Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales
Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales
© Arianespace

publié le 12 février 2025 à 09:42

844 mots

Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales

Le 8 février 1985, le lanceur européen Ariane plaçait sur orbite deux satellites de télécommunications, dont Arabsat pour le compte des Etats arabes.


Arabsat est aujourd’hui le premier fournisseur de services par satellite dans la région arabe. Disposant d’une flotte de huit satellites sur trois positions orbitales, l’entreprise offre des services de communications multicanaux, allant de la télédiffusion et de la radiodiffusion aux télécommunications, ainsi qu’aux réseaux de transmission de données et à une variété de services satellitaires à plusieurs dizaines d’Etats. L’aventure Arabsat remonte à près de 60 ans.

 

L’ASBU

A la fin des années soixante, les ministres de l'information des nations de la Ligue arabe (fondée en 1945 au Caire) prennent conscience des enjeux de la révolution des télécommunications, qui a commencé quelques années auparavant à l’initiative des Etats-Unis. Ils se mettent d’accord dès 1967 sur le principe de développer un réseau de télécommunications pour les jeunes nations de la Ligue arabe. Deux ans plus tard à Khartoum, en février 1969, est créée l’Arab States Broadcasting Union (ASBU, Union de radiodiffusion des Etats arabes), une des plus anciennes institutions panarabes à ce jour. L’ASBU reçoit alors la mission de « renforcer les liens et de promouvoir la coopération entre les radiodiffuseurs des États arabes pour une meilleure production et le développement de contenus ». L'ASBU doit « fournir des services importants aux radiodiffuseurs membres et à d'autres, tels que des services d'ingénierie et de conseil, des échanges de nouvelles, de programmes et de sports à la radio et à la télévision, ainsi que des formations à la radio et à la télévision ». Il ne manque alors à l’ASBU que l’outil…

 

L’Organisation arabe des satellites de communications

Le 14 avril 1976, à l’initiative des 21 Etats de la Ligue arabe, est créée l’Organisation arabe des satellites de communications, rapidement appelée Arabsat, pour gérer les futurs satellites de télécommunications. Comme le souligne en 1989 la géographe spécialiste des politiques spatiales Isabelle Sourbès, « Le programme Arabsat se trouve être l’expression d’une nouvelle tendance qui se développe depuis 1973 : le sentiment d’unité culturelle et historique est toujours vivement ressenti, mais le modèle de réunification totale s’estompe au profit de la recherche d’une cohésion arabe plus modeste mais efficace entre Etats différents (…). Le programme Arabsat est donc né de la combinaison de facteurs économiques et politiques (…) », grâce notamment aux ressources financières provenant de l’industrie pétrolière et dont l’un des plus importants producteurs est alors l’Arabie Saoudite. C’est la raison pour laquelle le siège de l’organisation s’installe à Riyad.

 

Caractéristiques des premiers Arabsat

N’ayant pas les capacités industrielles pour réaliser les satellites, Arabsat sollicite en 1981 les Européens qui confient la maîtrise d’œuvre au groupe français Aérospatiale. Quant aux premières antennes de réception, elles sont fournies à partir de 1983 principalement par les Japonais à 19 nations arabes.

D'une masse totale au lancement de 1 170 kg, Arabsat 1A a une forme rectangulaire, d’une dimension de 1,6 m sur 2,3 m, pour une hauteur d’environ 1,6 m. Il est équipé de panneaux solaires d'environ 21 m de longueur permettant une puissance électrique de 1,4 kW, et pour une durée de vie nominale de 7 ans. Quant à la charge utile de communication, elle se compose de deux transpondeurs en bande S et de 25 transpondeurs en bande C.

 

Lancement et mise en place du réseau

Arabsat 1A est placé sur orbite le 8 février 1985 par le lanceur européen Ariane (vol V12), tandis que le second, Arabsat 1B, est lancé le 17 juin suivant par la navette spatiale américaine Discovery (mission STS 51G), à bord de laquelle se trouve également le prince saoudien Sultan ben Salmane Al Saoud, dont sa mission principale consiste à superviser le déploiement et le lancement du satellite depuis la soute de la navette le 18 juin. Celui-ci mène aussi des expériences et prend des photographies de l’Arabie.

Toutefois, Arabsat 1A rencontre des dysfonctionnements, dont l’un touche ses panneaux solaires, contraignant l’organisation à le reléguer comme satellite de secours jusqu’à la fin de son exploitation en 1991. Quant à Arabsat 1B, il fonctionne jusqu’à l’été 1992. Depuis, le réseau Arabsat a régulièrement été complété par d’autres satellites portant le nom de l’organisation puis, à partir de la troisième génération, celui de Badr. Signifiant « pleine Lune », Badr est une région du Hedjaz où a eu lieu une célèbre bataille remportée 13 mars 624 par le prophète Muhammad ; Badr est aussi le nom porté par un compagnon du prophète devenu le premier calife de l’empire arabo-musulman… Arabsat / Badr est ainsi devenu une composante du soft power de la culture arabe et de l’Islam.

 

Quelques références

- Un chapitre d’ouvrage : « Arabsat : le satellite des états arabes », Abdallah Chakroun, in Les nouvelles chaînes, Les Cahiers de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), 1983, pp. 185-200

- Deux articles : « Les échanges de télévision par Arabsat (1985-1987) », Abdallah Chakroun, in Lunes industrielles, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 47, 1988, pp.73-77 ; « Un système régional de télécommunications spatiales : Arabsat », Gérard Gau et Isabelle Sourbès, in Mappemonde, 1989 / 1, pp.18-20.

- Le site Arabsat

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence

Commentaires
12/02/2025 09:42
844 mots

Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales

Le 8 février 1985, le lanceur européen Ariane plaçait sur orbite deux satellites de télécommunications, dont Arabsat pour le compte des Etats arabes.

Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales
Il y a 40 ans, Arabsat fait entrer le monde arabe dans les télécommunications spatiales

Arabsat est aujourd’hui le premier fournisseur de services par satellite dans la région arabe. Disposant d’une flotte de huit satellites sur trois positions orbitales, l’entreprise offre des services de communications multicanaux, allant de la télédiffusion et de la radiodiffusion aux télécommunications, ainsi qu’aux réseaux de transmission de données et à une variété de services satellitaires à plusieurs dizaines d’Etats. L’aventure Arabsat remonte à près de 60 ans.

 

L’ASBU

A la fin des années soixante, les ministres de l'information des nations de la Ligue arabe (fondée en 1945 au Caire) prennent conscience des enjeux de la révolution des télécommunications, qui a commencé quelques années auparavant à l’initiative des Etats-Unis. Ils se mettent d’accord dès 1967 sur le principe de développer un réseau de télécommunications pour les jeunes nations de la Ligue arabe. Deux ans plus tard à Khartoum, en février 1969, est créée l’Arab States Broadcasting Union (ASBU, Union de radiodiffusion des Etats arabes), une des plus anciennes institutions panarabes à ce jour. L’ASBU reçoit alors la mission de « renforcer les liens et de promouvoir la coopération entre les radiodiffuseurs des États arabes pour une meilleure production et le développement de contenus ». L'ASBU doit « fournir des services importants aux radiodiffuseurs membres et à d'autres, tels que des services d'ingénierie et de conseil, des échanges de nouvelles, de programmes et de sports à la radio et à la télévision, ainsi que des formations à la radio et à la télévision ». Il ne manque alors à l’ASBU que l’outil…

 

L’Organisation arabe des satellites de communications

Le 14 avril 1976, à l’initiative des 21 Etats de la Ligue arabe, est créée l’Organisation arabe des satellites de communications, rapidement appelée Arabsat, pour gérer les futurs satellites de télécommunications. Comme le souligne en 1989 la géographe spécialiste des politiques spatiales Isabelle Sourbès, « Le programme Arabsat se trouve être l’expression d’une nouvelle tendance qui se développe depuis 1973 : le sentiment d’unité culturelle et historique est toujours vivement ressenti, mais le modèle de réunification totale s’estompe au profit de la recherche d’une cohésion arabe plus modeste mais efficace entre Etats différents (…). Le programme Arabsat est donc né de la combinaison de facteurs économiques et politiques (…) », grâce notamment aux ressources financières provenant de l’industrie pétrolière et dont l’un des plus importants producteurs est alors l’Arabie Saoudite. C’est la raison pour laquelle le siège de l’organisation s’installe à Riyad.

 

Caractéristiques des premiers Arabsat

N’ayant pas les capacités industrielles pour réaliser les satellites, Arabsat sollicite en 1981 les Européens qui confient la maîtrise d’œuvre au groupe français Aérospatiale. Quant aux premières antennes de réception, elles sont fournies à partir de 1983 principalement par les Japonais à 19 nations arabes.

D'une masse totale au lancement de 1 170 kg, Arabsat 1A a une forme rectangulaire, d’une dimension de 1,6 m sur 2,3 m, pour une hauteur d’environ 1,6 m. Il est équipé de panneaux solaires d'environ 21 m de longueur permettant une puissance électrique de 1,4 kW, et pour une durée de vie nominale de 7 ans. Quant à la charge utile de communication, elle se compose de deux transpondeurs en bande S et de 25 transpondeurs en bande C.

 

Lancement et mise en place du réseau

Arabsat 1A est placé sur orbite le 8 février 1985 par le lanceur européen Ariane (vol V12), tandis que le second, Arabsat 1B, est lancé le 17 juin suivant par la navette spatiale américaine Discovery (mission STS 51G), à bord de laquelle se trouve également le prince saoudien Sultan ben Salmane Al Saoud, dont sa mission principale consiste à superviser le déploiement et le lancement du satellite depuis la soute de la navette le 18 juin. Celui-ci mène aussi des expériences et prend des photographies de l’Arabie.

Toutefois, Arabsat 1A rencontre des dysfonctionnements, dont l’un touche ses panneaux solaires, contraignant l’organisation à le reléguer comme satellite de secours jusqu’à la fin de son exploitation en 1991. Quant à Arabsat 1B, il fonctionne jusqu’à l’été 1992. Depuis, le réseau Arabsat a régulièrement été complété par d’autres satellites portant le nom de l’organisation puis, à partir de la troisième génération, celui de Badr. Signifiant « pleine Lune », Badr est une région du Hedjaz où a eu lieu une célèbre bataille remportée 13 mars 624 par le prophète Muhammad ; Badr est aussi le nom porté par un compagnon du prophète devenu le premier calife de l’empire arabo-musulman… Arabsat / Badr est ainsi devenu une composante du soft power de la culture arabe et de l’Islam.

 

Quelques références

- Un chapitre d’ouvrage : « Arabsat : le satellite des états arabes », Abdallah Chakroun, in Les nouvelles chaînes, Les Cahiers de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), 1983, pp. 185-200

- Deux articles : « Les échanges de télévision par Arabsat (1985-1987) », Abdallah Chakroun, in Lunes industrielles, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 47, 1988, pp.73-77 ; « Un système régional de télécommunications spatiales : Arabsat », Gérard Gau et Isabelle Sourbès, in Mappemonde, 1989 / 1, pp.18-20.

- Le site Arabsat

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence



Commentaires