Le 4 avril 1972, le satellite technologique français Sret 1 décollait de Plessetsk, en Russie, et devenait le premier satellite occidental placé sur orbite par un lanceur soviétique.
A l’heure de la Détente, le général de Gaulle effectue une spectaculaire visite officielle en URSS du 20 juin au 1er juillet 1966. Soucieux de l’indépendance de la France, celui-ci estime qu’elle ne doit pas coopérer uniquement avec les pays du bloc occidental. Il souhaite dépasser le contexte du monde bipolaire et montrer qu’il est concevable d’échanger, voire de coopérer avec l’ennemi idéologique. L’espace apparaît alors comme un lieu d’application possible et, pour ce faire, un accord intergouvernemental est signé à Moscou le 30 juin pour « une coopération spatiale franco-soviétique à des fins pacifiques ».
Ainsi, dès 1967, des instruments scientifiques français sont embarqués dans des fusées-sondes et des ballons, puis dans des satellites soviétiques et même à bord de l’astromobile Lunokhod 1 (1970). Après l’abandon (pour des raisons budgétaires) fin 1968 du projet franco-soviétique Roseau - un satellite qui devait étudier l’exosphère - il est décidé en novembre 1970 d’engager un programme de petits satellites technologiques d’environ 30 kg au maximum en profitant d’une place additionnelle d’une charge utile principale dans un lanceur soviétique. Appelé Sret (Satellite de Recherches et d’Etudes Technologiques) ou MAS (Maliy Avtonomiy Sputnik) par les Soviétiques, ce programme vise à réaliser des essais technologiques d’étude de comportement de composants en milieu spatial.
D’une hauteur de 56 cm pour une masse totale de 15,4 kg, Sret a une forme d’octaèdre tronqué d’un diamètre de 55,9 cm. Le satellite est équipé de quatre panneaux solaires et de quatre panneaux expérimentaux, opposés deux à deux, pour étudier le comportement de deux sortes de cellules solaires : l’une utilisant un film de sulfure de cadmium (CdS) sur 30 cellules de 32 x 13 mm, l’autre au tellurure de cadmium (CdTe) sur 54 cellules de 20 x 15 mm ; une batterie allégée doit également être expérimentée. Le satellite devant traverser quatre fois par jour la ceinture radiative de van Allen, il devait ainsi permettre d’une part d’éprouver divers instruments et composants et, d’autre part, de vérifier le modèle théorique de flux et de spectre d’énergie des particules pressées dans les zones de van Allen (à l’aide de cellules au silicium).
Réalisé sous la maîtrise d’œuvre du Cnes, Sret est conçu avec l’aide de plusieurs industriels nationaux : SAT (Société Anonyme de Télécommunications) pour l’expérience CdS, RTC (Radiotechnique Compelec) pour l’expérience CdTe, Saft (Société des accumulateurs fixes et traction) pour les batteries pyrotechniques, Crouzet pour le convertisseur, Aerospatiale pour l’émetteur, Avions Marcel Dassault pour le mécanisme permettant d’éjecter le satellite.
Avant d’être envoyé en Union soviétique, Sret est au préalable testé au centre spatial de Toulouse (essais de vide thermique, de vibration et d’équilibrage). Toutefois, une fois en Urss, les Français ne peuvent suivre les opérations d’intégration du satellite et du lancement, comme le rapporte Jean-René Germain dans Aviation Magazine du 1er/14 mai 1972 : « L’équipe française n’a pas eu accès au champ de tir, et ignore tout du lanceur. Ainsi, lors des discussions avec les Soviétiques, les caractéristiques géométriques du satellite ont été définies. Ils ont donné des spécifications de dimension, de fixation, de contraintes, plus des indications sur les liaisons électriques avec le lanceur, qui sont restées minimales. Sret a été conçu de manière à être entièrement autonome », les responsables français ne prenant le contrôle de leur satellite qu’une fois celui-ci éjecté du lanceur. « Fidèles à leur politique du secret en matière spatiale, les Soviétiques n’ont communiqué ni le nom du cosmodrome (il est cependant probable que ce soit Plessetsk), ni l’heure du tir », souligne Jean-René Germain.
Le 4 avril 1972, une fusée soviétique Molniya M décolle de Plessetsk et place le satellite de télécommunications Molniya 1-20 sur une orbite très elliptique (40 000 km d’apogée, 480 km de périgée) – aussi appelée « orbite de Molniya ». Cette dernière est particulièrement favorable aux territoires se trouvant à de hautes latitudes. Ainsi, pour les télécommunications, cette orbite permet aux Soviétiques de disposer d’un réseau couvrant son immense territoire qui est essentiellement concerné par de hautes latitudes et même polaires.
Quant à SRET, après s’être à son tour éjecté, il rejoint une orbite proche de celle du satellite Molniya, soit à 480 km de périgée et 39 260 km d’apogée, avec une inclinaison de 65,6°.
Prévu pour une durée de vie d’un an, Sret fonctionne parfaitement durant 15 mois, jusqu’au 13 juillet 1973. Le succès autorise un Sret 2 qui est lancé le 5 juin 1975. La mission principale de ce dernier est alors de tester et de valider un système de refroidissement passif, le même que celui qui est appelé à voler sur le satellite météorologique européen Meteosat (lancé le 23 novembre 1977 par un Delta américain). L’expérience est délicate, elle nécessite de maintenir une température à -160°C. Deux études complémentaires sont assignées au Sret 2 : la dégradation des films plastiques dans l’environnement spatial et le vieillissement des revêtements thermiques. D’une masse totale de 30 kg, Sret 2 a lui aussi été placé sur une orbite très elliptique pour une période de révolution de 12 heures, en charge additionnelle avec le Molniya 1-30. Les données ont été transmises par télémesure, les panneaux solaires fournissant une puissance de 3 watts, quatre antennes pour rester en contact avec les stations au sol, qui se déploient une fois sur orbite.
Les Sret ont été véritablement un « banc d’essais pour l’industrie spatiale française », comme le note Jean-René Germain.
- Un ouvrage : 50 ans de coopération spatiale France-Urss/Russie, collectif d’auteurs, Ed. Tessier & Ashpool, décembre 2015.
- Un article : « Sret 1, un banc d’essais pour l’industrie », Jean-René Germain, Aviation magazine n°585, 1-14 mai 1972.
- Un court documentaire sur la mission Sret 2, vidéothèque du Cnes.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Le 4 avril 1972, le satellite technologique français Sret 1 décollait de Plessetsk, en Russie, et devenait le premier satellite occidental placé sur orbite par un lanceur soviétique.
A l’heure de la Détente, le général de Gaulle effectue une spectaculaire visite officielle en URSS du 20 juin au 1er juillet 1966. Soucieux de l’indépendance de la France, celui-ci estime qu’elle ne doit pas coopérer uniquement avec les pays du bloc occidental. Il souhaite dépasser le contexte du monde bipolaire et montrer qu’il est concevable d’échanger, voire de coopérer avec l’ennemi idéologique. L’espace apparaît alors comme un lieu d’application possible et, pour ce faire, un accord intergouvernemental est signé à Moscou le 30 juin pour « une coopération spatiale franco-soviétique à des fins pacifiques ».
Ainsi, dès 1967, des instruments scientifiques français sont embarqués dans des fusées-sondes et des ballons, puis dans des satellites soviétiques et même à bord de l’astromobile Lunokhod 1 (1970). Après l’abandon (pour des raisons budgétaires) fin 1968 du projet franco-soviétique Roseau - un satellite qui devait étudier l’exosphère - il est décidé en novembre 1970 d’engager un programme de petits satellites technologiques d’environ 30 kg au maximum en profitant d’une place additionnelle d’une charge utile principale dans un lanceur soviétique. Appelé Sret (Satellite de Recherches et d’Etudes Technologiques) ou MAS (Maliy Avtonomiy Sputnik) par les Soviétiques, ce programme vise à réaliser des essais technologiques d’étude de comportement de composants en milieu spatial.
D’une hauteur de 56 cm pour une masse totale de 15,4 kg, Sret a une forme d’octaèdre tronqué d’un diamètre de 55,9 cm. Le satellite est équipé de quatre panneaux solaires et de quatre panneaux expérimentaux, opposés deux à deux, pour étudier le comportement de deux sortes de cellules solaires : l’une utilisant un film de sulfure de cadmium (CdS) sur 30 cellules de 32 x 13 mm, l’autre au tellurure de cadmium (CdTe) sur 54 cellules de 20 x 15 mm ; une batterie allégée doit également être expérimentée. Le satellite devant traverser quatre fois par jour la ceinture radiative de van Allen, il devait ainsi permettre d’une part d’éprouver divers instruments et composants et, d’autre part, de vérifier le modèle théorique de flux et de spectre d’énergie des particules pressées dans les zones de van Allen (à l’aide de cellules au silicium).
Réalisé sous la maîtrise d’œuvre du Cnes, Sret est conçu avec l’aide de plusieurs industriels nationaux : SAT (Société Anonyme de Télécommunications) pour l’expérience CdS, RTC (Radiotechnique Compelec) pour l’expérience CdTe, Saft (Société des accumulateurs fixes et traction) pour les batteries pyrotechniques, Crouzet pour le convertisseur, Aerospatiale pour l’émetteur, Avions Marcel Dassault pour le mécanisme permettant d’éjecter le satellite.
Avant d’être envoyé en Union soviétique, Sret est au préalable testé au centre spatial de Toulouse (essais de vide thermique, de vibration et d’équilibrage). Toutefois, une fois en Urss, les Français ne peuvent suivre les opérations d’intégration du satellite et du lancement, comme le rapporte Jean-René Germain dans Aviation Magazine du 1er/14 mai 1972 : « L’équipe française n’a pas eu accès au champ de tir, et ignore tout du lanceur. Ainsi, lors des discussions avec les Soviétiques, les caractéristiques géométriques du satellite ont été définies. Ils ont donné des spécifications de dimension, de fixation, de contraintes, plus des indications sur les liaisons électriques avec le lanceur, qui sont restées minimales. Sret a été conçu de manière à être entièrement autonome », les responsables français ne prenant le contrôle de leur satellite qu’une fois celui-ci éjecté du lanceur. « Fidèles à leur politique du secret en matière spatiale, les Soviétiques n’ont communiqué ni le nom du cosmodrome (il est cependant probable que ce soit Plessetsk), ni l’heure du tir », souligne Jean-René Germain.
Le 4 avril 1972, une fusée soviétique Molniya M décolle de Plessetsk et place le satellite de télécommunications Molniya 1-20 sur une orbite très elliptique (40 000 km d’apogée, 480 km de périgée) – aussi appelée « orbite de Molniya ». Cette dernière est particulièrement favorable aux territoires se trouvant à de hautes latitudes. Ainsi, pour les télécommunications, cette orbite permet aux Soviétiques de disposer d’un réseau couvrant son immense territoire qui est essentiellement concerné par de hautes latitudes et même polaires.
Quant à SRET, après s’être à son tour éjecté, il rejoint une orbite proche de celle du satellite Molniya, soit à 480 km de périgée et 39 260 km d’apogée, avec une inclinaison de 65,6°.
Prévu pour une durée de vie d’un an, Sret fonctionne parfaitement durant 15 mois, jusqu’au 13 juillet 1973. Le succès autorise un Sret 2 qui est lancé le 5 juin 1975. La mission principale de ce dernier est alors de tester et de valider un système de refroidissement passif, le même que celui qui est appelé à voler sur le satellite météorologique européen Meteosat (lancé le 23 novembre 1977 par un Delta américain). L’expérience est délicate, elle nécessite de maintenir une température à -160°C. Deux études complémentaires sont assignées au Sret 2 : la dégradation des films plastiques dans l’environnement spatial et le vieillissement des revêtements thermiques. D’une masse totale de 30 kg, Sret 2 a lui aussi été placé sur une orbite très elliptique pour une période de révolution de 12 heures, en charge additionnelle avec le Molniya 1-30. Les données ont été transmises par télémesure, les panneaux solaires fournissant une puissance de 3 watts, quatre antennes pour rester en contact avec les stations au sol, qui se déploient une fois sur orbite.
Les Sret ont été véritablement un « banc d’essais pour l’industrie spatiale française », comme le note Jean-René Germain.
- Un ouvrage : 50 ans de coopération spatiale France-Urss/Russie, collectif d’auteurs, Ed. Tessier & Ashpool, décembre 2015.
- Un article : « Sret 1, un banc d’essais pour l’industrie », Jean-René Germain, Aviation magazine n°585, 1-14 mai 1972.
- Un court documentaire sur la mission Sret 2, vidéothèque du Cnes.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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