorsqu’il était interrogé sur la réflexion tarifaire à mener concernant le prix des billets de TGV, M.Farandou avait honnêtement déclaré « qu’il n’avait pas les réponses », ajoutant toutefois que « le moment était peut être venu de revisiter en profondeur la logique du yield management ».
Outil de gestion commerciale d’adaptation de l’offre à la demande apparu chez Delta en 1984, puis utilisé dans de nombreux secteurs par la suite (transports, hôtellerie, locations etc) il permet de réaliser une optimisation des tarifs pour mieux remplir les avions (entre autres) depuis 35 ans. (Une moyenne pour l’avion de 82% en 2019 contre environ 66% pour les TGV).
Manifestement l’attitude qui consiste à accabler le transport aérien de la responsabilité des errements de sa propre entreprise ne fait pas l’unanimité. Au mieux, pourrions qualifier ses propos de tentative de diversion maladroite, à l’heure même où une région, Les Hauts de France, décide de suspendre les paiements à son entreprise tant la qualité des services qu’elle offre s’est dégradée. Voilà qui interroge aussi sur sa vision très particulière de la complémentarité des transports, pourtant indispensable. A défaut cela nous montre également qu’il n’y a pas que les locomotives qui patinent actuellement.
Emmanuel Courtaud pour le Collectif de Promotion de L’Aérien (CPA)