Après avoir survolé l'étoile du Berger à trois reprises, les Etats-Unis décidaient de s'y satelliser et d'y sonder l'atmosphère à l'aide de deux sondes Pioneer, dont la première quittait la Terre le 20 mai 1978.
La « course à Vénus » a commencé dès les premières années du début de la conquête spatiale. Les Soviétiques l’envisageaient dès 1958-59 et tentaient les premiers lancements en 1961. Toutefois, ceux-ci ne rencontraient que des échecs provoqués par des lanceurs défaillants ou des pertes de contact avec les sondes. Le premier succès n’est intervenu qu’en 1967. Qu’en était-il de leur adversaire idéologique ?
Mariner vs Venera.
Après l’échec de Mariner 1 (22 juillet 1962), les Américains réussissent les premiers, le 14 décembre 1962, à survoler Vénus à près de 35 000 km avec Mariner 2 (lancée le 27 août 1962). Cette dernière a notamment noté les températures infernales régnant sur Vénus, l’absence de champ magnétique ou encore la lente rotation (rétrograde) de la planète. Alors que les Soviétiques marquaient depuis 1957 de nombreux points dans la conquête de l’espace, les Américains redoraient leur blason car, en plus des résultats scientifiques, Mariner 2 était devenue la première sonde interplanétaire opérationnelle à survoler avec succès une planète. Une seconde sonde, Mariner 5, frôla Vénus à 4 000 km le 19 octobre 1967, confirmant et complétant les informations de Mariner 2.
Toutefois, les Soviétiques grillaient la politesse aux Américains en réussissant, un jour avant Mariner 5, à faire descendre dans l’atmosphère vénusienne Venera 4, une sonde qui retransmit de précieuses informations jusqu’à une altitude d’environ 24 km d’altitude…
Le désamour de Vénus.
Le succès soviétique de 1967 est suivi par d’autres, dont Venera 7 qui, en décembre 1970, atterrit sur la planète et renvoie des signaux. Ces réussites détournent momentanément les Américains de Vénus, lui préférant l’exploration d’autres planètes. Ainsi, les sondes Mariner 6, 7, 8 et 9 sont toutes dédiées à l’étude de Mars, sans oublier les Pioneer 10 et 11, premières sondes à franchir la ceinture d’astéroïdes et à atteindre les planètes géantes Jupiter et Saturne.
Toutefois, en novembre 1973, Mariner 10 –la dernière des sondes du programme Mariner– part pour Mercure. Pour rejoindre cette dernière, elle utilise en février 1974 l’assistance gravitationnelle de Vénus, une véritable prouesse technique pour l’époque. Au passage de Vénus, Mariner 10 recueille d’intéressantes informations : les images prises en lumière visible et en ultraviolet montrent que des couches atmosphériques font le tour de la planète en quatre jours, soit bien plus vite que la planète elle-même, confirmant l’intérêt d’entreprendre une nouvelle mission vénusienne.
Retour vers Vénus.
Si les responsables de la NASA portent alors les efforts sur l’exploration d’autres planètes, fallait-il pour autant laisser les Soviétiques poursuivre seuls l’exploration de Vénus ? Fallait-il leur « abandonner une planète », comme le souligne Jacques Blamont dans Vénus dévoilée ?
Pour Richard Goody, physicien atmosphérique américano-britannique, l’exploration devait se poursuivre ; l’étude approfondie de Vénus et de son atmosphère devait permettre de comprendre comment celle-ci est devenue un monde aussi inhospitalier. Dès 1970, il contribue à la rédaction de Venus Strategy for Exploration, un rapport de l’Académie des sciences allant dans ce sens. Mais, à ce moment-là, les responsables de la NASA n’y sont guère favorables, d’autant plus que le budget fondait littéralement entraînant la fin annoncée du programme Apollo.
Néanmoins, l’idée de Richard Goody interpelle une équipe du centre de recherches Ames qui travaillait à la réalisation d’instruments de mesure pour de futures études planétaires… à l’avenir incertain. De plus, avec l’arrêt progressif d’Apollo, d’autres équipes de la NASA se trouvaient alors au chômage. Ainsi, une synergie se fait entre ces différentes équipes et l’idée de Richard Goody, prenant corps en 1972 avec le projet Pioneer Venus. Deux ans plus tard, la mission est retenue par la NASA qui confie la maîtrise d’œuvre à Hughes Aircraft Co pour un coût global d’environ 200 millions de dollars de l’époque.
Pioneer Venus A et B.
Le programme Pioneer Venus prévoit alors deux sondes : un orbiteur (destiné à être satellisé autour de Vénus) et un ensemble de sondeurs atmosphériques.
D’une masse de 582 kg, l’orbiteur, appelé Pioneer Venus A, emporte douze expériences scientifiques pour étudier l’atmosphère (composition, distribution verticale des nuages, etc.) et les interactions avec le Soleil, mais aussi pour cartographier la surface de la planète à l’aide d’un radar.
Pour sa part, la seconde sonde, appelée Pioneer Venus B (ou Pioneer Venus Multiprobe), pèse 904 kg, et est constituée de cinq éléments : un « bus » (appelé à se désintégrer dans l’atmosphère) porteur de quatre sondes atmosphériques, une grande et trois petites. D’une masse de 316 kg pour un diamètre de 1,5 m et équipée d’un parachute, la plus grande sonde dispose de sept instruments scientifiques pour notamment mesurer la température, la pression, la composition chimique de l’atmosphère, la pénétration du flux solaire, la taille et la forme des particules se trouvant dans l’atmosphère...
Quant aux trois petites sondes d’un diamètre de 80 cm pour une masse de 93 kg, elles sont équipées de cinq instruments (capteurs de température, pression, accélération, néphélomètre, radiomètre pour mesurer la distribution de l’énergie radiative). Sans parachute, elles sont appelées à se désintégrer ou à s’écraser sur le sol.
Récolte de données.
Le 20 mai 1978, Pionner Venus Orbiter quitte la Terre et atteint Vénus le 4 décembre suivant. Pionner Venus Multiprobe décolle le 8 août et rejoint Vénus le 16 novembre, date à laquelle la sonde atmosphérique principale est larguée, suivie quatre jours plus tard par les trois autres qui pénètrent l’atmosphère le 9 décembre, cinq jours après que Pioneer Venus Orbiter soit sur son orbite. Notons qu’une des quatre petites sondes survivra même à l’impact au sol et émettra pendant environ 67 minutes ! L’orbiteur, lui, fonctionnera jusqu’en 1991, pour se consumer dans les couches denses de l’atmosphère vénusienne, le 8 octobre 1992.
Les sondes Pioneer Venus ont ainsi permis d’améliorer les connaissances de la planète Vénus, de son atmosphère saturée de dioxyde de carbone avec ses nuages d’acides sulfuriques, mais aussi de la surface de la planète marquée par la présence de nombreux volcans (la plupart éteints) et des plaines de lave. Les connaissances seront approfondies avec la sonde Magellan qui, de 1990 à 1994, réalisera la carte de Vénus en relief la plus précise à ce jour…
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références.
Un ouvrage : Vénus dévoilée Jacques Blamont, O. Jacob, Paris, 1987
Le Press kit de la NASA, 27 juillet 1978
Un documentaire de l’Ames Research Center.
Après avoir survolé l'étoile du Berger à trois reprises, les Etats-Unis décidaient de s'y satelliser et d'y sonder l'atmosphère à l'aide de deux sondes Pioneer, dont la première quittait la Terre le 20 mai 1978.
La « course à Vénus » a commencé dès les premières années du début de la conquête spatiale. Les Soviétiques l’envisageaient dès 1958-59 et tentaient les premiers lancements en 1961. Toutefois, ceux-ci ne rencontraient que des échecs provoqués par des lanceurs défaillants ou des pertes de contact avec les sondes. Le premier succès n’est intervenu qu’en 1967. Qu’en était-il de leur adversaire idéologique ?
Mariner vs Venera.
Après l’échec de Mariner 1 (22 juillet 1962), les Américains réussissent les premiers, le 14 décembre 1962, à survoler Vénus à près de 35 000 km avec Mariner 2 (lancée le 27 août 1962). Cette dernière a notamment noté les températures infernales régnant sur Vénus, l’absence de champ magnétique ou encore la lente rotation (rétrograde) de la planète. Alors que les Soviétiques marquaient depuis 1957 de nombreux points dans la conquête de l’espace, les Américains redoraient leur blason car, en plus des résultats scientifiques, Mariner 2 était devenue la première sonde interplanétaire opérationnelle à survoler avec succès une planète. Une seconde sonde, Mariner 5, frôla Vénus à 4 000 km le 19 octobre 1967, confirmant et complétant les informations de Mariner 2.
Toutefois, les Soviétiques grillaient la politesse aux Américains en réussissant, un jour avant Mariner 5, à faire descendre dans l’atmosphère vénusienne Venera 4, une sonde qui retransmit de précieuses informations jusqu’à une altitude d’environ 24 km d’altitude…
Le désamour de Vénus.
Le succès soviétique de 1967 est suivi par d’autres, dont Venera 7 qui, en décembre 1970, atterrit sur la planète et renvoie des signaux. Ces réussites détournent momentanément les Américains de Vénus, lui préférant l’exploration d’autres planètes. Ainsi, les sondes Mariner 6, 7, 8 et 9 sont toutes dédiées à l’étude de Mars, sans oublier les Pioneer 10 et 11, premières sondes à franchir la ceinture d’astéroïdes et à atteindre les planètes géantes Jupiter et Saturne.
Toutefois, en novembre 1973, Mariner 10 –la dernière des sondes du programme Mariner– part pour Mercure. Pour rejoindre cette dernière, elle utilise en février 1974 l’assistance gravitationnelle de Vénus, une véritable prouesse technique pour l’époque. Au passage de Vénus, Mariner 10 recueille d’intéressantes informations : les images prises en lumière visible et en ultraviolet montrent que des couches atmosphériques font le tour de la planète en quatre jours, soit bien plus vite que la planète elle-même, confirmant l’intérêt d’entreprendre une nouvelle mission vénusienne.
Retour vers Vénus.
Si les responsables de la NASA portent alors les efforts sur l’exploration d’autres planètes, fallait-il pour autant laisser les Soviétiques poursuivre seuls l’exploration de Vénus ? Fallait-il leur « abandonner une planète », comme le souligne Jacques Blamont dans Vénus dévoilée ?
Pour Richard Goody, physicien atmosphérique américano-britannique, l’exploration devait se poursuivre ; l’étude approfondie de Vénus et de son atmosphère devait permettre de comprendre comment celle-ci est devenue un monde aussi inhospitalier. Dès 1970, il contribue à la rédaction de Venus Strategy for Exploration, un rapport de l’Académie des sciences allant dans ce sens. Mais, à ce moment-là, les responsables de la NASA n’y sont guère favorables, d’autant plus que le budget fondait littéralement entraînant la fin annoncée du programme Apollo.
Néanmoins, l’idée de Richard Goody interpelle une équipe du centre de recherches Ames qui travaillait à la réalisation d’instruments de mesure pour de futures études planétaires… à l’avenir incertain. De plus, avec l’arrêt progressif d’Apollo, d’autres équipes de la NASA se trouvaient alors au chômage. Ainsi, une synergie se fait entre ces différentes équipes et l’idée de Richard Goody, prenant corps en 1972 avec le projet Pioneer Venus. Deux ans plus tard, la mission est retenue par la NASA qui confie la maîtrise d’œuvre à Hughes Aircraft Co pour un coût global d’environ 200 millions de dollars de l’époque.
Pioneer Venus A et B.
Le programme Pioneer Venus prévoit alors deux sondes : un orbiteur (destiné à être satellisé autour de Vénus) et un ensemble de sondeurs atmosphériques.
D’une masse de 582 kg, l’orbiteur, appelé Pioneer Venus A, emporte douze expériences scientifiques pour étudier l’atmosphère (composition, distribution verticale des nuages, etc.) et les interactions avec le Soleil, mais aussi pour cartographier la surface de la planète à l’aide d’un radar.
Pour sa part, la seconde sonde, appelée Pioneer Venus B (ou Pioneer Venus Multiprobe), pèse 904 kg, et est constituée de cinq éléments : un « bus » (appelé à se désintégrer dans l’atmosphère) porteur de quatre sondes atmosphériques, une grande et trois petites. D’une masse de 316 kg pour un diamètre de 1,5 m et équipée d’un parachute, la plus grande sonde dispose de sept instruments scientifiques pour notamment mesurer la température, la pression, la composition chimique de l’atmosphère, la pénétration du flux solaire, la taille et la forme des particules se trouvant dans l’atmosphère...
Quant aux trois petites sondes d’un diamètre de 80 cm pour une masse de 93 kg, elles sont équipées de cinq instruments (capteurs de température, pression, accélération, néphélomètre, radiomètre pour mesurer la distribution de l’énergie radiative). Sans parachute, elles sont appelées à se désintégrer ou à s’écraser sur le sol.
Récolte de données.
Le 20 mai 1978, Pionner Venus Orbiter quitte la Terre et atteint Vénus le 4 décembre suivant. Pionner Venus Multiprobe décolle le 8 août et rejoint Vénus le 16 novembre, date à laquelle la sonde atmosphérique principale est larguée, suivie quatre jours plus tard par les trois autres qui pénètrent l’atmosphère le 9 décembre, cinq jours après que Pioneer Venus Orbiter soit sur son orbite. Notons qu’une des quatre petites sondes survivra même à l’impact au sol et émettra pendant environ 67 minutes ! L’orbiteur, lui, fonctionnera jusqu’en 1991, pour se consumer dans les couches denses de l’atmosphère vénusienne, le 8 octobre 1992.
Les sondes Pioneer Venus ont ainsi permis d’améliorer les connaissances de la planète Vénus, de son atmosphère saturée de dioxyde de carbone avec ses nuages d’acides sulfuriques, mais aussi de la surface de la planète marquée par la présence de nombreux volcans (la plupart éteints) et des plaines de lave. Les connaissances seront approfondies avec la sonde Magellan qui, de 1990 à 1994, réalisera la carte de Vénus en relief la plus précise à ce jour…
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références.
Un ouvrage : Vénus dévoilée Jacques Blamont, O. Jacob, Paris, 1987
Le Press kit de la NASA, 27 juillet 1978
Un documentaire de l’Ames Research Center.
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