De 1948 à 1967, la France a disposé dans le Sahara algérien d’un ensemble de champs de tirs exceptionnels, qui ont permis l’expérimentation de nombreux missiles et d’effectuer les premiers lancements spatiaux.
Avec la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux systèmes d’arme ont fait leur apparition, dont les missiles. En France, les militaires souhaitent rapidement développer ces types d’engin. Pour cela, il fallait avoir un site approprié pour les expérimenter, notamment pour ne pas mettre en danger les populations. Dès 1946, l’armée de Terre identifie un endroit idéal : la région de Colomb-Béchar, dans le Sahara algérien. Situé à 700 km au sud d’Oran, le site dispose de plus de bons réseaux de communication (base aérienne, route bitumée, train).
Naissance et organisation du CIEES.
Le 24 avril 1947, un décret ministériel créé à Colomb-Béchar un centre d’essais qui, un an plus tard, devient interarmées sous le nom de Centre Interarmées d’Essais d’Engins Spéciaux (CIEES). Chaque armée peut y expérimenter ses missiles (sol-air, air-sol, sol-sol, air-air). La direction du centre est confiée à un comité directeur appelé « Comité du Guir » (en raison de l’oued Guir coulant au sud de Béchar), dirigé par le général-président du Comité d’Action Scientifique de la Défense Nationale (CASDN), un organisme chargé de favoriser la coopération entre les militaires et les scientifiques. Quant à la gestion des champs de tir, elle est assurée par une Direction générale (confiée à un colonel-directeur). Toutefois, la responsabilité des essais des engins incombe aux différentes armées à travers leur sous-direction Technique.
Des champs de tir adaptés.
De 1949 à 1961, le CIEES dispose de trois champs de tir aménagés autour de Colomb-Béchar : B0, juste à côté de l’oasis, pour des tirs de missile vers l'Est ayant une portée inférieure à 50 Km ; B1, à 12 km à l'Ouest de Colomb-Béchar, pour des essais d’engins de 50 à 90 km de portée ; B’1, à 50 km plus au sud, pour des tirs verticaux ne mettant pas en danger Colomb-Béchar. Ainsi, sur B0, B1 et B'1 ont été testés divers engins comme le sol-air PARCA (Projectile Autopropulsé Radioguidé Contre Avions) de l’armée de Terre, les CT (Cibles Télécommandées, dérivées du V1), SE-1500, SE-4100 (missile sol-air) de l’armée de l’Air, etc.
Au début des années 50, de nouveaux engins plus puissants font leur apparition : des missiles à longue portée (Eole, SE-4200, R-422…) et des fusées-sondes (Véronique, Monica) pour explorer la haute atmosphère (que soutient également le CASDN). Cependant, les champs de tir B0, B1 et B’1 ne convenant pas, il fallait un espace beaucoup plus vaste. De ce fait, un quatrième champ de tir est aménagé à 120 km au sud-ouest de Colomb Béchar, au nord de la Hamada, un vaste plateau dénudé où coule un oued du nom de Guir, dénommé B2 ou Hammaguir (contraction de Hamada et de Guir).
La restructuration de 1961.
Progressivement, le rythme des essais augmente : de 1950 à 1952, il y a en moyenne une cinquantaine d’engins tirés par an, puis une centaine par an entre 1953 et 1956 pour atteindre 500 engins en 1957. En 1959, on passe à plus de 900 engins pour franchir les 1 100 en 1959-60. Pour assurer au mieux les expérimentations, il devenait nécessaire de restructurer le CIEES, d’autant plus qu’un nouvel acteur venait de faire son entrée : la Société pour l’Etude et la Réalisation d’Engins Balistiques (SEREB). Créée en 1959, celle-ci est alors chargée par le gouvernement de construire les premiers missiles balistiques pour la force de frappe nucléaire. En 1960, la SEREB propose en prime de construire le lanceur de satellites Diamant (à partir de ses Véhicules d’Essais (VE) appelés Pierres précieuses). A l’été 1961, le gouvernement accepte et décide dans le même temps de constituer une agence spatiale, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), appelée à utiliser les fusées-sondes et le futur Diamant.
Afin de répondre aux nombreuses demandes des différents acteurs militaires (Air, Terre), industriels (MATRA, SETEL, Sud Aviation…), scientifiques (CNET, CNES, ONERA…), sans oublier la SEREB, les champs de tir d’Hammaguir sont entre 1961 et 1964 restructurés en quatre sites de lancement spécialisés : BLANDINE (ex B2) pour les fusées-sondes à propulsion à liquides (Véronique, Vesta), BACCHUS pour les fusées à propulsion solide (Rubis de la SEREB ; Bélier, Centaure et Dragon de Sud Aviation, Monica de l’ATEF, etc.), BEATRICE pour des engins construits dans le cadre de coopération (HAWK, fusée CORA…), et BRIGITTE. Cette dernière est le site le plus important, doté d’importantes infrastructures permettant de lancer les VE et les puissants missiles balistiques de la SEREB, ainsi que le lanceur Diamant. Ce dernier place avec succès sur orbite le 26 novembre 1965 le premier satellite français Astérix ; la France devenait la troisième puissance spatiale. Trois autres Diamant suivent avec succès le 17 février 1966, les 8 et 15 février 1967. Au total, entre 1961 et 1967, les quatre bases ont vu le tir de plusieurs centaines d’engins.
Quitter ou rester à Hammaguir ?
Suite aux accords d’Evian du 18 mars 1962, qui ouvre la voie à l’indépendance de l’Algérie, il devenait évident qu’il fallait quitter les champs de tir sahariens. Bien que les autorités algériennes aient proposé à la France de rester (à travers un bail), les responsables politiques français ont préféré partir le 1er juillet 1967, pour éviter de subir un jour un éventuel chantage… Désormais, les essais militaires se poursuivent au Centre d'Essais des Landes (CEL), tandis que les lancements civils spatiaux sont effectués depuis le Centre Spatial Guyanais (CSG), à partir d'avril 1968.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Un ouvrage : Un demi-siècle d’aéronautique en France. Centres et moyens d’essais, tome 1 (sous la direction de Jean-Pierre Marec), COMAERO/ONERA, 2008, disponible sur le web
Une vidéo sur un essai de fusée PARCA à Colomb-Béchar, 13 mars 1956
Un reportage sur le lancement du premier satellite français A1 (26 novembre 1965), consultable sur le site de l’INA
De 1948 à 1967, la France a disposé dans le Sahara algérien d’un ensemble de champs de tirs exceptionnels, qui ont permis l’expérimentation de nombreux missiles et d’effectuer les premiers lancements spatiaux.
Avec la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux systèmes d’arme ont fait leur apparition, dont les missiles. En France, les militaires souhaitent rapidement développer ces types d’engin. Pour cela, il fallait avoir un site approprié pour les expérimenter, notamment pour ne pas mettre en danger les populations. Dès 1946, l’armée de Terre identifie un endroit idéal : la région de Colomb-Béchar, dans le Sahara algérien. Situé à 700 km au sud d’Oran, le site dispose de plus de bons réseaux de communication (base aérienne, route bitumée, train).
Naissance et organisation du CIEES.
Le 24 avril 1947, un décret ministériel créé à Colomb-Béchar un centre d’essais qui, un an plus tard, devient interarmées sous le nom de Centre Interarmées d’Essais d’Engins Spéciaux (CIEES). Chaque armée peut y expérimenter ses missiles (sol-air, air-sol, sol-sol, air-air). La direction du centre est confiée à un comité directeur appelé « Comité du Guir » (en raison de l’oued Guir coulant au sud de Béchar), dirigé par le général-président du Comité d’Action Scientifique de la Défense Nationale (CASDN), un organisme chargé de favoriser la coopération entre les militaires et les scientifiques. Quant à la gestion des champs de tir, elle est assurée par une Direction générale (confiée à un colonel-directeur). Toutefois, la responsabilité des essais des engins incombe aux différentes armées à travers leur sous-direction Technique.
Des champs de tir adaptés.
De 1949 à 1961, le CIEES dispose de trois champs de tir aménagés autour de Colomb-Béchar : B0, juste à côté de l’oasis, pour des tirs de missile vers l'Est ayant une portée inférieure à 50 Km ; B1, à 12 km à l'Ouest de Colomb-Béchar, pour des essais d’engins de 50 à 90 km de portée ; B’1, à 50 km plus au sud, pour des tirs verticaux ne mettant pas en danger Colomb-Béchar. Ainsi, sur B0, B1 et B'1 ont été testés divers engins comme le sol-air PARCA (Projectile Autopropulsé Radioguidé Contre Avions) de l’armée de Terre, les CT (Cibles Télécommandées, dérivées du V1), SE-1500, SE-4100 (missile sol-air) de l’armée de l’Air, etc.
Au début des années 50, de nouveaux engins plus puissants font leur apparition : des missiles à longue portée (Eole, SE-4200, R-422…) et des fusées-sondes (Véronique, Monica) pour explorer la haute atmosphère (que soutient également le CASDN). Cependant, les champs de tir B0, B1 et B’1 ne convenant pas, il fallait un espace beaucoup plus vaste. De ce fait, un quatrième champ de tir est aménagé à 120 km au sud-ouest de Colomb Béchar, au nord de la Hamada, un vaste plateau dénudé où coule un oued du nom de Guir, dénommé B2 ou Hammaguir (contraction de Hamada et de Guir).
La restructuration de 1961.
Progressivement, le rythme des essais augmente : de 1950 à 1952, il y a en moyenne une cinquantaine d’engins tirés par an, puis une centaine par an entre 1953 et 1956 pour atteindre 500 engins en 1957. En 1959, on passe à plus de 900 engins pour franchir les 1 100 en 1959-60. Pour assurer au mieux les expérimentations, il devenait nécessaire de restructurer le CIEES, d’autant plus qu’un nouvel acteur venait de faire son entrée : la Société pour l’Etude et la Réalisation d’Engins Balistiques (SEREB). Créée en 1959, celle-ci est alors chargée par le gouvernement de construire les premiers missiles balistiques pour la force de frappe nucléaire. En 1960, la SEREB propose en prime de construire le lanceur de satellites Diamant (à partir de ses Véhicules d’Essais (VE) appelés Pierres précieuses). A l’été 1961, le gouvernement accepte et décide dans le même temps de constituer une agence spatiale, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), appelée à utiliser les fusées-sondes et le futur Diamant.
Afin de répondre aux nombreuses demandes des différents acteurs militaires (Air, Terre), industriels (MATRA, SETEL, Sud Aviation…), scientifiques (CNET, CNES, ONERA…), sans oublier la SEREB, les champs de tir d’Hammaguir sont entre 1961 et 1964 restructurés en quatre sites de lancement spécialisés : BLANDINE (ex B2) pour les fusées-sondes à propulsion à liquides (Véronique, Vesta), BACCHUS pour les fusées à propulsion solide (Rubis de la SEREB ; Bélier, Centaure et Dragon de Sud Aviation, Monica de l’ATEF, etc.), BEATRICE pour des engins construits dans le cadre de coopération (HAWK, fusée CORA…), et BRIGITTE. Cette dernière est le site le plus important, doté d’importantes infrastructures permettant de lancer les VE et les puissants missiles balistiques de la SEREB, ainsi que le lanceur Diamant. Ce dernier place avec succès sur orbite le 26 novembre 1965 le premier satellite français Astérix ; la France devenait la troisième puissance spatiale. Trois autres Diamant suivent avec succès le 17 février 1966, les 8 et 15 février 1967. Au total, entre 1961 et 1967, les quatre bases ont vu le tir de plusieurs centaines d’engins.
Quitter ou rester à Hammaguir ?
Suite aux accords d’Evian du 18 mars 1962, qui ouvre la voie à l’indépendance de l’Algérie, il devenait évident qu’il fallait quitter les champs de tir sahariens. Bien que les autorités algériennes aient proposé à la France de rester (à travers un bail), les responsables politiques français ont préféré partir le 1er juillet 1967, pour éviter de subir un jour un éventuel chantage… Désormais, les essais militaires se poursuivent au Centre d'Essais des Landes (CEL), tandis que les lancements civils spatiaux sont effectués depuis le Centre Spatial Guyanais (CSG), à partir d'avril 1968.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Un ouvrage : Un demi-siècle d’aéronautique en France. Centres et moyens d’essais, tome 1 (sous la direction de Jean-Pierre Marec), COMAERO/ONERA, 2008, disponible sur le web
Une vidéo sur un essai de fusée PARCA à Colomb-Béchar, 13 mars 1956
Un reportage sur le lancement du premier satellite français A1 (26 novembre 1965), consultable sur le site de l’INA
Pourquoi ne parle t'on pas de HB3 ou on faisait des essais dynamique sur un rail a l'horizontale en 1965 /1966
Pourquoi ne parle t'on pas de HB3 ou on faisait des essais dynamique sur un rail a l'horizontale en 1965 /1966
Bonjour, Technicien électronicien débutant en 1962,je travaillais sur les stations A M E (Angle measrinng equiment) de trajectographie. L'une se situait a COLOMB BECHAR l'autre a ... HAMMAGUIR. Si quelqu'un peut me faire parvenir des souvenirs ....! MERCI plus
je faisais parti du régiment du génie qui a construit la piste en 59/60 .A la fin de notre campagne nous avons perdu 4 ... copains au cours d'une chasse à la gazelle j'aimerai rencontrer des anciens de mon régiment plus
Pourquoi ne parle t'on pas de HB3 ou on faisait des essais dynamique sur un rail a l'horizontale en 1965 /1966