F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise
F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise
© US Army

publié le 27 septembre 2024 à 11:21

1098 mots

F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise

En Finlande, le cursus d’un pilote militaire comprend obligatoirement des atterrissages et décollages depuis une base aérienne temporaire, située sur une portion d’autoroute. Chaque année, l’exercice BAANA permet d’entrainer ces pilotes et ré-entrainer les pilotes déjà aguerris. Cette année, l’exercice a aussi vu le déploiement d’appareils américains et allemands. Suite aux tensions avec la Russie, ces manœuvres disparues depuis la fin de la guerre froide réapparaissent de plus en plus en Europe.


Entrainement sur routes

Du 31 août au 6 septembre, la Force aérienne finlandaise (Ilmavoimat) a organisé un exercice de dispersion pour une partie de ses appareils mais aussi en invitant des Forces aériennes alliées. Le principe est simple ; lors d'une attaque, les quelques bases aériennes finlandaises seraient logiquement prises pour cible, l'attaquant cherchant à détruire ou du moins empêcher les avions de combat finlandais de décoller. Dès lors, les appareils doivent absolument quitter leurs bases aériennes afin de se rendre sur d'autres bases secondaires, aérodromes civils mais aussi des bases temporaires/bases d’urgence, établies sur des autoroutes ou tout axe routier capable d’accueillir des avions militaires. Consciente de cette nécessité, l'Ilmavoimat organise chaque année l'exercice BANAA (route en finlandais) ; l'exercice fait partie intégrante de la formation des nouveaux pilotes et permet aux pilotes déjà qualifiés de se ré-entrainer à cette manœuvre.

Baana 24

Afin de s'entrainer à cet exercice, les militaires finlandais du Lapland Air Wing, l'un des deux Wing d'avions de combat finlandais, ont organisé l'exercice annuel Baana 24, également dénommé Imminent Field au sein de l'OTAN. Deux pistes provisoires étaient actives et de fait, fermées au trafic routier ; les pistes de Rovaniemi (de 10 heure du matin à minuit) et d'Hosio (de 10 heure du matin à 10 heure du soir). Elles ont permis de faire atterrir et décoller des avions de combat F/A-18C (monoplaces) et F/A-18D (biplaces) Hornet, des avions d'entrainement Hawk (Mk 51/51A/66) et même un jet de transport, de patrouille maritime et de photographie aérienne Learjet 35A/S finlandais.

L'US Air Force était aussi présente avec un détachement d'avion de combat F-35A Lightning II en provenance de la base aérienne de Lakenheath (Suffolk, Royaume-Uni). Ce fut l'occasion pour les Lightning II américain d'opérer pour la toute première depuis une autoroute finlandaise. Au niveau européen, ce fut aussi la toute première fois qu'un F-35A de l'US Air Force était ravitaillé, moteurs tournant (hot pit refueling), depuis une autoroute sur le continent européen. Ce déploiement fut aussi l'occasion pour les personnels finlandais d'apercevoir leur futur appareil de combat dans leur environnement. En effet, à partir de 2026, pas moins de 64 F-35A seront livrés par Lockheed Martin à la Finlande afin de remplacer les F/A-18C/D Hornet, entrés en service à partir de 1995.

D'autres appareils étrangers étaient aussi au rendez-vous. Les images de l’exercice montrent ainsi un avion de transport tactique MC-130J Commando II des Forces Spéciales de l'US Air Force (AFSOC) opérer depuis Hosio. La Force aérienne allemande (Luftwaffe) avait aussi été invitée à participer, avec des avions de combat Eurofighter du Tactical Air Force Wing 71 "Richthofen".

Un avantage en guerre de haute intensité

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Forces armées finlandaise et suédoise ont grandement utilisé ces aéroports temporaires. Ce type d'exercice avait lieu à de nombreuses reprises en Europe durant la guerre froide, notamment dans le cadre des grands exercices OTAN sur les autoroutes allemandes par exemple. Mais depuis la fin de la guerre froide, ces exercices sont très rares et très limités... mais tendent désormais à revenir de plus en plus au vu des tensions géopolitiques sur le continent. D'ailleurs, les Forces aériennes suisses faisaient partie des forces aériennes les plus expérimentées dans ce domaine mais avaient arrêté ces manœuvres depuis 1991... jusqu'à l'exercice Alpha Uno en juin dernier, où des F-18C Hornet ont atterrit sur l'autoroute A1 et sa base aérienne provisoire.

Au niveau pratique, les Forces armées ukrainiennes utilisent aussi leurs avions de combat depuis des bases similaires mais, preuve du secret militaire, les informations sont extrêmement rares, quelques images ou vidéos permettant seulement de confirmer que ces bases existent. Les F-16AM Fighting Falcon livrés sont peut-être même utilisés depuis ces bases (tout dépend si la logistique de la base temporaire est équipée pour recevoir les F-16AM).

Par ailleurs, la présence allemande montre aussi un intérêt renouvelé dans cette opération ; le nombre élevé d'aéroport et aérodromes en Allemagne et la fin du Pacte de Varsovie avaient également diminué l'intérêt de ces entrainements. Cependant, comme expliqué dans le communiqué de la Bundeswehr sur la participation allemande, la Luftwaffe cherche à réacquérir ces acquis, pas spécifiquement pour protéger l'Allemagne mais bel et bien en cas de guerre avec un pays de l’OTAN utilisant ce genre de base aérienne d'urgence, permettant d’envisager un renfort efficace d’avions de combat Eurofighter allemands depuis ces bases ;

"[...]cette capacité gagne en importance pour la Luftwaffe. Dans le cadre de l'Alliance atlantique, il est nécessaire de s'adapter aux conditions de vie des pays partenaires. éEtant donné que la Finlande, par exemple, utilise des aires d'atterrissage d'urgence, les avions de chasse allemands devraient également pouvoir y atterrir en cas d'affectation avec les Alliés."

Enfin, la partie la plus compliquée de cette manœuvre est la création en tant que telle de la base aérienne temporaire ; très rapidement, des marquages doivent placés aux bons endroits pour les pilotes, les services de secours aéroportuaires doivent être présents, la logistique (pièces de rechange, kérosène, munitions,...) doit pouvoir atteindre les différentes bases temporaires activées, la présence d'un contrôleur tactique ou d'une tour de contrôle mobile, sans compter sur la sécurisation terrestre, la présence de moyens antiaériens, etc. En revanche, en cas de guerre, ces bases peuvent rapidement se remettre en mouvement vers une autre portion d'autoroute ; la mobilité de ces bases représente un véritable avantage d'un point de vue sécuritaire.

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27/09/2024 11:21
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F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise

En Finlande, le cursus d’un pilote militaire comprend obligatoirement des atterrissages et décollages depuis une base aérienne temporaire, située sur une portion d’autoroute. Chaque année, l’exercice BAANA permet d’entrainer ces pilotes et ré-entrainer les pilotes déjà aguerris. Cette année, l’exercice a aussi vu le déploiement d’appareils américains et allemands. Suite aux tensions avec la Russie, ces manœuvres disparues depuis la fin de la guerre froide réapparaissent de plus en plus en Europe.

F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise
F-18 Hornet finlandais, F-35A américains, Eurofighter allemands et bien d'autres se sont entrainés depuis une autoroute finlandaise

Entrainement sur routes

Du 31 août au 6 septembre, la Force aérienne finlandaise (Ilmavoimat) a organisé un exercice de dispersion pour une partie de ses appareils mais aussi en invitant des Forces aériennes alliées. Le principe est simple ; lors d'une attaque, les quelques bases aériennes finlandaises seraient logiquement prises pour cible, l'attaquant cherchant à détruire ou du moins empêcher les avions de combat finlandais de décoller. Dès lors, les appareils doivent absolument quitter leurs bases aériennes afin de se rendre sur d'autres bases secondaires, aérodromes civils mais aussi des bases temporaires/bases d’urgence, établies sur des autoroutes ou tout axe routier capable d’accueillir des avions militaires. Consciente de cette nécessité, l'Ilmavoimat organise chaque année l'exercice BANAA (route en finlandais) ; l'exercice fait partie intégrante de la formation des nouveaux pilotes et permet aux pilotes déjà qualifiés de se ré-entrainer à cette manœuvre.

Baana 24

Afin de s'entrainer à cet exercice, les militaires finlandais du Lapland Air Wing, l'un des deux Wing d'avions de combat finlandais, ont organisé l'exercice annuel Baana 24, également dénommé Imminent Field au sein de l'OTAN. Deux pistes provisoires étaient actives et de fait, fermées au trafic routier ; les pistes de Rovaniemi (de 10 heure du matin à minuit) et d'Hosio (de 10 heure du matin à 10 heure du soir). Elles ont permis de faire atterrir et décoller des avions de combat F/A-18C (monoplaces) et F/A-18D (biplaces) Hornet, des avions d'entrainement Hawk (Mk 51/51A/66) et même un jet de transport, de patrouille maritime et de photographie aérienne Learjet 35A/S finlandais.

L'US Air Force était aussi présente avec un détachement d'avion de combat F-35A Lightning II en provenance de la base aérienne de Lakenheath (Suffolk, Royaume-Uni). Ce fut l'occasion pour les Lightning II américain d'opérer pour la toute première depuis une autoroute finlandaise. Au niveau européen, ce fut aussi la toute première fois qu'un F-35A de l'US Air Force était ravitaillé, moteurs tournant (hot pit refueling), depuis une autoroute sur le continent européen. Ce déploiement fut aussi l'occasion pour les personnels finlandais d'apercevoir leur futur appareil de combat dans leur environnement. En effet, à partir de 2026, pas moins de 64 F-35A seront livrés par Lockheed Martin à la Finlande afin de remplacer les F/A-18C/D Hornet, entrés en service à partir de 1995.

D'autres appareils étrangers étaient aussi au rendez-vous. Les images de l’exercice montrent ainsi un avion de transport tactique MC-130J Commando II des Forces Spéciales de l'US Air Force (AFSOC) opérer depuis Hosio. La Force aérienne allemande (Luftwaffe) avait aussi été invitée à participer, avec des avions de combat Eurofighter du Tactical Air Force Wing 71 "Richthofen".

Un avantage en guerre de haute intensité

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Forces armées finlandaise et suédoise ont grandement utilisé ces aéroports temporaires. Ce type d'exercice avait lieu à de nombreuses reprises en Europe durant la guerre froide, notamment dans le cadre des grands exercices OTAN sur les autoroutes allemandes par exemple. Mais depuis la fin de la guerre froide, ces exercices sont très rares et très limités... mais tendent désormais à revenir de plus en plus au vu des tensions géopolitiques sur le continent. D'ailleurs, les Forces aériennes suisses faisaient partie des forces aériennes les plus expérimentées dans ce domaine mais avaient arrêté ces manœuvres depuis 1991... jusqu'à l'exercice Alpha Uno en juin dernier, où des F-18C Hornet ont atterrit sur l'autoroute A1 et sa base aérienne provisoire.

Au niveau pratique, les Forces armées ukrainiennes utilisent aussi leurs avions de combat depuis des bases similaires mais, preuve du secret militaire, les informations sont extrêmement rares, quelques images ou vidéos permettant seulement de confirmer que ces bases existent. Les F-16AM Fighting Falcon livrés sont peut-être même utilisés depuis ces bases (tout dépend si la logistique de la base temporaire est équipée pour recevoir les F-16AM).

Par ailleurs, la présence allemande montre aussi un intérêt renouvelé dans cette opération ; le nombre élevé d'aéroport et aérodromes en Allemagne et la fin du Pacte de Varsovie avaient également diminué l'intérêt de ces entrainements. Cependant, comme expliqué dans le communiqué de la Bundeswehr sur la participation allemande, la Luftwaffe cherche à réacquérir ces acquis, pas spécifiquement pour protéger l'Allemagne mais bel et bien en cas de guerre avec un pays de l’OTAN utilisant ce genre de base aérienne d'urgence, permettant d’envisager un renfort efficace d’avions de combat Eurofighter allemands depuis ces bases ;

"[...]cette capacité gagne en importance pour la Luftwaffe. Dans le cadre de l'Alliance atlantique, il est nécessaire de s'adapter aux conditions de vie des pays partenaires. éEtant donné que la Finlande, par exemple, utilise des aires d'atterrissage d'urgence, les avions de chasse allemands devraient également pouvoir y atterrir en cas d'affectation avec les Alliés."

Enfin, la partie la plus compliquée de cette manœuvre est la création en tant que telle de la base aérienne temporaire ; très rapidement, des marquages doivent placés aux bons endroits pour les pilotes, les services de secours aéroportuaires doivent être présents, la logistique (pièces de rechange, kérosène, munitions,...) doit pouvoir atteindre les différentes bases temporaires activées, la présence d'un contrôleur tactique ou d'une tour de contrôle mobile, sans compter sur la sécurisation terrestre, la présence de moyens antiaériens, etc. En revanche, en cas de guerre, ces bases peuvent rapidement se remettre en mouvement vers une autre portion d'autoroute ; la mobilité de ces bases représente un véritable avantage d'un point de vue sécuritaire.



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