L’avionneur chinois Shenyang a révélé la photo d’un chasseur sur les réseaux sociaux chinois . L'appareil serait une nouvelle version du J-15, avion de chasse multirôle embarqué et apte au catapultage. Une véritable révolution capacitaire pour la Chine et une montée en puissance très importante pour le pays. Analyse de Dénys Karakaya, IPSA Paris, article extrait du reportage complet disponible dans le Air&Cosmos de la semaine.
Le J-15, héritier des projets soviétiques
Le Shenyang J-15 est un avion de chasse embarqué biréacteur de fabrication chinoise. Son développement, basé sur un travail de rétro-ingénierie fait sur deux prototypes de Soukhoï Su-33 récupérés en Ukraine, a officiellement commencé en 2006. Le J-15 existe actuellement sous 3 versions : une version monoplace multirôle, une version biplace d’entraînement et une version dédiée à la guerre électronique.
Appareil encore récent, le J-15 souffre de nombreux « problèmes de jeunesse ». Basé sur la technologie STOBAR (décollage sur porte-avion à la force des réacteurs uniquement), sa capacité d’emport se limite aujourd’hui à seulement 4 missiles, ce qui est bien peu pour un avion de supériorité aérienne et d’attaque d’objectifs maritimes de surface. Cependant, Shenyang semble apporter des réponses à ce problème de taille…
Une nouvelle version à la fiche technique intéressante
Le 14 décembre 2021, l’avionneur Shenyang dévoile sur le réseau social chinois Weibo une photo montrant un appareil tiré par un tracteur de piste (image ci-contre).
Cet appareil est un J-15, avec de nombreuses modifications visibles. La première est le changement des pylônes d’emport missile en saumon d’aile qui adoptent la même forme que ceux montés sur le Shenyang J-16 (appareil basé sur le J-11, licence du Soukhoï Su-27SK). Ces nouveaux pylônes permettraient l’emport du missile air-air à guidage infrarouge chinois PL-10, dont les observateurs supposent une bien meilleure manoeuvrabilité que le PL-8 précédemment monté sur le J-15. Toujours du côté de l’utilisation de missiles infrarouges, le système IRST a été changé pour un système possiblement plus performant et à plus longue portée que celui des J-15 actuellement en service.
Plusieurs indices permettent également de déduire qu'un nouveau radar a également été installé. Sur la photo publiée par Shenyang, le radôme a été modifié ainsi que la position et la forme des lamelles pare-foudre qui y sont montées. Cette modification indique le passage possible à un radar à antenne active (AESA), dont la Chine maitrise déjà la technologie (notamment sur le J-10C, voir notre article sur le sujet), et permettant l’utilisation des derniers missiles développés tels que le PL-15 dont la portée opérationnelle officielle dépasse les 200 km. Ce nouvel équipement donnerait une très grande capacité au J-15, lui ouvrant les portes du combat BVR (Beyond Visual Range, au-delà du champ visuel du pilote). L'appareil disposerait donc de toute la panoplie des armements, des missiles courte-portée jusqu'aux missiles BVR.
L’appareil présenté par Shenyang serait la tant attendue version J-15T, capable d’être catapultée depuis un pont d’envol et dont les prototypes sont observés au sol ou en vol depuis 2016. Le tracteur de piste cachant la vue du train d’atterrissage ne nous laisse que le loisir de faire cette supposition sans pour autant la confirmer. Cet avion de chasse, en plus, n’a ni la peinture jaune caractéristique des prototypes chinois, ni les marquages de poursuite optique circulaires ; mais arbore une peinture grise assez proche de celle des avions de série. Cela semble indiquer une mise en service prochaine.
Le J-15T, un possible élément dissuasif vis-à-vis de Taiwan
La Force Aéronavale Chinoise semble opérer une montée en puissance soutenue. En 2013, elle réceptionnait à peine son premier type d’avion capable d’opérer depuis son premier et unique porte-avion nouvellement achevé : le Liaoning. En 2019, la Chine met en service son second porte-avions STOBAR, basé sur le Liaoning : le Shandong.
Cette montée en puissance se confirme par les soupçons du lancement imminent du troisième porte-avions chinois : le Type 003. Ce bâtiment, équipé de catapultes électromagnétiques, aura la capacité de faire décoller des appareils plus lourds et aux missions très variées, mais qui sont encore au stade de développement. Seul le J-15T semble proche d’une mise en service depuis le Type 003. Cette nouvelle version, n’ayant plus la limitation sur la masse maximale au décollage inhérente au système STOBAR et dont la part des matériaux composites dans son aérostructure serait encore augmentée, pourra alors décoller à pleine charge et aurait donc la possibilité d’utiliser totalement ses 12 points d’emports.
Futur « camion à bombes » de l’aéronautique navale chinoise, le J-15T pourra être un élément dissuasif important envers Taiwan du fait de ses supposées capacités. D’autant plus que la Chine semble monter encore d’un cran les pressions envers son voisin : de plus en plus d’intrusions d’appareils chinois dans la zone d’identification de défense aérienne de Taiwan sont relevées, d’autant plus que ces appareils apparaissent en groupe de plus en plus grands…