Commencée officiellement en 1957, la « conquête de l’espace » est régulièrement émaillée d’incidents et d’accidents. Vladimir Komarov a été la première victime soviétique en vol, le 24 avril 1967.
Quatre ans à peine après avoir lancé les premiers satellites artificiels, les Soviétiques prennent de court une fois de plus les Américains en envoyant dans l’espace le premier homme, Youri Gagarine, le 12 avril 1961. Cinq autres cosmonautes (dont une femme) lui succèdent jusqu’en juin 1963 à bord des vaisseaux Vostok qui, à chaque fois, n’emportent dans l’espace qu’une seule personne.
Voskhod vs Gemini.
Le début de la conquête spatiale ayant été marqué par de nombreuses premières soviétiques (satellites, animaux, sondes, cosmonautes), les Etats-Unis lancent en mai 1961 le défi lunaire. Pour ce faire, l’ambitieux programme Gemini prépare les astronautes et valide les technologies nécessaires pour les futures manœuvres de rendez-vous et d’amarrage. L’URSS réagit avec Voskhod ; la propagande insiste sur le fait qu’il s’agit d’un vaisseau moderne capable d’emporter trois hommes dans l’espace sans scaphandre… mais également sans système de secours en cas de problème. Voskhod 1, occupé par Vladimir Komarov, Boris Legorov et Konstantin Feoktistov, effectue le 12 octobre 1964 un vol record de 24 heures. Voskhod 2 (occupé par deux cosmonautes) voit le 18 mars 1965 la première sortie dans l’espace d’un homme, Alexeï Leonov. Toutefois, Gemini se montre plus fiable et plus performant, réalisant à son tour des premières, comme celui du record de huit jours dans l’espace (Gemini 5). Pour battre les Américains, les Soviétiques tablent désormais sur le Soyouz, un vaisseau prévu pour l’exploration lunaire.
Nouveau vaisseau, nouvelles ambitions.
Conçu par Sergueï Korolev, Soyouz (« Union ») s’annonce révolutionnaire, capable d’effectuer des manœuvres orbitales et de s’amarrer avec un autre vaisseau. Plusieurs essais sans équipage sont réalisés, mais ceux-ci aboutissent à de nombreux échecs : celui du 28 novembre 1966 rencontre un problème de contrôle obligeant les techniciens à le détruire ; celui du 14 décembre n’atteint pas l’orbite, la fusée ayant explosé au décollage ; celui du 7 février 1967 est également sujet à de nombreux problèmes techniques… Qu’importe ! Pour les responsables politiques, il faut procéder sans tarder à un vol habité, d’autant plus que les Américains viennent de subir le 27 janvier un terrible échec avec Apollo 1. De plus, le vol ne contribuerait-il pas aux festivités du 50e anniversaire de la Révolution communiste ? Le nouveau responsable du programme, Vassili Michine, cède aux pressions politiques : un premier Soyouz décollera avec Vladimir Komarov (ancien commandant et pilote de Voskhod 1, nommé Héros de l’URSS et décoré de l’Ordre de Lénine), rejoint par un second vaisseau (avec trois cosmonautes) pour effectuer un amarrage…
Vladimir Komarov.
Né le 16 mars 1927 à Moscou, Vladimir Komarov choisit la carrière militaire, alors que la Grande guerre patriotique (1939-1945) n’est pas terminée. Il devient pilote de chasse, puis poursuit ses études pour devenir ingénieur en aéronautique en 1959, date à laquelle il postule pour devenir cosmonaute. Dès février 1960, il fait partie du recrutement des premiers cosmonautes aux côtés des Gagarine, Titov, etc. Lors du vol Vostok 4, il est le cosmonaute-suppléant. Un vol semble éminent lorsque les médecins lui découvrent une irrégularité cardiaque. Momentanément écarté, il ne volera pas sur Vostok, le programme s’arrêtant. En compensation, il reçoit le commandement du premier Voskhod, puis celui du premier Soyouz, sa qualité d’ingénieur ayant notamment joué pour tester sur orbite les nouveaux vaisseaux.
Le drame.
Soyouz 1 décolle le 23 avril 1967 à 0h35 TU, et atteint une orbite située autour de 220 km d’altitude. Peu de temps après, les ennuis techniques commencent : un des deux panneaux solaires devant fournir l’énergie au vaisseau ne se déploie pas, le vaisseau peut devenir instable à tout moment ; de ce fait, le lancement du second Soyouz est annulé. Par ailleurs, Komarov rencontre des difficultés supplémentaires avec le système de commande, l’obligeant à guider manuellement le vaisseau. Pendant ce temps, l’agence Tass communique au monde que… « Tout va bien ».
Face à tous ces problèmes inquiétants, les responsables du vol finissent par ordonner le retour du vaisseau sur Terre. Le système d’orientation étant également en panne, la rentrée s’effectue en mode balistique. A la 19e révolution, Komarov entame la descente. Juste avant l’interruption des communications –au moment où le vaisseau pénètre dans les couches denses de l’atmosphère– les techniciens au sol reçoivent de Komarov les derniers mots suivants : « Ici Rubin ! La séparation va avoir lieu… ». Komarov faisait référence à la séparation de la capsule de retour du module de service.
Après la séparation des compartiments et le ralentissement du vaisseau dans l’atmosphère, le parachute de freinage ne se déploie pas comme prévu, gênant de ce fait le parachute de secours. La cause ? Très certainement la mauvaise conception du container dans lequel se trouvaient les parachutes.
Soyouz 1 s’écrase le 24 avril à 3h22 dans la steppe d’Orenburg, à la vitesse d’environ 50 m/s. Komarov est incinéré le jour même ; les cendres du héros sont ramenées à Moscou et reçoivent le 26 les derniers honneurs. Par ailleurs, comme le souligne Didier Capdevila dans son site Capcom Espace, « si les Soviétiques avaient lancé Soyouz 2, les deux cabines auraient connu le même problème au retour et quatre cosmonautes seraient morts. Le problème sur un panneau solaire du Soyouz 1 a fait annuler la mission du Soyouz 2, sauvant par la même occasion la vie de Valéri Bykovski, Alexeï Elisseïev et Evgueni Khrounov, leur pilote ». Le programme de vol habité soviétique était à son tour paralysé pour de longs mois…
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Des photos et des vidéos du vol de Soyouz 1 sur le site Kosmonavtika de Nicolas Pillet
Un site sur la dernière communication radio de Komarov
Commencée officiellement en 1957, la « conquête de l’espace » est régulièrement émaillée d’incidents et d’accidents. Vladimir Komarov a été la première victime soviétique en vol, le 24 avril 1967.
Quatre ans à peine après avoir lancé les premiers satellites artificiels, les Soviétiques prennent de court une fois de plus les Américains en envoyant dans l’espace le premier homme, Youri Gagarine, le 12 avril 1961. Cinq autres cosmonautes (dont une femme) lui succèdent jusqu’en juin 1963 à bord des vaisseaux Vostok qui, à chaque fois, n’emportent dans l’espace qu’une seule personne.
Voskhod vs Gemini.
Le début de la conquête spatiale ayant été marqué par de nombreuses premières soviétiques (satellites, animaux, sondes, cosmonautes), les Etats-Unis lancent en mai 1961 le défi lunaire. Pour ce faire, l’ambitieux programme Gemini prépare les astronautes et valide les technologies nécessaires pour les futures manœuvres de rendez-vous et d’amarrage. L’URSS réagit avec Voskhod ; la propagande insiste sur le fait qu’il s’agit d’un vaisseau moderne capable d’emporter trois hommes dans l’espace sans scaphandre… mais également sans système de secours en cas de problème. Voskhod 1, occupé par Vladimir Komarov, Boris Legorov et Konstantin Feoktistov, effectue le 12 octobre 1964 un vol record de 24 heures. Voskhod 2 (occupé par deux cosmonautes) voit le 18 mars 1965 la première sortie dans l’espace d’un homme, Alexeï Leonov. Toutefois, Gemini se montre plus fiable et plus performant, réalisant à son tour des premières, comme celui du record de huit jours dans l’espace (Gemini 5). Pour battre les Américains, les Soviétiques tablent désormais sur le Soyouz, un vaisseau prévu pour l’exploration lunaire.
Nouveau vaisseau, nouvelles ambitions.
Conçu par Sergueï Korolev, Soyouz (« Union ») s’annonce révolutionnaire, capable d’effectuer des manœuvres orbitales et de s’amarrer avec un autre vaisseau. Plusieurs essais sans équipage sont réalisés, mais ceux-ci aboutissent à de nombreux échecs : celui du 28 novembre 1966 rencontre un problème de contrôle obligeant les techniciens à le détruire ; celui du 14 décembre n’atteint pas l’orbite, la fusée ayant explosé au décollage ; celui du 7 février 1967 est également sujet à de nombreux problèmes techniques… Qu’importe ! Pour les responsables politiques, il faut procéder sans tarder à un vol habité, d’autant plus que les Américains viennent de subir le 27 janvier un terrible échec avec Apollo 1. De plus, le vol ne contribuerait-il pas aux festivités du 50e anniversaire de la Révolution communiste ? Le nouveau responsable du programme, Vassili Michine, cède aux pressions politiques : un premier Soyouz décollera avec Vladimir Komarov (ancien commandant et pilote de Voskhod 1, nommé Héros de l’URSS et décoré de l’Ordre de Lénine), rejoint par un second vaisseau (avec trois cosmonautes) pour effectuer un amarrage…
Vladimir Komarov.
Né le 16 mars 1927 à Moscou, Vladimir Komarov choisit la carrière militaire, alors que la Grande guerre patriotique (1939-1945) n’est pas terminée. Il devient pilote de chasse, puis poursuit ses études pour devenir ingénieur en aéronautique en 1959, date à laquelle il postule pour devenir cosmonaute. Dès février 1960, il fait partie du recrutement des premiers cosmonautes aux côtés des Gagarine, Titov, etc. Lors du vol Vostok 4, il est le cosmonaute-suppléant. Un vol semble éminent lorsque les médecins lui découvrent une irrégularité cardiaque. Momentanément écarté, il ne volera pas sur Vostok, le programme s’arrêtant. En compensation, il reçoit le commandement du premier Voskhod, puis celui du premier Soyouz, sa qualité d’ingénieur ayant notamment joué pour tester sur orbite les nouveaux vaisseaux.
Le drame.
Soyouz 1 décolle le 23 avril 1967 à 0h35 TU, et atteint une orbite située autour de 220 km d’altitude. Peu de temps après, les ennuis techniques commencent : un des deux panneaux solaires devant fournir l’énergie au vaisseau ne se déploie pas, le vaisseau peut devenir instable à tout moment ; de ce fait, le lancement du second Soyouz est annulé. Par ailleurs, Komarov rencontre des difficultés supplémentaires avec le système de commande, l’obligeant à guider manuellement le vaisseau. Pendant ce temps, l’agence Tass communique au monde que… « Tout va bien ».
Face à tous ces problèmes inquiétants, les responsables du vol finissent par ordonner le retour du vaisseau sur Terre. Le système d’orientation étant également en panne, la rentrée s’effectue en mode balistique. A la 19e révolution, Komarov entame la descente. Juste avant l’interruption des communications –au moment où le vaisseau pénètre dans les couches denses de l’atmosphère– les techniciens au sol reçoivent de Komarov les derniers mots suivants : « Ici Rubin ! La séparation va avoir lieu… ». Komarov faisait référence à la séparation de la capsule de retour du module de service.
Après la séparation des compartiments et le ralentissement du vaisseau dans l’atmosphère, le parachute de freinage ne se déploie pas comme prévu, gênant de ce fait le parachute de secours. La cause ? Très certainement la mauvaise conception du container dans lequel se trouvaient les parachutes.
Soyouz 1 s’écrase le 24 avril à 3h22 dans la steppe d’Orenburg, à la vitesse d’environ 50 m/s. Komarov est incinéré le jour même ; les cendres du héros sont ramenées à Moscou et reçoivent le 26 les derniers honneurs. Par ailleurs, comme le souligne Didier Capdevila dans son site Capcom Espace, « si les Soviétiques avaient lancé Soyouz 2, les deux cabines auraient connu le même problème au retour et quatre cosmonautes seraient morts. Le problème sur un panneau solaire du Soyouz 1 a fait annuler la mission du Soyouz 2, sauvant par la même occasion la vie de Valéri Bykovski, Alexeï Elisseïev et Evgueni Khrounov, leur pilote ». Le programme de vol habité soviétique était à son tour paralysé pour de longs mois…
Philippe Varnoteaux est docteur en histoire, spécialiste des débuts de l’exploration spatiale en France et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
Références
Des photos et des vidéos du vol de Soyouz 1 sur le site Kosmonavtika de Nicolas Pillet
Un site sur la dernière communication radio de Komarov
Cette irresponsabilité crasse et ce mépris de la vie pour commémorer la révolution bolchévique fût aussi à l'origine de la mort de la petite ... chienne LAIKA le 3 novembre 1957, avec une capsule Spoutnik 2 bâclée en seulement un mois, tout en n'ayant jamais prévu (comme pour ce malheureux KOMAROV) son retour vivant sur Terre! Et avec 203 problèmes structurels relevés sur Soyouz 1, son sort était scellé dès le départ. plus
Cette irresponsabilité crasse et ce mépris de la vie pour commémorer la révolution bolchévique fût aussi à l'origine de la mort de la petite ... chienne LAIKA le 3 novembre 1957, avec une capsule Spoutnik 2 bâclée en seulement un mois, tout en n'ayant jamais prévu (comme pour ce malheureux KOMAROV) son retour vivant sur Terre! Et avec 203 problèmes structurels relevés sur Soyouz 1, son sort était scellé dès le départ. plus
Cette irresponsabilité crasse et ce mépris de la vie pour commémorer la révolution bolchévique fût aussi à l'origine de la mort de la petite ... chienne LAIKA le 3 novembre 1957, avec une capsule Spoutnik 2 bâclée en seulement un mois, tout en n'ayant jamais prévu (comme pour ce malheureux KOMAROV) son retour vivant sur Terre! Et avec 203 problèmes structurels relevés sur Soyouz 1, son sort était scellé dès le départ. plus