Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?
Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?

publié le 10 mars 2023 à 06:00

1588 mots

Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?

La Russie vient d'envoyer une salve de plus de 81 missiles dont seulement une petite moitié a été interceptée. Est-ce un succès russe contre la défense aérienne ukrainienne ?


Objectif russe : couper l'électricité en Ukraine

Depuis l'automne 2022, la Russie cible systématiquement le réseau électrique ukrainien. Des centaines de missiles ont été envoyés contre le réseau du pays, conduisant les analystes à estimer que la Russie aurait épuisé tout son stock de missiles au cours du premier trimestre 2023. Dans le même temps, le taux d'interception de missiles russes par la défense ukrainienne était d'environ 80 % depuis plusieurs mois.

Dans la nuit du 8 au 9 mars 2023, la Russie a tiré 81 missiles et 8 drones suicides iraniens, mais seuls 38 missiles et 4 drones ont été abattus. Alors que la défense aérienne ukrainienne reçoit toujours plus d'équipements fournis par ses partenaires, ce bombardement massif et ce faible taux d'interception sont-ils un symbole de l'échec ukrainien ?

Une réussite en trompe l'oeil

Le caractère massif de l'attaque est à mettre en perspective avec l'évolution de la campagne de bombardement russe. Du 28 février au 9 octobre 2022, la Russie a tiré 2 900 missiles sur le territoire ukrainien, soit 13 missiles par jour. A partir du 10 octobre, les missiles sont désormais envoyés en salves, ce qui contribue à occuper l'espace médiatique. 

Cependant, l'analyse des données montre en réalité qu'il s'agit d'une diminution de la cadence de tir. Du 10 octobre au 16 décembre, la Russie tire en moyenne 72 missiles tous les 10 jours, soit 7 par jour, un nombre déjà en baisse par rapport aux huit premiers mois de la guerre. A partir du 17 décembre, la cadence diminue encore à "seulement" 52 missiles tous les 12 jours, soit à peine 4 missiles par jour...

Le tir de 81 missiles en une journée occupe donc bien l'espace médiatique, mais ne remet pas en cause la tendance observée : la Russie réduit toujours plus ses tirs. Atteindra-t-il bientôt la fin de ses stocks ?

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Relevé des tirs russes depuis le 10 octobre ©
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La fin des missiles russes ?

La Russie a déjà tiré 4 000 missiles de croisière ou balistiques contre l'Ukraine, un chiffre qu icorrespond à l'ensemble du stock estimé du pays au début de la guerre. Selon les estimations les plus élevées, la Russie produirait environ 300 missiles chaque année au rythme mensuel suivant :

  • 10 missiles de croisière aéroportés Kh101-type (largués depuis les bombardiers Tu-22 or Tu-95),
  • 10 missiles de croisière Kalibr tirés depuis les navires,
  • 4 missiles balistiques Iskander sol-sol,
  • moins de 1.5 missile Kinzhal hypersonique (lancé par le chasseur Mig-31K).

Alors que la logique voudrait que le rythme de production augmente en temps de guerre, l'origine occidentale de nombreux composants de missiles russe suggère que la production en 2022 devrait plutôt être inférieure aux 300 missiles produits en 2021. A titre d'exemple, pas moins de 35 composants en provenance des États-Unis ont été compté pour le seul Kh-101 (voir cet article pour plus de détails)... 

La Russie compense donc une probable future pénurie par un recours aux drones Shahed suicides low cost fournis par l'Iran, mais aussi en détournant d'autres missiles de leur usage initial. On pense en particulier aux systèmes de défense aérienne utilisés contre des cibles au sol, comme le S-300 avec déjà plus de 1 100 utilisations répertoriées, à l'utilisation de missiles anti-navires Onyx, mais aussi la remise en service d'anciens systèmes comme le missile anti-navire Kh-22, tellement obsolète qu'il avait été retirés en 2007 mais dont 220 ont été tirés depuis le début de la guerre.

Le problème de ces missiles est leur très faible précision, provoquant un nombre important de bavures. Dans leur utilisation normale, ils sont normalement guidés vers leur cible aérienne ou maritime par un radar. Mais face à une cible au sol, leur centrale inertielle est dramatiquement peu précise : moins de la moitié des Kh-22 tombent à moins de 600 mètres de leur cible !

état stocks bien.jpeg
Etat des stocks de chaque type de missile, estimation des services ukrainiens en début d'année 2023 ©
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De moins en moins de missiles adaptés...

Or l'analyse des dernières salves de missiles confirme l'utilisation croissante de ces missiles à faible précision et efficacité militaire, voire même de missiles équipés d'ogives inertes comme le KTS-120-12 (image ci-contre). Dans ce cas, les missiles ne comportent pas de charge explosive et sont issus des stocks des forces stratégiques uniquement dotées d'armes nucléaires, ces dernières ne l'utilisation qu'en entraînement... Le tir de tels missiles n'a qu'un intérêt : faire du chiffre.

La salve du 8 mars comprenait ainsi 54 missiles conventionnels : 20 Kalibr, 28 Kh-101, six Kh-59, deux missiles anti-radar Kh-31P et six missiles hypersoniques Kinzhal... En une journée, la Russie a ainsi consommé trois mois de production de ces missiles. Mais à leurs côtés, on pouvait surtout compter 6 missiles anti-navires Kh-22, 13 missiles anti-aériens S-300, et 8 drones iraniens. 

Parmi les missiles non interceptés, huit sont tombés loin de toute cible, faisant des morts dans la population civile ou tombant dans les champs (images ci-dessous). Au global, 44% des missiles tirés ont atteint une cible identifiée, avec des niveau de destruction variables.

kts-120-2.jpg
Missile Kh-101 doté d'une tête inerte KTS-120-12, abattu grâce à un Manpads lors de la salve du 16/02 ©
kts-120-2.jpg
lviv.jpg
Destruction de maisons dans la région de Lviv, provoquant la mort de plusieurs habitants ©
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Impact d'un missile tombé dans les champs près de Kharkiv ©
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...mais un taux d'interception en baisse

Aucun système de défense aérienne n'est infaillible, mais l'interception de seulement 31 des 81 missiles lancés marque un réel recul par rapport aux chiffres précédents. Plusieurs raisons expliquent ce mauvais chiffre :

  • Le Kh-22 et le Kinzhal, hypersoniques, sont considérés comme non-interceptables. Or ils représentent une proportion sans précédent de l'attaque avec 12 missiles. Les Kinzhal ont en particulier été utilisés contre Kiev, une ville normalement bien protégée contre laquelle ils sont les seuls à encore être capable de passer. Problème pour la Russie : ils ont déjà utilisé plus de 25 des 60 Kinzhal jamais produits.
  • Outre la difficulté d'intercepter des S-300 dont la trajectoire est balistique en mode sol-sol, la faible précision de ces missiles détournés de leur utilisation implique qu'une grande partie d'entre eux tombe loin de la zone ciblée, dans des environnements non protégés. Leur impact militaire est donc très réduit voire nul, mais leur non-interception dégrade les statistiques ukrainiennes.
  • Le fait que les tirs aient cette fois eu lieu de nuit a empêché la destruction des missiles par des manpads tirés à l'épaule par des soldats ukrainiens (voir la vidéo ci-contre). Le taux d'interception des missiles de croisière est ainsi de 71 %, une proportion élevée mais inférieure à la normale.

Au final, 34 des 58 missiles considérés comme interceptables ont été détruits, ainsi que la moitié des drones iraniens.

Le ciblage infructueux des installations électriques

Après plus de 5 mois de ciblage méthodique des installations électriques du pays, le constat est pourtant sans équivoque : l'effondrement du réseau électrique n'a pas eu lieu et l'ensemble de l'Ukraine était alimenté en électricité sans interruption depuis plusieurs semaines jusqu'à ce jour. A titre d'exemple, seules les régions de Kharkiv et Jytomyr connaissaient encore des difficultés électriques au soir du 9 mars, alors que le courant avait été rétabli dans toutes les autres régions visées. A Kiev, seulement 15% de la ville a subi aujourd'hui une coupure d'électricité de 12 heures, et 40% des habitants ont subi une coupure de chauffage... Est-ce pertinent de consommer de précieux missiles à plusieurs millions de dollars pour de si mauvais résultats ? D'autant qu'avec plus de 500 000 générateurs électriques importés depuis l'automne, la population ukrainienne est désormais en mesure de continuer à vivre normalement jusqu'à la fin des éventuelles pannes. Hormis le caractère terroriste du ciblage des civils, l'effondrement du réseau ne s'est pas produit et cette « guerre d'hiver » apparaît donc comme une victoire ukrainienne.

Mais avec le recul et sans même tenir compte de cet échec, la volonté russe de frapper la population civile apparaît comme une véritable erreur stratégique, tant les objectifs plus légitimes qui auraient pu avoir un impact sur la situation militaire russe sont toujours intacts : infrastructures logistiques comme le réseau ferroviaire ou routier par lesquelles arrivent les nouveaux équipements, pistes d'où décollent chaque jour les avions de chasse ukrainiens, centres d'entraînement ou de stockage de matériel, dépôts de carburant... En quoi l'absence de chauffage à Kyiv pourrait-elle avoir le moindre impact sur la capacité opérationnelle de l'armée ukrainienne dans le Donbass ?

conn par région.jpg
Le suvi des connexions par Netblocks permet de mesurer le niveau d'interruption électrique de chaque région. Soulignons que la totalité des coupures ne sont pas liées aux destructions, une bonne partie d'entre elles sont le fait de délestages électriques volontaires destinés à protéger le réseau. ©
conn par région.jpg

Bientôt la fin des bombardements ?

Si la Russie avait maintenu la cadence de tir qu'elle soutenait en 2022, elle serait déjà à court de missiles. Le ralentissement observé en volume et l'utilisation toujours croissante de missiles inadaptés au bombardement repoussent l'échéance, mais les analystes estiment que la Russie n'aurait plus de capacité que pour 2 ou 3 salves. Un volume particulièrement faible mais qui permettra de marquer les esprits encore quelques mois, même si la valeur militaire des attaques devrait structurellement continuer à baisser.

Cependant, l'Iran pourrait à nouveau servir de bouée de sauvetage à la Russie, des négociations avancées indiqueraient une volonté iranienne de livrer des missiles balistiques et non plus de petits drones low-cost... En contrepartie, l'Iran pourrait recevoir les chasseurs Su-35 auxquels l'Egypte a renoncé. Si l'échange devait se faire, les États-Unis ont déjà averti qu'ils fourniraient à l'Ukraine les missiles ATACMS d'une portée de 300 km qui peuvent être tirés depuis les HIMARS, et Israël a annoncé le déploiement de son système de défense aérienne le plus avancé.

La fin de l'hiver devrait en tout cas réorienter les priorités russes vers d'autres cibles, la population devant moins souffrir des pannes avec le dégel et le retour des beaux jours.

[Mise à jour : 10/03/2023: 09:13] Plus de détails ont été ajoutés sur les types de missiles tirés (la typologie de 8 d'entre eux était inconnue lors de la rédaction de l'article).

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10/03/2023 06:00
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Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?

La Russie vient d'envoyer une salve de plus de 81 missiles dont seulement une petite moitié a été interceptée. Est-ce un succès russe contre la défense aérienne ukrainienne ?

Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?
Missiles contre l'Ukraine : l'autre échec russe ?

Objectif russe : couper l'électricité en Ukraine

Depuis l'automne 2022, la Russie cible systématiquement le réseau électrique ukrainien. Des centaines de missiles ont été envoyés contre le réseau du pays, conduisant les analystes à estimer que la Russie aurait épuisé tout son stock de missiles au cours du premier trimestre 2023. Dans le même temps, le taux d'interception de missiles russes par la défense ukrainienne était d'environ 80 % depuis plusieurs mois.

Dans la nuit du 8 au 9 mars 2023, la Russie a tiré 81 missiles et 8 drones suicides iraniens, mais seuls 38 missiles et 4 drones ont été abattus. Alors que la défense aérienne ukrainienne reçoit toujours plus d'équipements fournis par ses partenaires, ce bombardement massif et ce faible taux d'interception sont-ils un symbole de l'échec ukrainien ?

Une réussite en trompe l'oeil

Le caractère massif de l'attaque est à mettre en perspective avec l'évolution de la campagne de bombardement russe. Du 28 février au 9 octobre 2022, la Russie a tiré 2 900 missiles sur le territoire ukrainien, soit 13 missiles par jour. A partir du 10 octobre, les missiles sont désormais envoyés en salves, ce qui contribue à occuper l'espace médiatique. 

Cependant, l'analyse des données montre en réalité qu'il s'agit d'une diminution de la cadence de tir. Du 10 octobre au 16 décembre, la Russie tire en moyenne 72 missiles tous les 10 jours, soit 7 par jour, un nombre déjà en baisse par rapport aux huit premiers mois de la guerre. A partir du 17 décembre, la cadence diminue encore à "seulement" 52 missiles tous les 12 jours, soit à peine 4 missiles par jour...

Le tir de 81 missiles en une journée occupe donc bien l'espace médiatique, mais ne remet pas en cause la tendance observée : la Russie réduit toujours plus ses tirs. Atteindra-t-il bientôt la fin de ses stocks ?

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Relevé des tirs russes depuis le 10 octobre ©
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La fin des missiles russes ?

La Russie a déjà tiré 4 000 missiles de croisière ou balistiques contre l'Ukraine, un chiffre qu icorrespond à l'ensemble du stock estimé du pays au début de la guerre. Selon les estimations les plus élevées, la Russie produirait environ 300 missiles chaque année au rythme mensuel suivant :

  • 10 missiles de croisière aéroportés Kh101-type (largués depuis les bombardiers Tu-22 or Tu-95),
  • 10 missiles de croisière Kalibr tirés depuis les navires,
  • 4 missiles balistiques Iskander sol-sol,
  • moins de 1.5 missile Kinzhal hypersonique (lancé par le chasseur Mig-31K).

Alors que la logique voudrait que le rythme de production augmente en temps de guerre, l'origine occidentale de nombreux composants de missiles russe suggère que la production en 2022 devrait plutôt être inférieure aux 300 missiles produits en 2021. A titre d'exemple, pas moins de 35 composants en provenance des États-Unis ont été compté pour le seul Kh-101 (voir cet article pour plus de détails)... 

La Russie compense donc une probable future pénurie par un recours aux drones Shahed suicides low cost fournis par l'Iran, mais aussi en détournant d'autres missiles de leur usage initial. On pense en particulier aux systèmes de défense aérienne utilisés contre des cibles au sol, comme le S-300 avec déjà plus de 1 100 utilisations répertoriées, à l'utilisation de missiles anti-navires Onyx, mais aussi la remise en service d'anciens systèmes comme le missile anti-navire Kh-22, tellement obsolète qu'il avait été retirés en 2007 mais dont 220 ont été tirés depuis le début de la guerre.

Le problème de ces missiles est leur très faible précision, provoquant un nombre important de bavures. Dans leur utilisation normale, ils sont normalement guidés vers leur cible aérienne ou maritime par un radar. Mais face à une cible au sol, leur centrale inertielle est dramatiquement peu précise : moins de la moitié des Kh-22 tombent à moins de 600 mètres de leur cible !

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Etat des stocks de chaque type de missile, estimation des services ukrainiens en début d'année 2023 ©
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De moins en moins de missiles adaptés...

Or l'analyse des dernières salves de missiles confirme l'utilisation croissante de ces missiles à faible précision et efficacité militaire, voire même de missiles équipés d'ogives inertes comme le KTS-120-12 (image ci-contre). Dans ce cas, les missiles ne comportent pas de charge explosive et sont issus des stocks des forces stratégiques uniquement dotées d'armes nucléaires, ces dernières ne l'utilisation qu'en entraînement... Le tir de tels missiles n'a qu'un intérêt : faire du chiffre.

La salve du 8 mars comprenait ainsi 54 missiles conventionnels : 20 Kalibr, 28 Kh-101, six Kh-59, deux missiles anti-radar Kh-31P et six missiles hypersoniques Kinzhal... En une journée, la Russie a ainsi consommé trois mois de production de ces missiles. Mais à leurs côtés, on pouvait surtout compter 6 missiles anti-navires Kh-22, 13 missiles anti-aériens S-300, et 8 drones iraniens. 

Parmi les missiles non interceptés, huit sont tombés loin de toute cible, faisant des morts dans la population civile ou tombant dans les champs (images ci-dessous). Au global, 44% des missiles tirés ont atteint une cible identifiée, avec des niveau de destruction variables.

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Missile Kh-101 doté d'une tête inerte KTS-120-12, abattu grâce à un Manpads lors de la salve du 16/02 ©
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Destruction de maisons dans la région de Lviv, provoquant la mort de plusieurs habitants ©
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Impact d'un missile tombé dans les champs près de Kharkiv ©
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...mais un taux d'interception en baisse

Aucun système de défense aérienne n'est infaillible, mais l'interception de seulement 31 des 81 missiles lancés marque un réel recul par rapport aux chiffres précédents. Plusieurs raisons expliquent ce mauvais chiffre :

  • Le Kh-22 et le Kinzhal, hypersoniques, sont considérés comme non-interceptables. Or ils représentent une proportion sans précédent de l'attaque avec 12 missiles. Les Kinzhal ont en particulier été utilisés contre Kiev, une ville normalement bien protégée contre laquelle ils sont les seuls à encore être capable de passer. Problème pour la Russie : ils ont déjà utilisé plus de 25 des 60 Kinzhal jamais produits.
  • Outre la difficulté d'intercepter des S-300 dont la trajectoire est balistique en mode sol-sol, la faible précision de ces missiles détournés de leur utilisation implique qu'une grande partie d'entre eux tombe loin de la zone ciblée, dans des environnements non protégés. Leur impact militaire est donc très réduit voire nul, mais leur non-interception dégrade les statistiques ukrainiennes.
  • Le fait que les tirs aient cette fois eu lieu de nuit a empêché la destruction des missiles par des manpads tirés à l'épaule par des soldats ukrainiens (voir la vidéo ci-contre). Le taux d'interception des missiles de croisière est ainsi de 71 %, une proportion élevée mais inférieure à la normale.

Au final, 34 des 58 missiles considérés comme interceptables ont été détruits, ainsi que la moitié des drones iraniens.

Le ciblage infructueux des installations électriques

Après plus de 5 mois de ciblage méthodique des installations électriques du pays, le constat est pourtant sans équivoque : l'effondrement du réseau électrique n'a pas eu lieu et l'ensemble de l'Ukraine était alimenté en électricité sans interruption depuis plusieurs semaines jusqu'à ce jour. A titre d'exemple, seules les régions de Kharkiv et Jytomyr connaissaient encore des difficultés électriques au soir du 9 mars, alors que le courant avait été rétabli dans toutes les autres régions visées. A Kiev, seulement 15% de la ville a subi aujourd'hui une coupure d'électricité de 12 heures, et 40% des habitants ont subi une coupure de chauffage... Est-ce pertinent de consommer de précieux missiles à plusieurs millions de dollars pour de si mauvais résultats ? D'autant qu'avec plus de 500 000 générateurs électriques importés depuis l'automne, la population ukrainienne est désormais en mesure de continuer à vivre normalement jusqu'à la fin des éventuelles pannes. Hormis le caractère terroriste du ciblage des civils, l'effondrement du réseau ne s'est pas produit et cette « guerre d'hiver » apparaît donc comme une victoire ukrainienne.

Mais avec le recul et sans même tenir compte de cet échec, la volonté russe de frapper la population civile apparaît comme une véritable erreur stratégique, tant les objectifs plus légitimes qui auraient pu avoir un impact sur la situation militaire russe sont toujours intacts : infrastructures logistiques comme le réseau ferroviaire ou routier par lesquelles arrivent les nouveaux équipements, pistes d'où décollent chaque jour les avions de chasse ukrainiens, centres d'entraînement ou de stockage de matériel, dépôts de carburant... En quoi l'absence de chauffage à Kyiv pourrait-elle avoir le moindre impact sur la capacité opérationnelle de l'armée ukrainienne dans le Donbass ?

conn par région.jpg
Le suvi des connexions par Netblocks permet de mesurer le niveau d'interruption électrique de chaque région. Soulignons que la totalité des coupures ne sont pas liées aux destructions, une bonne partie d'entre elles sont le fait de délestages électriques volontaires destinés à protéger le réseau. ©
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Bientôt la fin des bombardements ?

Si la Russie avait maintenu la cadence de tir qu'elle soutenait en 2022, elle serait déjà à court de missiles. Le ralentissement observé en volume et l'utilisation toujours croissante de missiles inadaptés au bombardement repoussent l'échéance, mais les analystes estiment que la Russie n'aurait plus de capacité que pour 2 ou 3 salves. Un volume particulièrement faible mais qui permettra de marquer les esprits encore quelques mois, même si la valeur militaire des attaques devrait structurellement continuer à baisser.

Cependant, l'Iran pourrait à nouveau servir de bouée de sauvetage à la Russie, des négociations avancées indiqueraient une volonté iranienne de livrer des missiles balistiques et non plus de petits drones low-cost... En contrepartie, l'Iran pourrait recevoir les chasseurs Su-35 auxquels l'Egypte a renoncé. Si l'échange devait se faire, les États-Unis ont déjà averti qu'ils fourniraient à l'Ukraine les missiles ATACMS d'une portée de 300 km qui peuvent être tirés depuis les HIMARS, et Israël a annoncé le déploiement de son système de défense aérienne le plus avancé.

La fin de l'hiver devrait en tout cas réorienter les priorités russes vers d'autres cibles, la population devant moins souffrir des pannes avec le dégel et le retour des beaux jours.

[Mise à jour : 10/03/2023: 09:13] Plus de détails ont été ajoutés sur les types de missiles tirés (la typologie de 8 d'entre eux était inconnue lors de la rédaction de l'article).



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