Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol
Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol
© Musée de la Cosmonautique à Moscou

publié le 18 juin 2018 à 08:57

1083 mots

Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol

Le 16 juin 1963, deux vaisseaux habités soviétiques réalisaient le deuxième vol jumelé de l’histoire. Dans l’un des deux se trouvait Valentina Terechkova, une jeune femme de 26 ans.


Une jeunesse ouvrière.

Née le 6 mars 1937 à Maslennikovo (Russie), Valentina Terechkova a vécu son enfance avec sa mère et sa grand-mère (maternelle), son père étant mort en 1940 en Finlande peu avant le début de la Grande Guerre patriotique (1941-1945). A 16 ans, elle devient ouvrière dans une usine de pneumatiques puis, à 18 ans, fileuse dans une usine de transformation du coton. En 1959, Valentina se met à pratiquer le parachutisme dans l’aéroclub de Yaroslav. Cela lui permet d’en savoir plus sur l’aéronautique et, dans la foulée, de suivre les cours du soir au Technicum de l’industrie légère, en charge des usines textiles. Par ailleurs, en 1960, elle devient membre des Komsomols (Jeunesses communistes) et entre au Parti communiste en mars 1962.

Entre temps, le 12 avril 1961, intervient l’exploit de Youri Gagarine, le premier homme placé sur orbite à bord du vaisseau Vostok-1. Comme pour un grand nombre de ses compatriotes, Valentina rêve d’espace et ambitionne de suivre les pas de Gagarine, de trois ans seulement son aîné. Or, une opportunité s’offre à elle : après le vol du deuxième cosmonaute (Guerman Titov, à bord du Vostok-2, le 6 août 1961), les responsables du programme spatial annoncent le recrutement de jeunes femmes cosmonautes.

 

Du recrutement à l’entraînement.

Pour les responsables soviétiques, il n’est alors pas question de laisser les Américains envoyer les premiers une femme dans l’espace. Le 30 décembre 1961, le Comité central (dirigé par Nikita Khrouchtchev) décide le recrutement de nouveaux cosmonautes, dont plusieurs femmes. Si Sergueï Korolev, le principal responsable du spatial soviétique, assure l’exécution de ce nouveau recrutement, l’idée en revanche d’envoyer une femme dans l’espace revient à Nikolaï Kamanine, le chef du corps des cosmonautes ; Korolev n’y était pas très favorable…

Le 15 février 1962, le ministre de la Défense ordonne la sélection de 55 hommes (au sein de l’armée), ainsi que de 5 femmes (parmi les aéroclubs). Sur les 800 candidatures féminines, 58 passent la visite médicale et 17 franchissent la commission de sélection. Le 5 mars, 3 jeunes femmes sont retenues : Tatiana Kouznetsova (secrétaire), Irina Solovieva (ingénieure) et Valentina Terechkova, auxquelles s’ajoutent le 3 avril Janna Erkina (professeur d’anglais) et Valentina Ponomareva (ingénieure).

Comme pour les hommes, les critères de sélection sont rigoureux : être âgée de moins de 30 ans, être en bonne condition physique avec des compétences spécifiques comme savoir sauter en parachute (le cosmonaute étant alors éjecté de sa capsule peu avant l’atterrissage sur Terre), ou encore avoir un poids de 70 kg et une taille de 1,70 m au maximum, des contraintes liées à la place disponible dans le Vostok. Ce dernier, d’une masse de 4,7 tonnes, pour une longueur de 4,4 m et un diamètre de 2,3 m, n’offre en effet qu’un volume habitable de 1,6 m3.

Aussitôt sélectionnées, les nouvelles recrues subissent une éprouvante formation d’un an (vols paraboliques, entrainements en centrifugeuse, sauts en parachute, cours de pilotage et d’ingénierie, etc.). A l’issue de la formation, quatre des cinq femmes réussissent l’examen terminal, Kouznetsova n’étant pas retenue pour des problèmes de santé. Au final, Kamanine propose trois femmes : Terechkova, Solovieva et Ponomareva (Erkina ayant été jugée moins bonne que les trois autres).

Le 10 mai 1963, les responsables désignent les deux cosmonautes devant effectuer le second vol groupé à l’aide des Vostok-5 et 6 (le précédent vol groupé ayant été réalisé en août 1962 par Andrian Nikolaïev dans Vostok-3 et Pavel Popovitch dans Vostok-4) : le premier sera occupé par le pilote de chasse Valeri Bykovski, le second par Valentina Terechkova, Solovieva et Ponomareva assurant alors le rôle de doublures en cas d’empêchement. Le choix de Terechkova a principalement été motivé par le fait d’une part qu’elle était issue du monde ouvrier, ce qui lui a valu le soutien de Khrouchtchev et, d’autre part, parce qu’elle était alors la seule des trois femmes membre du Parti communiste.

 

Le vol.

Des problèmes techniques de la ligne radio et la crainte d’une forte activité solaire retardent le lancement des vaisseaux spatiaux. Finalement, le 14 juin, à 11h58 GMT, Vostok 5 décolle avec succès avec à son bord Bykovski. Le 16 juin, à 9h29 GMT, c’est au tour de Vostok 6 avec Terechkova, qui s’exclame : « Ca y est, je vole ! ». Les deux vaisseaux évoluent alors entre 160 km (périgée) et 200 km (apogée).

Peu après la mise sur orbite, l’agence Tass annonce fièrement que la « Mouette » (nom de code de Terechkova) est bien en vue du « Faucon » (nom de code de Bykovsky). Le communiqué précise que les deux vaisseaux sont « à peu de distance l’un de l’autre » et que « tous les instruments à bord fonctionnent parfaitement ».

Pendant le vol, Valentina (comme Bykovski) procède à des observations (Terre, Lune, constellations) et transmet des données sur l’état du vaisseau (température, humidité, pression). Pouvant écouter Radio Moscou, Valentina est surprise de constater que sur Terre, les médias parlent beaucoup d’elle et de son compagnon, jusqu’alors tenus au secret. Dans le livre Bonjour cosmos !, Valentina Terechkova précisera que ce qui l’a le plus frappée était « Le passage à l’état d’impondérabilité et le retour à la pesanteur, ainsi que l’entrée dans l’ombre de la Terre et la sortie de l’ombre (…) un spectacle inoubliable ». Volant à environ 5 km l’un de l’autre, les deux cosmonautes établissent également des contacts radios et, « lorsque nous sortions de l’ombre de la Terre, ajoutera-t-elle, nous chantions avec Valeri une mélodie sur l’aurore ».

Au total, Valentina effectue 48 orbites autour de la Terre, en 70 heures et 41 minutes. Le retour sur Terre s’effectue le 19 juin à 8h20 GMT pour Terechkova, et à 11h06 GMT pour Bykovski, qui aura navigué dans l’espace pendant près de 5 jours. Peu avant leur atterrissage, les deux cosmonautes s’éjectent comme prévu de leur vaisseau à environ 7 000 m d’altitude, une opération qui n’est à l’époque pas révélée…

Faits « Héros de l’Union soviétique », Valeri Bykovski et Valentina Terechkova reçoivent les honneurs du secrétaire général Khrouchtchev. La propagande n’a alors de cesse de mettre en avant les deux héros pour la plus grande gloire de l’URSS. Dans les semaines et mois qui suivent, d’autres récompenses leur sont décernées par notamment plusieurs pays communistes frères.

A suivre.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : L’astronautique soviétique, Christian Lardier, Armand Colin, Paris, 1992.

Un témoignage : Bonjour cosmos !, Valentina. Terechkova et Valéry Bykovski, préfacé par Youri Gagarine, EFR, Paris, 1963.

Une vidéo sur la première femme dans l’espace.

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18/06/2018 08:57
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Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol

Le 16 juin 1963, deux vaisseaux habités soviétiques réalisaient le deuxième vol jumelé de l’histoire. Dans l’un des deux se trouvait Valentina Terechkova, une jeune femme de 26 ans.

Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol
Il y a 55 ans, Valentina Terechkova - 1. De l’engagement au vol

Une jeunesse ouvrière.

Née le 6 mars 1937 à Maslennikovo (Russie), Valentina Terechkova a vécu son enfance avec sa mère et sa grand-mère (maternelle), son père étant mort en 1940 en Finlande peu avant le début de la Grande Guerre patriotique (1941-1945). A 16 ans, elle devient ouvrière dans une usine de pneumatiques puis, à 18 ans, fileuse dans une usine de transformation du coton. En 1959, Valentina se met à pratiquer le parachutisme dans l’aéroclub de Yaroslav. Cela lui permet d’en savoir plus sur l’aéronautique et, dans la foulée, de suivre les cours du soir au Technicum de l’industrie légère, en charge des usines textiles. Par ailleurs, en 1960, elle devient membre des Komsomols (Jeunesses communistes) et entre au Parti communiste en mars 1962.

Entre temps, le 12 avril 1961, intervient l’exploit de Youri Gagarine, le premier homme placé sur orbite à bord du vaisseau Vostok-1. Comme pour un grand nombre de ses compatriotes, Valentina rêve d’espace et ambitionne de suivre les pas de Gagarine, de trois ans seulement son aîné. Or, une opportunité s’offre à elle : après le vol du deuxième cosmonaute (Guerman Titov, à bord du Vostok-2, le 6 août 1961), les responsables du programme spatial annoncent le recrutement de jeunes femmes cosmonautes.

 

Du recrutement à l’entraînement.

Pour les responsables soviétiques, il n’est alors pas question de laisser les Américains envoyer les premiers une femme dans l’espace. Le 30 décembre 1961, le Comité central (dirigé par Nikita Khrouchtchev) décide le recrutement de nouveaux cosmonautes, dont plusieurs femmes. Si Sergueï Korolev, le principal responsable du spatial soviétique, assure l’exécution de ce nouveau recrutement, l’idée en revanche d’envoyer une femme dans l’espace revient à Nikolaï Kamanine, le chef du corps des cosmonautes ; Korolev n’y était pas très favorable…

Le 15 février 1962, le ministre de la Défense ordonne la sélection de 55 hommes (au sein de l’armée), ainsi que de 5 femmes (parmi les aéroclubs). Sur les 800 candidatures féminines, 58 passent la visite médicale et 17 franchissent la commission de sélection. Le 5 mars, 3 jeunes femmes sont retenues : Tatiana Kouznetsova (secrétaire), Irina Solovieva (ingénieure) et Valentina Terechkova, auxquelles s’ajoutent le 3 avril Janna Erkina (professeur d’anglais) et Valentina Ponomareva (ingénieure).

Comme pour les hommes, les critères de sélection sont rigoureux : être âgée de moins de 30 ans, être en bonne condition physique avec des compétences spécifiques comme savoir sauter en parachute (le cosmonaute étant alors éjecté de sa capsule peu avant l’atterrissage sur Terre), ou encore avoir un poids de 70 kg et une taille de 1,70 m au maximum, des contraintes liées à la place disponible dans le Vostok. Ce dernier, d’une masse de 4,7 tonnes, pour une longueur de 4,4 m et un diamètre de 2,3 m, n’offre en effet qu’un volume habitable de 1,6 m3.

Aussitôt sélectionnées, les nouvelles recrues subissent une éprouvante formation d’un an (vols paraboliques, entrainements en centrifugeuse, sauts en parachute, cours de pilotage et d’ingénierie, etc.). A l’issue de la formation, quatre des cinq femmes réussissent l’examen terminal, Kouznetsova n’étant pas retenue pour des problèmes de santé. Au final, Kamanine propose trois femmes : Terechkova, Solovieva et Ponomareva (Erkina ayant été jugée moins bonne que les trois autres).

Le 10 mai 1963, les responsables désignent les deux cosmonautes devant effectuer le second vol groupé à l’aide des Vostok-5 et 6 (le précédent vol groupé ayant été réalisé en août 1962 par Andrian Nikolaïev dans Vostok-3 et Pavel Popovitch dans Vostok-4) : le premier sera occupé par le pilote de chasse Valeri Bykovski, le second par Valentina Terechkova, Solovieva et Ponomareva assurant alors le rôle de doublures en cas d’empêchement. Le choix de Terechkova a principalement été motivé par le fait d’une part qu’elle était issue du monde ouvrier, ce qui lui a valu le soutien de Khrouchtchev et, d’autre part, parce qu’elle était alors la seule des trois femmes membre du Parti communiste.

 

Le vol.

Des problèmes techniques de la ligne radio et la crainte d’une forte activité solaire retardent le lancement des vaisseaux spatiaux. Finalement, le 14 juin, à 11h58 GMT, Vostok 5 décolle avec succès avec à son bord Bykovski. Le 16 juin, à 9h29 GMT, c’est au tour de Vostok 6 avec Terechkova, qui s’exclame : « Ca y est, je vole ! ». Les deux vaisseaux évoluent alors entre 160 km (périgée) et 200 km (apogée).

Peu après la mise sur orbite, l’agence Tass annonce fièrement que la « Mouette » (nom de code de Terechkova) est bien en vue du « Faucon » (nom de code de Bykovsky). Le communiqué précise que les deux vaisseaux sont « à peu de distance l’un de l’autre » et que « tous les instruments à bord fonctionnent parfaitement ».

Pendant le vol, Valentina (comme Bykovski) procède à des observations (Terre, Lune, constellations) et transmet des données sur l’état du vaisseau (température, humidité, pression). Pouvant écouter Radio Moscou, Valentina est surprise de constater que sur Terre, les médias parlent beaucoup d’elle et de son compagnon, jusqu’alors tenus au secret. Dans le livre Bonjour cosmos !, Valentina Terechkova précisera que ce qui l’a le plus frappée était « Le passage à l’état d’impondérabilité et le retour à la pesanteur, ainsi que l’entrée dans l’ombre de la Terre et la sortie de l’ombre (…) un spectacle inoubliable ». Volant à environ 5 km l’un de l’autre, les deux cosmonautes établissent également des contacts radios et, « lorsque nous sortions de l’ombre de la Terre, ajoutera-t-elle, nous chantions avec Valeri une mélodie sur l’aurore ».

Au total, Valentina effectue 48 orbites autour de la Terre, en 70 heures et 41 minutes. Le retour sur Terre s’effectue le 19 juin à 8h20 GMT pour Terechkova, et à 11h06 GMT pour Bykovski, qui aura navigué dans l’espace pendant près de 5 jours. Peu avant leur atterrissage, les deux cosmonautes s’éjectent comme prévu de leur vaisseau à environ 7 000 m d’altitude, une opération qui n’est à l’époque pas révélée…

Faits « Héros de l’Union soviétique », Valeri Bykovski et Valentina Terechkova reçoivent les honneurs du secrétaire général Khrouchtchev. La propagande n’a alors de cesse de mettre en avant les deux héros pour la plus grande gloire de l’URSS. Dans les semaines et mois qui suivent, d’autres récompenses leur sont décernées par notamment plusieurs pays communistes frères.

A suivre.

 

Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.

 

Références

Un ouvrage : L’astronautique soviétique, Christian Lardier, Armand Colin, Paris, 1992.

Un témoignage : Bonjour cosmos !, Valentina. Terechkova et Valéry Bykovski, préfacé par Youri Gagarine, EFR, Paris, 1963.

Une vidéo sur la première femme dans l’espace.



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