Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance
Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance
© Jean-Marc Tanguy

publié le 02 février 2025 à 13:34

2294 mots

Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance

A peine créée à l'été 2024 avec un premier escadron de Rafale, le 1/5 Vendée; la 5e escadre de chasse a commencé en octobre ses premières missions de police du ciel et se déploiera au Levant au premier semestre 2025. Une croissance rapide qui intègre aussi de nouveaux process et gain de temps.


Infrastructure Rafale sortie de terre pour accueillir l'escadron 1/5 Vendée

Pendant près de deux ans, la base aérienne 115 d'Orange-Caritat (Vaucluse) a fortement réduit son activité aérienne, limitée aux hélicoptères Fennec, durant une période de grands travaux destinés à accueillir le cinquième escadron Rafale, un chantier à 255 M€. Les aires aéronautiques (pistes, taxiways, parkings) et les structures d'accueil des chasseurs (hangarettes durcies, astroarches) ont été rénovées tandis que l'infrastructure Rafale sortait de terre pour accueillir les avions et personnels de l'escadron de chasse 1/5 Vendée, officiellement recrée en juillet dernier avec ses trois escadrilles : SPA26 Cigogne de Saint-Galmier, C46 Trident, et la plus connue, la SPA124 Jeanne d'Arc.

L'ampleur des travaux était à la mesure du besoin, la base aérienne 115 ayant été longtemps dans un avenir incertain, et son entretien avait jusqu'alors été tenu au minimum nécessaire. La perspective d'un premier puis d'un deuxième escadron Rafale (en 2028) a permis de remettre la BA115 au meilleur niveau, sur les zones opérationnelles, mais aussi avec un nouveau mess par exemple, et une nouvelle tour de contrôle au standard CLA2000 (toujours en finition).

Pendant plusieurs semaines, les pilotes se sont « réhabitués à la navigation dans le quart sud-est de la France, qui est une zone très chargée, reconnaît le lieutenant-colonel Pierre, commandant du Vendée, avec Marseille et Istres qui sont « saturés », mais « si on a besoin de faire une verticale Marseille, les contrôleurs aériens font le nécessaire, ça se passe très bien avec eux, ce sont des pros ». « On a aussi beaucoup d'aviation légère qui descend la vallée du Rhône, poursuit-il.

« Il a fallu aussi réhabituer les terrains civils » qui n'avaient pas vu passer de chasseurs depuis deux ans. Or, ceux-ci sont essentiels comme « terrains de déroutement : on s'y pose régulièrement pour habituer tous les acteurs ». Un déroutement peut être décidé suite à une panne en vol, pour cause météo, mais aussi en cas de crash avion ou hélicoptère sur la base aérienne 115, après un accident sur une voiture de piste, mais aussi après une usage de la crosse de détresse.

Rafale au standard F4.1 block 2

Dans plusieurs de ces cas, une inspection de piste est nécessaire, et le terrain est donc indisponible pendant plusieurs dizaines de minutes. En plus des terrains de déroutements civils, les Rafale peuvent aussi et évidemment utiliser les terrains militaires de la région, à Salon-de-Provence, Istres et Hyères. Le Vendée profite des appareils sortis de chaîne de Dassault Aviation, donc nativement au dernier standard F4.1 block 2. Standard qui pourrait utiliser les viseurs de casque, mais pour l'heure, ces équipements sont employés par le centre d'epxertise aérienne militaire (CEAM) de Mont-de-Marsan.

Le Vendée dispose notamment du C149, le premier F4.1 neuf sorti de Mérignac. L'unité alignait, le 9 décembre, huit Rafale pour 12 personnels navigants, une base qui lui a permis, dès octobre, de prendre en compte sa première mission opérationnelle, le plot de police du ciel pour le sud-est de la France (relocalisé à Istres il y a deux ans). De la troisième semaine d'août à la fin octobre, les autres escadrons de chasse s'étaient relayés à Orange pour tenir le plot, le temps nécessaire au Vendée de monter en puissance. Mi-décembre, l'escadron a aussi contribué à la sécurisation de la visite du Pape à Ajaccio, avec plusieurs avions en alerte à Orange.

Direction la Jordanie

Le prochain rendez-vous opérationnel majeur sera la première opération extérieure, avec un déploiement de Rafale, sans doute quatre, en mai prochain, en Jordanie. L'arrivée d'une troisième escadre (après la 4e escadre de Saint-Dizier et la 30e de Mont-de-Marsan) permet de mieux répartir l'activité opérationnelle de la police du ciel et du seul plot permanent de Rafale à l'étranger (le 1/7 Provence gérant, lui, en permanence la demi-douzaine de Rafale stationnés aux Emirats Arabes Unis).

Avec la montée en puissance de son effectif de personnel navigant et non navigant, et de son parc d'avions, le Vendée pourra contribuer plus régulièrement aux opérations extérieures par la suite. Début décembre, le Vendée alignait 141 aviateurs, un effectif qui peut sembler déjà élevé, mais n'atteint néanmoins pas son niveau final. Il permet néanmoins déjà de générer une quarantaine de sorties par semaine. Dix pilotes supplémentaires sont attendus à Orange à l'été 2026, permettant de tutoyer le niveau final « entre 25 et 30 » qui sera atteint « à l'été 2026 ».

Pour l'heure, ils sont issus de tous les horizons mais pas d'anciens du Mirage 2000D, type d'appareil pour lequel la marche à franchir est jugée la plus élevée pour se convertir au Rafale, par delà le fait aussi que cette flotte connaît déjà des tensions sur ses pilotes. Le nombre de personnels renseignement est aussi plus élevé que dans les escadrons de Mirage 2000. Et surtout, le Vendée a adopté nativement l'intégration des mécaniciens dans ses rangs, à l'instar du reste de la chasse, dès cet été.

Cette composante de soutien opérationnel comprend déjà quatre ateliers d'environ 25 mécanos chacun : vecteur, avionique, armement et piste. Cette composante doit permettre de renforcer la cohésion, le commandement et aussi les opérations, puisque l'escadron se projettera avec ses propres mécaniciens. Ce qui n'exclut pas, le cas échéant, des renforcements provenant d'autres escadrons ou de l'escadron de soutien aéronautique (ESTA) Baronnies, dont l'existence est maintenue.

L'effet FAS

Ce type de fonctionnement existait déjà au sein des forces aériennes stratégiques (FAS). « On gagne en efficacité », estime le lieutenant-colonel Pierre, « l'escadron partira en opex avec ses mécaniciens, ses personnels renseignements, ses secrétaires, c'est un coût complet ». En régime de croisière, les mécaniciens devraient être « 130 à 150 », les personnels renseignement une trentaine (une vingtaine actuellement). Mais, le Vendée poursuivra sa croissance d'effectifs pour préparer RAF6, qui sera co-localisé avec lui, à partir de 2028.

Le Vendée atteindra alors 150 % d'effectifs (avec une bonne quarantaine de pilotes), et se coupera en deux escadrons égaux à 75 % de leur dotation finale. Le volume d'appareils doit passer des huit actuels, à dix en janvier, avec objectif d'atteindre la dotation finale à 20, « en décembre 2025 ». Un surcroît d'appareils sera aussi nécessaire pour préparer l'arrivée de RAF6. Cet escadron devrait être un copié-collé du Vendée avec néanmoins un aménagement intérieur adapté à la marge, pour intégrer la présence du soutien technique (qui n'était pas compris à l'origine puisque logé au sein de l'ESTA).

Quelques pièces de stockage devraient ainsi être transformées en bureaux par exemple. Un biplace est déjà inclus dans le parc actuel, à des fins d'instruction. Le biplace étant, de toute façon, aussi utilisable avec un seul pilote, en cas de besoin. En mars prochain, l'ensemble de simulation à deux cabines, confié à la 5e escadre de chasse, sera aussi disponible et offrira au départ « douze créneaux quotidiens d'une heure 45 » précise le lieutenant-colonel Aurélien, commandant la 5e EC.

Le retour de la SEAD

Il permettra de compléter la formation des pilotes, en plus des vols réels, mais également de « tester et écrire » sur un des contrats confiés au Vendée : développer l'expertise sur la guerre électronique et la SEAD (suppression of ennemy air defenses, suppression de la défense sol-air). La SEAD figure en toutes lettres dans les capacités du futur Rafale F5, elle a, dans les faits, disparu avec le retrait de service du couple Jaguar/Martel en... 2005.

Le Vendée n'a que quelques années pour accumuler les connaissances nécessaires à son expertise, à la difficulté près que, contrairement aux autres expertises confiées aux escadrons Rafale, elle ne pourra pas s'appuyer immédiatement sur un armement en service. A court terme, le Vendée pourra néanmoins valoriser les performances du Spectra du Rafale (détection et identification des radars adverses), conjuguées au pod optronique Talios (identification visuelle et géocalisation des systèmes sol-air) et des armements guidés non spécialisés, comme l'AASM employables pour traiter cette menace.

Mais seulement dans une portée limitée à quelques dizaines de kilomètres, là où les défenses adverses (classe S400) peuvent porter en centaines de kilomètres. L'idée étant dans tous les cas de « réinvestir la guerre électronique et la SEAD au plus vite », confie le commandant du Vendée, « en fonction de ce que les industriels pourront fournir ». A court terme, cette vignette d'expertise amènera donc les personnels « à être sensibilisés et bien connaître les capacités du Rafale, la tactique viendra ensuite avec les équipements. Nous devons être prêts avant l'arrivée du Rafale F5, tout en étant capables de faire des choses avec le Rafale F4 avec des armements de moyenne portée. Pour le S400, il faudra attendre le Rafale F5. » Sans doute avec un recours accru à l'intelligence artificielle.

Bâti autour de la ZAR

La création du Vendée - les traditions de l'Alsace et l'Ile-de-France étaient aussi sur les rangs - n'ajoute pas qu'un nouvel escadron de Rafale, mais intègre aussi de nouveaux modes de fonctionnement. Toute l'infrastructure hébergeant les personnels a été bâtie par Vinci et Travaux du Midi autour d'une ZAR (zone d'accès restreint) où sont préparés et débriefés tous les vols, mais aussi permettant de préserver les niveaux de confidentialité « secret » et « très secret ».

La ZAR possède aussi une structure physique renforcée. Le tout a fait l'objet d'un audit de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). « On peut conduire la guerre depuis l'escadron », résume le lieutenant-colonel Pierre, issu du Mirage 2000C (sept ans) avant de basculer sur Rafale, au Normandie-Niemen, durant trois ans. C'est là que lors de la dernière année, il a préparé la montée en puissance du Vendée. « La base aérienne est un outil de combat, et un escadron doit être capable de faire la guerre de façon autonome », poursuit-il.

C'est dans cette même logique que le Vendée dispose de ses propres salles de sommeil. « Avec les opérations que nous menons depuis la France, on perd du temps à rentrer chez nous, ici nous pouvons accueillir 14 personnels pour tenir dans la durée ». «C'est une infrastructure très complexe qui a été posée autour de la ZAR », constate le lieutenant-colonel Aurélien. C'est la première fois qu'on est partis d'une page blanche, dans une recherche d'efficacité. J'ai toujours eu un noyau comme la ZAR quand j'étais aux FAS. Tout s'articule autour de la portion centrale, l'infrastructure s'est mise en cohérence avec le degré de confidentialité, excellent, sur Rafale ».

« Cela permettra plus d'autonomie dans les phases de montée en puissance, comme ce que nous avions connu au début de la Libye et pour l'opération Hamilton». La 5e EC pourra ainsi, dès 2025, être capable de s'inscrire dans ce type d'alertes. De même, tous les cheminements et aménagements ont été repensés pour optimiser le temps de travail du personnel et mener les missions « afin de gagner du temps et d'être plus efficaces » résume le lieutenant-colonel Pierre, qui chiffre le gain à une trentaine de minutes quotidiennes. Les accès de l'escadron sont protégés par badge.

Une fois leur mission préparée dans la ZAR, les pilotes changent d'étage prendre leurs équipements de vol (casque, pantalon anti-G, gilet de combat) et signer pour prendre en compte leur avion. Ils rallient ensuite la hangarette durcie - ou astroarche le cas échéant - où est stocké leur appareil. La question de recourir aux structures métallo-textiles (ou sun shields) utilisés à Mont-de-Marsan ou en Jordanie a été posée, mais l'Armée de l'Air et de l'Espace a préféré conserver et rénover les hangarettes durcies déjà présentes sur site, en les modernisant.

Un des effets, entre autres, du retour de la haute intensité et aussi de la nécessité de mieux protéger des chasseurs en nombre bien plus compté qu'auparavant. Le mess est aussi à deux minutes à pied. Le Vendée ne s'est installé dans ses locaux qu'à partir de la mi-novembre, commençant ses activités dès l'été dans les anciens locaux du 2/5 Ile-de-France. « Il a fallu être inventif pour faire face aux aléas du bâtiment », reconnaît le commandant de la 5e escadre de chasse. « On rencontre nécessairement des difficultés quand on construit un bâtiment aussi important, qui se veut sobre énergétiquement, c'était un beau défi pour les industriels ».

« La difficulté du calendrier avait été identifiée assez tôt, donc cela n'a pas été un point bloquant ». Les mécaniciens n'ont pu commencer à s'installer progressivement dans leurs ateliers et bureaux qu'à la mi-décembre. Globalement, le chantier a donc légèrement glissé mais sans impact apparemment sur l'activité. « Nous avions des craintes sur les réseaux, reconnaît pour sa part le commandant du Vendée, mais l'installation s'est extrêmement bien passée ». Dans un souci de protection environnementale, les nouveaux bâtiments de l'escadron et de l'escadre ont été construits sur l'empreinte d'anciens, et ce sera aussi le cas de RAF6, qui sera bâti dans le prolongement du Vendée.

Des vols plus longs

Le changement de chasseur rallonge la durée des vols : en Mirage 2000C, ils duraient 1 h 15 min à une 1 h 30 min, contre 2 h à 2 h 30 min en Rafale. « On a un vrai gain avec le Rafale par rapport au Mirage 2000 », reconnaît le lieutenant-colonel Pierre, « avec des vols plus longs à briefer et à débriefer ». Le Vendée opère principalement dans la zone TSA42 - au-dessus de la BA115 - et dans la grande zone d'entraînement TSA43 au-dessus du Massif Central. « Avec des armements qui vont de plus en plus loin, on a besoin de zones de plus en plus larges », constate le commandant du Vendée.

Afin «d'éviter la consanguinité », l'escadron essaie au maximum de s'entraîner avec les autres escadrons de chasse, principalement les Mirage 2000-5 du 1 / 2 Cigognes de Luxeil et les deux escadrons de la 30e escadre, le 2/30 Normandie-Niemen et le 3/30 Lorraine. « Quelques entraînements » sont aussi menés avec la Marine nationale, avec beaucoup de séquences avec le commando parachutiste de l'air n°20 (basé à Orange) dont les spécialistes du guidage des appuis (JTAC) nécessitent des interactions avec des jets. C'est aussi le cas avec les JTAC de l'Armée de Terre, logés pour la plupart dans les régiments d'infanterie.

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02/02/2025 13:34
2294 mots

Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance

A peine créée à l'été 2024 avec un premier escadron de Rafale, le 1/5 Vendée; la 5e escadre de chasse a commencé en octobre ses premières missions de police du ciel et se déploiera au Levant au premier semestre 2025. Une croissance rapide qui intègre aussi de nouveaux process et gain de temps.

Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance
Défense : comment la 5e escadre de chasse monte rapidement en puissance

Infrastructure Rafale sortie de terre pour accueillir l'escadron 1/5 Vendée

Pendant près de deux ans, la base aérienne 115 d'Orange-Caritat (Vaucluse) a fortement réduit son activité aérienne, limitée aux hélicoptères Fennec, durant une période de grands travaux destinés à accueillir le cinquième escadron Rafale, un chantier à 255 M€. Les aires aéronautiques (pistes, taxiways, parkings) et les structures d'accueil des chasseurs (hangarettes durcies, astroarches) ont été rénovées tandis que l'infrastructure Rafale sortait de terre pour accueillir les avions et personnels de l'escadron de chasse 1/5 Vendée, officiellement recrée en juillet dernier avec ses trois escadrilles : SPA26 Cigogne de Saint-Galmier, C46 Trident, et la plus connue, la SPA124 Jeanne d'Arc.

L'ampleur des travaux était à la mesure du besoin, la base aérienne 115 ayant été longtemps dans un avenir incertain, et son entretien avait jusqu'alors été tenu au minimum nécessaire. La perspective d'un premier puis d'un deuxième escadron Rafale (en 2028) a permis de remettre la BA115 au meilleur niveau, sur les zones opérationnelles, mais aussi avec un nouveau mess par exemple, et une nouvelle tour de contrôle au standard CLA2000 (toujours en finition).

Pendant plusieurs semaines, les pilotes se sont « réhabitués à la navigation dans le quart sud-est de la France, qui est une zone très chargée, reconnaît le lieutenant-colonel Pierre, commandant du Vendée, avec Marseille et Istres qui sont « saturés », mais « si on a besoin de faire une verticale Marseille, les contrôleurs aériens font le nécessaire, ça se passe très bien avec eux, ce sont des pros ». « On a aussi beaucoup d'aviation légère qui descend la vallée du Rhône, poursuit-il.

« Il a fallu aussi réhabituer les terrains civils » qui n'avaient pas vu passer de chasseurs depuis deux ans. Or, ceux-ci sont essentiels comme « terrains de déroutement : on s'y pose régulièrement pour habituer tous les acteurs ». Un déroutement peut être décidé suite à une panne en vol, pour cause météo, mais aussi en cas de crash avion ou hélicoptère sur la base aérienne 115, après un accident sur une voiture de piste, mais aussi après une usage de la crosse de détresse.

Rafale au standard F4.1 block 2

Dans plusieurs de ces cas, une inspection de piste est nécessaire, et le terrain est donc indisponible pendant plusieurs dizaines de minutes. En plus des terrains de déroutements civils, les Rafale peuvent aussi et évidemment utiliser les terrains militaires de la région, à Salon-de-Provence, Istres et Hyères. Le Vendée profite des appareils sortis de chaîne de Dassault Aviation, donc nativement au dernier standard F4.1 block 2. Standard qui pourrait utiliser les viseurs de casque, mais pour l'heure, ces équipements sont employés par le centre d'epxertise aérienne militaire (CEAM) de Mont-de-Marsan.

Le Vendée dispose notamment du C149, le premier F4.1 neuf sorti de Mérignac. L'unité alignait, le 9 décembre, huit Rafale pour 12 personnels navigants, une base qui lui a permis, dès octobre, de prendre en compte sa première mission opérationnelle, le plot de police du ciel pour le sud-est de la France (relocalisé à Istres il y a deux ans). De la troisième semaine d'août à la fin octobre, les autres escadrons de chasse s'étaient relayés à Orange pour tenir le plot, le temps nécessaire au Vendée de monter en puissance. Mi-décembre, l'escadron a aussi contribué à la sécurisation de la visite du Pape à Ajaccio, avec plusieurs avions en alerte à Orange.

Direction la Jordanie

Le prochain rendez-vous opérationnel majeur sera la première opération extérieure, avec un déploiement de Rafale, sans doute quatre, en mai prochain, en Jordanie. L'arrivée d'une troisième escadre (après la 4e escadre de Saint-Dizier et la 30e de Mont-de-Marsan) permet de mieux répartir l'activité opérationnelle de la police du ciel et du seul plot permanent de Rafale à l'étranger (le 1/7 Provence gérant, lui, en permanence la demi-douzaine de Rafale stationnés aux Emirats Arabes Unis).

Avec la montée en puissance de son effectif de personnel navigant et non navigant, et de son parc d'avions, le Vendée pourra contribuer plus régulièrement aux opérations extérieures par la suite. Début décembre, le Vendée alignait 141 aviateurs, un effectif qui peut sembler déjà élevé, mais n'atteint néanmoins pas son niveau final. Il permet néanmoins déjà de générer une quarantaine de sorties par semaine. Dix pilotes supplémentaires sont attendus à Orange à l'été 2026, permettant de tutoyer le niveau final « entre 25 et 30 » qui sera atteint « à l'été 2026 ».

Pour l'heure, ils sont issus de tous les horizons mais pas d'anciens du Mirage 2000D, type d'appareil pour lequel la marche à franchir est jugée la plus élevée pour se convertir au Rafale, par delà le fait aussi que cette flotte connaît déjà des tensions sur ses pilotes. Le nombre de personnels renseignement est aussi plus élevé que dans les escadrons de Mirage 2000. Et surtout, le Vendée a adopté nativement l'intégration des mécaniciens dans ses rangs, à l'instar du reste de la chasse, dès cet été.

Cette composante de soutien opérationnel comprend déjà quatre ateliers d'environ 25 mécanos chacun : vecteur, avionique, armement et piste. Cette composante doit permettre de renforcer la cohésion, le commandement et aussi les opérations, puisque l'escadron se projettera avec ses propres mécaniciens. Ce qui n'exclut pas, le cas échéant, des renforcements provenant d'autres escadrons ou de l'escadron de soutien aéronautique (ESTA) Baronnies, dont l'existence est maintenue.

L'effet FAS

Ce type de fonctionnement existait déjà au sein des forces aériennes stratégiques (FAS). « On gagne en efficacité », estime le lieutenant-colonel Pierre, « l'escadron partira en opex avec ses mécaniciens, ses personnels renseignements, ses secrétaires, c'est un coût complet ». En régime de croisière, les mécaniciens devraient être « 130 à 150 », les personnels renseignement une trentaine (une vingtaine actuellement). Mais, le Vendée poursuivra sa croissance d'effectifs pour préparer RAF6, qui sera co-localisé avec lui, à partir de 2028.

Le Vendée atteindra alors 150 % d'effectifs (avec une bonne quarantaine de pilotes), et se coupera en deux escadrons égaux à 75 % de leur dotation finale. Le volume d'appareils doit passer des huit actuels, à dix en janvier, avec objectif d'atteindre la dotation finale à 20, « en décembre 2025 ». Un surcroît d'appareils sera aussi nécessaire pour préparer l'arrivée de RAF6. Cet escadron devrait être un copié-collé du Vendée avec néanmoins un aménagement intérieur adapté à la marge, pour intégrer la présence du soutien technique (qui n'était pas compris à l'origine puisque logé au sein de l'ESTA).

Quelques pièces de stockage devraient ainsi être transformées en bureaux par exemple. Un biplace est déjà inclus dans le parc actuel, à des fins d'instruction. Le biplace étant, de toute façon, aussi utilisable avec un seul pilote, en cas de besoin. En mars prochain, l'ensemble de simulation à deux cabines, confié à la 5e escadre de chasse, sera aussi disponible et offrira au départ « douze créneaux quotidiens d'une heure 45 » précise le lieutenant-colonel Aurélien, commandant la 5e EC.

Le retour de la SEAD

Il permettra de compléter la formation des pilotes, en plus des vols réels, mais également de « tester et écrire » sur un des contrats confiés au Vendée : développer l'expertise sur la guerre électronique et la SEAD (suppression of ennemy air defenses, suppression de la défense sol-air). La SEAD figure en toutes lettres dans les capacités du futur Rafale F5, elle a, dans les faits, disparu avec le retrait de service du couple Jaguar/Martel en... 2005.

Le Vendée n'a que quelques années pour accumuler les connaissances nécessaires à son expertise, à la difficulté près que, contrairement aux autres expertises confiées aux escadrons Rafale, elle ne pourra pas s'appuyer immédiatement sur un armement en service. A court terme, le Vendée pourra néanmoins valoriser les performances du Spectra du Rafale (détection et identification des radars adverses), conjuguées au pod optronique Talios (identification visuelle et géocalisation des systèmes sol-air) et des armements guidés non spécialisés, comme l'AASM employables pour traiter cette menace.

Mais seulement dans une portée limitée à quelques dizaines de kilomètres, là où les défenses adverses (classe S400) peuvent porter en centaines de kilomètres. L'idée étant dans tous les cas de « réinvestir la guerre électronique et la SEAD au plus vite », confie le commandant du Vendée, « en fonction de ce que les industriels pourront fournir ». A court terme, cette vignette d'expertise amènera donc les personnels « à être sensibilisés et bien connaître les capacités du Rafale, la tactique viendra ensuite avec les équipements. Nous devons être prêts avant l'arrivée du Rafale F5, tout en étant capables de faire des choses avec le Rafale F4 avec des armements de moyenne portée. Pour le S400, il faudra attendre le Rafale F5. » Sans doute avec un recours accru à l'intelligence artificielle.

Bâti autour de la ZAR

La création du Vendée - les traditions de l'Alsace et l'Ile-de-France étaient aussi sur les rangs - n'ajoute pas qu'un nouvel escadron de Rafale, mais intègre aussi de nouveaux modes de fonctionnement. Toute l'infrastructure hébergeant les personnels a été bâtie par Vinci et Travaux du Midi autour d'une ZAR (zone d'accès restreint) où sont préparés et débriefés tous les vols, mais aussi permettant de préserver les niveaux de confidentialité « secret » et « très secret ».

La ZAR possède aussi une structure physique renforcée. Le tout a fait l'objet d'un audit de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). « On peut conduire la guerre depuis l'escadron », résume le lieutenant-colonel Pierre, issu du Mirage 2000C (sept ans) avant de basculer sur Rafale, au Normandie-Niemen, durant trois ans. C'est là que lors de la dernière année, il a préparé la montée en puissance du Vendée. « La base aérienne est un outil de combat, et un escadron doit être capable de faire la guerre de façon autonome », poursuit-il.

C'est dans cette même logique que le Vendée dispose de ses propres salles de sommeil. « Avec les opérations que nous menons depuis la France, on perd du temps à rentrer chez nous, ici nous pouvons accueillir 14 personnels pour tenir dans la durée ». «C'est une infrastructure très complexe qui a été posée autour de la ZAR », constate le lieutenant-colonel Aurélien. C'est la première fois qu'on est partis d'une page blanche, dans une recherche d'efficacité. J'ai toujours eu un noyau comme la ZAR quand j'étais aux FAS. Tout s'articule autour de la portion centrale, l'infrastructure s'est mise en cohérence avec le degré de confidentialité, excellent, sur Rafale ».

« Cela permettra plus d'autonomie dans les phases de montée en puissance, comme ce que nous avions connu au début de la Libye et pour l'opération Hamilton». La 5e EC pourra ainsi, dès 2025, être capable de s'inscrire dans ce type d'alertes. De même, tous les cheminements et aménagements ont été repensés pour optimiser le temps de travail du personnel et mener les missions « afin de gagner du temps et d'être plus efficaces » résume le lieutenant-colonel Pierre, qui chiffre le gain à une trentaine de minutes quotidiennes. Les accès de l'escadron sont protégés par badge.

Une fois leur mission préparée dans la ZAR, les pilotes changent d'étage prendre leurs équipements de vol (casque, pantalon anti-G, gilet de combat) et signer pour prendre en compte leur avion. Ils rallient ensuite la hangarette durcie - ou astroarche le cas échéant - où est stocké leur appareil. La question de recourir aux structures métallo-textiles (ou sun shields) utilisés à Mont-de-Marsan ou en Jordanie a été posée, mais l'Armée de l'Air et de l'Espace a préféré conserver et rénover les hangarettes durcies déjà présentes sur site, en les modernisant.

Un des effets, entre autres, du retour de la haute intensité et aussi de la nécessité de mieux protéger des chasseurs en nombre bien plus compté qu'auparavant. Le mess est aussi à deux minutes à pied. Le Vendée ne s'est installé dans ses locaux qu'à partir de la mi-novembre, commençant ses activités dès l'été dans les anciens locaux du 2/5 Ile-de-France. « Il a fallu être inventif pour faire face aux aléas du bâtiment », reconnaît le commandant de la 5e escadre de chasse. « On rencontre nécessairement des difficultés quand on construit un bâtiment aussi important, qui se veut sobre énergétiquement, c'était un beau défi pour les industriels ».

« La difficulté du calendrier avait été identifiée assez tôt, donc cela n'a pas été un point bloquant ». Les mécaniciens n'ont pu commencer à s'installer progressivement dans leurs ateliers et bureaux qu'à la mi-décembre. Globalement, le chantier a donc légèrement glissé mais sans impact apparemment sur l'activité. « Nous avions des craintes sur les réseaux, reconnaît pour sa part le commandant du Vendée, mais l'installation s'est extrêmement bien passée ». Dans un souci de protection environnementale, les nouveaux bâtiments de l'escadron et de l'escadre ont été construits sur l'empreinte d'anciens, et ce sera aussi le cas de RAF6, qui sera bâti dans le prolongement du Vendée.

Des vols plus longs

Le changement de chasseur rallonge la durée des vols : en Mirage 2000C, ils duraient 1 h 15 min à une 1 h 30 min, contre 2 h à 2 h 30 min en Rafale. « On a un vrai gain avec le Rafale par rapport au Mirage 2000 », reconnaît le lieutenant-colonel Pierre, « avec des vols plus longs à briefer et à débriefer ». Le Vendée opère principalement dans la zone TSA42 - au-dessus de la BA115 - et dans la grande zone d'entraînement TSA43 au-dessus du Massif Central. « Avec des armements qui vont de plus en plus loin, on a besoin de zones de plus en plus larges », constate le commandant du Vendée.

Afin «d'éviter la consanguinité », l'escadron essaie au maximum de s'entraîner avec les autres escadrons de chasse, principalement les Mirage 2000-5 du 1 / 2 Cigognes de Luxeil et les deux escadrons de la 30e escadre, le 2/30 Normandie-Niemen et le 3/30 Lorraine. « Quelques entraînements » sont aussi menés avec la Marine nationale, avec beaucoup de séquences avec le commando parachutiste de l'air n°20 (basé à Orange) dont les spécialistes du guidage des appuis (JTAC) nécessitent des interactions avec des jets. C'est aussi le cas avec les JTAC de l'Armée de Terre, logés pour la plupart dans les régiments d'infanterie.



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