Le 15 décembre 1964, après le Spoutnik soviétique (1957), l’Explorer américain (1958), l’Ariel britannique (1962) et l’Alouette canadien (1962), l’Italie procédait à son tour au lancement de son premier satellite national.
Après le lancement des premiers satellites artificiels par les Soviétiques et les Américains en 1957-58, d’autres nations éprouvent l’envie de lancer à leur tour leurs propres satellites. Sans disposer cependant de moyens d’accès à l’espace, ils font appel à l’aide des deux grandes puissances, les seules capables d’effectuer des lancements orbitaux à l’époque. L’Italie, comme le Royaume-Uni et le Canada, s’est naturellement tournée vers son allié américain.
L’AGI et l’engagement de l’Italie dans l’aventure spatiale.
Au début de l’aventure spatiale, les premiers satellites artificiels sont mis au service de l’exploration de la haute atmosphère, via l’Année Géophysique Internationale. Cette dernière suscite une véritable émulation au sein de la communauté scientifique internationale. Les scientifiques italiens, comme d’autres, s’engagent dans l’aventure sous l’action du physicien Edoardo Amaldi et du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR).
L’initiative des scientifiques est soutenue par les militaires de l’armée de l’Air italienne qui, depuis quelques années, s’intéressent aux études des engins-fusées. L’un d’eux, l’ingénieur en aéronautique Luigi Broglio, créé dès 1956 le Centro Ricerche Aerospaziali (CRA), il est alors convaincu que les fusées peuvent aussi être mises au service de l’exploration de la haute atmosphère.
En septembre 1959, les démarches d’Amaldi et de Broglio convergent : sous la houlette du CNR – présidé par Giovanni Polvani, qui a contribué à réorganiser la recherche italienne après la guerre – une Commissione per le Ricerche Spaziali (CRS) est établie ; elle est confiée à Broglio.
L’initiative de Luigi Broglio.
En février 1961, Broglio propose l’ambitieux projet San Marco consistant à lancer des petits satellites scientifiques depuis une plateforme offshore équatoriale. Conscient cependant que l’Italie n’a pas les moyens de mener un tel programme seule, Broglio préconise la coopération avec les Etats-Unis. Fin août 1961, le gouvernement italien d’Amintore Fanfani est séduit et, dès octobre 1961, soutient officiellement l’initiative de Broglio (et de Polvani). Admirant de Gaulle et notamment sa politique spatiale, Fanfani comprend l’enjeu qui ne peut que favoriser le progrès technologique et scientifique italiens, permettant également de renforcer le prestige national.
Appelé San Marco, le projet se concrétise officiellement le 31 mai 1962 à travers un protocole d’entente négocié entre la CRS du CNR et la NASA. Il en ressort principalement la conception et le test d’instruments scientifiques destinés aux futurs satellites italiens et la construction d’un premier satellite expérimental lancé par une fusée américaine.
De l’entente à la coopération italo-américaine.
Le protocole d’entente devient un partenariat officiel le 7 septembre 1962, lors de la signature d’accords à Rome entre le ministre des Affaires étrangères Attilio Piccioni et le vice-président américain Lyndon Johnson. La coopération spatiale italo-américaine vise à porter les efforts sur l’étude de la haute atmosphère et l’ionosphère. Elle permet également à ce que 70 ingénieurs et techniciens italiens partent parfaire leurs connaissances aux Etats-Unis entre 1962 et 1964, dans plusieurs centres américains, dont le Goddard Space Flight Center et au Wallops Flight Facility, afin de mener au mieux le programme San Marco.
Entre avril et août 1963, des instruments et des prototypes de satellite sont construits et testés en vol à l’aide de fusées-sondes américaines depuis le Wallops Flight Facility. Cela permet ainsi de valider les expériences et d’élargir les connaissances sur la densité de l’atmosphère vers 100-130 km d’altitude. Dans le même temps, Broglio s’affaire à construire la base de lancement de San Marco, qui doit être positionnée au large du Kenya en utilisant d’anciennes plateformes pétrolières.
La mission San Marco 1.
D’une forme cylindrique en aluminium pour un diamètre de 66 cm, le premier San Marco a une masse totale d’environ 115 kg. Doté de quatre antennes, stabilisé par rotation, le satellite n’embarque que deux expériences scientifiques : l’une doit effectuer des mesures de la densité atmosphérique, l’autre mener une étude sur l’interférence d’ondes radios dans la couche ionosphérique, avec comme responsables respectifs des expériences Luigi Brogio et Nello Carrara (centre d’étude des micro-ondes de Florence). Pour assurer le contrôle thermique du satellite, celui-ci dispose alternativement et de manière longitudinale de bandes blanches et noires peintes sur sa surface.
Le 15 décembre 1964, San Marco 1 est lancé avec succès par un Scout américain depuis Wallops Island, sous la supervision d’une équipe italienne. Il atteint une orbite elliptique de 205 km de périgée et 820 km d’apogée. Le satellite remplit parfaitement sa mission jusqu’à épuisement des batteries, et se détruit dans les couches denses atmosphériques le 14 septembre 1965.
Salué par la NASA, le succès de San Marco 1 fait alors de l’Italie la seconde nation européenne et la cinquième au monde à avoir son propre satellite après l’URSS, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Les premiers résultats des mesures prises par San Marco ont été présentés lors de la réunion du COSPAR à Buenos Aires en mai 1965, puis lors de la réunion suivante à Vienne en mai 1966.
Par ailleurs, le succès du satellite San Marco 1 ouvre la voie aux lancements d’autres satellites depuis la plateforme éponyme, opérationnelle début 1967.
Références.
Un livre : Italy in space, Michelangelo de Maria et Lucia Orlando, Beauchesne, Paris, 2008.
Une page sur San Marco du site de la NASA
Un document vidéo montrant letest du satellite italien San Marco par la NASA, le 7 décembre 1964.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Le 15 décembre 1964, après le Spoutnik soviétique (1957), l’Explorer américain (1958), l’Ariel britannique (1962) et l’Alouette canadien (1962), l’Italie procédait à son tour au lancement de son premier satellite national.
Après le lancement des premiers satellites artificiels par les Soviétiques et les Américains en 1957-58, d’autres nations éprouvent l’envie de lancer à leur tour leurs propres satellites. Sans disposer cependant de moyens d’accès à l’espace, ils font appel à l’aide des deux grandes puissances, les seules capables d’effectuer des lancements orbitaux à l’époque. L’Italie, comme le Royaume-Uni et le Canada, s’est naturellement tournée vers son allié américain.
L’AGI et l’engagement de l’Italie dans l’aventure spatiale.
Au début de l’aventure spatiale, les premiers satellites artificiels sont mis au service de l’exploration de la haute atmosphère, via l’Année Géophysique Internationale. Cette dernière suscite une véritable émulation au sein de la communauté scientifique internationale. Les scientifiques italiens, comme d’autres, s’engagent dans l’aventure sous l’action du physicien Edoardo Amaldi et du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR).
L’initiative des scientifiques est soutenue par les militaires de l’armée de l’Air italienne qui, depuis quelques années, s’intéressent aux études des engins-fusées. L’un d’eux, l’ingénieur en aéronautique Luigi Broglio, créé dès 1956 le Centro Ricerche Aerospaziali (CRA), il est alors convaincu que les fusées peuvent aussi être mises au service de l’exploration de la haute atmosphère.
En septembre 1959, les démarches d’Amaldi et de Broglio convergent : sous la houlette du CNR – présidé par Giovanni Polvani, qui a contribué à réorganiser la recherche italienne après la guerre – une Commissione per le Ricerche Spaziali (CRS) est établie ; elle est confiée à Broglio.
L’initiative de Luigi Broglio.
En février 1961, Broglio propose l’ambitieux projet San Marco consistant à lancer des petits satellites scientifiques depuis une plateforme offshore équatoriale. Conscient cependant que l’Italie n’a pas les moyens de mener un tel programme seule, Broglio préconise la coopération avec les Etats-Unis. Fin août 1961, le gouvernement italien d’Amintore Fanfani est séduit et, dès octobre 1961, soutient officiellement l’initiative de Broglio (et de Polvani). Admirant de Gaulle et notamment sa politique spatiale, Fanfani comprend l’enjeu qui ne peut que favoriser le progrès technologique et scientifique italiens, permettant également de renforcer le prestige national.
Appelé San Marco, le projet se concrétise officiellement le 31 mai 1962 à travers un protocole d’entente négocié entre la CRS du CNR et la NASA. Il en ressort principalement la conception et le test d’instruments scientifiques destinés aux futurs satellites italiens et la construction d’un premier satellite expérimental lancé par une fusée américaine.
De l’entente à la coopération italo-américaine.
Le protocole d’entente devient un partenariat officiel le 7 septembre 1962, lors de la signature d’accords à Rome entre le ministre des Affaires étrangères Attilio Piccioni et le vice-président américain Lyndon Johnson. La coopération spatiale italo-américaine vise à porter les efforts sur l’étude de la haute atmosphère et l’ionosphère. Elle permet également à ce que 70 ingénieurs et techniciens italiens partent parfaire leurs connaissances aux Etats-Unis entre 1962 et 1964, dans plusieurs centres américains, dont le Goddard Space Flight Center et au Wallops Flight Facility, afin de mener au mieux le programme San Marco.
Entre avril et août 1963, des instruments et des prototypes de satellite sont construits et testés en vol à l’aide de fusées-sondes américaines depuis le Wallops Flight Facility. Cela permet ainsi de valider les expériences et d’élargir les connaissances sur la densité de l’atmosphère vers 100-130 km d’altitude. Dans le même temps, Broglio s’affaire à construire la base de lancement de San Marco, qui doit être positionnée au large du Kenya en utilisant d’anciennes plateformes pétrolières.
La mission San Marco 1.
D’une forme cylindrique en aluminium pour un diamètre de 66 cm, le premier San Marco a une masse totale d’environ 115 kg. Doté de quatre antennes, stabilisé par rotation, le satellite n’embarque que deux expériences scientifiques : l’une doit effectuer des mesures de la densité atmosphérique, l’autre mener une étude sur l’interférence d’ondes radios dans la couche ionosphérique, avec comme responsables respectifs des expériences Luigi Brogio et Nello Carrara (centre d’étude des micro-ondes de Florence). Pour assurer le contrôle thermique du satellite, celui-ci dispose alternativement et de manière longitudinale de bandes blanches et noires peintes sur sa surface.
Le 15 décembre 1964, San Marco 1 est lancé avec succès par un Scout américain depuis Wallops Island, sous la supervision d’une équipe italienne. Il atteint une orbite elliptique de 205 km de périgée et 820 km d’apogée. Le satellite remplit parfaitement sa mission jusqu’à épuisement des batteries, et se détruit dans les couches denses atmosphériques le 14 septembre 1965.
Salué par la NASA, le succès de San Marco 1 fait alors de l’Italie la seconde nation européenne et la cinquième au monde à avoir son propre satellite après l’URSS, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Les premiers résultats des mesures prises par San Marco ont été présentés lors de la réunion du COSPAR à Buenos Aires en mai 1965, puis lors de la réunion suivante à Vienne en mai 1966.
Par ailleurs, le succès du satellite San Marco 1 ouvre la voie aux lancements d’autres satellites depuis la plateforme éponyme, opérationnelle début 1967.
Références.
Un livre : Italy in space, Michelangelo de Maria et Lucia Orlando, Beauchesne, Paris, 2008.
Une page sur San Marco du site de la NASA
Un document vidéo montrant letest du satellite italien San Marco par la NASA, le 7 décembre 1964.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
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