Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe
Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe
© Ministère de la Défense russe

publié le 13 août 2024 à 15:00

875 mots

Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe

Au début du mois d’août, le commandement ukrainien lançait une opération fulgurante derrière la frontière russe. Pour la première fois depuis le commencement de la guerre, en février 2022, l’Ukraine engage des unités régulières dans une manœuvre risquée dans la province de Koursk.`


La guerre en Ukraine semblait avoir un point de blocage, avec une lente avancée des forces russes dans l’est du pays, couplée à une stratégie d’attrition handicapant la défense ukrainienne. En février 2024, la Russie réalisait une prise substantielle en annonçant occuper Avdiivka. Six mois plus tard, des études démontraient que le Kremlin perdait près de 70 000 hommes en deux mois pour des gains territoriaux minimes. Sans effet d’annonce, l’Ukraine reprenait l’initiative le 6 août, en lançant une incursion sur le territoire russe. Une opération surprise révélatrice des faiblesses de la défense russe, l’Ukraine bénéficiant d’un momentum ébranlant les desseins de Moscou.

Opération surprise dans l’oblast de Koursk

Rien ne laissait présager des préparatifs ukrainiens depuis le nord de Kharkiv et le sud de Soumy. Comme le relevé Opex.360, les services de renseignements russes ont été dans l’incapacité de détecter les mouvements du personnel et des équipements à la frontière. Deux à six brigades ont été mobilisés par Kiev pour prendre d’assaut l’oblast de Koursk : la 22ème brigade mécanisée et la 82ème brigade d’assaut aérien. Pour comparaison, en moyenne, les brigades francaises ou pilotées par l’OTAN atteignent 5 000 hommes. En soixante-douze heures, l’armée ukrainienne revendiquait avoir le contrôle de quelques 350 à 550 km carrés. Une opération fulgurante qui permet à l’Ukraine de s’emparer partiellement de la ville de Sudzha, avec la destruction d’un avion de chasse et de deux hélicoptères russes, dont un Ka-52 à l’aide de MANPADS. Plusieurs vidéos et photos dévoilent la présence d’hélicoptères ukrainiens offrant un appui aux unités au sol. Une frappe d’HIMARS détruisait un convoi russe à Rylsk, à 28 km de la frontière ukrainienne. 

Le gouvernement de Volodymyr Zelensky entretient le flou quant à la quantité de matériel et de personnels engagés dans l’oblast de Koursk. La réaction du Kremlin ne tarde pas, avec l’évacuation de 76 000 civils et le déclenchement de l’état d’urgence dans l’oblast. Le Chef d’état-major des forces armées de Russie, Valéri Guerassimov, déclarait que l’incursion ukrainienne vers Koursk avait été portee par environ un millier d’hommes. Un chiffre irréaliste au vu de la situation : si, a l’epoque, des groupuscules avaient effectivement mené des manoeuvres sur le territoire russe, l’opération dans l’oblast de Koursk apparaît cette fois bien plus massive. Le gouvernement russe se refuse toujours à parler de guerre, qualifiant l’événement « d’opération terroriste ».

De nouveaux objectifs tactiques et stratégiques ?

En six jours d’offensive dans l’oblast de Koursk, ce sont près de vingt-huit villages que les forces ukrainiennes ont capturé. Plusieurs objectifs se dessinent. Premièrement, la région est capitale pour le bon fonctionnement de la logistique russe, avec un axe ferroviaire reliant, Koursk, Belgorod ou Voronej, descendant vers le sud et la frontière avec le Donbass. Prendre le contrôle des ces axes permettrait d’altérer considérablement la ligne d’approvisionnement vers le front. Cela pourrait impliquer une redirection de bataillons russes vers le nord, avec une réduction de la pression armée dans l’est de l’Ukraine. Un autre élément pourrait servir à la stratégie ukrainienne : la centrale nucléaire de Koursk, à soixante kilomètres à l’est de la frontière, faisant partie des quatre sites principaux de production d’énergie en Russie. À l’instar de Zaporijia dans l’est de l’Ukraine, contrôlée par les forces russes, la centrale nucléaire de Koursk, en tombant dans l’escarcelle ukrainienne, deviendrait un atout stratégique majeure pour l’armée ukrainienne. Selon Le Figaro, les Ukrainiens ont capturé au cours du week-end une station de transit de gaz intégrée au gazoduc Ourengoï-Pomary-Oujgorod.

Malgré l’élément de surprise, le commandement ukrainien n’a pas réalisé de percée dans le dispositif russe, ayant réussi à ralentir considérablement l’avancée des ukrainiens. Selon les chaînes Telegram russes, l’offensive est freinée grâce à l’emploi de l’artillerie. Le 8 août, le Ministère de la Défense russe annonçait la destruction de huit chars, douze véhicules blindés de transport de troupe et cinquante-cinq véhicules blindés. Plus de 660 soldats ukrainiens auraient été neutralisés. Toutefois, le Financial Times indique que les moyens mobilisés par la Russie ne suffisent pas à endiguer complètement la progression ukrainienne. 

Quelles sont les possibilités actuellement ? Un renforcement des positions ukrainiennes dans les zones capturées est probable, avec comme volonté de forcer une partie des unites russes fixées dans les Donbass à se remobiliser pour assurer la défense des zones concernées. Une poussée vers Koursk parait de moins en moins probable. Il est actuellement difficile de déterminer si l’opération ukrainienne mènerait les Russes vers la table des négociations. Les réactions de Vladimir Poutine et de son gouvernement ne pointent pas dans ce sens, la perte territoriale n’apparaissant pas substantielle. Plusieurs incursions ont été signalées dans l’oblast de Belgorod, sans que cela n’aboutisse sur des gains territoriaux majeurs. Les alliés occidentaux, s’ils n’ont pas tous commenté l’offensive sur Koursk, approuvent tacitement les opérations de l’Ukraine. 

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13/08/2024 15:00
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Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe

Au début du mois d’août, le commandement ukrainien lançait une opération fulgurante derrière la frontière russe. Pour la première fois depuis le commencement de la guerre, en février 2022, l’Ukraine engage des unités régulières dans une manœuvre risquée dans la province de Koursk.`

Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe
Offensive de Koursk : comment l’Ukraine tente de destabiliser l’armée russe

La guerre en Ukraine semblait avoir un point de blocage, avec une lente avancée des forces russes dans l’est du pays, couplée à une stratégie d’attrition handicapant la défense ukrainienne. En février 2024, la Russie réalisait une prise substantielle en annonçant occuper Avdiivka. Six mois plus tard, des études démontraient que le Kremlin perdait près de 70 000 hommes en deux mois pour des gains territoriaux minimes. Sans effet d’annonce, l’Ukraine reprenait l’initiative le 6 août, en lançant une incursion sur le territoire russe. Une opération surprise révélatrice des faiblesses de la défense russe, l’Ukraine bénéficiant d’un momentum ébranlant les desseins de Moscou.

Opération surprise dans l’oblast de Koursk

Rien ne laissait présager des préparatifs ukrainiens depuis le nord de Kharkiv et le sud de Soumy. Comme le relevé Opex.360, les services de renseignements russes ont été dans l’incapacité de détecter les mouvements du personnel et des équipements à la frontière. Deux à six brigades ont été mobilisés par Kiev pour prendre d’assaut l’oblast de Koursk : la 22ème brigade mécanisée et la 82ème brigade d’assaut aérien. Pour comparaison, en moyenne, les brigades francaises ou pilotées par l’OTAN atteignent 5 000 hommes. En soixante-douze heures, l’armée ukrainienne revendiquait avoir le contrôle de quelques 350 à 550 km carrés. Une opération fulgurante qui permet à l’Ukraine de s’emparer partiellement de la ville de Sudzha, avec la destruction d’un avion de chasse et de deux hélicoptères russes, dont un Ka-52 à l’aide de MANPADS. Plusieurs vidéos et photos dévoilent la présence d’hélicoptères ukrainiens offrant un appui aux unités au sol. Une frappe d’HIMARS détruisait un convoi russe à Rylsk, à 28 km de la frontière ukrainienne. 

Le gouvernement de Volodymyr Zelensky entretient le flou quant à la quantité de matériel et de personnels engagés dans l’oblast de Koursk. La réaction du Kremlin ne tarde pas, avec l’évacuation de 76 000 civils et le déclenchement de l’état d’urgence dans l’oblast. Le Chef d’état-major des forces armées de Russie, Valéri Guerassimov, déclarait que l’incursion ukrainienne vers Koursk avait été portee par environ un millier d’hommes. Un chiffre irréaliste au vu de la situation : si, a l’epoque, des groupuscules avaient effectivement mené des manoeuvres sur le territoire russe, l’opération dans l’oblast de Koursk apparaît cette fois bien plus massive. Le gouvernement russe se refuse toujours à parler de guerre, qualifiant l’événement « d’opération terroriste ».

De nouveaux objectifs tactiques et stratégiques ?

En six jours d’offensive dans l’oblast de Koursk, ce sont près de vingt-huit villages que les forces ukrainiennes ont capturé. Plusieurs objectifs se dessinent. Premièrement, la région est capitale pour le bon fonctionnement de la logistique russe, avec un axe ferroviaire reliant, Koursk, Belgorod ou Voronej, descendant vers le sud et la frontière avec le Donbass. Prendre le contrôle des ces axes permettrait d’altérer considérablement la ligne d’approvisionnement vers le front. Cela pourrait impliquer une redirection de bataillons russes vers le nord, avec une réduction de la pression armée dans l’est de l’Ukraine. Un autre élément pourrait servir à la stratégie ukrainienne : la centrale nucléaire de Koursk, à soixante kilomètres à l’est de la frontière, faisant partie des quatre sites principaux de production d’énergie en Russie. À l’instar de Zaporijia dans l’est de l’Ukraine, contrôlée par les forces russes, la centrale nucléaire de Koursk, en tombant dans l’escarcelle ukrainienne, deviendrait un atout stratégique majeure pour l’armée ukrainienne. Selon Le Figaro, les Ukrainiens ont capturé au cours du week-end une station de transit de gaz intégrée au gazoduc Ourengoï-Pomary-Oujgorod.

Malgré l’élément de surprise, le commandement ukrainien n’a pas réalisé de percée dans le dispositif russe, ayant réussi à ralentir considérablement l’avancée des ukrainiens. Selon les chaînes Telegram russes, l’offensive est freinée grâce à l’emploi de l’artillerie. Le 8 août, le Ministère de la Défense russe annonçait la destruction de huit chars, douze véhicules blindés de transport de troupe et cinquante-cinq véhicules blindés. Plus de 660 soldats ukrainiens auraient été neutralisés. Toutefois, le Financial Times indique que les moyens mobilisés par la Russie ne suffisent pas à endiguer complètement la progression ukrainienne. 

Quelles sont les possibilités actuellement ? Un renforcement des positions ukrainiennes dans les zones capturées est probable, avec comme volonté de forcer une partie des unites russes fixées dans les Donbass à se remobiliser pour assurer la défense des zones concernées. Une poussée vers Koursk parait de moins en moins probable. Il est actuellement difficile de déterminer si l’opération ukrainienne mènerait les Russes vers la table des négociations. Les réactions de Vladimir Poutine et de son gouvernement ne pointent pas dans ce sens, la perte territoriale n’apparaissant pas substantielle. Plusieurs incursions ont été signalées dans l’oblast de Belgorod, sans que cela n’aboutisse sur des gains territoriaux majeurs. Les alliés occidentaux, s’ils n’ont pas tous commenté l’offensive sur Koursk, approuvent tacitement les opérations de l’Ukraine. 



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