Depuis son indépendance en octobre 1991, l’Azerbaïdjan cherche à disposer de satellites d’application afin de favoriser son développement. Le 7 février 2013 intervient le lancement d’Azerspace 1, son premier satellite dédié aux télécommunications.
En octobre 1973, le Congrès international d’astronautique (IAC) se tient pour la première fois à Bakou, en Union soviétique, à l’initiative d’Heydar Aliyev, alors premier secrétaire du Comité central du parti communiste d’Azerbaïdjan, une des républiques constituant l’URSS. Cela insuffle dans le domaine de la recherche spatiale un élan local qui voit la même année la création du centre Kaspii de l’Académie des sciences en charge d’observation de la Terre. Ainsi, si Aliyev encourage le développement des télécommunications, de leur côté, des scientifiques azéris s’intéressent au développement de techniques et de méthodes dans le domaine de la télédétection. Des équipements pour le spatial soviétique sont également conçus comme des capteurs embarqués dans les sondes Phobos, un spectromètre à rayon X et l’expérience d’électrophorèse Aïnur pour la station Mir réalisée par le cosmonaute Moussa Manarov (né à Bakou), etc.
Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’Azerbaïdjan devient indépendance le 18 octobre 1991. Suit une période d’incertitude et de troubles pendant laquelle est créée dès 1992 l’Agence aérospatiale nationale d’Azerbaïdjan (ANAA), à partir d’un centre de recherche de l’Académie nationale des sciences d’Azerbaïdjan. L’idée est dans un premier temps d’apprendre de nouvelles méthodes managériales, et de faire naître un programme spatial national en réfléchissant sur les types d’activités susceptibles d’être intéressants pour le pays, sachant que celui-ci ne dispose désormais plus d’importants financements comme au temps de l’URSS. Deux domaines semblent alors à la portée des azéris : les télécommunications et la télédétection (ressources naturelles).
Avec le retour au pouvoir d’Heydar Aliyev (septembre 1993), de nouvelles ambitions se dessinent. Au niveau spatial, il y a la volonté de développer un important tissu industriel, surtout au niveau des télécommunications, une thématique chère à Aliyev depuis les années 1970-80. A la mort d’Heydar Aliyev en 2003, son fils Ilham Aliyev lui succède et poursuit la dynamique. Tandis que les activités de l’ANAA sont transférées en 2006 au ministère de l’Industrie de défense, le ministère des Transports, de la Communication et de la Haute Technologie met en place le 3 mai 2010 la société anonyme Azercosmos OJSC (Open Joint Stock Company) pour développer et exploiter des satellites d’application, à commencer par ceux des télécommunications.
N’ayant cependant pas les capacités de construire le satellite, Azercosmos sollicite le groupe américain Orbital sciences corporation (racheté par Northrop Grumman en 2018) qui, pour le réaliser, nécessite un coût d’environ 120 millions de dollars. D’une masse au lancement de 3 275 kg, le satellite baptisé Azerspace 1 est équipé de 12 transpondeurs en bande Ku et de 24 autres en bande C, les premiers devant couvrir l’Europe et l’Asie centrale, les seconds l’Europe, l’Asie centrale, plus l’Afrique. L’Azerbaïdjan compte ainsi développer la coopération avec des compagnies africaines, comme avec la société kenyane CommCarrier (basée à Nairobi). La dimension africaine étant importante, le satellite sera aussi nommé Africasat 1.
Le 7 février 2013, un lanceur Ariane 5 ECA (VA 212) place sur orbite deux satellites de télécommunication l’espagnol Amazonas 3 et l’azéri Azerspace 1 (à 46° Est). Ce dernier est alors l'un des satellites avec le signal le plus fort au-dessus de l'Azerbaïdjan. Une centaine de chaînes de télévision et de radio locales et internationales sont diffusées par satellite en azerbaïdjanais, en turc, en russe, en anglais, et quelques autres langues.
Le succès est tel que le 2 décembre 2015, Azercosmos signe un nouvel accord avec le groupe français Arianespace pour le lancement d’Azerspace 2 (construit par l’américain Space Systems/Loral).
Parallèlement à Azerspace, Azercosmos négocie avec le groupe Airbus DS pour acquérir un satellite optique d’observation de la Terre à haute résolution (1,5 m). Là encore, n’ayant pas les compétences nécessaires à fabriquer un tel satellite, Azercosmos obtient le 2 décembre 2014 un accord de rachat du satellite français Spot 7 (lancé le 30 juin 2014). Rebaptisé Azersky 1, celui-ci est remis à Azercosmos OJSC. Le contrat permet également la formation du personnel du nouveau centre de contrôle satellite d’Azercosmos situé près de Bakou et inauguré en juin 2017. En juillet 2018, à l’occasion de la visite du président Aliyev en France, un accord de coopération est alors signé entre le CNES et Azercosmos, dans les domaines de télédétection, de l’observation de la Terre et de l’exploration de l’univers.
Le satellite Azersky est exploité dans de nombreux domaines, comme l'agriculture, l'écologie et l'environnement, la planification et la surveillance des infrastructures, la mise à jour des données cadastrales, la recherche sur la pollution par les hydrocarbures en mer et sur terre et dans d'autres domaines, mais aussi pour la défense et la sécurité du pays… et très probablement dans la guerre qu’il mène contre son voisin arménien.
Quant à Azercosmos, son statut évolue : il se transforme le 26 février 2016 en une société par actions ouverte, est détaché le 17 octobre 2017 du ministère des Transports, des Communications et de la Haute technologie, pour devenir le 27 avril 2021 une véritable agence spatiale directement placée sous l’autorité du chef de l’Etat.
Cinquante ans après avoir accueilli pour la première fois le Congrès international d'astronautique, Bakou s’apprête à recevoir en septembre prochain la communauté spatiale mondiale lors du 74e IAC. Pour les autorités azéries « le Congrès international d'Astronautique de 2023 renforcera de manière tangible la position de l'Azerbaïdjan dans le domaine de l'exploration spatiale et donnera au pays un élan pour devenir l'une des forces motrices de l'industrie spatiale mondiale ». Ce sera probablement l’occasion d’établir des liens plus étroits avec de nouveaux partenaires et de renforcer la réputation du pays, à condition que la guerre russo-ukrainienne n’ait pas d’ici là de graves répercussions…
- Un article : « Azerbaijan: Onward march of space industry progress », Ayya Lmahamad, in Azernews, 22 octobre 2021
- Un second article : « Nouvelles orientations de l’Agence nationale aérospatiale d’Azerbaïdjan », Arif S. Mehtiyev, in Azerbaïdjan international, été 1995
- Le site de Azerkosmos.
L’auteur remercie Christian Lardier pour la relecture et ses conseils avisés.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Depuis son indépendance en octobre 1991, l’Azerbaïdjan cherche à disposer de satellites d’application afin de favoriser son développement. Le 7 février 2013 intervient le lancement d’Azerspace 1, son premier satellite dédié aux télécommunications.
En octobre 1973, le Congrès international d’astronautique (IAC) se tient pour la première fois à Bakou, en Union soviétique, à l’initiative d’Heydar Aliyev, alors premier secrétaire du Comité central du parti communiste d’Azerbaïdjan, une des républiques constituant l’URSS. Cela insuffle dans le domaine de la recherche spatiale un élan local qui voit la même année la création du centre Kaspii de l’Académie des sciences en charge d’observation de la Terre. Ainsi, si Aliyev encourage le développement des télécommunications, de leur côté, des scientifiques azéris s’intéressent au développement de techniques et de méthodes dans le domaine de la télédétection. Des équipements pour le spatial soviétique sont également conçus comme des capteurs embarqués dans les sondes Phobos, un spectromètre à rayon X et l’expérience d’électrophorèse Aïnur pour la station Mir réalisée par le cosmonaute Moussa Manarov (né à Bakou), etc.
Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’Azerbaïdjan devient indépendance le 18 octobre 1991. Suit une période d’incertitude et de troubles pendant laquelle est créée dès 1992 l’Agence aérospatiale nationale d’Azerbaïdjan (ANAA), à partir d’un centre de recherche de l’Académie nationale des sciences d’Azerbaïdjan. L’idée est dans un premier temps d’apprendre de nouvelles méthodes managériales, et de faire naître un programme spatial national en réfléchissant sur les types d’activités susceptibles d’être intéressants pour le pays, sachant que celui-ci ne dispose désormais plus d’importants financements comme au temps de l’URSS. Deux domaines semblent alors à la portée des azéris : les télécommunications et la télédétection (ressources naturelles).
Avec le retour au pouvoir d’Heydar Aliyev (septembre 1993), de nouvelles ambitions se dessinent. Au niveau spatial, il y a la volonté de développer un important tissu industriel, surtout au niveau des télécommunications, une thématique chère à Aliyev depuis les années 1970-80. A la mort d’Heydar Aliyev en 2003, son fils Ilham Aliyev lui succède et poursuit la dynamique. Tandis que les activités de l’ANAA sont transférées en 2006 au ministère de l’Industrie de défense, le ministère des Transports, de la Communication et de la Haute Technologie met en place le 3 mai 2010 la société anonyme Azercosmos OJSC (Open Joint Stock Company) pour développer et exploiter des satellites d’application, à commencer par ceux des télécommunications.
N’ayant cependant pas les capacités de construire le satellite, Azercosmos sollicite le groupe américain Orbital sciences corporation (racheté par Northrop Grumman en 2018) qui, pour le réaliser, nécessite un coût d’environ 120 millions de dollars. D’une masse au lancement de 3 275 kg, le satellite baptisé Azerspace 1 est équipé de 12 transpondeurs en bande Ku et de 24 autres en bande C, les premiers devant couvrir l’Europe et l’Asie centrale, les seconds l’Europe, l’Asie centrale, plus l’Afrique. L’Azerbaïdjan compte ainsi développer la coopération avec des compagnies africaines, comme avec la société kenyane CommCarrier (basée à Nairobi). La dimension africaine étant importante, le satellite sera aussi nommé Africasat 1.
Le 7 février 2013, un lanceur Ariane 5 ECA (VA 212) place sur orbite deux satellites de télécommunication l’espagnol Amazonas 3 et l’azéri Azerspace 1 (à 46° Est). Ce dernier est alors l'un des satellites avec le signal le plus fort au-dessus de l'Azerbaïdjan. Une centaine de chaînes de télévision et de radio locales et internationales sont diffusées par satellite en azerbaïdjanais, en turc, en russe, en anglais, et quelques autres langues.
Le succès est tel que le 2 décembre 2015, Azercosmos signe un nouvel accord avec le groupe français Arianespace pour le lancement d’Azerspace 2 (construit par l’américain Space Systems/Loral).
Parallèlement à Azerspace, Azercosmos négocie avec le groupe Airbus DS pour acquérir un satellite optique d’observation de la Terre à haute résolution (1,5 m). Là encore, n’ayant pas les compétences nécessaires à fabriquer un tel satellite, Azercosmos obtient le 2 décembre 2014 un accord de rachat du satellite français Spot 7 (lancé le 30 juin 2014). Rebaptisé Azersky 1, celui-ci est remis à Azercosmos OJSC. Le contrat permet également la formation du personnel du nouveau centre de contrôle satellite d’Azercosmos situé près de Bakou et inauguré en juin 2017. En juillet 2018, à l’occasion de la visite du président Aliyev en France, un accord de coopération est alors signé entre le CNES et Azercosmos, dans les domaines de télédétection, de l’observation de la Terre et de l’exploration de l’univers.
Le satellite Azersky est exploité dans de nombreux domaines, comme l'agriculture, l'écologie et l'environnement, la planification et la surveillance des infrastructures, la mise à jour des données cadastrales, la recherche sur la pollution par les hydrocarbures en mer et sur terre et dans d'autres domaines, mais aussi pour la défense et la sécurité du pays… et très probablement dans la guerre qu’il mène contre son voisin arménien.
Quant à Azercosmos, son statut évolue : il se transforme le 26 février 2016 en une société par actions ouverte, est détaché le 17 octobre 2017 du ministère des Transports, des Communications et de la Haute technologie, pour devenir le 27 avril 2021 une véritable agence spatiale directement placée sous l’autorité du chef de l’Etat.
Cinquante ans après avoir accueilli pour la première fois le Congrès international d'astronautique, Bakou s’apprête à recevoir en septembre prochain la communauté spatiale mondiale lors du 74e IAC. Pour les autorités azéries « le Congrès international d'Astronautique de 2023 renforcera de manière tangible la position de l'Azerbaïdjan dans le domaine de l'exploration spatiale et donnera au pays un élan pour devenir l'une des forces motrices de l'industrie spatiale mondiale ». Ce sera probablement l’occasion d’établir des liens plus étroits avec de nouveaux partenaires et de renforcer la réputation du pays, à condition que la guerre russo-ukrainienne n’ait pas d’ici là de graves répercussions…
- Un article : « Azerbaijan: Onward march of space industry progress », Ayya Lmahamad, in Azernews, 22 octobre 2021
- Un second article : « Nouvelles orientations de l’Agence nationale aérospatiale d’Azerbaïdjan », Arif S. Mehtiyev, in Azerbaïdjan international, été 1995
- Le site de Azerkosmos.
L’auteur remercie Christian Lardier pour la relecture et ses conseils avisés.
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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