Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble
Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble
© NASA

publié le 04 juin 2024 à 09:34

897 mots

Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble

Du 11 au 24 mai 2009, la navette américaine Atlantis emmenait un équipage chargé d’effectuer l’ultime mission de service d’entretien de l’emblématique télescope spatial Hubble.


Le 24 avril 1990, la navette Discovery (mission STS 31) décolle avec dans sa soute le Hubble Space Telescope (HST). L’astronaute-astronome américain Steven Hawley le sort délicatement à l’aide du bras télécommandé pour que celui-ci rejoigne son orbite à environ 590 km d’altitude. Le HST est alors impatiemment attendu par la communauté scientifique, car il est appelé à faire de belles découvertes dans le spectre allant de l’ultraviolet à l’infrarouge en passant par le visible. D’une masse impressionnante de 11 tonnes, le HST est notamment équipé de cinq caméras et d’un miroir de 2,4 mètres de diamètre offrant aux images une résolution angulaire inférieure à 0,1 seconde d’arc…

 

La mission de sauvetage

Quelques semaines plus tard, les scientifiques reçoivent les premières photographies… mais elles sont floues en raison du défaut de conception d’un des miroirs. Les responsables constatent amèrement « La myopie de Hubble », comme le titre Le Monde en date du 30 juin 1990. Heureusement, le HST a été conçu pour être lancé, récupéré et réparé sur orbite par une navette spatiale. Cela a ainsi évité aux scientifiques de perdre un précieux outil, et la NASA sa crédibilité… et près de 2 milliards de dollars. Une mission de sauvetage intervient en décembre 1993 avec le vol STS-61 (Endeavour). L’équipage joue alors le rôle de « dépanneurs de l’espace » (Science & Vie 915, décembre 1993), et le télescope retrouve la vue.

 

Les missions de maintenance

Trois autres missions d’entretien suivent. En février 1997, STS-82 (Discovery) permet de remplacer deux spectrographes, d’ajouter une caméra infrarouge (couplée à un spectrographe), d’améliorer le système de navigation et de doper sa mémoire de stockage de données. En décembre 1999, STS-103 (Discovery) vient remplacer les gyroscopes défaillants, l’ordinateur de bord (20 fois plus rapide que l’ancien), et changer une partie du revêtement de protection thermique. En mars 2002, STS-109 (Columbia) effectue une mission essentielle destinée à remplacer plusieurs composants et instruments, dont le système de contrôle d’énergie, le système de refroidissement d’une caméra infrarouge, les panneaux solaires, l’important Advanced Camera for Surveys (augmentant significativement les performances), etc., donnant ainsi au HST un véritable « coup de jeunesse ».

 

STS-125, la dernière mission de maintenance

Le 11 mai 2009, la navette Atlantis décolle pour rejoindre Hubble et réaliser la cinquième et ultime mission d’entretien, avec à son bord sept astronautes de nationalité américaine : Scott Altman (commandant), Gregory Johnson (pilote), Michael Good, Megan McArthur, John Grunsfeld, Michael Massimino et Andrew Feustel. Il s’agit d’un équipage particulièrement aguerri, car trois d’entre eux ont participé à de précédentes missions de maintenance : Altman (STS-109), Grunsfeld (STS-103 et 109) et Massimino (STS-109). Cinq sorties extravéhiculaires ou EVA (Extra Vehicular Activity) sont alors planifiées pour donner au HST son ultime cure de jouvence.

 

Un rajeunissement en cinq EVA

Le 14 mai, Grunsfeld et Feustel effectuent la première EVA d’une durée de 7h20, au cours de laquelle ils ont la lourde tâche d’installer la caméra WFC-3 (fonctionnant de l’ultraviolet au proche infrarouge) à la place de l’ancienne caméra (WFPC-2) ; ils changent également quelques verrous des portes du télescope. Le 15 mai, Massimino et Good entament la deuxième EVA pour une durée de près de 8 heures, ils changent les six senseurs des gyroscopes (indispensables pour le pointage des instruments) ainsi que trois batteries. Le 16 mai, Andrew Feustel et John Grunsfeld installent durant 6h36 lors de la troisième EVA le Cosmic Origin Spectrograph (COS) à la place de l’ancien qui avait servi à corriger la vue du télescope ; ils réparent également l’Advanced Camera for Surveys (ACS), instrument qui a eu une avarie fin 2007. Le 17 mai, c’est de nouveau Massimino et Good qui effectuent la quatrième EVA de 8 h pour réparer le Space Telescope Imaging Spectrograph (STIS) ; à cette occasion, les deux astronautes retirent 111 vis ! Un panneau avec moins de vis est ensuite utilisé pour le refermer... Enfin, le 18 mai, la cinquième EVA est assurée par Feustel et Grunsfeld qui sortent pour la troisième et dernière fois pendant 7 h pour changer trois autres batteries, le système de guidage du télescope et remplacer les couvertures thermiques.

 

Retour mouvementé

Jamais les astronautes n’ont autant joué le rôle de « dépanneurs de l’espace ». Au total, ils ont passé 36h56 mn dans l’espace pour réparer le télescope. Le 19 mai, ce dernier est relâché par McArthur. En fin de journée, l’équipage vérifie l’état de la navette.

Le 20 mai, les sept astronautes bénéficient d’un repos bien mérité, ils en profitent pour effectuer des observations de la Terre et réaliser des conférences de presse avec le sol (y compris avec le président Barak Obama). En raison d’une météorologie défavorable sur le Centre spatial Kennedy (Floride), lieu où doit atterrir la navette, le retour sur Terre est repoussé à plusieurs reprises. Le 24 mai, après avoir passé 12 jours et 21 heures en orbite terrestre, Atlantis peut enfin revenir mais sur la base d’Edwards (Californie).

Depuis, le vaillant télescope Hubble poursuit ses observations, malgré des pannes intermittentes, jusqu'à présent réparées à chaque fois.

 

Quelques références

- Un ouvrage général : The Universe in a Mirror : The Saga of the Hubble Telescope and the Visionaries Who Built it, Robert Zimmerman, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 2008.

- Une vidéo de la NASA sur la fin de la mission SM4.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence

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04/06/2024 09:34
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Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble

Du 11 au 24 mai 2009, la navette américaine Atlantis emmenait un équipage chargé d’effectuer l’ultime mission de service d’entretien de l’emblématique télescope spatial Hubble.

Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble
Il y a 15 ans, la dernière visite au télescope Hubble

Le 24 avril 1990, la navette Discovery (mission STS 31) décolle avec dans sa soute le Hubble Space Telescope (HST). L’astronaute-astronome américain Steven Hawley le sort délicatement à l’aide du bras télécommandé pour que celui-ci rejoigne son orbite à environ 590 km d’altitude. Le HST est alors impatiemment attendu par la communauté scientifique, car il est appelé à faire de belles découvertes dans le spectre allant de l’ultraviolet à l’infrarouge en passant par le visible. D’une masse impressionnante de 11 tonnes, le HST est notamment équipé de cinq caméras et d’un miroir de 2,4 mètres de diamètre offrant aux images une résolution angulaire inférieure à 0,1 seconde d’arc…

 

La mission de sauvetage

Quelques semaines plus tard, les scientifiques reçoivent les premières photographies… mais elles sont floues en raison du défaut de conception d’un des miroirs. Les responsables constatent amèrement « La myopie de Hubble », comme le titre Le Monde en date du 30 juin 1990. Heureusement, le HST a été conçu pour être lancé, récupéré et réparé sur orbite par une navette spatiale. Cela a ainsi évité aux scientifiques de perdre un précieux outil, et la NASA sa crédibilité… et près de 2 milliards de dollars. Une mission de sauvetage intervient en décembre 1993 avec le vol STS-61 (Endeavour). L’équipage joue alors le rôle de « dépanneurs de l’espace » (Science & Vie 915, décembre 1993), et le télescope retrouve la vue.

 

Les missions de maintenance

Trois autres missions d’entretien suivent. En février 1997, STS-82 (Discovery) permet de remplacer deux spectrographes, d’ajouter une caméra infrarouge (couplée à un spectrographe), d’améliorer le système de navigation et de doper sa mémoire de stockage de données. En décembre 1999, STS-103 (Discovery) vient remplacer les gyroscopes défaillants, l’ordinateur de bord (20 fois plus rapide que l’ancien), et changer une partie du revêtement de protection thermique. En mars 2002, STS-109 (Columbia) effectue une mission essentielle destinée à remplacer plusieurs composants et instruments, dont le système de contrôle d’énergie, le système de refroidissement d’une caméra infrarouge, les panneaux solaires, l’important Advanced Camera for Surveys (augmentant significativement les performances), etc., donnant ainsi au HST un véritable « coup de jeunesse ».

 

STS-125, la dernière mission de maintenance

Le 11 mai 2009, la navette Atlantis décolle pour rejoindre Hubble et réaliser la cinquième et ultime mission d’entretien, avec à son bord sept astronautes de nationalité américaine : Scott Altman (commandant), Gregory Johnson (pilote), Michael Good, Megan McArthur, John Grunsfeld, Michael Massimino et Andrew Feustel. Il s’agit d’un équipage particulièrement aguerri, car trois d’entre eux ont participé à de précédentes missions de maintenance : Altman (STS-109), Grunsfeld (STS-103 et 109) et Massimino (STS-109). Cinq sorties extravéhiculaires ou EVA (Extra Vehicular Activity) sont alors planifiées pour donner au HST son ultime cure de jouvence.

 

Un rajeunissement en cinq EVA

Le 14 mai, Grunsfeld et Feustel effectuent la première EVA d’une durée de 7h20, au cours de laquelle ils ont la lourde tâche d’installer la caméra WFC-3 (fonctionnant de l’ultraviolet au proche infrarouge) à la place de l’ancienne caméra (WFPC-2) ; ils changent également quelques verrous des portes du télescope. Le 15 mai, Massimino et Good entament la deuxième EVA pour une durée de près de 8 heures, ils changent les six senseurs des gyroscopes (indispensables pour le pointage des instruments) ainsi que trois batteries. Le 16 mai, Andrew Feustel et John Grunsfeld installent durant 6h36 lors de la troisième EVA le Cosmic Origin Spectrograph (COS) à la place de l’ancien qui avait servi à corriger la vue du télescope ; ils réparent également l’Advanced Camera for Surveys (ACS), instrument qui a eu une avarie fin 2007. Le 17 mai, c’est de nouveau Massimino et Good qui effectuent la quatrième EVA de 8 h pour réparer le Space Telescope Imaging Spectrograph (STIS) ; à cette occasion, les deux astronautes retirent 111 vis ! Un panneau avec moins de vis est ensuite utilisé pour le refermer... Enfin, le 18 mai, la cinquième EVA est assurée par Feustel et Grunsfeld qui sortent pour la troisième et dernière fois pendant 7 h pour changer trois autres batteries, le système de guidage du télescope et remplacer les couvertures thermiques.

 

Retour mouvementé

Jamais les astronautes n’ont autant joué le rôle de « dépanneurs de l’espace ». Au total, ils ont passé 36h56 mn dans l’espace pour réparer le télescope. Le 19 mai, ce dernier est relâché par McArthur. En fin de journée, l’équipage vérifie l’état de la navette.

Le 20 mai, les sept astronautes bénéficient d’un repos bien mérité, ils en profitent pour effectuer des observations de la Terre et réaliser des conférences de presse avec le sol (y compris avec le président Barak Obama). En raison d’une météorologie défavorable sur le Centre spatial Kennedy (Floride), lieu où doit atterrir la navette, le retour sur Terre est repoussé à plusieurs reprises. Le 24 mai, après avoir passé 12 jours et 21 heures en orbite terrestre, Atlantis peut enfin revenir mais sur la base d’Edwards (Californie).

Depuis, le vaillant télescope Hubble poursuit ses observations, malgré des pannes intermittentes, jusqu'à présent réparées à chaque fois.

 

Quelques références

- Un ouvrage général : The Universe in a Mirror : The Saga of the Hubble Telescope and the Visionaries Who Built it, Robert Zimmerman, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 2008.

- Une vidéo de la NASA sur la fin de la mission SM4.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence



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