Le 6 janvier 1998, les Américains relancent la course à la Lune avec l’ambitieuse sonde Lunar Prospector, dont l’objectif est d’étudier les grandes caractéristiques de notre satellite naturel.
Avec la sonde Lunar Prospector, les Américains signent leur grand retour vers la Lune, bien qu’il y ait eu en 1994 la mission Clementine – depuis une orbite lunaire basse, deux mois durant, il s’était agit, d’une part, d’éprouver dans le milieu spatial un certain nombre d’instruments et de composants et, d’autre part, effectuer des observations de la Lune (imagerie, gravimétrie, etc.).
Lunar Propector se propose d’aller plus loin encore que Clementine. Le projet fait partie du Discovery Program (« Découverte ») lancé en 1990, consistant en de « petites » missions d’exploration du système solaire. Celles-ci s’inscrivent alors dans la nouvelle philosophie de la Nasa de l’administrateur Daniel Goldin, à savoir développer des programmes plus rapidement (ne dépassant pas 36 mois), avec des technologies de pointe et des coûts financiers limités. Les missions Discovery sont définies en fonction de ce que préconise le Planetary Science Decadal Survey qui met en avant les champs d’étude opportuns à explorer.
Après Near Shoemaker (étude de l’astéroïde géocroiseur Eros) et Mars Pathinder (démonstration d’un astromobile sur la planète Mars), Lunar Prospector est retenu comme troisième mission Discovery pour effectuer depuis une orbite polaire basse de la Lune la cartographie de la composition de la surface lunaire, la mesure des champs magnétiques et gravitationnels et l’étude des phénomènes de dégazage. Placée sous la responsabilité des scientifiques Alan Binder (du Lunar Research Institute, Tucson) et de Scott Hubbard (de l’Ames Research Center de la Nasa, Californie), la sonde Lunar Prospector est sélectionnée en 1992. La construction commence en 1995 sous la conduite de Lockheed Martin Missiles & Espace (Californie) pour un coût seulement de 62,8 millions de dollars. D’autres acteurs participent au programme, comme le laboratoire national de Los Alamos du ministère de l’Energie, le Goddard Space Flight Center et le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa.
En forme de cylindre, Lunar Prospector fait 1,28 m de hauteur et 1,37 m de diamètre, pour une masse totale de 296 kg (dont 156 kg d’ergols), stabilisé par rotation autour de son axe à la vitesse de 12 tours par minute. L’engin est recouvert de 2 640 cellules solaires fournissant environ 190 watts. Pour communiquer, il dispose de deux antennes (à moyen et à bas gain). Enfin, trois perches de 2,5 m de long sont fixées perpendiculairement à la sonde, pour supporter des capteurs d’instruments scientifiques embarqués. Ces derniers sont au nombre de cinq : trois spectromètres (rayons gamma, neutrons, particules alpha), un magnétomètre et un réflectomètre à électrons.
Mission hautement scientifique sans événements spectaculaires attendus, celle-ci ne déchaîne globalement pas les médias. Un aspect de celle-ci attire néanmoins l'attention : la découverte éventuelle de la présence d’eau (sous forme de glace) dans les régions polaires lunaires en permanence à l’ombre. Ainsi, Mon Quotidien titre le 3 janvier 1998 par : « Un satellite part voir s’il y a de l’eau sur la Lune » ; le journal belge Le Soir le 7 janvier : « Le lancement de la sonde Lunar Prospector a eu lieu cette nuit. Une nouvelle mission lunaire tente de déceler la présence d’eau », etc.
La question de l’eau sur la Lune n’est pas anecdotique. Dans un futur plus ou moins proche, certains considèrent que celle-ci pourrait être utilisée lors de séjours humains de longue durée (économisant ainsi le transport depuis la Terre), ou encore être purifiée et fournir de l’hydrogène pour les ergols de fusées qui poursuivraient ainsi leur voyage vers Mars à moindre coût. Or, quelques années auparavant, les données recueillies par Clementine laissaient présager la possibilité de trouver de l’eau gelée aux pôles lunaires. Lunar Prospector devait confirmer cette potentialité.
Lancé le 7 janvier 1998 par une fusée Athena 2 depuis Cape Canaveral, Lunar Prospector atteint la Lune après un voyage de 105 heures. Peu à peu, l’engin s’insère sur une orbite quasi circulaire polaire à l’altitude de 100 km, avec une inclinaison de 90°. Afin d’obtenir des mesures plus fines, l’orbite est abaissée à plusieurs reprises : à 30 km le 19 décembre, puis à 15 km le 28 janvier 1999.
Une fois la mission principale achevée, la sonde est programmée pour s’écraser sur la surface lunaire. Avec la mise en évidence de la présence d’hydrogène, les responsables de la mission décident de la faire impacter le 31 juillet 1999 dans un cratère proche du pôle Sud, avec l’espoir d’observer depuis la Terre la présence d’eau dans les éjectas soulevés par l’impact… mais l’opération ne permet pas la détection d’eau.
Pour autant, Lunar Prospector livre de précieuses informations. Par exemple, son spectromètre de rayon gamma permet de réaliser une carte globale de la lune sur la répartition élémentaire ; sont détectés en surface d’abondants éléments radiogéniques comme notamment l’uranium et le thorium, mais aussi des éléments minéraux, tels que le fer, le titane, le silicium, l’aluminium, le magnésium, etc.
L’autre apport important de Lunar Prospector concerne la question de l’hypothétique champ magnétique lunaire. La sonde prouve une existence résiduelle aux antipodes créant la plus petite magnétosphère jamais découverte dans le système solaire ; la Lune aurait ainsi un petit noyau riche en fer d’environ 300 km de diamètre.
Concernant les dégazages (observés depuis longtemps à travers le phénomène de flashs lumineux), le spectromètre de particules alpha montre que du gaz radon a bien émané en surface, au voisinage notamment des cratères Aristarque et Kepler…
Enfin, de manière plus anecdotique, Lunar Prospector embarquait également une petite quantité des cendres d’Eugène Shoemaker (1928-1997), astronome et géologue découvreur d’astéroïdes. En s’écrasant, la sonde a ainsi procédé aux premières obsèques lunaires.
- Un ouvrage : Lunar Prospector Against all Odds, Allan B. Binder, Ken Press, 2005.
- Un reportage : « USA, Florida, Lunar Prospector Launched successfully », Associated Press Archives, janvier 1998
- Les pages internet de la Nasa sur la mission Lunar Prospector.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Le 6 janvier 1998, les Américains relancent la course à la Lune avec l’ambitieuse sonde Lunar Prospector, dont l’objectif est d’étudier les grandes caractéristiques de notre satellite naturel.
Avec la sonde Lunar Prospector, les Américains signent leur grand retour vers la Lune, bien qu’il y ait eu en 1994 la mission Clementine – depuis une orbite lunaire basse, deux mois durant, il s’était agit, d’une part, d’éprouver dans le milieu spatial un certain nombre d’instruments et de composants et, d’autre part, effectuer des observations de la Lune (imagerie, gravimétrie, etc.).
Lunar Propector se propose d’aller plus loin encore que Clementine. Le projet fait partie du Discovery Program (« Découverte ») lancé en 1990, consistant en de « petites » missions d’exploration du système solaire. Celles-ci s’inscrivent alors dans la nouvelle philosophie de la Nasa de l’administrateur Daniel Goldin, à savoir développer des programmes plus rapidement (ne dépassant pas 36 mois), avec des technologies de pointe et des coûts financiers limités. Les missions Discovery sont définies en fonction de ce que préconise le Planetary Science Decadal Survey qui met en avant les champs d’étude opportuns à explorer.
Après Near Shoemaker (étude de l’astéroïde géocroiseur Eros) et Mars Pathinder (démonstration d’un astromobile sur la planète Mars), Lunar Prospector est retenu comme troisième mission Discovery pour effectuer depuis une orbite polaire basse de la Lune la cartographie de la composition de la surface lunaire, la mesure des champs magnétiques et gravitationnels et l’étude des phénomènes de dégazage. Placée sous la responsabilité des scientifiques Alan Binder (du Lunar Research Institute, Tucson) et de Scott Hubbard (de l’Ames Research Center de la Nasa, Californie), la sonde Lunar Prospector est sélectionnée en 1992. La construction commence en 1995 sous la conduite de Lockheed Martin Missiles & Espace (Californie) pour un coût seulement de 62,8 millions de dollars. D’autres acteurs participent au programme, comme le laboratoire national de Los Alamos du ministère de l’Energie, le Goddard Space Flight Center et le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa.
En forme de cylindre, Lunar Prospector fait 1,28 m de hauteur et 1,37 m de diamètre, pour une masse totale de 296 kg (dont 156 kg d’ergols), stabilisé par rotation autour de son axe à la vitesse de 12 tours par minute. L’engin est recouvert de 2 640 cellules solaires fournissant environ 190 watts. Pour communiquer, il dispose de deux antennes (à moyen et à bas gain). Enfin, trois perches de 2,5 m de long sont fixées perpendiculairement à la sonde, pour supporter des capteurs d’instruments scientifiques embarqués. Ces derniers sont au nombre de cinq : trois spectromètres (rayons gamma, neutrons, particules alpha), un magnétomètre et un réflectomètre à électrons.
Mission hautement scientifique sans événements spectaculaires attendus, celle-ci ne déchaîne globalement pas les médias. Un aspect de celle-ci attire néanmoins l'attention : la découverte éventuelle de la présence d’eau (sous forme de glace) dans les régions polaires lunaires en permanence à l’ombre. Ainsi, Mon Quotidien titre le 3 janvier 1998 par : « Un satellite part voir s’il y a de l’eau sur la Lune » ; le journal belge Le Soir le 7 janvier : « Le lancement de la sonde Lunar Prospector a eu lieu cette nuit. Une nouvelle mission lunaire tente de déceler la présence d’eau », etc.
La question de l’eau sur la Lune n’est pas anecdotique. Dans un futur plus ou moins proche, certains considèrent que celle-ci pourrait être utilisée lors de séjours humains de longue durée (économisant ainsi le transport depuis la Terre), ou encore être purifiée et fournir de l’hydrogène pour les ergols de fusées qui poursuivraient ainsi leur voyage vers Mars à moindre coût. Or, quelques années auparavant, les données recueillies par Clementine laissaient présager la possibilité de trouver de l’eau gelée aux pôles lunaires. Lunar Prospector devait confirmer cette potentialité.
Lancé le 7 janvier 1998 par une fusée Athena 2 depuis Cape Canaveral, Lunar Prospector atteint la Lune après un voyage de 105 heures. Peu à peu, l’engin s’insère sur une orbite quasi circulaire polaire à l’altitude de 100 km, avec une inclinaison de 90°. Afin d’obtenir des mesures plus fines, l’orbite est abaissée à plusieurs reprises : à 30 km le 19 décembre, puis à 15 km le 28 janvier 1999.
Une fois la mission principale achevée, la sonde est programmée pour s’écraser sur la surface lunaire. Avec la mise en évidence de la présence d’hydrogène, les responsables de la mission décident de la faire impacter le 31 juillet 1999 dans un cratère proche du pôle Sud, avec l’espoir d’observer depuis la Terre la présence d’eau dans les éjectas soulevés par l’impact… mais l’opération ne permet pas la détection d’eau.
Pour autant, Lunar Prospector livre de précieuses informations. Par exemple, son spectromètre de rayon gamma permet de réaliser une carte globale de la lune sur la répartition élémentaire ; sont détectés en surface d’abondants éléments radiogéniques comme notamment l’uranium et le thorium, mais aussi des éléments minéraux, tels que le fer, le titane, le silicium, l’aluminium, le magnésium, etc.
L’autre apport important de Lunar Prospector concerne la question de l’hypothétique champ magnétique lunaire. La sonde prouve une existence résiduelle aux antipodes créant la plus petite magnétosphère jamais découverte dans le système solaire ; la Lune aurait ainsi un petit noyau riche en fer d’environ 300 km de diamètre.
Concernant les dégazages (observés depuis longtemps à travers le phénomène de flashs lumineux), le spectromètre de particules alpha montre que du gaz radon a bien émané en surface, au voisinage notamment des cratères Aristarque et Kepler…
Enfin, de manière plus anecdotique, Lunar Prospector embarquait également une petite quantité des cendres d’Eugène Shoemaker (1928-1997), astronome et géologue découvreur d’astéroïdes. En s’écrasant, la sonde a ainsi procédé aux premières obsèques lunaires.
- Un ouvrage : Lunar Prospector Against all Odds, Allan B. Binder, Ken Press, 2005.
- Un reportage : « USA, Florida, Lunar Prospector Launched successfully », Associated Press Archives, janvier 1998
- Les pages internet de la Nasa sur la mission Lunar Prospector.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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