Interview Nomade Aventure : un autre tourisme spatial
Interview Nomade Aventure : un autre tourisme spatial
© Nomade Aventure

Interview Nomade Aventure : un autre tourisme spatial

Bien plus accessibles qu’un véritable séjour autour de la Terre, des voyages thématiques vers des centres spatiaux sont parfois proposés au public. En France, l’agence Nomade Aventure propose une offre unique. Entretien avec son directeur général, Fabrice Del Taglia.


Quelle est l’offre « spatiale » proposée par Nomade Aventure ?

Nomade Aventure est un tour opérateur créé en 1975, qui propose des voyages d’aventure, hors des sentiers battus, principalement au sein de la nature. Ils se déroulent majoritairement à base de randonnée ou de trekk, parfois à cheval, en canoé kayak, etc. C’est évidemment très éloigné de l’espace mais, à mes yeux, il y a quand même un point commun : c’est que l’espace constitue aujourd’hui la plus grande des aventures, et cela encore pour longtemps. Ainsi, parmi les différentes offres de notre catalogue, nous proposons à des passionnés, mais aussi des curieux, des voyages sur le thème de l’espace, qui se déclinent en plusieurs offres : tout d’abord des visites très approfondies de sites spatiaux, dont une partie est assez exclusive et impossible à réaliser par ses propres moyens ; ensuite des voyages avec des accompagnements d’exception ; et enfin des voyages pour assister à des événements ponctuels.

 

Parlez-nous de ces voyages dans les coulisses du spatial…

Le premier voyage que nous avons créé, en 2019, était à Moscou, et est parti plusieurs fois jusqu’à ce qu’éclate la guerre en Ukraine. Il permettait notamment de visiter la Cité des étoiles, et pas seulement la partie musée relativement ouverte au public, mais réellement la partie dédiée à l’entraînement des cosmonautes, avec la possibilité de monter dans un simulateur Soyouz et de voir la grande centrifugeuse. C’est aussi l’occasion de visiter dans une autre banlieue de Moscou le musée privé de l’entreprise RKK Energia, qui depuis les années soixante construit entre autres les capsules habitées russes ; on peut voir – et même toucher – les capsules de Youri Gagarine, Valentina Terechkova ou Alexeï Leonov. En Guyane, nos voyageurs sont bien sûr amenés à visiter le Centre spatial guyanais, et leur parcours de visite s’étale sur deux jours, alors que celui qui est accessible au grand public dure une demi-journée. C’est une visite intégrale qui est proposée, avec les salles d’intégration, l’ensemble des pas de tir, la salle de contrôle, etc. Son organisation a nécessité des semaines de négociations avec Arianespace et le Cnes.

 

Qui sont vos accompagnants d’exception ?

D’une façon générale, tous nos voyages sont accompagnés par des guides locaux, qui présentent à la fois la culture locale et le pays, et qui gèrent le groupe. Dans le cadre de nos voyages sur l’espace, ils sont en plus accompagnés par des experts de haut vol, et en l’occurrence tous nos voyages en Russie en Guyane ont été réalisés en présence de l’astronaute français Jean-Pierre Haigneré, qui a volé à deux reprises avec les Russes et s’est occupé de l’arrivée du lanceur russe Soyouz en Guyane. C’est quand même autre chose quand Jean-Pierre Haigneré vous raconte la vie à bord de la station Mir !

 

Quid des événements ponctuels ?

Nous proposons des voyages pour aller assister à des lancements d’exception. Nous avons commencé à la fin de l’été dernier pour le décollage de la fusée SLS depuis la Floride, dans le cadre de la mission Artemis 1 vers la Lune – et avons d’ailleurs invité Air & Cosmos à se joindre à nous. Un voyage qui n’a pas été sans difficulté, puisque le lancement a été reporté à plusieurs reprises. Mais, même les clients qui n’ont pas pu venir à toutes les tentatives ont énormément apprécié l’expérience car finalement ils ont vu la fusée sur son pas de tir (à moins de 6 km de distance), ont vécu l’ambiance du compte à rebours, ont rencontré des astronautes ou d’anciens cadres de la NASA. Et en septembre, nous avons emmené un groupe en Guyane pour assister à la mission VA 258 d’Ariane 5 (à 7,5 km de distance), qui a été un spectacle exceptionnel.

 

D’où est venue cette idée de voyages « spatiaux » ?

C’est une idée très personnelle à l’origine, qui relève d’une passion qui remonte à mon enfance. Même si j’ai bifurqué il y a longtemps et ai renoncé à devenir astronaute ou astrophysicien, j’avais gardé cet intérêt dans un coin de ma tête et, arrivé à la tête de Nomade Aventure, je me suis dit qu’il serait intéressant de proposer des voyages sur ce thème, tout simplement parce que ça n’existait pas. Ca a eu existé, dans les années quatre-vingt dix, mais depuis il n’y avait aucune agence de voyage en France, et peut-être même en Europe, qui proposait cette thématique.

 

Ces voyages ont été récompensés l’an dernier…

En effet, Nomade a reçu en 2022 deux prix de la part de l’hebdomadaire professionnel du tourisme, L’Echo Touristique, qui organise depuis 2013 les Trophées de l'innovation du Tourisme : un prix pour nos voyages dans lequel nous proposons de prendre le train plutôt que l’avion pour des destinations européennes proches (Albanie, Italie, Ecosse, etc.), et un prix récompensant notre gamme de voyages sur l’espace, pour son unicité.

 

Des voyages qui se veulent malgré tout responsables…

Donner un caractère le plus durable possible à nos voyages est un impératif pour nous. Nous ne renonçons absolument pas à prendre l’avion, d’une part parce qu’à ce jour il n’y a pas d’alternative sur le long courrier, et d’autre part parce que nous croyons profondément à l’utilité du tourisme, y compris pour le développement du pays du sud, mais aussi pour la protection de la nature dans ces pays. Car le tourisme apporte des recettes qui, si elles n’existaient pas, seraient forcément remplacées par d’autres formes d’exploitation de la nature ou des hommes. Néanmoins, l’avion émet des gaz à effet de serre, et nous absorbons 100 % des émissions liées aux vols et aux prestations terrestres de nos voyages, en finançant massivement depuis 2018 des programmes de plantation de mangrove en Inde et en Indonésie. On ne peut pas prétendre que nos voyages soient « carbone-neutres », parce que l’expression n’a pas de sens dans une entreprise, mais nous nous efforçons au moins d’équilibrer les émissions de nos voyages par ces absorptions, même si elles mettent quelques années à être réalisées.

 

Par ailleurs, quel est votre avis sur les vols spatiaux touristiques ?

Le tourisme spatial, après avoir longtemps été promis et longtemps repoussé, est devenu de plus en plus concret ces dernières années, tandis qu’en parallèle la sensibilité du public s’est accrue, notamment sur les questions environnementales. Les vols spatiaux privés sont donc arrivés à maturité à un moment où une grande partie du public estime que c’est un gaspillage, que c’est polluant, etc. En réalité, quand on regarde les chiffres des émissions des gaz à effet de serre de ces lancements, ils sont plus que marginaux, mais c’est vrai que l’activité représente la quintessence du loisir du milliardaire ou du millionnaire, inutile et survendu pour ses pseudos vertus éthiques par les sociétés qui mettent en avant l’overview effect, le fait de voir la planète de l’extérieur qui permet de prendre conscience de sa fragilité et d’avoir envie de la protéger – et c’est vrai qu’il n’est pas forcément nécessaire d’aller dans l’espace pour avoir cette conviction. Donc le timing n’est pas très bon aujourd’hui mais, à long terme, je pense que le développement du tourisme spatial est assez inéluctable, au même titre que j’imagine aux débuts de l’aviation on n’imaginait pas que ça permettrait de voyager pour le plaisir à travers le monde, cela a pris plusieurs années. D’une part, il faudra surmonter ce ressenti du grand public sur le gaspillage et la pollution, et d’autre part éviter des accidents, ou en tout cas savoir les gérer.

 

Quels nouveaux voyages préparez-vous sur la thématique spatiale ?

En avril prochain, nous proposons deux voyages dans ce cadre. Le premier va parcourir les grands principaux sites emblématiques de la conquête spatiale aux Etats-Unis, Washington, Houston et Cap Canaveral, cette fois en présence de l’astronaute français, Michel Tognini. Le second va permettre d’assister à l’avant-dernier vol d’une fusée Ariane 5 depuis la Guyane, qui embarquera de surcroît un bagage particulièrement précieux puisqu’il s’agit de la sonde planétaire européenne Juice, qui doit rejoindre les lunes de Jupiter au début des années 2030. Le voyage est à nouveau accompagné par Jean-Pierre Haigneré. Et puis, l’an prochain (en principe au printemps 2024), le grand lancement ce sera celui de la mission Artemis 2, la première mission habitée vers la Lune depuis 1972 ; là nous avons une longue liste d’attente de personnes intéressées…

 

La version intégrale de l’entretien est visible sur la chaîne YouTube d’Air & Cosmos : https://youtu.be/S8oQf4LH3zw

 

Pour plus de renseignement sur l’offre de Nomade Aventure, rendez-vous sur son site Internet : 

www.nomade-aventure.com

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Bien plus accessibles qu’un véritable séjour autour de la Terre, des voyages thématiques vers des centres spatiaux sont parfois proposés au public. En France, l’agence Nomade Aventure propose une offre unique. Entretien avec son directeur général, Fabrice Del Taglia.

Interview Nomade Aventure : un autre tourisme spatial
Interview Nomade Aventure : un autre tourisme spatial

Quelle est l’offre « spatiale » proposée par Nomade Aventure ?

Nomade Aventure est un tour opérateur créé en 1975, qui propose des voyages d’aventure, hors des sentiers battus, principalement au sein de la nature. Ils se déroulent majoritairement à base de randonnée ou de trekk, parfois à cheval, en canoé kayak, etc. C’est évidemment très éloigné de l’espace mais, à mes yeux, il y a quand même un point commun : c’est que l’espace constitue aujourd’hui la plus grande des aventures, et cela encore pour longtemps. Ainsi, parmi les différentes offres de notre catalogue, nous proposons à des passionnés, mais aussi des curieux, des voyages sur le thème de l’espace, qui se déclinent en plusieurs offres : tout d’abord des visites très approfondies de sites spatiaux, dont une partie est assez exclusive et impossible à réaliser par ses propres moyens ; ensuite des voyages avec des accompagnements d’exception ; et enfin des voyages pour assister à des événements ponctuels.

 

Parlez-nous de ces voyages dans les coulisses du spatial…

Le premier voyage que nous avons créé, en 2019, était à Moscou, et est parti plusieurs fois jusqu’à ce qu’éclate la guerre en Ukraine. Il permettait notamment de visiter la Cité des étoiles, et pas seulement la partie musée relativement ouverte au public, mais réellement la partie dédiée à l’entraînement des cosmonautes, avec la possibilité de monter dans un simulateur Soyouz et de voir la grande centrifugeuse. C’est aussi l’occasion de visiter dans une autre banlieue de Moscou le musée privé de l’entreprise RKK Energia, qui depuis les années soixante construit entre autres les capsules habitées russes ; on peut voir – et même toucher – les capsules de Youri Gagarine, Valentina Terechkova ou Alexeï Leonov. En Guyane, nos voyageurs sont bien sûr amenés à visiter le Centre spatial guyanais, et leur parcours de visite s’étale sur deux jours, alors que celui qui est accessible au grand public dure une demi-journée. C’est une visite intégrale qui est proposée, avec les salles d’intégration, l’ensemble des pas de tir, la salle de contrôle, etc. Son organisation a nécessité des semaines de négociations avec Arianespace et le Cnes.

 

Qui sont vos accompagnants d’exception ?

D’une façon générale, tous nos voyages sont accompagnés par des guides locaux, qui présentent à la fois la culture locale et le pays, et qui gèrent le groupe. Dans le cadre de nos voyages sur l’espace, ils sont en plus accompagnés par des experts de haut vol, et en l’occurrence tous nos voyages en Russie en Guyane ont été réalisés en présence de l’astronaute français Jean-Pierre Haigneré, qui a volé à deux reprises avec les Russes et s’est occupé de l’arrivée du lanceur russe Soyouz en Guyane. C’est quand même autre chose quand Jean-Pierre Haigneré vous raconte la vie à bord de la station Mir !

 

Quid des événements ponctuels ?

Nous proposons des voyages pour aller assister à des lancements d’exception. Nous avons commencé à la fin de l’été dernier pour le décollage de la fusée SLS depuis la Floride, dans le cadre de la mission Artemis 1 vers la Lune – et avons d’ailleurs invité Air & Cosmos à se joindre à nous. Un voyage qui n’a pas été sans difficulté, puisque le lancement a été reporté à plusieurs reprises. Mais, même les clients qui n’ont pas pu venir à toutes les tentatives ont énormément apprécié l’expérience car finalement ils ont vu la fusée sur son pas de tir (à moins de 6 km de distance), ont vécu l’ambiance du compte à rebours, ont rencontré des astronautes ou d’anciens cadres de la NASA. Et en septembre, nous avons emmené un groupe en Guyane pour assister à la mission VA 258 d’Ariane 5 (à 7,5 km de distance), qui a été un spectacle exceptionnel.

 

D’où est venue cette idée de voyages « spatiaux » ?

C’est une idée très personnelle à l’origine, qui relève d’une passion qui remonte à mon enfance. Même si j’ai bifurqué il y a longtemps et ai renoncé à devenir astronaute ou astrophysicien, j’avais gardé cet intérêt dans un coin de ma tête et, arrivé à la tête de Nomade Aventure, je me suis dit qu’il serait intéressant de proposer des voyages sur ce thème, tout simplement parce que ça n’existait pas. Ca a eu existé, dans les années quatre-vingt dix, mais depuis il n’y avait aucune agence de voyage en France, et peut-être même en Europe, qui proposait cette thématique.

 

Ces voyages ont été récompensés l’an dernier…

En effet, Nomade a reçu en 2022 deux prix de la part de l’hebdomadaire professionnel du tourisme, L’Echo Touristique, qui organise depuis 2013 les Trophées de l'innovation du Tourisme : un prix pour nos voyages dans lequel nous proposons de prendre le train plutôt que l’avion pour des destinations européennes proches (Albanie, Italie, Ecosse, etc.), et un prix récompensant notre gamme de voyages sur l’espace, pour son unicité.

 

Des voyages qui se veulent malgré tout responsables…

Donner un caractère le plus durable possible à nos voyages est un impératif pour nous. Nous ne renonçons absolument pas à prendre l’avion, d’une part parce qu’à ce jour il n’y a pas d’alternative sur le long courrier, et d’autre part parce que nous croyons profondément à l’utilité du tourisme, y compris pour le développement du pays du sud, mais aussi pour la protection de la nature dans ces pays. Car le tourisme apporte des recettes qui, si elles n’existaient pas, seraient forcément remplacées par d’autres formes d’exploitation de la nature ou des hommes. Néanmoins, l’avion émet des gaz à effet de serre, et nous absorbons 100 % des émissions liées aux vols et aux prestations terrestres de nos voyages, en finançant massivement depuis 2018 des programmes de plantation de mangrove en Inde et en Indonésie. On ne peut pas prétendre que nos voyages soient « carbone-neutres », parce que l’expression n’a pas de sens dans une entreprise, mais nous nous efforçons au moins d’équilibrer les émissions de nos voyages par ces absorptions, même si elles mettent quelques années à être réalisées.

 

Par ailleurs, quel est votre avis sur les vols spatiaux touristiques ?

Le tourisme spatial, après avoir longtemps été promis et longtemps repoussé, est devenu de plus en plus concret ces dernières années, tandis qu’en parallèle la sensibilité du public s’est accrue, notamment sur les questions environnementales. Les vols spatiaux privés sont donc arrivés à maturité à un moment où une grande partie du public estime que c’est un gaspillage, que c’est polluant, etc. En réalité, quand on regarde les chiffres des émissions des gaz à effet de serre de ces lancements, ils sont plus que marginaux, mais c’est vrai que l’activité représente la quintessence du loisir du milliardaire ou du millionnaire, inutile et survendu pour ses pseudos vertus éthiques par les sociétés qui mettent en avant l’overview effect, le fait de voir la planète de l’extérieur qui permet de prendre conscience de sa fragilité et d’avoir envie de la protéger – et c’est vrai qu’il n’est pas forcément nécessaire d’aller dans l’espace pour avoir cette conviction. Donc le timing n’est pas très bon aujourd’hui mais, à long terme, je pense que le développement du tourisme spatial est assez inéluctable, au même titre que j’imagine aux débuts de l’aviation on n’imaginait pas que ça permettrait de voyager pour le plaisir à travers le monde, cela a pris plusieurs années. D’une part, il faudra surmonter ce ressenti du grand public sur le gaspillage et la pollution, et d’autre part éviter des accidents, ou en tout cas savoir les gérer.

 

Quels nouveaux voyages préparez-vous sur la thématique spatiale ?

En avril prochain, nous proposons deux voyages dans ce cadre. Le premier va parcourir les grands principaux sites emblématiques de la conquête spatiale aux Etats-Unis, Washington, Houston et Cap Canaveral, cette fois en présence de l’astronaute français, Michel Tognini. Le second va permettre d’assister à l’avant-dernier vol d’une fusée Ariane 5 depuis la Guyane, qui embarquera de surcroît un bagage particulièrement précieux puisqu’il s’agit de la sonde planétaire européenne Juice, qui doit rejoindre les lunes de Jupiter au début des années 2030. Le voyage est à nouveau accompagné par Jean-Pierre Haigneré. Et puis, l’an prochain (en principe au printemps 2024), le grand lancement ce sera celui de la mission Artemis 2, la première mission habitée vers la Lune depuis 1972 ; là nous avons une longue liste d’attente de personnes intéressées…

 

La version intégrale de l’entretien est visible sur la chaîne YouTube d’Air & Cosmos : https://youtu.be/S8oQf4LH3zw

 

Pour plus de renseignement sur l’offre de Nomade Aventure, rendez-vous sur son site Internet : 

www.nomade-aventure.com



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