Il y a 50 ans, alors que le programme lunaire américain monte en puissance, un terrible accident survient au sol, provoquant la mort de trois astronautes en train de tester le tout nouveau vaisseau Apollo.
Après le choc des premiers Spoutnik soviétiques d’octobre et de novembre 1957, les Américains mettent en place quelques mois plus tard une machine de guerre, la NASA, pour coordonner les efforts nationaux afin de battre les Soviétiques dans la grande compétition spatiale. En attendant, l’URSS continue de marquer des points en plaçant sur orbite d’impressionnants vaisseaux Spoutnik habités (animaux) et en envoyant vers la Lune les premières sondes Luna. Comble de vexation pour les Américains, elle réussit également en avril 1961 à envoyer dans l’espace le premier homme (Youri Gagarine). Empêtré dans la crise cubaine, le président américain John Kennedy décide alors un coup spectaculaire pour redorer le blason de l’Amérique : il annonce le 25 mai 1961 que son pays posera un homme sur la Lune avant la fin de la décennie !
Montée en puissance du programme Apollo.
Précédé du programme Gemini - permettant le développement et la maîtrise des technologies nécessaires à l’aventure lunaire - Apollo commence au début de 1965. Mobilisant plus de 370 000 industries, le programme est en grande partie confié à la société North American Aviation. Entre 1962 et 1965, les crédits alloués à Apollo passent de 0,53 à 2,51 milliards de dollars, pour culminer à 2,97 milliards en 1966. Tandis que le lanceur Saturn (versions I et IB) est mis en œuvre avec succès à plusieurs reprises, des tests sont effectués sur le Module de commande et de service (CSM), le vaisseau qui doit amener les astronautes vers la Lune. En janvier, février et août 1966, celui-ci est expérimenté sans équipage avec le lanceur pour évaluer les performances et le comportement des différents systèmes en vol (bouclier thermique, systèmes de communication, systèmes de sauvetage, etc.).
Entre temps, le 21 mars 1966, la NASA annonce que le premier équipage qui volera dans les premiers mois de 1967 sera composé de Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee. Si le dernier est un « bleu », les deux premiers sont des vétérans : Grissom a alors déjà effectué deux vols (Mercury-Redstone 4 en juillet 1961, Gemini 3 en mars 1965), tandis que White en a effectué un vol (Gemini 4 en juin 1965).
Dernière répétition générale.
Après divers entrainements, et avant d’effectuer le premier vol habité Apollo (sur orbite autour de la Terre), les trois hommes se préparent à une dernière répétition générale dans le module de commande Apollo (AS 204), offrant un volume habitable d’environ 6 m3. Le vendredi 27 janvier, placés au sommet de la fusée, ceux-ci entreprennent toute une série de tests, dont le compte à rebours mais sans aller jusqu’au décollage. Grissom se trouve alors sur le siège gauche, Chaffee à droite et le commandant de bord White au centre. A 14h45, la cabine est pressurisée, les procédures commencent. Très vite, les communications entre la capsule et le centre de contrôle posent des soucis, au point que Grissom se demande comment les astronautes feront pour communiquer depuis la Lune, s’ils n’arrivent même pas à le faire au sol ! Soudain, à 18h30 et 54’’, un sursaut de courant est enregistré ; à 18h31 et 04’’, Grissom s’exclame : « Au feu ! Nous avons le feu dans la cabine ! ». Celui-ci tente désespérément d’ouvrir l’écoutille. En vain. A 18h31 et 16’’, les derniers mots de Chaffee sont « Nous brûlons ! ». La température a alors dépassé les 1 500°C. Les techniciens n’arrivent à ouvrir l’écoutille qu’au bout de 5 minutes après le départ du feu. Trop tard. Les trois hommes sont décédés. Que s’est-il passé ?
Cause et conséquences.
Suite à un court-circuit électrique, dans une atmosphère d’oxygène pur, un incendie s’est immédiatement déclaré et, en quelques secondes, c’était le brasier. Les astronautes n’ont alors pas eu le temps de manœuvrer l’écoutille qui s’ouvrait de l’intérieur et nécessitait plus 90 secondes dans des conditions idéales ; ils sont très probablement morts asphyxiés au cours des 30 premières secondes, en raison de l’inhalation des fumées et des brûlures… L’accident est la conséquence d’un programme qui a avancé bien vite. Trop vite. Depuis le début, près de 20 000 incidents et problèmes avaient émaillé le développement d’Apollo ! La course-compétition avait entraîné des impasses dans la gestion du programme. Quant au choix de l’oxygène pur, il s’était justifié par le fait que cela permettait d’alléger la capsule.
Pour autant, le programme Apollo n’est pas remis en cause : pour honorer la mémoire des trois victimes, mais également pour relever le défi lancé par le président Kennedy (lui aussi disparu violemment quelques années plus tôt), celui-ci continue. De juin 1967 au printemps 1969, l’ensemble du vaisseau Apollo est revu et corrigé, subissant 1 341 modifications, permettant ainsi d’aboutir à un système opérationnel qui, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, réussira à déposer des hommes sur la Lune.
Pour en savoir plus
Un livre : Ils voulaient la Lune, d’Alan Shepard et Deke Slayton, Ifrane (Paris, 1995)
Un site : De la Terre à la Lune
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
Il y a 50 ans, alors que le programme lunaire américain monte en puissance, un terrible accident survient au sol, provoquant la mort de trois astronautes en train de tester le tout nouveau vaisseau Apollo.
Après le choc des premiers Spoutnik soviétiques d’octobre et de novembre 1957, les Américains mettent en place quelques mois plus tard une machine de guerre, la NASA, pour coordonner les efforts nationaux afin de battre les Soviétiques dans la grande compétition spatiale. En attendant, l’URSS continue de marquer des points en plaçant sur orbite d’impressionnants vaisseaux Spoutnik habités (animaux) et en envoyant vers la Lune les premières sondes Luna. Comble de vexation pour les Américains, elle réussit également en avril 1961 à envoyer dans l’espace le premier homme (Youri Gagarine). Empêtré dans la crise cubaine, le président américain John Kennedy décide alors un coup spectaculaire pour redorer le blason de l’Amérique : il annonce le 25 mai 1961 que son pays posera un homme sur la Lune avant la fin de la décennie !
Montée en puissance du programme Apollo.
Précédé du programme Gemini - permettant le développement et la maîtrise des technologies nécessaires à l’aventure lunaire - Apollo commence au début de 1965. Mobilisant plus de 370 000 industries, le programme est en grande partie confié à la société North American Aviation. Entre 1962 et 1965, les crédits alloués à Apollo passent de 0,53 à 2,51 milliards de dollars, pour culminer à 2,97 milliards en 1966. Tandis que le lanceur Saturn (versions I et IB) est mis en œuvre avec succès à plusieurs reprises, des tests sont effectués sur le Module de commande et de service (CSM), le vaisseau qui doit amener les astronautes vers la Lune. En janvier, février et août 1966, celui-ci est expérimenté sans équipage avec le lanceur pour évaluer les performances et le comportement des différents systèmes en vol (bouclier thermique, systèmes de communication, systèmes de sauvetage, etc.).
Entre temps, le 21 mars 1966, la NASA annonce que le premier équipage qui volera dans les premiers mois de 1967 sera composé de Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee. Si le dernier est un « bleu », les deux premiers sont des vétérans : Grissom a alors déjà effectué deux vols (Mercury-Redstone 4 en juillet 1961, Gemini 3 en mars 1965), tandis que White en a effectué un vol (Gemini 4 en juin 1965).
Dernière répétition générale.
Après divers entrainements, et avant d’effectuer le premier vol habité Apollo (sur orbite autour de la Terre), les trois hommes se préparent à une dernière répétition générale dans le module de commande Apollo (AS 204), offrant un volume habitable d’environ 6 m3. Le vendredi 27 janvier, placés au sommet de la fusée, ceux-ci entreprennent toute une série de tests, dont le compte à rebours mais sans aller jusqu’au décollage. Grissom se trouve alors sur le siège gauche, Chaffee à droite et le commandant de bord White au centre. A 14h45, la cabine est pressurisée, les procédures commencent. Très vite, les communications entre la capsule et le centre de contrôle posent des soucis, au point que Grissom se demande comment les astronautes feront pour communiquer depuis la Lune, s’ils n’arrivent même pas à le faire au sol ! Soudain, à 18h30 et 54’’, un sursaut de courant est enregistré ; à 18h31 et 04’’, Grissom s’exclame : « Au feu ! Nous avons le feu dans la cabine ! ». Celui-ci tente désespérément d’ouvrir l’écoutille. En vain. A 18h31 et 16’’, les derniers mots de Chaffee sont « Nous brûlons ! ». La température a alors dépassé les 1 500°C. Les techniciens n’arrivent à ouvrir l’écoutille qu’au bout de 5 minutes après le départ du feu. Trop tard. Les trois hommes sont décédés. Que s’est-il passé ?
Cause et conséquences.
Suite à un court-circuit électrique, dans une atmosphère d’oxygène pur, un incendie s’est immédiatement déclaré et, en quelques secondes, c’était le brasier. Les astronautes n’ont alors pas eu le temps de manœuvrer l’écoutille qui s’ouvrait de l’intérieur et nécessitait plus 90 secondes dans des conditions idéales ; ils sont très probablement morts asphyxiés au cours des 30 premières secondes, en raison de l’inhalation des fumées et des brûlures… L’accident est la conséquence d’un programme qui a avancé bien vite. Trop vite. Depuis le début, près de 20 000 incidents et problèmes avaient émaillé le développement d’Apollo ! La course-compétition avait entraîné des impasses dans la gestion du programme. Quant au choix de l’oxygène pur, il s’était justifié par le fait que cela permettait d’alléger la capsule.
Pour autant, le programme Apollo n’est pas remis en cause : pour honorer la mémoire des trois victimes, mais également pour relever le défi lancé par le président Kennedy (lui aussi disparu violemment quelques années plus tôt), celui-ci continue. De juin 1967 au printemps 1969, l’ensemble du vaisseau Apollo est revu et corrigé, subissant 1 341 modifications, permettant ainsi d’aboutir à un système opérationnel qui, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, réussira à déposer des hommes sur la Lune.
Pour en savoir plus
Un livre : Ils voulaient la Lune, d’Alan Shepard et Deke Slayton, Ifrane (Paris, 1995)
Un site : De la Terre à la Lune
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence
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