Du 14 au 17 avril 1970, les Etats-Unis et le monde retiennent leur souffle : la mission Apollo 13, lancée vers la Lune trois jours auparavant, est en dérive. Les médias français suivent fébrilement les péripéties.
Le 11 avril 1970, à 13h… 13 (heure du centre de Houston, au Texas), le lanceur Saturn V décolle du centre spatial Kennedy, en Floride, avec le vaisseau Apollo 13 à son sommet. Celui-ci est constitué du module de commande (CSM) Odyssey et du module lunaire (LM) Aquarius, et emporte trois astronautes de la NASA : James « Jim » A. Lovell (commandant), John « Jack » L. Swigert (pilote du module de commande) et Fred W. Haise (pilote du module lunaire). Si un des moteurs du deuxième étage du lanceur s’éteint plus tôt que prévu, cela ne perturbe pas la mise sur orbite d’Apollo 13 qui, deux heures plus tard, s’élance vers la Lune.
Troisième mission lunaire après Apollo 11 et 12, Apollo 13 s’installe dans une certaine routine, bien que la NASA tente de mobiliser les esprits en insistant sur la dimension scientifique. En France, quelques journalistes s’en font l’écho, comme le journaliste scientifique Albert Ducrocq qui, notamment dans les colonnes d’Air & Cosmos, savoure à l’avance l’aventure. La presse grand public est à l’affut des petits événements, comme par exemple le moment où l’astronaute Ken Mattingly est remplacé par Jack Swigert 72 heures avant le départ car, ayant été en contact avec un enfant touché par la rougeole et n’étant pas immunisé, celui-ci risquait de la développer pendant le vol. « APPELE A LA RESCOUSSE – L’ASTRONAUTE DE SECOURS D’APOLLO 13 MET LES BOUCHEES DOUBLES POUR S’ENTRAINER », titre en gros le 10 avril La Nouvelle République ; le lendemain, Sud-Ouest précise, avec une photo dans un petit encart en bas de première page, « L’équipage reconstitué. Feu vert pour Apollo ».
Le lancement effectué, beaucoup ont le sentiment que le vol vers la Lune ne sera qu’une formalité, comme le laisse entendre La Nouvelle République le 13 avril : « Apollo-13 : vers la Lune, comme sur des roulettes ». Le même jour, Combat titre : « Apollo XIII progresse normalement vers la Lune » ; Le Figaro souligne avec justesse que finalement la « prochaine épreuve pour les astronautes [sera la] mise en orbite lunaire » puis l’alunissage.
Confiante également, la télévision française suit l’événement. Ainsi, le 13 avril, lors du Journal télévisé de midi de la première chaîne, Guy Claisse et François de Closets font le point sur la situation du vol. Des images de l’intérieur du CSM Odyssey apparaissent à l’écran, avec une traduction de Lovell qui annonce que « Le vaisseau marche très bien ». François de Closets se plaît à rappeler qu’une telle mission n’est toutefois pas banale, ne serait-ce que pour avoir des images en direct : « On ne peut pas s’habituer à ces images qui rebondissent de l’espace sur la Terre sur une antenne pour être renvoyées à un satellite pour revenir sur une autre antenne et pour arriver en définitive jusqu'à votre récepteur individuel ».
Le 14 avril (heure de Paris), un court-circuit électrique entraîne l’explosion d’un réservoir d’oxygène dans le CSM. Jack Swigert déclare : « Houston, nous avons eu un problème… ». Les responsables au sol comprennent que désormais la mission consistera à ramener sain-et-sauf l’équipage… Dans les médias, c’est désormais l’effervescence et même parfois la confusion, comme on le ressent par exemple dans Le Parisien Libéré en date du 15 avril : « Lourd mystère sur les causes du drame. APOLLO XIII. LES RAMENER VIVANTS ! Espoir de toute la Terre. C’est le but suprême du centre de Houston. LA PANNE une fuite d’oxygène qui a stoppé les batteries de gaz et mis hors d’usage 2 piles d’alimentation électrique. MAIS POURQUOI ? Météorites ? Défaillance technique ? Sabotage ? ». En page 8, la chronologie des événements est rappelée avec en illustration la dernière apparition des astronautes à l’écran.
Plus mesuré, Le Monde titre en première page, trois colonnes à la une : « A la suite d’une panne grave, L’EQUIPAGE D’APOLLO-13 tente de regagner la Terre ».
Jouant la transparence, la NASA livre en grande partie les informations que les quotidiens rapportent à leurs lecteurs. Ainsi, La Nouvelle République titre le 15 en gros en première page « APOLLO-13 : ESPOIR APRES UNE JOURNEE DE CAUCHEMAR ». Il est rappelé que « les trois astronautes sont réfugiés à bord du LEM », mettant en veille tout ce qui est possible dans le module de service. En effet, une majeure partie des équipements électriques est coupée, à l’exception du minimum vital, dont les moyens de communication avec la Terre. Les lecteurs connaissent désormais la situation. La tension est palpable à travers les titres et les mots : le 16 avril, Le Parisien libéré rassure néanmoins les lecteurs en titrant « APOLLO XIII : ILS TIENNENT ! ».
Dans son édition datée du 16 avril, Le Monde souligne que « Malgré ses avaries, APOLLO-13 poursuit son voyage de retour », tandis que la Nouvelle République reste dans le registre de l’inquiétude : « L’ANGOISSANT RETOUR DES ASTRONAUTES ». Comme dans Le Monde, il est précisé que pour le bon retour sur Terre les astronautes doivent encore effectuer quelques manœuvres.
Au fur et la mesure qu’Apollo 13 se rapproche de la Terre, l’inquiétude monte. Le 17, la Nouvelle République titre : « APOLLO-13, DERNIERES HEURES D’ANXIETE, le train spatial est dans le créneau d’entrée dans l’atmosphère ». Quant à la télévision, elle suit également en direct les dernières heures : sur la première chaîne, François de Closets explique notamment comment les opérations vont se dérouler et celui-ci reconnaît que les astronautes « manifestent un certain énervement ».
Après avoir réactivé le poste de pilotage de la capsule, l’équipage procède aux ultimes manœuvres dont la séparation du LM du CSM. Puis la capsule amerrit avec succès. C’est le soulagement : « SAUVES ! LE MONDE A FAIT "OUF" », titre le 18 avril La Nouvelle République en gros caractères. Il est précisé que les « rescapés de l’espace » ont même prié en posant le pied sur le pont de l’Iwo-Jima, comme le souligne également Paris Match dans son édition spéciale du 25.
Le 19 avril, Le Journal du dimanche annonce que maintenant « c’est le temps des honneurs ». Le 20, Le Parisien libéré rapporte, comme beaucoup d’autres quotidiens, les félicitations du président américain Richard Nixon : « Vous n’avez pas atteint la Lune, mais votre mission a été une réussite ». Le président remet ensuite aux trois astronautes la médaille de la Liberté.
Dans les jours qui suivent, l’encre continue de couler dans la presse. Le grand public veut connaître les détails de la mésaventure d’Apollo 13. La Nouvelle République publie le 21 la photo du module de service éventré par l’explosion que les astronautes ont pu photographier depuis leur capsule avant le retour sur Terre. Le quotidien met en légende « Apollo-13, le module blessé à mort ». Plusieurs périodiques rendent également honneur aux astronautes américains, comme L’Express le 20 avril, Paris Match le 25 avec en une la photographie des trois hommes avec le titre « Les naufragés de l’espace »… Le 25 avril, Albert Ducrocq fait également le point sur la mission dans un long article de trois pages publié dans Air & Cosmos sous le titre « Le sauvetage d’Apollo-13 ».
Précisons enfin qu’en 1995, le réalisateur américain Ron Howard rend son propre hommage à travers son film Apollo 13, une adaptation du livre de James Lovell et Jeffrey Kluger. Les trois astronautes sont interprétés par Tom Hanks (Lovell), Kevin Bacon (Swigert) et Bill Paxton (Haise).
Un ouvrage : Apollo 13. Perdus dans l’espace, James Lovell et Jeffrey Kluger, France Loisirs, Paris, 1995.
L’extrait audio de la célèbre phrase de Jack Swigert
Les journaux télévisés de midi de la Première chaîne ; l’INA en a mis plusieurs en ligne.
Le film : Apollo 13, de Ron Howard, 1995 (140 min).
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Dimanche 12 avril 2020 à partir de 15 heures, une Yuri’s Night en ligne célèbrera les 50 ans de la mission Apollo sur la chaîne Ideas In Science.
Du 14 au 17 avril 1970, les Etats-Unis et le monde retiennent leur souffle : la mission Apollo 13, lancée vers la Lune trois jours auparavant, est en dérive. Les médias français suivent fébrilement les péripéties.
Le 11 avril 1970, à 13h… 13 (heure du centre de Houston, au Texas), le lanceur Saturn V décolle du centre spatial Kennedy, en Floride, avec le vaisseau Apollo 13 à son sommet. Celui-ci est constitué du module de commande (CSM) Odyssey et du module lunaire (LM) Aquarius, et emporte trois astronautes de la NASA : James « Jim » A. Lovell (commandant), John « Jack » L. Swigert (pilote du module de commande) et Fred W. Haise (pilote du module lunaire). Si un des moteurs du deuxième étage du lanceur s’éteint plus tôt que prévu, cela ne perturbe pas la mise sur orbite d’Apollo 13 qui, deux heures plus tard, s’élance vers la Lune.
Troisième mission lunaire après Apollo 11 et 12, Apollo 13 s’installe dans une certaine routine, bien que la NASA tente de mobiliser les esprits en insistant sur la dimension scientifique. En France, quelques journalistes s’en font l’écho, comme le journaliste scientifique Albert Ducrocq qui, notamment dans les colonnes d’Air & Cosmos, savoure à l’avance l’aventure. La presse grand public est à l’affut des petits événements, comme par exemple le moment où l’astronaute Ken Mattingly est remplacé par Jack Swigert 72 heures avant le départ car, ayant été en contact avec un enfant touché par la rougeole et n’étant pas immunisé, celui-ci risquait de la développer pendant le vol. « APPELE A LA RESCOUSSE – L’ASTRONAUTE DE SECOURS D’APOLLO 13 MET LES BOUCHEES DOUBLES POUR S’ENTRAINER », titre en gros le 10 avril La Nouvelle République ; le lendemain, Sud-Ouest précise, avec une photo dans un petit encart en bas de première page, « L’équipage reconstitué. Feu vert pour Apollo ».
Le lancement effectué, beaucoup ont le sentiment que le vol vers la Lune ne sera qu’une formalité, comme le laisse entendre La Nouvelle République le 13 avril : « Apollo-13 : vers la Lune, comme sur des roulettes ». Le même jour, Combat titre : « Apollo XIII progresse normalement vers la Lune » ; Le Figaro souligne avec justesse que finalement la « prochaine épreuve pour les astronautes [sera la] mise en orbite lunaire » puis l’alunissage.
Confiante également, la télévision française suit l’événement. Ainsi, le 13 avril, lors du Journal télévisé de midi de la première chaîne, Guy Claisse et François de Closets font le point sur la situation du vol. Des images de l’intérieur du CSM Odyssey apparaissent à l’écran, avec une traduction de Lovell qui annonce que « Le vaisseau marche très bien ». François de Closets se plaît à rappeler qu’une telle mission n’est toutefois pas banale, ne serait-ce que pour avoir des images en direct : « On ne peut pas s’habituer à ces images qui rebondissent de l’espace sur la Terre sur une antenne pour être renvoyées à un satellite pour revenir sur une autre antenne et pour arriver en définitive jusqu'à votre récepteur individuel ».
Le 14 avril (heure de Paris), un court-circuit électrique entraîne l’explosion d’un réservoir d’oxygène dans le CSM. Jack Swigert déclare : « Houston, nous avons eu un problème… ». Les responsables au sol comprennent que désormais la mission consistera à ramener sain-et-sauf l’équipage… Dans les médias, c’est désormais l’effervescence et même parfois la confusion, comme on le ressent par exemple dans Le Parisien Libéré en date du 15 avril : « Lourd mystère sur les causes du drame. APOLLO XIII. LES RAMENER VIVANTS ! Espoir de toute la Terre. C’est le but suprême du centre de Houston. LA PANNE une fuite d’oxygène qui a stoppé les batteries de gaz et mis hors d’usage 2 piles d’alimentation électrique. MAIS POURQUOI ? Météorites ? Défaillance technique ? Sabotage ? ». En page 8, la chronologie des événements est rappelée avec en illustration la dernière apparition des astronautes à l’écran.
Plus mesuré, Le Monde titre en première page, trois colonnes à la une : « A la suite d’une panne grave, L’EQUIPAGE D’APOLLO-13 tente de regagner la Terre ».
Jouant la transparence, la NASA livre en grande partie les informations que les quotidiens rapportent à leurs lecteurs. Ainsi, La Nouvelle République titre le 15 en gros en première page « APOLLO-13 : ESPOIR APRES UNE JOURNEE DE CAUCHEMAR ». Il est rappelé que « les trois astronautes sont réfugiés à bord du LEM », mettant en veille tout ce qui est possible dans le module de service. En effet, une majeure partie des équipements électriques est coupée, à l’exception du minimum vital, dont les moyens de communication avec la Terre. Les lecteurs connaissent désormais la situation. La tension est palpable à travers les titres et les mots : le 16 avril, Le Parisien libéré rassure néanmoins les lecteurs en titrant « APOLLO XIII : ILS TIENNENT ! ».
Dans son édition datée du 16 avril, Le Monde souligne que « Malgré ses avaries, APOLLO-13 poursuit son voyage de retour », tandis que la Nouvelle République reste dans le registre de l’inquiétude : « L’ANGOISSANT RETOUR DES ASTRONAUTES ». Comme dans Le Monde, il est précisé que pour le bon retour sur Terre les astronautes doivent encore effectuer quelques manœuvres.
Au fur et la mesure qu’Apollo 13 se rapproche de la Terre, l’inquiétude monte. Le 17, la Nouvelle République titre : « APOLLO-13, DERNIERES HEURES D’ANXIETE, le train spatial est dans le créneau d’entrée dans l’atmosphère ». Quant à la télévision, elle suit également en direct les dernières heures : sur la première chaîne, François de Closets explique notamment comment les opérations vont se dérouler et celui-ci reconnaît que les astronautes « manifestent un certain énervement ».
Après avoir réactivé le poste de pilotage de la capsule, l’équipage procède aux ultimes manœuvres dont la séparation du LM du CSM. Puis la capsule amerrit avec succès. C’est le soulagement : « SAUVES ! LE MONDE A FAIT "OUF" », titre le 18 avril La Nouvelle République en gros caractères. Il est précisé que les « rescapés de l’espace » ont même prié en posant le pied sur le pont de l’Iwo-Jima, comme le souligne également Paris Match dans son édition spéciale du 25.
Le 19 avril, Le Journal du dimanche annonce que maintenant « c’est le temps des honneurs ». Le 20, Le Parisien libéré rapporte, comme beaucoup d’autres quotidiens, les félicitations du président américain Richard Nixon : « Vous n’avez pas atteint la Lune, mais votre mission a été une réussite ». Le président remet ensuite aux trois astronautes la médaille de la Liberté.
Dans les jours qui suivent, l’encre continue de couler dans la presse. Le grand public veut connaître les détails de la mésaventure d’Apollo 13. La Nouvelle République publie le 21 la photo du module de service éventré par l’explosion que les astronautes ont pu photographier depuis leur capsule avant le retour sur Terre. Le quotidien met en légende « Apollo-13, le module blessé à mort ». Plusieurs périodiques rendent également honneur aux astronautes américains, comme L’Express le 20 avril, Paris Match le 25 avec en une la photographie des trois hommes avec le titre « Les naufragés de l’espace »… Le 25 avril, Albert Ducrocq fait également le point sur la mission dans un long article de trois pages publié dans Air & Cosmos sous le titre « Le sauvetage d’Apollo-13 ».
Précisons enfin qu’en 1995, le réalisateur américain Ron Howard rend son propre hommage à travers son film Apollo 13, une adaptation du livre de James Lovell et Jeffrey Kluger. Les trois astronautes sont interprétés par Tom Hanks (Lovell), Kevin Bacon (Swigert) et Bill Paxton (Haise).
Un ouvrage : Apollo 13. Perdus dans l’espace, James Lovell et Jeffrey Kluger, France Loisirs, Paris, 1995.
L’extrait audio de la célèbre phrase de Jack Swigert
Les journaux télévisés de midi de la Première chaîne ; l’INA en a mis plusieurs en ligne.
Le film : Apollo 13, de Ron Howard, 1995 (140 min).
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Dimanche 12 avril 2020 à partir de 15 heures, une Yuri’s Night en ligne célèbrera les 50 ans de la mission Apollo sur la chaîne Ideas In Science.
J'ai assité en direct et j'ai bien amié le film. Quel commentaire? Une épopée fantastique
J'ai assité en direct et j'ai bien amié le film. Quel commentaire? Une épopée fantastique